[201] (201a) Ναί, φάναι. Ἐπὶ δὴ τούτοις
ἀναμνήσθητι τίνων ἔφησθα ἐν τῷ λόγῳ εἶναι τὸν Ἔρωτα· εἰ δὲ βούλει, ἐγώ σε
ἀναμνήσω. οἶμαι γάρ σε οὑτωσί πως εἰπεῖν, ὅτι τοῖς θεοῖς κατεσκευάσθη τὰ
πράγματα δι᾽ ἔρωτα καλῶν· αἰσχρῶν γὰρ οὐκ εἴη ἔρως. οὐχ οὑτωσί πως ἔλεγες;
Εἶπον γάρ, φάναι τὸν Ἀγάθωνα. Καὶ ἐπιεικῶς γε λέγεις, ὦ ἑταῖρε, φάναι τὸν
Σωκράτη· καὶ εἰ τοῦτο οὕτως ἔχει, ἄλλο τι ὁ Ἔρως κάλλους ἂν εἴη ἔρως, αἴσχους
δὲ οὔ; Ὡμολόγει. (201b) Οὐκοῦν ὡμολόγηται, οὗ ἐνδεής ἐστι καὶ μὴ ἔχει, τούτου
ἐρᾷν; Ναί, εἰπεῖν. Ἐνδεὴς ἄρ᾽ ἐστὶ καὶ οὐκ ἔχει ὁ Ἔρως κάλλος. Ἀνάγκη, φάναι. Τί
δέ; τὸ ἐνδεὲς κάλλους καὶ μηδαμῇ κεκτημένον κάλλος ἆρα λέγεις σὺ καλὸν εἶναι;
Οὐ δῆτα. Ἔτι οὖν ὁμολογεῖς Ἔρωτα καλὸν εἶναι, εἰ ταῦτα οὕτως ἔχει; καὶ τὸν
Ἀγάθωνα εἰπεῖν. Κινδυνεύω, ὦ Σώκρατες, οὐδὲν εἰδέναι ὧν τότε εἶπον. (201c) Καὶ
μὴν καλῶς γε εἶπες, φάναι, ὦ Ἀγάθων. ἀλλὰ σμικρὸν ἔτι εἰπέ· τἀγαθὰ οὐ καὶ
καλὰ δοκεῖ σοι εἶναι; Ἔμοιγε. Εἰ ἄρα ὁ Ἔρως τῶν καλῶν ἐνδεής ἐστι, τὰ δὲ ἀγαθὰ
καλά, κἂν τῶν ἀγαθῶν ἐνδεὴς εἴη. Ἐγώ, φάναι, ὦ Σώκρατες, σοὶ οὐκ ἂν
δυναίμην ἀντιλέγειν, ἀλλ᾽ οὕτως ἐχέτω ὡς σὺ λέγεις. Οὐ μὲν οὖν τῇ ἀληθείᾳ,
φάναι, ὦ φιλούμενε Ἀγάθων, δύνασαι ἀντιλέγειν, ἐπεὶ Σωκράτει γε οὐδὲν χαλεπόν.
XXII. (201d) Καὶ σὲ μέν γε ἤδη ἐάσω· τὸν δὲ λόγον τὸν περὶ τοῦ Ἔρωτος, ὅν ποτ᾽
ἤκουσα γυναικὸς Μαντινικῆς Διοτίμας, ἣ ταῦτά τε σοφὴ ἦν καὶ ἄλλα πολλά, καὶ
Ἀθηναίοις ποτὲ θυσαμένοις πρὸ τοῦ λοιμοῦ δέκα ἔτη ἀναβολὴν ἐποίησε τῆς
νόσου, ἣ δὴ καὶ ἐμὲ τὰ ἐρωτικὰ ἐδίδαξεν,— ὃν οὖν ἐκείνη ἔλεγε λόγον,
πειράσομαι ὑμῖν διελθεῖν ἐκ τῶν ὡμολογημένων ἐμοὶ καὶ Ἀγάθωνι, αὐτὸς ἀπ᾽
ἐμαυτοῦ, ὅπως ἂν δύνωμαι. δεῖ δή, ὦ Ἀγάθων, ὥσπερ σὺ διηγήσω, διελθεῖν (201e)
αὐτὸν πρῶτον, τίς ἐστιν ὁ Ἔρως καὶ ποῖός τις, ἔπειτα τὰ ἔργα αὐτοῦ. δοκεῖ οὖν
μοι ῥᾷστον εἶναι οὕτω διελθεῖν, ὥς ποτέ με ἡ ξένη ἀνακρίνουσα διῄει. σχεδὸν
γάρ τι καὶ ἐγὼ πρὸς αὐτὴν ἕτερα τοιαῦτα ἔλεγον οἷάπερ νῦν πρὸς ἐμὲ Ἀγάθων,
ὡς εἴη ὁ Ἔρως μέγας θεός, εἴη δὲ τῶν καλῶν· ἤλεγχε δή με τούτοις τοῖς λόγοις
οἷσπερ ἐγὼ τοῦτον, ὡς οὔτε καλὸς εἴη κατὰ τὸν ἐμὸν λόγον οὔτε ἀγαθός. καὶ
ἐγώ, Πῶς λέγεις, ἔφην, ὦ Διοτίμα; αἰσχρὸς ἄρα ὁ Ἔρως ἐστὶ καὶ κακός; καὶ ἥ, Οὐκ
εὐφημήσεις; ἔφη· ἢ οἴει, ὅτι ἂν μὴ καλὸν ᾖ, ἀναγκαῖον αὐτὸ εἶναι αἰσχρόν;
| [201] — Si, dit Agathon.
