[472] οὗτος δὲ ὁ ἔλεγχος οὐδενὸς ἄξιός ἐστιν πρὸς τὴν (472a) ἀλήθειαν·
ἐνίοτε γὰρ ἂν καὶ καταψευδομαρτυρηθείη τις ὑπὸ πολλῶν καὶ δοκούντων εἶναί τι.
καὶ νῦν περὶ ὧν σὺ λέγεις ὀλίγου σοι πάντες συμφήσουσιν ταὐτὰ Ἀθηναῖοι καὶ οἱ ξένοι,
ἐὰν βούλῃ κατ' ἐμοῦ μάρτυρας παρασχέσθαι ὡς οὐκ ἀληθῆ λέγω· μαρτυρήσουσί σοι,
ἐὰν μὲν βούλῃ, Νικίας ὁ Νικηράτου καὶ οἱ ἀδελφοὶ μετ' αὐτοῦ, ὧν οἱ τρίποδες οἱ
ἐφεξῆς ἑστῶτές εἰσιν ἐν τῷ Διονυσίῳ, ἐὰν δὲ βούλῃ, Ἀριστοκράτης (472b) ὁ
Σκελλίου, οὗ αὖ ἐστιν ἐν Πυθίου τοῦτο τὸ καλὸν ἀνάθημα, ἐὰν δὲ βούλῃ, ἡ
Περικλέους ὅλη οἰκία ἢ ἄλλη συγγένεια ἥντινα ἂν βούλῃ τῶν ἐνθάδε
ἐκλέξασθαι. ἀλλ' ἐγώ σοι εἷς ὢν οὐχ ὁμολογῶ· οὐ γάρ με σὺ ἀναγκάζεις, ἀλλὰ
ψευδομάρτυρας πολλοὺς κατ' ἐμοῦ παρασχόμενος ἐπιχειρεῖς ἐκβάλλειν με ἐκ
τῆς οὐσίας καὶ τοῦ ἀληθοῦς. ἐγὼ δὲ ἂν μὴ σὲ αὐτὸν ἕνα ὄντα μάρτυρα
παράσχωμαι ὁμολογοῦντα περὶ ὧν λέγω, οὐδὲν οἶμαι ἄξιον λόγου μοι
πεπεράνθαι περὶ ὧν ἂν (472c) ἡμῖν ὁ λόγος ᾖ· οἶμαι δὲ οὐδὲ σοί, ἐὰν μὴ ἐγώ σοι
μαρτυρῶ εἷς ὢν μόνος, τοὺς δ' ἄλλους πάντας τούτους χαίρειν ἐᾷς. ἔστιν μὲν οὖν
οὗτός τις τρόπος ἐλέγχου, ὡς σύ τε οἴει καὶ ἄλλοι πολλοί· ἔστιν δὲ καὶ ἄλλος, ὃν
ἐγὼ αὖ οἶμαι. παραβαλόντες οὖν παρ' ἀλλήλους σκεψώμεθα εἴ τι διοίσουσιν
ἀλλήλων. καὶ γὰρ καὶ τυγχάνει περὶ ὧν ἀμφισβητοῦμεν οὐ πάνυ σμικρὰ ὄντα,
ἀλλὰ σχεδόν τι ταῦτα περὶ ὧν εἰδέναι τε κάλλιστον μὴ εἰδέναι τε αἴσχιστον· τὸ
γὰρ κεφάλαιον αὐτῶν ἐστιν ἢ γιγνώσκειν ἢ ἀγνοεῖν ὅστις τε εὐδαίμων ἐστὶν καὶ
(472d) ὅστις μή. αὐτίκα πρῶτον, περὶ οὗ νῦν ὁ λόγος ἐστίν, σὺ ἡγῇ οἷόν τε εἶναι
μακάριον ἄνδρα ἀδικοῦντά τε καὶ ἄδικον ὄντα, εἴπερ Ἀρχέλαον ἄδικον μὲν ἡγῇ
εἶναι, εὐδαίμονα δέ. ἄλλο τι ὡς οὕτω σου νομίζοντος διανοώμεθα;
(Πῶλος) πάνυ γε.
(Σωκράτης)
ἐγὼ δέ φημι ἀδύνατον. ἓν μὲν τουτὶ ἀμφισβητοῦμεν. εἶεν· ἀδικῶν δὲ δὴ εὐδαίμων
ἔσται ἆρ', ἂν τυγχάνῃ δίκης τε καὶ τιμωρίας;
(Πῶλος) ἥκιστά γε, ἐπεὶ οὕτω γ' ἂν ἀθλιώτατος εἴη.
