[483] ἐὰν οὖν τις αἰσχύνηται (483a) καὶ μὴ τολμᾷ λέγειν ἅπερ νοεῖ, ἀναγκάζεται ἐναντία
λέγειν. ὃ δὴ καὶ σὺ τοῦτο τὸ σοφὸν κατανενοηκὼς κακουργεῖς ἐν τοῖς λόγοις, ἐὰν μέν τις
κατὰ νόμον λέγῃ, κατὰ φύσιν ὑπερωτῶν, ἐὰν δὲ τὰ τῆς φύσεως, τὰ τοῦ νόμου.
ὥσπερ αὐτίκα ἐν τούτοις, τῷ ἀδικεῖν τε καὶ τῷ ἀδικεῖσθαι, Πώλου τὸ κατὰ νόμον
αἴσχιον λέγοντος, σὺ τὸν λόγον ἐδιώκαθες κατὰ φύσιν. φύσει μὲν γὰρ πᾶν
αἴσχιόν ἐστιν ὅπερ καὶ κάκιον, τὸ ἀδικεῖσθαι, νόμῳ δὲ τὸ ἀδικεῖν. οὐδὲ (483b) γὰρ
ἀνδρὸς τοῦτό γ' ἐστὶν τὸ πάθημα, τὸ ἀδικεῖσθαι, ἀλλ' ἀνδραπόδου τινὸς ᾧ
κρεῖττόν ἐστιν τεθνάναι ἢ ζῆν, ὅστις ἀδικούμενος καὶ προπηλακιζόμενος μὴ οἷός
τέ ἐστιν αὐτὸς αὑτῷ βοηθεῖν μηδὲ ἄλλῳ οὗ ἂν κήδηται. ἀλλ' οἶμαι οἱ τιθέμενοι
τοὺς νόμους οἱ ἀσθενεῖς ἄνθρωποί εἰσιν καὶ οἱ πολλοί. πρὸς αὑτοὺς οὖν καὶ τὸ
αὑτοῖς συμφέρον τούς τε νόμους τίθενται καὶ τοὺς ἐπαίνους ἐπαινοῦσιν καὶ τοὺς
(483c) ψόγους ψέγουσιν· ἐκφοβοῦντες τοὺς ἐρρωμενεστέρους τῶν ἀνθρώπων καὶ
δυνατοὺς ὄντας πλέον ἔχειν, ἵνα μὴ αὐτῶν πλέον ἔχωσιν, λέγουσιν ὡς αἰσχρὸν
καὶ ἄδικον τὸ πλεονεκτεῖν, καὶ τοῦτό ἐστιν τὸ ἀδικεῖν, τὸ πλέον τῶν ἄλλων
ζητεῖν ἔχειν· ἀγαπῶσι γὰρ οἶμαι αὐτοὶ ἂν τὸ ἴσον ἔχωσιν φαυλότεροι ὄντες. διὰ
ταῦτα δὴ νόμῳ μὲν τοῦτο ἄδικον καὶ αἰσχρὸν λέγεται, τὸ πλέον ζητεῖν ἔχειν τῶν
πολλῶν, καὶ ἀδικεῖν αὐτὸ καλοῦσιν· ἡ δέ γε οἶμαι φύσις αὐτὴ ἀποφαίνει (483d)
αὐτό, ὅτι δίκαιόν ἐστιν τὸν ἀμείνω τοῦ χείρονος πλέον ἔχειν καὶ τὸν
δυνατώτερον τοῦ ἀδυνατωτέρου. δηλοῖ δὲ ταῦτα πολλαχοῦ ὅτι οὕτως ἔχει, καὶ ἐν
τοῖς ἄλλοις ζῴοις καὶ τῶν ἀνθρώπων ἐν ὅλαις ταῖς πόλεσι καὶ τοῖς γένεσιν, ὅτι
οὕτω τὸ δίκαιον κέκριται, τὸν κρείττω τοῦ ἥττονος ἄρχειν καὶ πλέον ἔχειν. ἐπεὶ
ποίῳ δικαίῳ χρώμενος Ξέρξης ἐπὶ τὴν Ἑλλάδα ἐστράτευσεν ἢ ὁ πατὴρ αὐτοῦ ἐπὶ
Σκύθας; ἢ (483e) ἄλλα μυρία ἄν τις ἔχοι τοιαῦτα λέγειν. ἀλλ' οἶμαι οὗτοι κατὰ
φύσιν τὴν τοῦ δικαίου ταῦτα πράττουσιν, καὶ ναὶ μὰ Δία κατὰ νόμον γε τὸν τῆς
φύσεως, οὐ μέντοι ἴσως κατὰ τοῦτον ὃν ἡμεῖς τιθέμεθα· πλάττοντες τοὺς
βελτίστους καὶ ἐρρωμενεστάτους ἡμῶν αὐτῶν, ἐκ νέων λαμβάνοντες,
| [483] d'où il arrive que si on se laisse aller à la honte, et que l'on
n'ose dire ce qu'on pense, on est forcé de se contredire. Tu
as aperçu cette subtile distinction, et tu la fais servir
à dresser des piéges dans la dispute. Si quelqu'un parle
de ce qui appartient à la loi, tu l'interroges sur ce qui
regarde la nature; et s'il parle de ce qui est dans l'ordre
de la nature, tu l'interroges sur ce qui est dans
l'ordre de la loi. C'est ce que tu viens de faire au
sujet de l'injustice commise et soufferte. Polus parlait
de ce qui est plus laid en ce genre, selon la loi ; toi
au contraire, tu discutais la loi au point de vue de la
nature. Selon la nature, en effet, tout ce qui est plus
mauvais est aussi plus laid : ainsi, à ce point de vue,
ce qui est plus laid, c'est de souffrir l'injustice ; mais
selon la loi, c'est de la commettre. Et en effet, succomber
sous l'injustice d'autrui n'est pas le fait d'un
homme, mais d'un vil esclave, pour qui il est plus avantageux