— Outre cela, rappelle-toi de quoi tu as dit dans ton
discours que l'Amour est amour. Je vais te le rappeler,
si tu veux. Si je ne me trompe, tu as dit que l'ordre
s'était établi chez les dieux grâce à l'amour du beau, car il n'y a
pas d'amour du laid. N'est-ce pas à peu près ce que tu as dit?
— En effet, dit Agathon.
— Et avec raison, camarade, reprit Socrate; et s'il en est ainsi,
l'Amour n'est-il pas l'amour de la beauté, et non de la laideur?»
Il en convint.
«N'avons-nous pas reconnu qu'il aime ce dont il manque,
et qu'il n'a pas?
— Si, dit-il.
— L'Amour manque donc de beauté, et n'en possède pas.
— C'est forcé, dit-il.
— Mais quoi? Ce qui manque de beauté et n'en possède en
aucune manière, peux-tu prétendre qu'il est beau?
— Non certes.
— Maintiens-tu, s'il en est ainsi, que l'Amour est beau?
— Je crains bien, Socrate, répondit Agathon, d'avoir parlé
sans savoir ce que je disais.
— Et pourtant, continua Socrate, tu as fait un discours
magnifique, Agathon. Mais réponds-moi encore
un peu. Ne penses-tu pas que les bonnes choses sont
belles en même temps?
— Je le pense.
— Eh bien, si l'Amour manque de beauté et si la beauté est
inséparable de la bonté, il manque aussi de bonté.
— Je ne saurais te résister, Socrate, dit Agathon ; il
faut que je cède à tes raisons.
— C'est à la vérité, cher Agathon, dit Socrate, que tu
ne peux résister; car à Socrate, ce n'est pas difficile.
— Mais je te laisse, toi, pour vous réciter le discours sur
l'Amour que j'ai entendu jadis de la bouche d'une femme de
Mantinée, Diotime, laquelle était savante en ces matières et en
bien d'autres. C'est elle qui jadis avant la peste fit faire aux
Athéniens les sacrifices qui suspendirent le fléau pendant dix
ans; c'est elle qui m'a instruit sur l'amour, et ce sont ses
paroles que je vais essayer de vous rapporter, en partant
des principes dont nous sommes convenus, Agathon et
moi; je le ferai, comme je pourrai, sans le secours d'un
interlocuteur. Il faut que j'explique, comme tu l'as
fait toi-même, Agathon, d'abord la nature et les attributs
de l'Amour, ensuite ses effets. Le plus facile est, je
crois, de vous rapporter l'entretien dans l'ordre où
l'étrangère l'a conduit en me posant des questions. Moi
aussi, je lui disais à peu près les mêmes choses qu'Agathon
vient de me dire, que l'Amour était un grand dieu
et qu'il était l'amour du beau; elle me démontra alors,
par les mêmes raisons que je l'ai fait à Agathon, que
l'Amour n'est ni beau, comme je le croyais, ni bon.
"Que dis-tu, Diotime ? répliquai-je; alors l'Amour
est laid et mauvais?
— Parle mieux; penses-tu que ce qui n'est pas beau
soit nécessairement laid?
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