[1,0] LIVRE I.
[1,1] CHAPITRE I.
(980α) Πάντες ἄνθρωποι τοῦ εἰδέναι ὀρέγονται φύσει. Σημεῖον
δ' ἡ τῶν αἰσθήσεων ἀγάπησις· καὶ γὰρ χωρὶς τῆς χρείας
ἀγαπῶνται δι' αὑτάς, καὶ μάλιστα τῶν ἄλλων ἡ διὰ τῶν
ὀμμάτων. Οὐ γὰρ μόνον ἵνα πράττωμεν ἀλλὰ καὶ μηθὲν
μέλλοντες πράττειν τὸ ὁρᾶν αἱρούμεθα ἀντὶ πάντων ὡς εἰπεῖν
τῶν ἄλλων. Αἴτιον δ' ὅτι μάλιστα ποιεῖ γνωρίζειν ἡμᾶς αὕτη τῶν
αἰσθήσεων καὶ πολλὰς δηλοῖ διαφοράς. Φύσει μὲν οὖν αἴσθησιν
ἔχοντα γίγνεται τὰ ζῷα, ἐκ δὲ ταύτης τοῖς μὲν αὐτῶν οὐκ
ἐγγίγνεται μνήμη, τοῖς δ' ἐγγίγνεται. (980β) Καὶ διὰ τοῦτο
ταῦτα φρονιμώτερα καὶ μαθητικώτερα τῶν μὴ δυναμένων
μνημονεύειν ἐστί, φρόνιμα μὲν ἄνευ τοῦ μανθάνειν ὅσα μὴ
δύναται τῶν ψόφων ἀκούειν (οἷον μέλιττα κἂν εἴ τι τοιοῦτον
ἄλλο γένος ζῴων ἔστἰ, μανθάνει δ' ὅσα πρὸς τῇ μνήμῃ καὶ
ταύτην ἔχει τὴν αἴσθησιν. Τὰ μὲν οὖν ἄλλα ταῖς φαντασίαις ζῇ
καὶ ταῖς μνήμαις, ἐμπειρίας δὲ μετέχει μικρόν· τὸ δὲ τῶν
ἀνθρώπων γένος καὶ τέχνῃ καὶ λογισμοῖς. Γίγνεται δ' ἐκ τῆς
μνήμης ἐμπειρία τοῖς ἀνθρώποις· αἱ γὰρ πολλαὶ μνῆμαι τοῦ
αὐτοῦ πράγματος μιᾶς ἐμπειρίας δύναμιν ἀποτελοῦσιν.
(981α) Καὶ δοκεῖ σχεδὸν ἐπιστήμῃ καὶ τέχνῃ ὅμοιον εἶναι καὶ
ἐμπειρία, ἀποβαίνει δ' ἐπιστήμη καὶ τέχνη διὰ τῆς ἐμπειρίας τοῖς
ἀνθρώποις· ἡ μὲν γὰρ ἐμπειρία τέχνην ἐποίησεν, ὡς φησὶ Πῶλος,
ἡ δ' ἀπειρία τύχην. Γίγνεται δὲ τέχνη ὅταν ἐκ πολλῶν τῆς
ἐμπειρίας ἐννοημάτων μία καθόλου γένηται περὶ τῶν ὁμοίων
ὑπόληψις. Τὸ μὲν γὰρ ἔχειν ὑπόληψιν ὅτι Καλλίᾳ κάμνοντι τηνδὶ
τὴν νόσον τοδὶ συνήνεγκε καὶ Σωκράτει καὶ καθ' ἕκαστον οὕτω
πολλοῖς, ἐμπειρίας ἐστίν· τὸ δ' ὅτι πᾶσι τοῖς τοιοῖσδε κατ'
εἶδος ἓν ἀφορισθεῖσι, κάμνουσι τηνδὶ τὴν νόσον, συνήνεγκεν,
οἷον τοῖς φλεγματώδεσιν ἢ χολώδεσι (ἢ) πυρέττουσι καύσῳ, τέχνης.
