[492] (492a) ταύταις δὲ ὡς μεγίσταις οὔσαις ἱκανὸν εἶναι ὑπηρετεῖν δι' ἀνδρείαν
καὶ φρόνησιν, καὶ ἀποπιμπλάναι ὧν ἂν ἀεὶ ἡ ἐπιθυμία γίγνηται.
ἀλλὰ τοῦτ' οἶμαι τοῖς πολλοῖς οὐ δυνατόν·
ὅθεν ψέγουσιν τοὺς τοιούτους δι' αἰσχύνην, ἀποκρυπτόμενοι τὴν αὑτῶν ἀδυναμίαν,
καὶ αἰσχρὸν δή φασιν εἶναι τὴν ἀκολασίαν, ὅπερ ἐν τοῖς πρόσθεν ἐγὼ ἔλεγον,
δουλούμενοι τοὺς βελτίους τὴν φύσιν ἀνθρώπους, καὶ αὐτοὶ οὐ δυνάμενοι
ἐκπορίζεσθαι ταῖς ἡδοναῖς πλήρωσιν ἐπαινοῦσιν τὴν σωφροσύνην (492b) καὶ τὴν
δικαιοσύνην διὰ τὴν αὑτῶν ἀνανδρίαν. ἐπεὶ ὅσοις ἐξ ἀρχῆς ὑπῆρξεν ἢ βασιλέων
ὑέσιν εἶναι ἢ αὐτοὺς τῇ φύσει ἱκανοὺς ἐκπορίσασθαι ἀρχήν τινα ἢ τυραννίδα ἢ
δυναστείαν, <τί ἂν> τῇ ἀληθείᾳ αἴσχιον καὶ κάκιον εἴη σωφροσύνης καὶ
δικαιοσύνης τούτοις τοῖς ἀνθρώποις, οἷς ἐξὸν ἀπολαύειν τῶν ἀγαθῶν καὶ
μηδενὸς ἐμποδὼν ὄντος, αὐτοὶ ἑαυτοῖς δεσπότην ἐπαγάγοιντο τὸν τῶν πολλῶν
ἀνθρώπων νόμον τε καὶ λόγον καὶ ψόγον; ἢ πῶς οὐκ ἂν ἄθλιοι γεγονότες (492c)
εἶεν ὑπὸ τοῦ καλοῦ τοῦ τῆς δικαιοσύνης καὶ τῆς σωφροσύνης, μηδὲν πλέον
νέμοντες τοῖς φίλοις τοῖς αὑτῶν ἢ τοῖς ἐχθροῖς, καὶ ταῦτα ἄρχοντες ἐν τῇ ἑαυτῶν
πόλει; ἀλλὰ τῇ ἀληθείᾳ, ὦ Σώκρατες, ἣν φῂς σὺ διώκειν, ὧδ' ἔχει· τρυφὴ καὶ
ἀκολασία καὶ ἐλευθερία, ἐὰν ἐπικουρίαν ἔχῃ, τοῦτ' ἐστὶν ἀρετή τε καὶ
εὐδαιμονία, τὰ δὲ ἄλλα ταῦτ' ἐστὶν τὰ καλλωπίσματα, τὰ παρὰ φύσιν
συνθήματα ἀνθρώπων, φλυαρία καὶ οὐδενὸς ἄξια.
(492d) (Σωκράτης)
οὐκ ἀγεννῶς γε, ὦ Καλλίκλεις, ἐπεξέρχῃ τῷ λόγῳ παρρησιαζόμενος· σαφῶς γὰρ
σὺ νῦν λέγεις ἃ οἱ ἄλλοι διανοοῦνται μέν, λέγειν δὲ οὐκ ἐθέλουσιν. δέομαι οὖν
ἐγώ σου μηδενὶ τρόπῳ ἀνεῖναι, ἵνα τῷ ὄντι κατάδηλον γένηται πῶς βιωτέον. καί
μοι λέγε· τὰς μὲν ἐπιθυμίας φῂς οὐ κολαστέον, εἰ μέλλει τις οἷον δεῖ εἶναι, ἐῶντα
δὲ αὐτὰς ὡς μεγίστας πλήρωσιν αὐταῖς ἁμόθεν γέ ποθεν ἑτοιμάζειν, καὶ (492e)
τοῦτο εἶναι τὴν ἀρετήν;
(Καλλίκλης) φημὶ ταῦτα ἐγώ.
