[353] (353a) τί δέ; μαχαίρᾳ ἂν ἀμπέλου κλῆμα ἀποτέμοις καὶ σμίλῃ καὶ
ἄλλοις πολλοῖς;
πῶς γὰρ οὔ;
ἀλλ' οὐδενί γ' ἂν οἶμαι οὕτω καλῶς ὡς δρεπάνῳ τῷ ἐπὶ τούτῳ
ἐργασθέντι.
ἀληθῆ.
ἆρ' οὖν οὐ τοῦτο τούτου ἔργον θήσομεν;
θήσομεν μὲν οὖν.
νῦν δὴ οἶμαι ἄμεινον ἂν μάθοις ὃ ἄρτι ἠρώτων, πυνθανόμενος εἰ οὐ
τοῦτο ἑκάστου εἴη ἔργον ὃ ἂν ἢ μόνον τι ἢ κάλλιστα τῶν ἄλλων
ἀπεργάζηται.
ἀλλά, ἔφη, μανθάνω τε καί μοι δοκεῖ τοῦτο ἑκάστου (353b)
πράγματος ἔργον εἶναι.
εἶεν, ἦν δ' ἐγώ. οὐκοῦν καὶ ἀρετὴ δοκεῖ σοι εἶναι ἑκάστῳ ᾧπερ καὶ
ἔργον τι προστέτακται; ἴωμεν δὲ ἐπὶ τὰ αὐτὰ πάλιν· ὀφθαλμῶν, φαμέν,
ἔστι τι ἔργον;
ἔστιν.
ἆρ' οὖν καὶ ἀρετὴ ὀφθαλμῶν ἔστιν;
καὶ ἀρετή.
τί δέ; ὤτων ἦν τι ἔργον;
ναί.
οὐκοῦν καὶ ἀρετή;
καὶ ἀρετή.
τί δὲ πάντων πέρι τῶν ἄλλων; οὐχ οὕτω;
οὕτω.
῎Εχε δή· ἆρ’ ἄν ποτε ὄμματα τὸ αὑτῶν ἔργον καλῶς (353c)
ἀπεργάσαιντο μὴ ἔχοντα τὴν αὑτῶν οἰκείαν ἀρετήν, ἀλλ' ἀντὶ τῆς ἀρετῆς
κακίαν;
καὶ πῶς ἄν; ἔφη· τυφλότητα γὰρ ἴσως λέγεις ἀντὶ τῆς ὄψεως.
ἥτις, ἦν δ' ἐγώ, αὐτῶν ἡ ἀρετή· οὐ γάρ πω τοῦτο ἐρωτῶ, ἀλλ' εἰ τῇ
οἰκείᾳ μὲν ἀρετῇ τὸ αὑτῶν ἔργον εὖ ἐργάσεται τὰ ἐργαζόμενα, κακίᾳ δὲ
κακῶς.
ἀληθές, ἔφη, τοῦτό γε λέγεις.
οὐκοῦν καὶ ὦτα στερόμενα τῆς αὑτῶν ἀρετῆς κακῶς τὸ αὑτῶν ἔργον
ἀπεργάσεται;
πάνυ γε.
(353d) τίθεμεν οὖν καὶ τἆλλα πάντα εἰς τὸν αὐτὸν λόγον;
ἔμοιγε δοκεῖ.
ἴθι δή, μετὰ ταῦτα τόδε σκέψαι. ψυχῆς ἔστιν τι ἔργον ὃ ἄλλῳ τῶν
ὄντων οὐδ' ἂν ἑνὶ πράξαις, οἷον τὸ τοιόνδε· τὸ ἐπιμελεῖσθαι καὶ ἄρχειν καὶ
βουλεύεσθαι καὶ τὰ τοιαῦτα πάντα, ἔσθ' ὅτῳ ἄλλῳ ἢ ψυχῇ δικαίως ἂν
αὐτὰ ἀποδοῖμεν καὶ φαῖμεν ἴδια ἐκείνης εἶναι;
οὐδενὶ ἄλλῳ.
τί δ' αὖ τὸ ζῆν; οὐ ψυχῆς φήσομεν ἔργον εἶναι;
μάλιστά γ', ἔφη.
οὐκοῦν καὶ ἀρετήν φαμέν τινα ψυχῆς εἶναι;
φαμέν.