Πρὸς μὲν οὖν τὸ πράττειν ἐμπειρία τέχνης οὐδὲν δοκεῖ διαφέρειν,
ἀλλὰ καὶ μᾶλλον ἐπιτυγχάνουσιν οἱ ἔμπειροι τῶν ἄνευ τῆς
ἐμπειρίας λόγον ἐχόντων (αἴτιον δ' ὅτι ἡ μὲν ἐμπειρία τῶν
καθ' ἕκαστόν ἐστι γνῶσις ἡ δὲ τέχνη τῶν καθόλου, αἱ δὲ πράξεις
καὶ αἱ γενέσεις πᾶσαι περὶ τὸ καθ' ἕκαστόν εἰσιν· οὐ γὰρ
ἄνθρωπον ὑγιάζει ὁ ἰατρεύων ἀλλ' ἢ κατὰ συμβεβηκός, ἀλλὰ
Καλλίαν ἢ Σωκράτην ἢ τῶν ἄλλων τινὰ τῶν οὕτω λεγομένων
ᾧ συμβέβηκεν ἀνθρώπῳ εἶναι· ἐὰν οὖν ἄνευ τῆς ἐμπειρίας ἔχῃ τις
τὸν λόγον, καὶ τὸ καθόλου μὲν γνωρίζῃ τὸ δ' ἐν τούτῳ καθ'
ἕκαστον ἀγνοῇ, πολλάκις διαμαρτήσεται τῆς θεραπείας·
θεραπευτὸν γὰρ τὸ καθ' ἕκαστον)· ἀλλ' ὅμως τό γε εἰδέναι καὶ τὸ
ἐπαΐειν τῇ τέχνῃ τῆς ἐμπειρίας ὑπάρχειν οἰόμεθα μᾶλλον, καὶ
σοφωτέρους τοὺς τεχνίτας τῶν ἐμπείρων ὑπολαμβάνομεν, ὡς
κατὰ τὸ εἰδέναι μᾶλλον ἀκολουθοῦσαν τὴν σοφίαν πᾶσι· τοῦτο δ'
ὅτι οἱ μὲν τὴν αἰτίαν ἴσασιν οἱ δ' οὔ. Οἱ μὲν γὰρ ἔμπειροι τὸ ὅτι
μὲν ἴσασι, διότι δ' οὐκ ἴσασιν· οἱ δὲ τὸ διότι καὶ τὴν αἰτίαν
γνωρίζουσιν. Διὸ καὶ τοὺς ἀρχιτέκτονας περὶ ἕκαστον
τιμιωτέρους καὶ μᾶλλον εἰδέναι νομίζομεν τῶν χειροτεχνῶν καὶ
σοφωτέρους, (981β) ὅτι τὰς αἰτίας τῶν ποιουμένων ἴσασιν (τοὺς
δ', ὥσπερ καὶ τῶν ἀψύχων ἔνια ποιεῖ μέν, οὐκ εἰδότα δὲ ποιεῖ ἃ
ποιεῖ, οἷον καίει τὸ πῦρ· τὰ μὲν οὖν ἄψυχα φύσει τινὶ ποιεῖν
τούτων ἕκαστον τοὺς δὲ χειροτέχνας δι' ἔθος), ὡς οὐ κατὰ τὸ
πρακτικοὺς εἶναι σοφωτέρους ὄντας ἀλλὰ κατὰ τὸ λόγον ἔχειν
αὐτοὺς καὶ τὰς αἰτίας γνωρίζειν. Ὅλως τε σημεῖον τοῦ εἰδότος
καὶ μὴ εἰδότος τὸ δύνασθαι διδάσκειν ἐστίν, καὶ διὰ τοῦτο τὴν
τέχνην τῆς ἐμπειρίας ἡγούμεθα μᾶλλον ἐπιστήμην εἶναι·
δύνανται γάρ, οἱ δὲ οὐ δύνανται διδάσκειν. Ἔτι δὲ τῶν
αἰσθήσεων οὐδεμίαν ἡγούμεθα εἶναι σοφίαν· καίτοι κυριώταταί
γ' εἰσὶν αὗται τῶν καθ' ἕκαστα γνώσεις· ἀλλ' οὐ λέγουσι τὸ διὰ τί
περὶ οὐδενός, οἷον διὰ τί θερμὸν τὸ πῦρ, ἀλλὰ μόνον ὅτι θερμόν.