de mourir que de vivre, lorsque souffrant des
injustices et des affronts, il n'est pas en état de se
défendre soi-même, non plus que ceux à qui il porte
de l'intérêt. Mais, selon moi, c'est la multitude, ce
beau et le juste. Mais qu'il paraisse un homme d'une
nature puissante, qui secoue et brise toutes ces entraves,
s'en affranchisse, foule aux pieds nos écritures,
nos prestiges, nos enchantements, nos lois contraires à
la nature, et s'élève au-dessus de tous, comme un maître,
lui dont nous avions fait un esclave, c'est alors
qu'on verra briller la justice telle qu'elle est selon l'institution
de la nature. Pindare me paraît appuyer ce
sentiment dans l'ode où il dit que « la Loi est la reine
de tous les êtres mortels et immortels. Elle mène
(poursuit-il) avec soi d'une main toute puissante la
Force, dont elle fait la Justice. J'en juge par les actions
d'Hercule qui, sans les avoir achetés"... » Ce sont
à peu près les paroles de Pindare, car je ne sais point
cette ode par coeur. Mais le sens est qu'flercule emmena
avec lui les boeufs de Géryon, sans qu'il les eût achetés
ou qu'on les lui eût donnés ; donnant à entendre que
cette action était juste naturellement, et que les boeufs
sont les hommes faibles qui ont fait les lois; aussi
est-ce pour eux-mêmes et uniquement pour leur intérêt
qu'ils les établissent : s'ils approuvent, s'ils blâment
quelque chose, ce n'est que dans cette vue. Pour effrayer
les plus forts, qui seraient capables de se rendre plus
riches, et pour les empêcher d'en venir là, ils disent
que c'est une chose laide et injuste d'avoir plus que les
autres, et que travailler à devenir plus puissant, c'est
se rendre coupable d'injustice. Étant les plus faibles, ils
se tiennent, je crois, trop heureux que tout soit égal.
XXXIX. Voilà pourquoi, dons l'ordre de la loi, il
est injuste et laid de chercher à avoir plus que la multitude,
et pourquoi on donne à cette passion le nom
d'injustice? Mais la nature elle-même démontre, ce me
semble, qu'il est juste que celui qui vaut mieux ait plus
que celui qui vaut moins, et le plus fort que le plus
faible. Elle fait voir en mille rencontres qu'il en est
ainsi, en ce qui concerne non seulement les animaux,
mais encore les hommes eux-mêmes, parmi lesquels
nous voyons des Etats et des nations entières, où la règle
du juste est que le plus fort commande au plus faible,
et soit mieux partagé. De quel droit, en effet, Xerxès
fit-il la guerre à la Grèce, et son père aux Scythes? Et
ainsi d'une infinité d'autres exemples qu'on pourrait
citer. Dans ces sortes d'entreprises, on agit, je pense,
selon la nature du juste, et certainement on suit
une loi, du moins celle de la nature, quoique peut-être
on ne consulte guère la loi fictive que les hommes ont
établie. Nous prenons dès l'enfance les meilleurs et les
plus forts d'entre nous; nous les formons et les domptons,
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