[57] LVII - (107c) - Ἀλλὰ τόδε γ᾽, ἔφη, ὦ ἄνδρες, δίκαιον διανοηθῆναι, ὅτι, εἴπερ ἡ
ψυχὴ ἀθάνατος, ἐπιμελείας δὴ δεῖται οὐχ ὑπὲρ τοῦ χρόνου τούτου μόνον ἐν
ᾧ καλοῦμεν τὸ ζῆν, ἀλλ᾽ ὑπὲρ τοῦ παντός, καὶ ὁ κίνδυνος νῦν δὴ καὶ δόξειεν
ἂν δεινὸς εἶναι, εἴ τις αὐτῆς ἀμελήσει. Εἰ μὲν γὰρ ἦν ὁ θάνατος τοῦ παντὸς
ἀπαλλαγή, ἕρμαιον ἂν ἦν τοῖς κακοῖς ἀποθανοῦσι τοῦ τε σώματος ἅμ᾽
ἀπηλλάχθαι καὶ τῆς αὑτῶν κακίας μετὰ τῆς ψυχῆς· νῦν δ᾽ ἐπειδὴ ἀθάνατος
φαίνεται οὖσα, οὐδεμία ἂν (107d) εἴη αὐτῇ ἄλλη ἀποφυγὴ κακῶν οὐδὲ
σωτηρία πλὴν τοῦ ὡς βελτίστην τε καὶ φρονιμωτάτην γενέσθαι. Οὐδὲν γὰρ
ἄλλο ἔχουσα εἰς Ἅιδου ἡ ψυχὴ ἔρχεται πλὴν τῆς παιδείας τε καὶ τροφῆς, ἃ
δὴ καὶ μέγιστα λέγεται ὠφελεῖν ἢ βλάπτειν τὸν τελευτήσαντα εὐθὺς ἐν ἀρχῇ
τῆς ἐκεῖσε πορείας.Λέγεται δὲ οὕτως, ὡς ἄρα τελευτήσαντα ἕκαστον ὁ
ἑκάστου δαίμων, ὅσπερ ζῶντα εἰλήχει, οὗτος ἄγειν ἐπιχειρεῖ εἰς δή τινα
τόπον, οἷ δεῖ τοὺς συλλεγέντας διαδικασαμένους εἰς Ἅιδου (107e) πορεύεσθαι
μετὰ ἡγεμόνος ἐκείνου ᾧ δὴ προστέτακται τοὺς ἐνθένδε ἐκεῖσε πορεῦσαι·
τυχόντας δὲ ἐκεῖ ὧν δὴ τυχεῖν καὶ μείναντας ὃν χρὴ χρόνον ἄλλος δεῦρο
πάλιν ἡγεμὼν κομίζει ἐν πολλαῖς χρόνου καὶ μακραῖς περιόδοις. Ἔστι δὲ
ἄρα ἡ πορεία οὐχ ὡς ὁ Αἰσχύλου Τήλεφος λέγει· ἐκεῖνος (108a) μὲν γὰρ ἁπλῆν
οἶμόν φησιν εἰς Ἅιδου φέρειν, ἡ δ᾽ οὔτε ἁπλῆ οὔτε μία φαίνεταί μοι εἶναι.
Οὐδὲ γὰρ ἂν ἡγεμόνων ἔδει· οὐ γάρ πού τις ἂν διαμάρτοι οὐδαμόσε μιᾶς
ὁδοῦ οὔσης. Νῦν δὲ ἔοικε σχίσεις τε καὶ τριόδους πολλὰς ἔχειν· ἀπὸ τῶν
θυσιῶν τε καὶ νομίμων τῶν ἐνθάδε τεκμαιρόμενος λέγω. Ἡ μὲν οὖν κοσμία
τε καὶ φρόνιμος ψυχὴ ἕπεταί τε καὶ οὐκ ἀγνοεῖ τὰ παρόντα· ἡ δ᾽
ἐπιθυμητικῶς τοῦ σώματος ἔχουσα, ὅπερ ἐν τῷ ἔμπροσθεν εἶπον, περὶ ἐκεῖνο
πολὺν (108b) χρόνον ἐπτοημένη καὶ περὶ τὸν ὁρατὸν τόπον, πολλὰ
ἀντιτείνασα καὶ πολλὰ παθοῦσα, βίᾳ καὶ μόγις ὑπὸ τοῦ προστεταγμένου
δαίμονος οἴχεται ἀγομένη. Ἀφικομένην δὲ ὅθιπερ αἱ ἄλλαι, τὴν μὲν
ἀκάθαρτον καί τι πεποιηκυῖαν τοιοῦτον, ἢ φόνων ἀδίκων ἡμμένην ἢ ἄλλ᾽
ἄττα τοιαῦτα εἰργασμένην, ἃ τούτων ἀδελφά τε καὶ ἀδελφῶν ψυχῶν ἔργα
τυγχάνει ὄντα, ταύτην μὲν ἅπας φεύγει τε καὶ ὑπεκτρέπεται καὶ οὔτε
συνέμπορος οὔτε ἡγεμὼν ἐθέλει γίγνεσθαι, αὐτὴ (108c) δὲ πλανᾶται ἐν πάσῃ
ἐχομένη ἀπορίᾳ ἕως ἂν δή τινες χρόνοι γένωνται, ὧν ἐλθόντων ὑπ᾽ ἀνάγκης
φέρεται εἰς τὴν αὐτῇ πρέπουσαν οἴκησιν· ἡ δὲ καθαρῶς τε καὶ μετρίως τὸν
βίον διεξελθοῦσα, καὶ συνεμπόρων καὶ ἡγεμόνων θεῶν τυχοῦσα, ᾤκησεν
τὸν αὐτῇ ἑκάστη τόπον προσήκοντα. εἰσὶν δὲ πολλοὶ καὶ θαυμαστοὶ τῆς γῆς
τόποι, καὶ αὐτὴ οὔτε οἵα οὔτε ὅση δοξάζεται ὑπὸ τῶν περὶ γῆς εἰωθότων
λέγειν, ὡς ἐγὼ ὑπό τινος πέπεισμαι.
