[204] (204a) ἔχει γὰρ ὧδε. θεῶν
οὐδεὶς φιλοσοφεῖ οὐδ᾽ ἐπιθυμεῖ σοφὸς γενέσθαι· ἔστι γάρ· οὐδ᾽ εἴ τις ἄλλος
σοφός, οὐ φιλοσοφεῖ· οὐδ᾽ αὖ οἱ ἀμαθεῖς φιλοσοφοῦσιν οὐδ᾽ ἐπιθυμοῦσι σοφοὶ
γενέσθαι· αὐτὸ γὰρ τοῦτό ἐστι χαλεπὸν ἀμαθία, τὸ μὴ ὄντα καλὸν κἀγαθὸν μηδὲ
φρόνιμον δοκεῖν αὑτῷ εἶναι ἱκανόν· οὔκουν ἐπιθυμεῖ ὁ μὴ οἰόμενος ἐνδεὴς εἶναι
οὗ ἂν μὴ οἴηται ἐπιδεῖσθαι. Τίνες οὖν, ἔφην ἐγώ, ὦ Διοτίμα, οἱ φιλοσοφοῦντες, εἰ
μήτε οἱ σοφοὶ μήτε οἱ ἀμαθεῖς; (204b) Δῆλον δή, ἔφη, τοῦτό γε ἤδη καὶ παιδί, ὅτι οἱ
μεταξὺ τούτων ἀμφοτέρων, ὧν αὖ καὶ ὁ Ἔρως. ἔστι γὰρ δὴ τῶν καλλίστων ἡ
σοφία, Ἔρως δ᾽ ἐστὶν ἔρως περὶ τὸ καλόν, ὥστε ἀναγκαῖον Ἔρωτα φιλόσοφον
εἶναι, φιλόσοφον δὲ ὄντα μεταξὺ εἶναι σοφοῦ καὶ ἀμαθοῦς. αἰτία δὲ αὐτῷ καὶ
τούτων ἡ γένεσις· πατρὸς μὲν γὰρ σοφοῦ ἐστί καὶ εὐπόρου, μητρὸς δὲ οὐ σοφῆς
καὶ ἀπόρου· ἡ μὲν οὖν φύσις τοῦ δαίμονος, ὦ φίλε Σώκρατες, αὕτη· ὃν δὲ σὺ
ᾠήθης Ἔρωτα (204c) εἶναι, θαυμαστὸν οὐδὲν ἔπαθες. ᾠήθης δέ, ὡς ἐμοὶ δοκεῖ
τεκμαιρομένῃ ἐξ ὧν σὺ λέγεις, τὸ ἐρώμενον Ἔρωτα εἶναι, οὐ τὸ ἐρῶν· διὰ ταῦτά
σοι οἶμαι πάγκαλος ἐφαίνετο ὁ Ἔρως. καὶ γὰρ ἔστι τὸ ἐραστὸν τὸ τῷ ὄντι καλὸν
καὶ ἁβρὸν καὶ τέλεον καὶ μακαριστόν· τὸ δέ γε ἐρῶν ἄλλην ἰδέαν τοιαύτην ἔχον,
οἵαν ἐγὼ διῆλθον.