(353e) ἆρ' οὖν ποτε, ὦ Θρασύμαχε, ψυχὴ τὰ αὑτῆς ἔργα εὖ
ἀπεργάσεται στερομένη τῆς οἰκείας ἀρετῆς, ἢ ἀδύνατον;
ἀδύνατον.
ἀνάγκη ἄρα κακῇ ψυχῇ κακῶς ἄρχειν καὶ ἐπιμελεῖσθαι, τῇ δὲ ἀγαθῇ
πάντα ταῦτα εὖ πράττειν.
ἀνάγκη.
οὐκοῦν ἀρετήν γε συνεχωρήσαμεν ψυχῆς εἶναι δικαιοσύνην, κακίαν
δὲ ἀδικίαν;
συνεχωρήσαμεν γάρ.
ἡ μὲν ἄρα δικαία ψυχὴ καὶ ὁ δίκαιος ἀνὴρ εὖ βιώσεται, κακῶς δὲ ὁ
ἄδικος.
φαίνεται, ἔφη, κατὰ τὸν σὸν λόγον.
| [353] Mais quoi ! ne pourrais-tu pas tailler un sarment de (353a) vigne avec un
couteau, un tranchet, et beaucoup d'autres instruments?
Pourquoi pas?
Mais avec aucun, je pense, aussi bien qu'avec une serpette qui est faite pour cela.
C'est vrai.
Donc, ne poserons-nous pas que c'est là sa fonction?
Nous le poserons certainement.
Maintenant, je pense, tu comprends mieux ce que je disais tout à l'heure quand
je te demandais si la fonction d'une chose n'est pas ce qu'elle seule peut
faire, ou ce qu'elle fait mieux que les autres.
Je comprends, dit-il, et il me semble que c'est bien (353b) là la fonction de
chaque chose.
Bon, repris-je. Mais n'y a-t-il pas aussi une vertu en chaque chose à qui une
fonction est assignée ? Revenons à nos exemples précédents : les yeux,
disons-nous, ont une fonction ?
Ils en ont une.
Ils ont donc aussi une vertu ?
Ils ont aussi une vertu.
Mais quoi ! les oreilles, avons-nous dit, ont une fonction ?
Oui.
Et donc une vertu aussi ?
Une vertu aussi.
Mais à propos de toute chose n'en est-il pas de même ?
Il en est de même.
Eh bien ! les yeux pourraient-ils jamais bien remplir (353c) leur fonction s'ils
n'avaient pas la vertu qui leur est propre, ou si, au lieu de cette vertu, ils
avaient le vice contraire ?
Comment le pourraient-ils ? Tu veux dire probablement la cécité à la place de la
vue?
Quelle est leur vertu, peu importe ; je ne te le demande pas encore, mais
seulement si chaque chose s'acquitte bien de sa fonction par sa vertu propre, et
mal par le vice contraire.
C'est comme tu dis, avoua-t-il.
Ainsi donc, les oreilles, privées de leur vertu propre, rempliront mal leur
fonction ?
Sans doute.
(353d) Ce principe s'applique-t-il à toutes les autres choses?
Il me le semble.
Or çà, donc, examine maintenant ceci : l'âme n'a-t-elle pas une fonction que
rien d'autre qu'elle ne pourrait remplir, comme de surveiller, commander,
délibérer et le reste ? Peut-on attribuer ces fonctions à autre chose qu'à
l'âme, et n'avons-nous pas le droit de dire qu'elles lui sont propres ?
On ne peut les attribuer à aucune autre chose.
Et la vie ? ne dirons-nous pas qu'elle est une fonction de l'âme ?
Assurément, répondit-il.
Donc, nous affirmerons que l'âme aussi a sa vertu propre?
Nous l'affirmerons.
Or, Thrasymaque, est-ce que l'âme s'acquittera jamais (353e) bien de ces
fonctions si elle est privée de sa vertu propre? ou bien est-ce impossible ?
C'est impossible.
Par conséquent, il y a nécessité qu'une âme mauvaise commande et surveille mal,
et que l'âme bonne fasse bien tout cela.
Il y a nécessité.
Or, ne sommes-nous pas tombés d'accord que la justice est une vertu, et
l'injustice un vice de l'âme ?
Nous en sommes tombés d'accord, en effet.
Donc l'âme juste et l'homme juste vivront bien, et l'injuste mal ?
Il le semble, dit-il, d'après ton raisonnement.
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