[459] (Σωκράτης)
οὐκοῦν περὶ πάντων ὥστ' ἐν ὄχλῳ πιθανὸν εἶναι, οὐ διδάσκοντα ἀλλὰ (459a)
πείθοντα;
(Γοργίας) πάνυ μὲν οὖν.
(Σωκράτης)
ἔλεγές τοι νυνδὴ ὅτι καὶ περὶ τοῦ ὑγιεινοῦ τοῦ ἰατροῦ πιθανώτερος ἔσται ὁ
ῥήτωρ.
(Γοργίας) καὶ γὰρ ἔλεγον, ἔν γε ὄχλῳ.
(Σωκράτης)
οὐκοῦν τὸ ἐν ὄχλῳ τοῦτό ἐστιν, ἐν τοῖς μὴ εἰδόσιν; οὐ γὰρ δήπου ἔν γε τοῖς εἰδόσι
τοῦ ἰατροῦ πιθανώτερος ἔσται.
(Γοργίας) ἀληθῆ λέγεις.
(Σωκράτης)
οὐκοῦν εἴπερ τοῦ ἰατροῦ πιθανώτερος ἔσται, τοῦ εἰδότος πιθανώτερος γίγνεται;
(Γοργίας) πάνυ (459b) γε.
(Σωκράτης) οὐκ ἰατρός γε ὤν· ἦ γάρ;
(Γοργίας) ναί.
(Σωκράτης)
ὁ δὲ μὴ ἰατρός γε δήπου ἀνεπιστήμων ὧν ὁ ἰατρὸς ἐπιστήμων.
(Γοργίας) δῆλον ὅτι.
(Σωκράτης)
ὁ οὐκ εἰδὼς ἄρα τοῦ εἰδότος ἐν οὐκ εἰδόσι πιθανώτερος ἔσται, ὅταν ὁ ῥήτωρ τοῦ
ἰατροῦ πιθανώτερος ᾖ. τοῦτο συμβαίνει ἢ ἄλλο τι;
(Γοργίας) τοῦτο ἐνταῦθά γε συμβαίνει.
(Σωκράτης)
οὐκοῦν καὶ περὶ τὰς ἄλλας ἁπάσας τέχνας ὡσαύτως ἔχει ὁ ῥήτωρ καὶ ἡ ῥητορική·
αὐτὰ μὲν τὰ πράγματα οὐδὲν δεῖ αὐτὴν εἰδέναι ὅπως ἔχει, μηχανὴν (459c) δέ τινα
πειθοῦς ηὑρηκέναι ὥστε φαίνεσθαι τοῖς οὐκ εἰδόσι μᾶλλον εἰδέναι τῶν εἰδότων.
(Γοργίας)
οὐκοῦν πολλὴ ῥᾳστώνη, ὦ Σώκρατες, γίγνεται, μὴ μαθόντα τὰς ἄλλας τέχνας
ἀλλὰ μίαν ταύτην, μηδὲν ἐλαττοῦσθαι τῶν δημιουργῶν;
(Σωκράτης)
εἰ μὲν ἐλαττοῦται ἢ μὴ ἐλαττοῦται ὁ ῥήτωρ τῶν ἄλλων διὰ τὸ οὕτως ἔχειν, αὐτίκα
ἐπισκεψόμεθα, ἐάν τι ἡμῖν πρὸς λόγου ᾖ· νῦν δὲ τόδε πρότερον σκεψώμεθα, ἆρα
(459d) τυγχάνει περὶ τὸ δίκαιον καὶ τὸ ἄδικον καὶ τὸ αἰσχρὸν καὶ τὸ καλὸν καὶ
ἀγαθὸν καὶ κακὸν οὕτως ἔχων ὁ ῥητορικὸς ὡς περὶ τὸ ὑγιεινὸν καὶ περὶ τὰ ἄλλα
ὧν αἱ ἄλλαι τέχναι, αὐτὰ μὲν οὐκ εἰδώς, τί ἀγαθὸν ἢ τί κακόν ἐστιν ἢ τί καλὸν ἢ
τί αἰσχρὸν ἢ δίκαιον ἢ ἄδικον, πειθὼ δὲ περὶ αὐτῶν μεμηχανημένος ὥστε δοκεῖν
εἰδέναι οὐκ εἰδὼς ἐν οὐκ εἰδόσιν (459e) μᾶλλον τοῦ εἰδότος; ἢ ἀνάγκη εἰδέναι, καὶ
δεῖ προεπιστάμενον ταῦτα ἀφικέσθαι παρὰ σὲ τὸν μέλλοντα μαθήσεσθαι τὴν
ῥητορικήν; εἰ δὲ μή, σὺ ὁ τῆς ῥητορικῆς διδάσκαλος τούτων μὲν οὐδὲν διδάξεις
τὸν ἀφικνούμενον — οὐ γὰρ σὸν ἔργον — ποιήσεις δ' ἐν τοῖς πολλοῖς δοκεῖν εἰδέναι
αὐτὸν τὰ τοιαῦτα οὐκ εἰδότα καὶ δοκεῖν ἀγαθὸν εἶναι οὐκ ὄντα; ἢ τὸ παράπαν
οὐχ οἷός τε ἔσῃ αὐτὸν διδάξαι τὴν ῥητορικήν, ἐὰν μὴ προειδῇ περὶ τούτων τὴν
ἀλήθειαν; ἢ πῶς τὰ τοιαῦτα ἔχει, ὦ Γοργία;
| [459] SOCRATE. C'est-à-dire: n'est-il pas
vrai, que tu le rentras capable de parler sur toute
chose d'une manière plausible devant la multitude,
non en enseignant, mais en persuadant? — GORGIAS.
