[479] ὥστε μήτε νουθετεῖσθαι (479a) μήτε κολάζεσθαι μήτε δίκην διδόναι,
ὥσπερ σὺ φῂς Ἀρχέλαον παρεσκευάσθαι καὶ τοὺς ἄλλους τυράννους καὶ
ῥήτορας καὶ δυνάστας;
(Πῶλος) ἔοικε.
(Σωκράτης)
σχεδὸν γάρ που οὗτοι, ὦ ἄριστε, τὸ αὐτὸ διαπεπραγμένοι εἰσὶν ὥσπερ ἂν εἴ τις
τοῖς μεγίστοις νοσήμασιν συνισχόμενος διαπράξαιτο μὴ διδόναι δίκην τῶν περὶ
τὸ σῶμα ἁμαρτημάτων τοῖς ἰατροῖς μηδὲ ἰατρεύεσθαι, φοβούμενος ὡσπερανεὶ
παῖς τὸ κάεσθαι καὶ τὸ τέμνεσθαι, ὅτι (479b) ἀλγεινόν. ἢ οὐ δοκεῖ καὶ σοὶ οὕτω;
(Πῶλος) ἔμοιγε.
(Σωκράτης)
ἀγνοῶν γε, ὡς ἔοικεν, οἷόν ἐστιν ἡ ὑγίεια καὶ ἀρετὴ σώματος. κινδυνεύουσι γὰρ
ἐκ τῶν νῦν ἡμῖν ὡμολογημένων τοιοῦτόν τι ποιεῖν καὶ οἱ τὴν δίκην φεύγοντες, ὦ
Πῶλε, τὸ ἀλγεινὸν αὐτοῦ καθορᾶν, πρὸς δὲ τὸ ὠφέλιμον τυφλῶς ἔχειν καὶ
ἀγνοεῖν ὅσῳ ἀθλιώτερόν ἐστι μὴ ὑγιοῦς σώματος μὴ ὑγιεῖ ψυχῇ συνοικεῖν, ἀλλὰ
σαθρᾷ καὶ ἀδίκῳ (479c) καὶ ἀνοσίῳ, ὅθεν καὶ πᾶν ποιοῦσιν ὥστε δίκην μὴ διδόναι
μηδ' ἀπαλλάττεσθαι τοῦ μεγίστου κακοῦ, καὶ χρήματα παρασκευαζόμενοι καὶ
φίλους καὶ ὅπως ἂν ὦσιν ὡς πιθανώτατοι λέγειν· εἰ δὲ ἡμεῖς ἀληθῆ
ὡμολογήκαμεν, ὦ Πῶλε, ἆρ' αἰσθάνῃ τὰ συμβαίνοντα ἐκ τοῦ λόγου; ἢ βούλει
συλλογισώμεθα αὐτά;
(Πῶλος) εἰ σοί γε δοκεῖ.
(Σωκράτης)
ἆρ' οὖν συμβαίνει μέγιστον κακὸν ἡ ἀδικία καὶ τὸ (479d) ἀδικεῖν;
(Πῶλος) φαίνεταί γε.
(Σωκράτης)
καὶ μὴν ἀπαλλαγή γε ἐφάνη τούτου τοῦ κακοῦ τὸ δίκην διδόναι;
(Πῶλος) κινδυνεύει.
(Σωκράτης) τὸ δέ γε μὴ διδόναι ἐμμονὴ τοῦ κακοῦ;
(Πῶλος) ναί.
(Σωκράτης)
δεύτερον ἄρα ἐστὶν τῶν κακῶν μεγέθει τὸ ἀδικεῖν· τὸ δὲ ἀδικοῦντα μὴ διδόναι
δίκην πάντων μέγιστόν τε καὶ πρῶτον κακῶν πέφυκεν.
(Πῶλος) ἔοικεν.
