[260] οὐκ (260a) εἶναι ἀνάγκην τῷ μέλλοντι ῥήτορι ἔσεσθαι τὰ τῷ ὄντι δίκαια
μανθάνειν ἀλλὰ τὰ δόξαντ᾽ ἂν πλήθει οἵπερ δικάσουσιν, οὐδὲ τὰ ὄντως ἀγαθὰ
ἢ καλὰ ἀλλ᾽ ὅσα δόξει· ἐκ γὰρ τούτων εἶναι τὸ πείθειν ἀλλ᾽ οὐκ ἐκ τῆς ἀληθείας.
(Σωκράτης)
" οὔτοι ἀπόβλητον ἔπος" εἶναι δεῖ, ὦ Φαῖδρε, ὃ ἂν εἴπωσι σοφοί, ἀλλὰ σκοπεῖν μή
τι λέγωσι· καὶ δὴ καὶ τὸ νῦν λεχθὲν οὐκ ἀφετέον.
(Φαῖδρος) ὀρθῶς λέγεις.
(Σωκράτης) ὧδε δὴ σκοπῶμεν αὐτό.
(Φαῖδρος) πῶς;
(260b) (Σωκράτης)
εἴ σε πείθοιμι ἐγὼ πολεμίους ἀμύνειν κτησάμενον ἵππον, ἄμφω δὲ ἵππον
ἀγνοοῖμεν, τοσόνδε μέντοι τυγχάνοιμι εἰδὼς περὶ σοῦ, ὅτι (Φαῖδρος)ἵππον ἡγεῖται
τὸ τῶν ἡμέρων ζῴων μέγιστα ἔχον ὦτα —
(Φαῖδρος) γελοῖόν γ᾽ ἄν, ὦ Σώκρατες, εἴη.
(Σωκράτης)
οὔπω γε· ἀλλ᾽ ὅτε δὴ σπουδῇ σε πείθοιμι, συντιθεὶς λόγον ἔπαινον κατὰ τοῦ
ὄνου, ἵππον ἐπονομάζων καὶ λέγων ὡς παντὸς ἄξιον τὸ θρέμμα οἴκοι τε
κεκτῆσθαι καὶ ἐπὶ στρατιᾶς, ἀποπολεμεῖν τε χρήσιμον καὶ πρός γ᾽ ἐνεγκεῖν
δυνατὸν (260c) σκεύη καὶ ἄλλα πολλὰ ὠφέλιμον.
(Φαῖδρος) παγγέλοιόν γ᾽ ἂν ἤδη εἴη.
(Σωκράτης)
ἆρ᾽ οὖν οὐ κρεῖττον γελοῖον καὶ φίλον ἢ δεινόν τε καὶ ἐχθρὸν (εἶναι ἢ φίλον);
(Φαῖδρος) φαίνεται.
(Σωκράτης)
ὅταν οὖν ὁ ῥητορικὸς ἀγνοῶν ἀγαθὸν καὶ κακόν, λαβὼν πόλιν ὡσαύτως ἔχουσαν
πείθῃ, μὴ περὶ ὄνου σκιᾶς ὡς ἵππου τὸν ἔπαινον ποιούμενος, ἀλλὰ περὶ κακοῦ ὡς
ἀγαθοῦ, δόξας δὲ πλήθους μεμελετηκὼς πείσῃ κακὰ πράττειν ἀντ᾽ ἀγαθῶν,
ποῖόν τιν᾽ ἂ<ν> οἴει μετὰ ταῦτα τὴν ῥητορικὴν (260d) καρπὸν ὧν ἔσπειρε θερίζειν;
(Φαῖδρος) οὐ πάνυ γε ἐπιεικῆ.
(Σωκράτης)
ἆρ᾽ οὖν, ὦ ἀγαθέ, ἀγροικότερον τοῦ δέοντος λελοιδορήκαμεν τὴν τῶν λόγων
τέχνην; ἡ δ᾽ ἴσως ἂν εἴποι· "τί ποτ᾽, ὦ θαυμάσιοι, ληρεῖτε; ἐγὼ γὰρ οὐδέν᾽
ἀγνοοῦντα τἀληθὲς ἀναγκάζω μανθάνειν λέγειν, ἀλλ᾽, εἴ τι ἐμὴ συμβουλή,
κτησάμενον ἐκεῖνο οὕτως ἐμὲ λαμβάνειν· τόδε δ᾽ οὖν μέγα λέγω, ὡς ἄνευ ἐμοῦ
τῷ τὰ ὄντα εἰδότι οὐδέν τι μᾶλλον ἔσται πείθειν τέχνῃ."
