[242] τοῦτο (242a) πείσεται· κἀγὼ τὸν ποταμὸν τοῦτον διαβὰς ἀπέρχομαι πρὶν
ὑπὸ σοῦ τι μεῖζον ἀναγκασθῆναι.
(Φαῖδρος)
μήπω γε, ὦ Σώκρατες, πρὶν ἂν τὸ καῦμα παρέλθῃ. ἢ οὐχ ὁρᾷς ὡς σχεδὸν ἤδη
μεσημβρία ἵσταται ἡ δὴ καλουμένη σταθερά; ἀλλὰ περιμείναντες καὶ ἅμα περὶ
τῶν εἰρημένων διαλεχθέντες, τάχα ἐπειδὰν ἀποψυχῇ ἴμεν.
(Σωκράτης)
θεῖός γ᾽ εἶ περὶ τοὺς λόγους, ὦ Φαῖδρε, καὶ ἀτεχνῶς θαυμάσιος. οἶμαι γὰρ ἐγὼ
τῶν ἐπὶ τοῦ σοῦ βίου γεγονότων (242b) λόγων μηδένα πλείους ἢ σὲ πεποιηκέναι
γεγενῆσθαι ἤτοι αὐτὸν λέγοντα ἢ ἄλλους ἑνί γέ τῳ τρόπῳ προσαναγκάζοντα —
Σιμμίαν Θηβαῖον ἐξαιρῶ λόγου· τῶν δὲ ἄλλων πάμπολυ κρατεῖς — καὶ νῦν αὖ
δοκεῖς αἴτιός μοι γεγενῆσθαι λόγῳ τινὶ ῥηθῆναι.
(Φαῖδρος) οὐ πόλεμόν γε ἀγγέλλεις. ἀλλὰ πῶς δὴ καὶ τίνι τούτῳ;
(Σωκράτης)
ἡνίκ᾽ ἔμελλον, ὠγαθέ, τὸν ποταμὸν διαβαίνειν, τὸ δαιμόνιόν τε καὶ τὸ εἰωθὸς
σημεῖόν μοι γίγνεσθαι ἐγένετο (242c) — ἀεὶ δέ με ἐπίσχει ὃ ἂν μέλλω πράττειν —
καί τινα φωνὴν ἔδοξα αὐτόθεν ἀκοῦσαι, ἥ με οὐκ ἐᾷ ἀπιέναι πρὶν ἂν
ἀφοσιώσωμαι, ὡς δή τι ἡμαρτηκότα εἰς τὸ θεῖον. εἰμὶ δὴ οὖν μάντις μέν, οὐ πάνυ
δὲ σπουδαῖος, ἀλλ᾽ ὥσπερ οἱ τὰ γράμματα φαῦλοι, ὅσον μὲν ἐμαυτῷ μόνον
ἱκανός· σαφῶς οὖν ἤδη μανθάνω τὸ ἁμάρτημα. ὡς δή τοι, ὦ ἑταῖρε, μαντικόν γέ
τι καὶ ἡ ψυχή· ἐμὲ γὰρ ἔθραξε μέν τι καὶ πάλαι λέγοντα τὸν λόγον, καί πως
ἐδυσωπούμην κατ᾽ Ἴβυκον, μή τι παρὰ θεοῖς
(242d) ἀμβλακὼν τιμὰν πρὸς ἀνθρώπων ἀμείψω·
νῦν δ᾽ ᾔσθημαι τὸ ἁμάρτημα.
(Φαῖδρος) λέγεις δὲ δὴ τί;
(Σωκράτης)
δεινόν, ὦ Φαῖδρε, δεινὸν λόγον αὐτός τε ἐκόμισας ἐμέ τε ἠνάγκασας εἰπεῖν.
(Φαῖδρος) πῶς δή;
(Σωκράτης) εὐήθη καὶ ὑπό τι ἀσεβῆ· οὗ τίς ἂν εἴη δεινότερος;
(Φαῖδρος) οὐδείς, εἴ γε σὺ ἀληθῆ λέγεις.
(Σωκράτης) τί οὖν; τὸν ἔρωτα οὐκ Ἀφροδίτης καὶ θεόν τινα ἡγῇ;
(Φαῖδρος) λέγεταί γε δή.