| [57] LVII. — Mais voici une chose, mes amis, poursuivit Socrate, qu’il est juste de se mettre
dans l’esprit, c’est que, si l’âme est immortelle, il faut en prendre soin, non seulement
pour le temps que dure ce que nous appelons vivre, mais pour tout le temps à venir, et il
semble à présent qu’on s’expose à un terrible danger, si on la néglige. Si en effet la mort
nous délivrait de tout, quelle aubaine ce serait pour les méchants d’être en mourant
débarrassés tout à la fois de leur corps et de leur méchanceté en même temps que de leur
âme ! Mais maintenant que nous savons que l’âme est immortelle, il n’y a pas pour elle
d’autre moyen d’échapper à ses maux et de se sauver que de devenir la meilleure et la
plus sage possible ; car, en descendant chez Hadès, elle ne garde avec elle que
l’instruction et l’éducation, qui sont, dit-on, ce qui sert ou nuit le plus au mort, dès le
moment où il part pour l’autre monde.
On dit en effet qu’après la mort, le démon que le sort a attaché à chaque homme durant
sa vie se met en devoir de le conduire dans un lieu où les morts sont rassemblés pour
subir leur jugement, après quoi ils se rendent dans l’Hadès avec ce guide qui a mission
d’emmener ceux d’ici-bas dans l’autre monde. Lorsqu’ils y ont eu le sort qu’ils
méritaient et qu’ils y sont restés le temps prescrit, un autre guide les ramène ici, après
de nombreuses et longues périodes de temps. Mais le voyage n’est pas ce que dit le
Télèphe d’Eschyle. Il affirme, lui, que la route de l’Hadès est simple ; moi, je pense
qu’elle n’est ni simple, ni unique ; autrement, on n’aurait pas besoin de guides,
puisqu’on ne pourrait se fourvoyer dans aucun sens, s’il n’y avait qu’une route. Il me
paraît, au contraire, qu’il y a beaucoup de bifurcations et de détours, ce que je
conjecture d’après les cérémonies pieuses et les rites pratiqués sur la terre. Quoi qu’il en
soit, l’âme réglée et sage suit son guide et n’ignore pas ce qui l’attend ; mais celle qui est
passionnément attachée au corps, comme je l’ai dit précédemment, reste longtemps
éprise de ce corps et du monde visible ; ce n’est qu’après une longue résistance et
beaucoup de souffrances, qu’elle est entraînée par force et à grand-peine par le démon
qui en est chargé. Arrivée à l’endroit où sont les autres, l’âme impure et qui a fait le mal,
qui a commis des meurtres injustes ou d’autres crimes du même genre, frères de ceux-là
et tels qu’en commettent les âmes de même famille qu’elle, voit tout le monde la fuir et
se détourner d’elle ; personne ne veut ni l’accompagner ni la guider ; elle erre seule, en
proie à un grand embarras, jusqu’à ce que certains temps soient écoulés, après lesquels
la nécessité l’entraîne dans le séjour qui lui convient. Au contraire, celle qui a vécu toute
sa vie dans la pureté et la tempérance et qui a eu le bonheur d’être accompagnée et
guidée par les dieux a trouvé tout de suite la résidence qui lui est réservée.
La terre compte un grand nombre de régions merveilleuses et elle-même n’est pas telle
ni si grande que se le figurent ceux qui ont coutume de discourir sur sa nature, d’après
ce que j’ai entendu dire à quelqu’un qui m’a convaincu.
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