Τὸ μὲν οὖν πρῶτον εἰκὸς τὸν ὁποιανοῦν εὑρόντα τέχνην παρὰ τὰς
κοινὰς αἰσθήσεις θαυμάζεσθαι ὑπὸ τῶν ἀνθρώπων μὴ μόνον
διὰ τὸ χρήσιμον εἶναί τι τῶν εὑρεθέντων ἀλλ' ὡς σοφὸν καὶ
διαφέροντα τῶν ἄλλων· πλειόνων δ' εὑρισκομένων τεχνῶν καὶ
τῶν μὲν πρὸς τἀναγκαῖα τῶν δὲ πρὸς διαγωγὴν οὐσῶν, ἀεὶ
σοφωτέρους τοὺς τοιούτους ἐκείνων ὑπολαμβάνεσθαι διὰ τὸ μὴ
πρὸς χρῆσιν εἶναι τὰς ἐπιστήμας αὐτῶν. Ὅθεν ἤδη πάντων
τῶν τοιούτων κατεσκευασμένων αἱ μὴ πρὸς ἡδονὴν μηδὲ πρὸς
τἀναγκαῖα τῶν ἐπιστημῶν εὑρέθησαν, καὶ πρῶτον ἐν τούτοις
τοῖς τόποις οὗ πρῶτον ἐσχόλασαν· διὸ περὶ Αἴγυπτον αἱ
μαθηματικαὶ πρῶτον τέχναι συνέστησαν, ἐκεῖ γὰρ ἀφείθη
σχολάζειν τὸ τῶν ἱερέων ἔθνος. Εἴρηται μὲν οὖν ἐν τοῖς
ἠθικοῖς τίς διαφορὰ τέχνης καὶ ἐπιστήμης καὶ τῶν ἄλλων τῶν
ὁμογενῶν· οὗ δ' ἕνεκα νῦν ποιούμεθα τὸν λόγον τοῦτ' ἐστίν, ὅτι
τὴν ὀνομαζομένην σοφίαν περὶ τὰ πρῶτα αἴτια καὶ τὰς ἀρχὰς
ὑπολαμβάνουσι πάντες· ὥστε, καθάπερ εἴρηται πρότερον, ὁ
μὲν ἔμπειρος τῶν ὁποιανοῦν ἐχόντων αἴσθησιν εἶναι δοκεῖ
σοφώτερος, ὁ δὲ τεχνίτης τῶν ἐμπείρων, χειροτέχνου δὲ
ἀρχιτέκτων, αἱ δὲ θεωρητικαὶ τῶν ποιητικῶν μᾶλλον.
(982α) Ὅτι μὲν οὖν ἡ σοφία περί τινας ἀρχὰς καὶ αἰτίας
ἐστὶν ἐπιστήμη, δῆλον.
| [1,1] CHAPITRE PREMIER.
Tous les hommes ont un désir naturel de savoir, comme le témoigne l'ardeur avec
laquelle on recherche les connaissances qui s'acquièrent par les sens. On les
recherche en effet pour elles-mêmes et indépendamment de leur utilité, surtout
celles que nous devons à la vue; car ce n'est pas seulement dans un but pratique,
c'est sans vouloir en faire aucun usage, que nous préférons en quelque manière
cette sensation à toutes les autres ; cela vient de ce qu'elle nous fait connaître plus
d'objets, et nous découvre plus de différences. La nature a donné aux animaux la
faculté de sentir : mais chez les uns, la sensation ne produit pas la mémoire, chez
les autres, elle la produit; et c'est pour cela que ces derniers sont plus intelligents et
plus capables d'apprendre que ceux qui n'ont pas la faculté de se ressouvenir.