Justement. — SOCRATE. Tu as ajouté en conséquence,
que, pour la sauté du corps, l'orateur s'attirera plus
de croyance que le médecin. — GORGIAS. Je l'ai dit, il
est vrai, pourvu qu'il ait affaire à la multitude. —
SOCRATE. Par la multitude, tu entends sans doute les
ignorants: car apparemment l'orateur n'aura point l'avantage
sur le médecin devant des personnes instruites.
—GORGIAS. Tu dis vrai. — SOCRATE. Si donc il est plus
propre à persuader que le médecin, n'est-il pas plus
propre à persuader que celui qui sait?— GORGIAS. Sans
doute. — SOCRATE. Quoique lui-même ne soit pas médecin,
n'est-ce pas? — GORGIAS. Oui. — SOCRATE. Mais
celui qui n'est pas médecin est ignorant dans les choses
oit le médecin est savant. — GORGIAS. Cela est évident.
— SOCRATE. Ainsi l'ignorant sera plus propre à persuader
que le savant vis-à-vis des ignorants, s'il est
vrai que l'orateur soit plus propre à persuader que le
médecin. N'est-ce point ce qui résulte de là, ou s'ensuit-il
autre chose? — GORGIAS. Oui, c'est ce qui en résulte
dans le cas present. — SOCRATE. Cet avantage de
l'orateur et de la rhétorique n'est-il pas le même par
rapport aux autres arts? je veux dire qu'il n'est pas
nécessaire qu'elle s'instruise de la nature des choses,
et qu'il suffit qu'elle invente quelque moyen de persuasion,
de manière qu'elle paraisse aux yeux des ignorants
plus savante que ceux qui possèdent ces arts.
XIV. — GORGIAS. N'est-ce pas une chose bien commode,
Socrate, de n'avoir pas besoin d'apprendre d'autre
art que celui-là, pour ne le céder en rien aux autres
artisans? — SOCRATE. Nous examinerons tout à l'heure,
pour peu que notre sujet le demande, si, de cette manière,
l'orateur le cède ou ne le cède point aux autres.
Mais auparavant, voyons si par rapport au juste et à
l'injuste, à l'honnête et au déshonnête, au bon et au
mauvais, l'orateur se trouve dans le même cas que par
rapport à la santé du corps, et aux objets des autres
arts : de façon qu'il ignore ce qui est bon ou mauvais,
honnête ou déshonnête, juste ou injuste, et que sur ces
objets il ait seulement imaginé quelque expédient pour
persuader, et paraître aux yeux des ignorants plus instruit
sur ces matières que les savants, quoiqu'il soit lui-même
ignorant. Voyons si c'est une nécessité que celui
qui veut apprendre la rhétorique sache tout cela et y
soit devenu habile, avant de prendre des leçons auprès
de loi : ou si, dans le cas où il n'aurait aucune connaissance
de toutes ces choses, il ne les apprendra pas
à ton école, puisque ce n'est point ton affaire, et que
tu enseignes la rhétorique, mais si tu feras en sorte que,
ne les sachent point, il paraisse les savoir, et qu'il passe
pour homme de bien sans l'être : ou s'il te sera absolument
impossible de lui enseigner la rhétorique à moins
que d'avance il ne connaisse la vérité sur toutes ces
matières. Q'en penses-tu, Gorgias?
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