(Σωκράτης)
οὔ τι ὑπό γε Λυσίου, οὐδὲ ὑπὸ τοῦ σοῦ λόγου, ὃς (242e) διὰ τοῦ ἐμοῦ στόματος
καταφαρμακευθέντος ὑπὸ σοῦ ἐλέχθη. εἰ δ᾽ ἔστιν, ὥσπερ οὖν ἔστι, θεὸς ἤ τι
θεῖον ὁ Ἔρως, οὐδὲν ἂν κακὸν εἴη, τὼ δὲ λόγω τὼ νυνδὴ περὶ αὐτοῦ εἰπέτην ὡς
τοιούτου ὄντος· ταύτῃ τε οὖν ἡμαρτανέτην περὶ τὸν ἔρωτα, ἔτι τε ἡ εὐήθεια
αὐτοῖν πάνυ ἀστεία,
| [242] que ce sort soit le sien!
(242a) Quant à moi, je passe cette rivière et je m'en vais
avant que, par toi, pire contrainte ne me soit imposée!
— (PHÈDRE) : Ah! Socrate, pas encore! Pas avant que soit
passée la brûlante chaleur! Ne vois-tu pas que nous
sommes déjà presque à midi, à l'heure qui plombe,
comme on dit? Au contraire, attendons ici tout en nous
entretenant de ce qui s'est dit, et, sitôt qu'il fera plus
frais, alors nous partons! — (SOCRATE) : Ah! Phèdre, en
matière de discours tu es un être divin et, bel et bien,
prodigieux! M'est avis en effet: que, (b) des discours qui
ont vu le jour durant ton existence, il n'y a personne
pour avoir donné le jour à un plus grand nombre,
personne comme toi, soit que tu les aies prononcés
toi-même, soit que, en recourant à un procédé quelconque,
tu les aies fait prononcer par d'autres! Je mets
hors de question Simmias de Thèbes; quant aux autres,
tu l'emportes sur eux, et de beaucoup! Et à présent
encore, voilà, si je ne me trompe, que tu es cause que
j'aurai prononcé un discours ! — (PHÈDRE) : Au moins ce
n'est pas une guerre que tu nous annonces! Mais
comment donc en suis-je cause et qu'est-ce que ce discours?
DEUXIÈME PARTIE.
— (SOCRATE) : Au moment, mon bon, où je me disposais
à passer la rivière, ce signal divin, ce signal dont la
production m'est habituelle, justement s'est produit.
(c) Or il ne fait jamais que m'arrêter, quand il arrive
que je me dispose à agir; et j'ai cru entendre, venant de
là, une voix qui ne me permettait pas de m'en aller
avant de m'être acquitté d'une expiation, comme si envers
la Divinité j'avais commis quelque faute. En fait, tu
le vois, je suis devin, un devin sans doute qui n'a pas
grande valeur, mais à la façon des gens qui ne savent
pas bien lire et écrire, juste autant qu'il m'en faut, pour
moi seulement. En conséquence, déjà, je comprends
clairement l'existence de la faute, attendu qu'en vérité,
camarade, l'âme est bien aussi quelque chose de divinatoire :
effectivement, et depuis longtemps, quelque
chose m'a troublé pendant que je prononçais mon
discours, et j'étais comme décontenancé par la peur,
selon le mot d'Ibycos, que, (d) ayant failli auprès des
Dieux, je n'en dusse recevoir, en échange, de l'honneur devant
les hommes! Or, à présent, je me suis rendu compte de
ma faute... — (PHÈDRE) : Mais ne vas-tu donc pas me dire
quelle est cette faute? — (SOCRATE) : Terrible, Phèdre, oui,
terrible est ce discours, aussi bien celui que tu as apporté
avec toi que celui que tu m'as forcé de prononcer! —
(PHÈDRE) : Et en quoi donc? — (SOCRATE) : C'était un sot
discours et bien près d'être impie : se pourrait-il qu'il y en
eût de plus terrible? — (PHÈDRE) : Aucun, supposé au moins
que tu dises vrai! — (SOCRATE) : Mais quoi? ne tiens-tu pas
Amour pour le fils d'Aphrodite et pour un Dieu? —
(PHÈDRE) : C'est bien au moins ce qu'on dit. — (SOCRATE) :
En tout cas, ce n'est guère ce que dit le discours de
Lysias, ni non plus le tien : (e) celui que, ensorcelée par
toi, ma bouche a prononcé! Mais si Amour est, ainsi
qu'il est en fait, un Dieu, ou quelque chose de divin,
il ne saurait être une chose mauvaise. Or c'est en un tel
sens qu'en ont parlé les deux discours qui ont été prononcés
à son sujet. En cela donc ils ont, contre Amour,
commis tous deux une faute. En outre, la sottise de
tous deux est tout à fait délicieuse, en ce que,
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