[473] (473a) (Πῶλος) ἄτοπά γε, ὦ Σώκρατες, ἐπιχειρεῖς λέγειν.
(Σωκράτης)
πειράσομαι δέ γε καὶ σὲ ποιῆσαι, ὦ ἑταῖρε, ταὐτὰ ἐμοὶ λέγειν· φίλον γάρ σε
ἡγοῦμαι. νῦν μὲν οὖν ἃ διαφερόμεθα ταῦτ' ἐστιν· σκόπει δὲ καὶ σύ. εἶπον ἐγώ
που ἐν τοῖς ἔμπροσθεν τὸ ἀδικεῖν τοῦ ἀδικεῖσθαι κάκιον εἶναι.
(Πῶλος) πάνυ γε.
(Σωκράτης) σὺ δὲ τὸ ἀδικεῖσθαι.
(Πῶλος) ναί.
(Σωκράτης)
καὶ τοὺς ἀδικοῦντας ἀθλίους ἔφην εἶναι ἐγώ, καὶ ἐξηλέγχθην ὑπὸ σοῦ.
(Πῶλος) ναὶ μὰ Δία.
(473b) (Σωκράτης) ὡς σύ γε οἴει, ὦ Πῶλε.
(Πῶλος) ἀληθῆ γε οἰόμενος.
(Σωκράτης)
ἴσως. σὺ δέ γε εὐδαίμονας αὖ τοὺς ἀδικοῦντας, ἐὰν μὴ διδῶσι δίκην.
(Πῶλος) πάνυ μὲν οὖν.
(Σωκράτης)
ἐγὼ δέ γε αὐτοὺς ἀθλιωτάτους φημί, τοὺς δὲ διδόντας δίκην ἧττον. βούλει καὶ
τοῦτο ἐλέγχειν;
(Πῶλος)
ἀλλ' ἔτι τοῦτ' ἐκείνου χαλεπώτερόν ἐστιν, ὦ Σώκρατες, ἐξελέγξαι.
(Σωκράτης)
οὐ δῆτα, ὦ Πῶλε, ἀλλ' ἀδύνατον· τὸ γὰρ ἀληθὲς οὐδέποτε ἐλέγχεται.
(Πῶλος)
πῶς λέγεις; ἐὰν ἀδικῶν ἄνθρωπος ληφθῇ τυραννίδι (473c) ἐπιβουλεύων, καὶ
ληφθεὶς στρεβλῶται καὶ ἐκτέμνηται καὶ τοὺς ὀφθαλμοὺς ἐκκάηται, καὶ ἄλλας
πολλὰς καὶ μεγάλας καὶ παντοδαπὰς λώβας αὐτός τε λωβηθεὶς καὶ τοὺς αὑτοῦ
ἐπιδὼν παῖδάς τε καὶ γυναῖκα τὸ ἔσχατον ἀνασταυρωθῇ ἢ καταπιττωθῇ, οὗτος
εὐδαιμονέστερος ἔσται ἢ ἐὰν διαφυγὼν τύραννος καταστῇ καὶ ἄρχων ἐν τῇ πόλει
διαβιῷ ποιῶν ὅτι ἂν βούληται, ζηλωτὸς ὢν καὶ εὐδαιμονιζόμενος ὑπὸ τῶν (473d)
πολιτῶν καὶ τῶν ἄλλων ξένων; ταῦτα λέγεις ἀδύνατον εἶναι ἐξελέγχειν;
(Σωκράτης)
μορμολύττῃ αὖ, ὦ γενναῖε Πῶλε, καὶ οὐκ ἐλέγχεις· ἄρτι δὲ ἐμαρτύρου. ὅμως δὲ
ὑπόμνησόν με σμικρόν. ἐὰν ἀδίκως ἐπιβουλεύων τυραννίδι, εἶπες;
(Πῶλος) ἔγωγε.
(Σωκράτης)
εὐδαιμονέστερος μὲν τοίνυν οὐδέποτε ἔσται οὐδέτερος αὐτῶν, οὔτε ὁ
κατειργασμένος τὴν τυραννίδα ἀδίκως οὔτε ὁ διδοὺς δίκην — δυοῖν γὰρ ἀθλίοιν
εὐδαιμονέστερος μὲν (473e) οὐκ ἂν εἴη — ἀθλιώτερος μέντοι ὁ διαφεύγων καὶ
τυραννεύσας. τί τοῦτο, ὦ Πῶλε; γελᾷς; ἄλλο αὖ τοῦτο εἶδος ἐλέγχου ἐστίν,
ἐπειδάν τίς τι εἴπῃ, καταγελᾶν, ἐλέγχειν δὲ μή;
(Πῶλος)
οὐκ οἴει ἐξεληλέγχθαι, ὦ Σώκρατες, ὅταν τοιαῦτα λέγῃς ἃ οὐδεὶς ἂν φήσειεν
ἀνθρώπων; ἐπεὶ ἐροῦ τινα τουτωνί.