(472e) (Σωκράτης)
ἀλλ' ἐὰν ἄρα μὴ τυγχάνῃ δίκης ὁ ἀδικῶν, κατὰ τὸν σὸν λόγον εὐδαίμων ἔσται;
(Πῶλος) φημί.
(Σωκράτης)
κατὰ δέ γε τὴν ἐμὴν δόξαν, ὦ Πῶλε, ὁ ἀδικῶν τε καὶ ὁ ἄδικος πάντως μὲν ἄθλιος,
ἀθλιώτερος μέντοι ἐὰν μὴ διδῷ δίκην μηδὲ τυγχάνῃ τιμωρίας ἀδικῶν, ἧττον δὲ
ἄθλιος ἐὰν διδῷ δίκην καὶ τυγχάνῃ δίκης ὑπὸ θεῶν τε καὶ ἀνθρώπων.
| [472] Mais cette sorte de réfutation ne sert de rien pour
découvrir la vérité. Car quelque-fois un accusé peut être
condamné sur le faux témoignage d'un grand nombre de
personnes qui paraissent dignes de foi. Et, dans le cas présent,
presque tous les Athéniens et les étrangers seront de ton avis
sur les choses dont tu parles; et si tu veux produire
contre moi des témoignages pour me prouver que la
vérité n'est pas de mon côté, tu auras, quand il te
plaira, pour témoins Nicias, fils de Nicérate, et ses
frères, qui ont donné ces trépieds' qu' on voit rangés dans
le temple de Bacchus; tu as encore, si tu veux, Aristocrate,
fils de Scellios, de qui est cette belle offrande
dans le temple d'Apollon Pythien; tu auras aussi toute
la famille de Périclès, et telle autre famille d'Athènes
qu'il te plaira de choisir. Mais je suis, quoique seul,
d'un autre avis; car tu ne dis rien qui m'oblige de
changer de sentiment; mais produisant contre moi une
foule de faux témoins, tu entreprends de me déposséder
de mon bien et de la vérité.
Pour moi, tant que je ne parviendrai pas à obtenir
ton seul et unique témoignage à l'appui de ce que je
dis, je croirai n'avoir rien fait qui vaille sur le sujet
de notre dispute, et je pense qu'il en est de même de
ton côté : que, tant que tu n'as pas pour toi mon seul
et unique témoignage, tu te soucies fort peu de tous
les autres. Or, il y a cette première espèce de preuve,
comme tu le vois avec la plupart des hommes ; mais il
y en a encore une autre espèce, comme je le pense de
mon côté. Comparons-les donc attentivement toutes
deux, et voyons en quoi elles différent l'une de l'autre.
Car le sujet sur lequel nous ne sommes pas d'accord,
n'est certainement pas d'une médiocre importance ; au
contraire, il n'y en a peut-être point qu'il soit plus beau
de connaître, et plus honteux de ne pas connaître, parce
que le point capital où il aboutit est de savoir ou d'ignorer
qui est heureux ou malheureux. Et tout d'abord,
par exemple, dans ce qui fait notre dispute, tu prétends
qu'il est possible qu'on soit heureux étant injuste
et au milieu même de l'injustice, puisque tu crois
qu'Archélaüs, quoique injuste, n'en est pas moins heureux.
N'est-ce pas là l'idée que nous devons prendre
de ta manière de penser? — POLUS. Tout à fait.
XXVIII. — SOCRATE. Et moi, je soutiens que la
chose est impossible. Voilà un premier point sur lequel
nous ne nous accordons pas. Soit. Mais le coupable
sera-t-il heureux, si on lui fait justice, et s'il est puni?
— POLUS. Point du tout; au contraire, s'il était dans ce
cas, il serait très malheureux. — SOCRATE. Si le coupable
échappe à la punition qu'il mérite, il sera donc
heureux à ton compte? — POLUS. Assurément. — SOCRATE.
Et moi, je pense, Polus, que l'homme injuste et
criminel est malheureux de toute manière; mais qu'il
l'est encore davantage, s'il ne subit aucun châtiment,
et si ses crimes demeurent impunis ; et qu'il est moins
malheureux s'il reçoit de la part des hommes et des
dieux la juste punition de ses forfaits.
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