XXIV. Καὶ ἐγὼ εἶπον· Εἶεν δή, ὦ ξένη· καλῶς γὰρ λέγεις· τοιοῦτος ὢν ὁ Ἔρως τίνα
χρείαν ἔχει τοῖς ἀνθρώποις; (204d) Τοῦτο δὴ μετὰ ταῦτ᾽, ἔφη, ὦ Σώκρατες,
πειράσομαί σε διδάξαι. ἔστι μὲν γὰρ δὴ τοιοῦτος καὶ οὕτω γεγονὼς ὁ Ἔρως, ἔστι
δὲ τῶν καλῶν, ὡς σὺ φῄς. εἰ δέ τις ἡμᾶς ἔροιτο· τί τῶν καλῶν ἐστιν ὁ Ἔρως, ὦ
Σώκρατές τε καὶ Διοτίμα; ὧδε δὲ σαφέστερον ἐρῶ· ὁ ἐρῶν τῶν καλῶν τί ἐρᾷ; καὶ
ἐγὼ εἶπον ὅτι· Γενέσθαι αὑτῷ. Ἀλλ᾽ ἐπιποθεῖ, ἔφη, ἡ ἀπόκρισις ἐρώτησιν τοιάνδε·
τί ἔσται ἐκείνῳ ᾧ ἂν γένηται τὰ καλά; Οὐ πάνυ ἔφην ἔτι ἔχειν ἐγὼ πρὸς ταύτην
τὴν ἐρώτησιν προχείρως ἀποκρίνασθαι. (204e) Ἀλλ᾽, ἔφη, ὥσπερ ἂν εἴ τις
μεταβαλὼν ἀντὶ τοῦ καλοῦ τῷ ἀγαθῷ χρώμενος πυνθάνοιτο· φέρε, ὦ Σώκρατες,
ἐροιτο· ὁ ἐρῶν τῶν ἀγαθῶν· τί ἐρᾷ; Γενέσθαι, ἦν δ᾽ ἐγώ, αὑτῷ. Καὶ τί ἔσται ἐκείνῳ
ᾧ ἂν γένηται τἀγαθά; Τοῦτ᾽ εὐπορώτερον, ἦν δ᾽ ἐγώ, ἔχω ἀποκρίνασθαι, ὅτι
εὐδαίμων ἔσται.
| [204] et voici pourquoi.
Aucun des dieux ne philosophe ni ne désire devenir
savant, car il l'est; et, en général, si l'on est savant, on
ne philosophe pas ; les ignorants non plus ne philosophent
pas et ne désirent pas devenir savants; car
l'ignorance a précisément ceci de fâcheux que, n'ayant
ni beauté, ni bonté, ni science, on s'en croit suffisamment
pourvu. Or, quand on ne croit pas manquer d'une
chose, on ne la désire pas."
Je demandai : "Quels sont donc, Diotime, ceux qui
philosophent, si ce ne sont ni les savants ni les ignorants?
— Un enfant même, répondit-elle, comprendrait
tout de suite que ce sont ceux qui sont entre les deux, et
l'Amour est de ceux-là. En effet, la science compte
parmi les plus belles choses ; or l'Amour est l'amour des
belles choses ; il est donc nécessaire que l'Amour soit
philosophe, et, s'il est philosophe, qu'il tienne le milieu
entre le savant et l'ignorant et la cause en est dans son
origine, car il est fils d'un père savant et plein de
ressources, mais d'une mère sans science ni ressources.
Voilà, mon cher Socrate, quelle est la nature du démon.
Quant à la façon dont tu te représentais l'Amour, ton
cas n'a rien d'étonnant; tu t'imaginais, si je puis le
conjecturer de tes paroles, que l'Amour est l'objet aimé
et non le sujet aimant : voilà pourquoi, je pense, tu te le
figurais si beau; et en effet, ce qui est aimable, c'est ce
qui est réellement beau, délicat, parfait et bienheureux ;
mais ce qui aime a un tout autre caractère, celui que je
viens d'exposer."
— Je repris : "Il faut se rendre à ton raisonnement, étrangère,
car il est juste. Mais l'Amour étant tel que tu viens de le dire,
quels services rend-il aux hommes?
— C'est justement, Socrate, ce que je vais à présent
tâcher de t'apprendre, dit-elle. Tu connais la nature et
l'origine de l'Amour et tu reconnais toi-même qu'il est
l'amour des belles choses. Mais si l'on nous demandait :
Pourquoi, Socrate et Diotime, l'Amour est-il l'amour des
belles choses ? Ou, pour parler plus clairement : En aimant
les belles choses, qu'aime-t-on?"
Je répondis : "Les avoir à soi.
— Cette réponse, dit-elle, appelle une autre question qui est
celle-ci : Qu'est-ce qu'aura celui qui possédera les belles choses ?"
Je répondis que je ne pouvais répondre au pied levé à
une pareille question.
"Mais si, par exemple, dit-elle, substituant le mot
bon au mot beau, on te demandait : Voyons, Socrate,
quand on aime les bonnes choses, qu'aime-t-on?
— Les posséder, répondis-je.
— Et qu'est-ce qu'aura celui qui possédera les bonnes choses?
— La réponse, dis-je, est plus facile : il sera heureux.
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