(260e) (Φαῖδρος) οὐκοῦν δίκαια ἐρεῖ, λέγουσα ταῦτα;
(Σωκράτης)
φημί, ἐὰν οἵ γ᾽ ἐπιόντες αὐτῇ λόγοι μαρτυρῶσιν εἶναι τέχνῃ. ὥσπερ γὰρ ἀκούειν
δοκῶ τινων προσιόντων καὶ διαμαρτυρομένων λόγων, ὅτι ψεύδεται καὶ οὐκ ἔστι
τέχνη ἀλλ᾽ ἄτεχνος τριβή· τοῦ δὲ λέγειν, φησὶν ὁ Λάκων, ἔτυμος τέχνη ἄνευ τοῦ
ἀληθείας ἧφθαι οὔτ᾽ ἔστιν οὔτε μή ποτε ὕστερον γένηται.
| [260] il n'y a point de nécessité, (260a) pour qui veut devenir un
orateur, de s'instruire de ce qui est réellement la justice,
mais plutôt de ce que peut bien penser là-dessus la foule,
puisque c'est justement elle qui jugera; pas davantage,
de ce qui est réellement bon ou beau, mais de tout ce
qui sera pris pour tel; car c'est de là que procède la
persuasion, mais non point de la vérité. — (SOCRATE) : Avis
qui, certes, n'est pas à rejeter; que nous devons,
Phèdre, ne pas rejeter s'il est celui de doctes personnages,
mais examiner au contraire s'il n'y a pas du bon en ce
qu'ils disent. Et, naturellement aussi, le présent propos
n'est pas à négliger! — (PHÈDRE) : Tu as raison de le dire! —
(SOCRATE) : Eh bien! voici comment il nous faut procéder à cet
examen... — (PHÈDRE) : Comment? (b) — (SOCRATE) : Une
supposition : je veux, moi, te persuader, à toi, de repousser
l'ennemi quand tu posséderas un cheval; mais, ni l'un
ni l'autre, nous ne savons ce que c'est qu'un cheval;
tout ce que pourtant je me trouve savoir, te concernant,
c'est que, de tous les animaux domestiques, le cheval est,
selon Phèdre, celui qui a les plus longues oreilles. —
(PHÈDRE) : Supposition risible en vérité, Socrate! — (SOCRATE) :
Eh! non, pas encore! mais qui le deviendrait lorsque je
voudrais sérieusement te persuader, en composant un
discours, dont l'éloge de l'âme serait le sujet sous le
nom du cheval, et où je dirais qu'il n'y a pas de créature
dont la possession ait plus de prix, aussi bien chez soi
que dans une expédition militaire, étant, à la fois, utile
pour combattre monté et très capable, en vérité, (c)
pour porter des bagages, avantageuse enfin pour quantité
d'autres usages. — (PHÈDRE) : Ah! ce serait cette fois le
comble du risible! — (SOCRATE) : Mais n'est-il pas préférable
d'avoir un homme ridicule pour ami que d'avoir pour
ennemi quelqu'un de capacité formidable? (PHÈDRE) :
Évidemment! — (SOCRATE) : Quand donc l'habile orateur,
qui, ignorant du bien et du mal, a devant lui une Cité
qui est dans la même ignorance, entreprend de persuader,
non point, au sujet de l'ombre de l'âne, que c'est
d'un cheval qu'il compose l'éloge, mais, au sujet du mal,
que c'est le bien; quand, après avoir fait des opinions
de la multitude un apprentissage suivi, il lui aura
persuadé de faire le mal au lieu du bien, quelle sorte de
moisson, après cela, penses-tu que doive récolter l'art
oratoire, (d) pour fruit de ce qu'il a semé? — (PHÈDRE) :
Un fruit qui n'est pas de bien belle qualité! — (SOCRATE) :
Mais n'y avait-il pas, mon bon, plus de brutalité qu'il
ne fallait dans les reproches dont nous chargions l'art
de parler? Peut-être nous tiendrait-il ce langage : « Que
signifient, hommes extraordinaires, vos insanités? Je
ne force en effet personne à apprendre à parler, quand
il ignore la vérité! Mais mon conseil, si on veut bien
le suivre, est de ne me prendre en main qu'après
avoir fait l'acquisition dont il s'agit. Ce qu'en tout cas
j'affirme hautement, c'est que, sans moi, celui qui connaîtra
les réalités ne gagnera absolument rien à cette
connaissance pour se rendre habile à persuader! » (e) —
(PHÈDRE) : Mais n'aura-t-il donc pas raison de tenir ce
langage? — (SOCRATE) : Oui; à condition du moins que
les discours qui, en sa faveur, se présenteront à la
barre, témoignent qu'il est un art! J'ai en effet comme
une impression que j'entends d'autres discours qui se
présentent et qui, en sens contraire, témoignent qu'il
ment et n'est point un art, mais une routine dépourvue
d'art! « Sans attache à la vérité, dit le Laconien, il n'y a pas,
il ne pourra jamais y avoir un art de parler authentique! »
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