(Σωκράτης)
ὦ Πῶλε, οὐκ εἰμὶ τῶν πολιτικῶν, καὶ πέρυσι βουλεύειν λαχών, ἐπειδὴ ἡ φυλὴ
ἐπρυτάνευε καὶ ἔδει με ἐπιψηφίζειν,
| [473] POLUS. Tu avances là d'étranges paradoxes, Socrate.
— SOCRATE. Je vais essayer, mon cher, de te faire dire les
mêmes choses que moi : car je te tiens pour mon ami. Voilà
donc les objets sur lesquels nous sommes en dissentiment.
Juges-en toi-même. J'ai dit plus haut que commettre
une injustice est un plus grand mal que de la
souffrir. — POLUS. Cela est vrai. — SOCRATE. Et toi,
que c'est un plus grand mal de la souffrir. — POLUS.
Oui. — SOCRATE. J'ai avancé que ceux qui agissent injustement
sont malheureux, et tu m'as réfuté là-dessus.
POLUS. Oui, par Zeus! — SOCRATE. A ce que tu
crois, Polus. — POLUS. Et probablement j'ai raison de
le croire. — SOCRATE. De ton côté, tu tiens les méchants
pour heureux, lorsqu'ils ne portent pas la peine de leur
injustice. — POLUS. Sans contredit. — SOCRATE. Et moi,
je dis qu'ils sont très malheureux, et que ceux qui subissent
le châtiment qu'ils méritent le sont moins.
Veux-tu aussi réfuter cela? — POLUS. Cette assertion
est encore plus difficile à réfuter que la précédente,
Socrate. — SOCRATE. Point du tout, Polus : mais c'est
une entreprise impossible; car le vrai ne se réfute
jamais. — POLUS. Comment dis-tu? Un homme que l'on
surprend dans quelque forfait, comme celui d'aspirer
à la tyrannie, qu'on met ensuite à la torture, qu'on déchire,
à qui on brûle les yeux, qui, après avoir souffert
dans sa personne des tourments sans mesure, sans
nombre et de toute espèce, et en avoir vu souffri autant
à ses enfants et à sa femme, est enfin mis en croix,
ou enduit de poix et brûlé vif, cet homme sera plus
heureux que si, échappant à ces supplices, il devenait
tyran, s'il passait toute sa vie, maître dans sa ville,
faisant ce qui lui plaît, étant un objet d'envie pour ses
concitoyens, et pour les étrangers, et regardé comme
heureux par tout le monde? Et tu prétends qu'il est
impossible de réfuter de pareilles absurdités?
XXIX. — SOCRATE. Tu cherches à m'épouvanter
par de grands mots, brave Polus ; mais tu ne me réfutes
point; et tout à l'heure tu appelais les témoins à ton
secours. Quoiqu'il en soit, rappelle-moi une petite
chose : as-tu supposé que cet homme aspirât injustement
à la tyrannie? — POLUS. Oui. — SOCRATE. Cela
étant, l'un ne sera pas plus heureux que l'autre, ni celui
qui a réussi à s'emparer injustement de la tyrannie,
ni celui qui a été puni; car il ne saurait se faire que
de deux malheureux, l'un soit plus heureux que l'autre.
Mais le plus malheureux des deux est celui qui a
échappé et s'est mis en possession de la tyrannie.
Pourquoi ris-tu, Polus? C'est sans doute encore une
nouvelle manière de réfuter, que de rire au nez d'un
homme, sans alléguer aucune raison contre ce qu'il
avance. — POLUS. Ne crois-tu pas être réfuté suffisamment,
Socrate, en avançant ainsi des choses qu'aucun
homme ne soutiendra jamais ? Interroge plutôt qui tu
voudras des assistants. — SOCRATE. Je ne suis point du
nombre des politiques, Polus; et, l'an passé, le sort
m'ayant fait sénateur, lorsque ma tribu présida à son tour aux
assemblées du peuple, et qu'il me fallut recueillir les suffrages,
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