(Σωκράτης)
οὐκ ἄρα ὀρθῶς λέγονται οἱ μηδενὸς δεόμενοι εὐδαίμονες εἶναι.
(Καλλίκλης)
οἱ λίθοι γὰρ ἂν οὕτω γε καὶ οἱ νεκροὶ εὐδαιμονέστατοι εἶεν.
(Σωκράτης)
ἀλλὰ μὲν δὴ καὶ ὥς γε σὺ λέγεις δεινὸς ὁ βίος. οὐ γάρ τοι θαυμάζοιμ' ἂν εἰ
Εὐριπίδης ἀληθῆ ἐν τοῖσδε λέγει, λέγων —
τίς δ' οἶδεν, εἰ τὸ ζῆν μέν ἐστι κατθανεῖν,
τὸ κατθανεῖν δὲ ζῆν; - - -
| [492] Lorsqu'elles sont ainsi parvenues à leur plus grand développement,
il faut être en état de les satisfaire par son courage et son habileté,
et de remplir chaque désir à mesure qu'il nuit. Mais c'est ce
que la plupart des hommes ne sauraient faire, à ce que
je pense; aussi blâment-ils ceux qui ont de telles passions,
parce qu'ils sont honteux de ne pouvoir les satisfaire,
et cachent-ils leur impuissance en disant que
l'intempérance est une ignominie. Comme je l'ai dit
précédemment, ils réduisent à l'esclavage ceux qui sont
nés avec un naturel plis généreux; incapables de se
procurer ce qu'il faut pour rassasier leurs passions, ils
font l'éloge de la tempérance et de la justice; mais ce
n'est que lâcheté de leur part ; et dans le vrai, pour
tous ceux qui doivent à leur naissance d'être fils de roi,
ou qui ont su, à force de grandeur d'âme, se créer
quelque souveraineté comme une tyrannie, une royauté,
y aurait-il rien de plus honteux et de plus dommageable
que la tempérance, lorsque des hommes de ce caractère,
pouvant jouir de tous les biens de la vie, sans que
personne les en empêche, s'imposeraient eux-mêmes
pour maîtres, les lois, les discours et la censure du vulgaire?
Comment cette beauté prétendue de la justice et
de la tempérance ne les rendrait-elle pas malheureux,
puisqu'elle leur ôterait la liberté de donner plus à leurs
amis qu'à leurs ennemis ; et cela, tout souverains qu'ils
sont, même dans leur propre ville? Tel est l'état des
choses dans la vérité, Socrate, après laquelle tu cours,
comme tu le dis toi-même. La mollesse, l'intempérance,
la licence, lorsqu'il ne leur manque rien, voilà la vertu
et la félicité. Toutes ces autres belles idées, ces conventions
contraires à la nature, ne sont que des extravagances humaines
dont il ne faut pas tenir le moindre compte.
XLVII. — SOCEATE. Tu viens, Calliclés, d'exposer
ton sentiment avec beaucoup de courage et de liberté :
tu t'expliques nettement sur des choses que les autres
pensent, mais qu'ils n'osent pas dire. Je te conjure
donc de ne te relâcher en aucune manière, afin que
nous voyions clairement quel genre de vie il faut
embrasser. Et dis-moi ; tu soutiens que pour être tel
qu'on doit être, il ne faut point gourmander ses passions,
mais les laisser s'accroître le plus qu'il est possible,
et se ménager d'ailleurs de quoi les satisfaire, et qu'en
cela consiste la vertu?— CALLICLÈS. Oui, je le soutiens.
— SOCRATE. Cela posé, on a donc grand tort de dire
que ceux qui n'ont besoin de rien sont heureux —
CALLICLÈS. A ce compte, il n'y aurait rien de plus heureux
que les pierres et les cadavres. — SOCRATE. Mais
aussi ce serait une terrible vie, que celle dont tu parles. En vérité,
je ne serais pas surpris que ce que dit Euripide fût vrai :
"Qui sait si la vie n'est pas une mort et la mort une vie"?
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