(Σωκράτης)
ἆρ' οὖν οὐ περὶ τούτου, ὦ φίλε, ἠμφεσβητήσαμεν, σὺ μὲν τὸν Ἀρχέλαον
εὐδαιμονίζων τὸν τὰ μέγιστα ἀδικοῦντα (479e) δίκην οὐδεμίαν διδόντα, ἐγὼ δὲ
τοὐναντίον οἰόμενος, εἴτε Ἀρχέλαος εἴτ' ἄλλος ἀνθρώπων ὁστισοῦν μὴ δίδωσι
δίκην ἀδικῶν, τούτῳ προσήκειν ἀθλίῳ εἶναι διαφερόντως τῶν ἄλλων ἀνθρώπων,
καὶ ἀεὶ τὸν ἀδικοῦντα τοῦ ἀδικουμένου ἀθλιώτερον εἶναι καὶ τὸν μὴ διδόντα
δίκην τοῦ διδόντος; οὐ ταῦτ' ἦν τὰ ὑπ' ἐμοῦ λεγόμενα;
(Πῶλος) ναί.
(Σωκράτης) οὐκοῦν ἀποδέδεικται ὅτι ἀληθῆ ἐλέγετο;
(Πῶλος) φαίνεται.
| [479] parvient à se mettre au-dessus des réprimandes, des corrections,
des punitions ? Telle est, comme tu disais, la situation
d'Archélaüs, et celle des autres tyrans, des orateurs, et
de tous ceux qui jouissent d'un grand pouvoir. — POLUS.
Il semble bien.
XXXV. — SOCRATE. Et véritablement, mon cher, tous
ces gens-là ont fait à peu près la même chose que celui
qui, étant attaqué des plus grandes maladies, trouverait
le moyen de ne point faire corriger par les médecins
les affections vicieuses qui le travaillent, et de ne point
suivre de traitement, craignant, comme un enfant, qu'os
ne lui applique le fer et le feu, parce que cela fait souffrir.
Ne te semble-t-il pas que la chose est ainsi? —
POLUS. Oui. — SOCRATE. C'est que cet homme ignore ce qui
constitue la santé et la force du corps. Et en effet, Polus,
d'après ce que nous avons reconnu d'un commun
accord, il semble que c'est là précisément ce que font
ceux qui échappent à la peine juridique qu'ils ont méritée.
Ils voient ce qu'elle a de douloureux, mais ils sont
aveugles sur ce qu'elle a d'utile; ils ignorent combien
on est plus à plaindre de vivre avec une âme malsaine,
corrompue, injuste et impie qu'avec un corps malsain.
Aussi mettent-ils tout en oeuvre pour échapper à la peine
et pour ne point être affranchis du plus grand des maux.
Ils cherchent donc à se procurer de l'argent et des amis,
et à se former, avec toute la perfection possible au talent
de la parole. Mais si les choses dont nous sommes convenus
sont vraies, Polus, vois-tu ce qui résulte de ce
discours? ou veux-tu que nous en tirions ensemble les
conclusions ?— POLUS. J'y consens, à moins que tu ne
sois d'un autre avis. — SOCRATE. Ne suit-il pas de là que
l'injustice et les actions injustes sont le plus grand des
maux? — POLUS. Il me le semble du moins. — SOCRATE.
Et n'avons-nous pas vu que la punition est le moyen
d'être délivré de ce mal. — POLUS. Peut-être bien. —SOCRATE.
Et que l'impunité ne fait que l'entretenir ? — POLUS.
Oui. — SOCRATE. Commettre l'injustice n'est donc
que le second des maux pour la grandeur; mais commettre
l'injustice et n'en être pas puni, c'est le premier
et le plus grand de tous les maux. — POLUS. Il y a toute
apparence. — SOCRATE. Mon cher ami, n'est-ce pas sur
ce point que nous étions partagés de sentiment? Tu
regardais comme heureux Archélaüs, parce que, s'étant
rendu coupable des plus grands crimes, il n'en subissait
aucun châtiment ; et moi, je soutenais au contraire
qu'Archélaüs, et tout autre quel qu'il soit, qui ne porte
pas la peine des injustices qu'il a commises, doit être
tenu pour infiniment plus malheureux que les autres
hommes; que l'auteur d'une injustice est toujours plus
malheureux que celui qui la souffre, et le méchant qui
demeure impuni, plus que celui que l'on châtie. N'est-ce
pas là ce que je disais? — POLUS. Oui — SOCRATE.
N'est-il pas démontré que je disais la vérité? — POLUS.
Il parait bien.
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