L'intelligence toute seule, sans la faculté d'apprendre, est le partage de ceux qui ne
peuvent entendre les sons, comme les abeilles et les autres animaux de cette
espèce; la capacité d'apprendre est propre à tous ceux qui réunissent à la mémoire
le sens de l'ouïe. Il y a des espèces qui sont réduites à l'imagination et à la mémoire,
et qui sont peu capables d'expérience : mais la race humaine s'élève jusqu'à l'art et
jusqu'au raisonnement. C'est la mémoire qui dans l'homme produit l'expérience; car
plusieurs ressouvenirs d'une même chose constituent une expérience;
aussi l'expérience paraît-elle presque semblable à la science et à l'art; et c'est de
l'expérience que l'art et la science viennent aux hommes; car, comme le dit Polus, et
avec raison, c'est l'expérience qui fait l'art, et l'inexpérience le hasard. L'art
commence, lorsque, de plusieurs données empruntées à l'expérience, se forme une
seule notion générale, qui s'applique à tous les cas analogues. Savoir que Callias
étant attaqué de telle maladie, tel remède lui a réussi, ainsi qu'à Socrate; et de
même à plusieurs autres pris individuellement, c'est de l'expérience; mais savoir
d'une manière générale que tous les individus compris dans une même classe et
atteints de telle maladie, de la pituite, par exemple, ou de la bile ou de la fièvre, ont
été guéris par le même remède, c'est de l'art. Pour la pratique, l'expérience ne diffère
pas de l'art, et même les hommes d'expérience atteignent mieux leur but que ceux
qui n'ont que la théorie sans l'expérience; la raison en est que l'expérience est la
connaissance du particulier, l'art celle du général, et que tout acte, tout fait tombe sur
le particulier; car ce n'est pas l'homme en général que guérit le médecin, mais
l'homme particulier, mais Callias ou Socrate, ou tout autre individu semblable, qui se
trouve être un homme; si donc quelqu'un possède la théorie sans l'expérience, et
connaît le général sans connaître le particulier dont il se compose, celui-là se
trompera souvent sur le remède à employer; car ce qu'il s'agit de guérir, c'est
l'individu. Cependant on croit que le savoir appartient plus à l'art qu'à l'expérience, et
on tient pour plus sages les hommes d'art que les hommes d'expérience; car la
sagesse est toujours en raison du savoir. Et il en est ainsi parce que les premiers
connaissent la cause, tandis que les seconds ne la connaissent pas; les hommes
d'expérience en effet, savent bien qu'une chose est, mais le pourquoi, ils l'ignorent;
les autres, au contraire, savent le pourquoi et la cause. Aussi on regarde en toute
circonstance les architectes comme supérieurs en considération, en savoir et en
sagesse aux simples manoeuvres, parce qu'ils savent la raison de ce qui se fait,
tandis qu'il en est de ces derniers comme de ces espèces inanimées qui agissent
sans savoir ce quelles font, par exemple, le feu qui brûle sans savoir qu'il brûle. Les
êtres insensibles suivent l'impulsion de leur nature; les manoeuvres suivent
l'habitude; aussi n'est-ce pas par rapport à la pratique qu'on préfère les architectes
aux manoeuvres, mais par rapport à la théorie, et parce qu'ils ont la connaissance
des causes. Enfin, ce qui distingue le savant, c'est qu'il peut enseigner; et c'est
pourquoi on pense qu'il y a plus de savoir dans l'art que dans l'expérience; car
l'homme d'art peut enseigner, l'homme d'expérience ne le peut pas. En outre, on
n'attribue la sagesse à aucune des connaissances qui viennent par les sens,
quoiqu'ils soient le vrai moyen de connaître les choses particulières ; mais ils ne
nous disent le pourquoi de rien ; par exemple, ils ne nous apprennent pas pourquoi
le feu est chaud, mais seulement qu'il est chaud. D'après cela, il était naturel que le
premier qui trouva, au-dessus des connaissances sensibles, communes à tous, un
art quelconque, celui-là fut admiré des hommes, non seulement à cause de l'utilité
de ses découvertes, mais aussi comme un sage supérieur au reste des hommes.
Les arts s'étant multipliés, et les uns se rapportant aux nécessités, les autres aux
agréments de la vie, les inventeurs de ceux-ci ont toujours été estimés plus sages
que les inventeurs de ceux-là, parce que leurs découvertes ne se rapportaient pas à
des besoins. Ces deux sortes d'arts une fois trouvés, on en découvrit d'autres qui
n'avaient plus pour objet ni le plaisir ni la nécessité, et ce fut d'abord dans les pays
où les hommes avaient du loisir. Ainsi, c'est en Égypte que les mathématiques se
sont formées ; là, en effet, beaucoup de loisir était laissé à la caste des prêtres. Du
reste, nous avons dit dans la Morale en quoi diffèrent l'art et la science et les autres
degrés de connaissance; ce que nous voulons établir ici, c'est que tout le monde
entend par la sagesse à proprement parler la connaissance des premières causes et
des principes; de telle sorte que, comme nous l'avons déjà dit, sous le rapport de la
sagesse, l'expérience est supérieure à la sensation, l'art à l'expérience, l’architecte
au manoeuvre et la théorie à la pratique. Il est clair d'après cela que la sagesse par
excellence, la philosophie est la science de certains principes et de certaines causes.
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