[275] καὶ νῦν (275a) σύ, πατὴρ ὢν γραμμάτων, δι᾽ εὔνοιαν τοὐναντίον εἶπες ἢ δύναται.
τοῦτο γὰρ τῶν μαθόντων λήθην μὲν ἐν ψυχαῖς παρέξει μνήμης ἀμελετησίᾳ, ἅτε διὰ
πίστιν γραφῆς ἔξωθεν ὑπ᾽ ἀλλοτρίων τύπων, οὐκ ἔνδοθεν αὐτοὺς ὑφ᾽ αὑτῶν
ἀναμιμνῃσκομένους· οὔκουν μνήμης ἀλλὰ ὑπομνήσεως φάρμακον ηὗρες.
σοφίας δὲ τοῖς μαθηταῖς δόξαν, οὐκ ἀλήθειαν πορίζεις· πολυήκοοι γάρ σοι
γενόμενοι ἄνευ διδαχῆς πολυγνώμονες (275b) εἶναι δόξουσιν, ἀγνώμονες ὡς ἐπὶ
τὸ πλῆθος ὄντες, καὶ χαλεποὶ συνεῖναι, δοξόσοφοι γεγονότες ἀντὶ σοφῶν."
(Φαῖδρος) ὦ Σώκρατες, ῥᾳδίως σὺ Αἰγυπτίους καὶ ὁποδαποὺς ἂν ἐθέλῃς λόγους ποιεῖς.
(Σωκράτης)
οἱ δέ γ᾽, ὦ φίλε, ἐν τῷ τοῦ Διὸς τοῦ Δωδωναίου ἱερῷ δρυὸς λόγους ἔφησαν
μαντικοὺς πρώτους γενέσθαι. τοῖς μὲν οὖν τότε, ἅτε οὐκ οὖσι σοφοῖς ὥσπερ
ὑμεῖς οἱ νέοι, ἀπέχρη δρυὸς καὶ πέτρας ἀκούειν ὑπ᾽ εὐηθείας, εἰ μόνον (275c)
ἀληθῆ λέγοιεν· σοὶ δ᾽ ἴσως διαφέρει τίς ὁ λέγων καὶ ποδαπός. οὐ γὰρ ἐκεῖνο
μόνον σκοπεῖς, εἴτε οὕτως εἴτε ἄλλως ἔχει;
(Φαῖδρος)
ὀρθῶς ἐπέπληξας, καί μοι δοκεῖ περὶ γραμμάτων ἔχειν ᾗπερ ὁ Θηβαῖος λέγει.
(Σωκράτης)
οὐκοῦν ὁ τέχνην οἰόμενος ἐν γράμμασι καταλιπεῖν, καὶ αὖ ὁ παραδεχόμενος ὥς
τι σαφὲς καὶ βέβαιον ἐκ γραμμάτων ἐσόμενον, πολλῆς ἂν εὐηθείας γέμοι καὶ τῷ
ὄντι τὴν Ἄμμωνος μαντείαν ἀγνοοῖ, πλέον τι οἰόμενος εἶναι λόγους (275d)
γεγραμμένους τοῦ τὸν εἰδότα ὑπομνῆσαι περὶ ὧν ἂν ᾖ τὰ γεγραμμένα.
(Φαῖδρος) ὀρθότατα.
(Σωκράτης)
δεινὸν γάρ που, ὦ Φαῖδρε, τοῦτ᾽ ἔχει γραφή, καὶ ὡς ἀληθῶς ὅμοιον ζωγραφίᾳ.
καὶ γὰρ τὰ ἐκείνης ἔκγονα ἕστηκε μὲν ὡς ζῶντα, ἐὰν δ᾽ ἀνέρῃ τι, σεμνῶς πάνυ
σιγᾷ. ταὐτὸν δὲ καὶ οἱ λόγοι· δόξαις μὲν ἂν ὥς τι φρονοῦντας αὐτοὺς λέγειν, ἐὰν
δέ τι ἔρῃ τῶν λεγομένων βουλόμενος μαθεῖν, ἕν τι σημαίνει μόνον ταὐτὸν ἀεί.
ὅταν δὲ ἅπαξ (275e) γραφῇ, κυλινδεῖται μὲν πανταχοῦ πᾶς λόγος ὁμοίως παρὰ
τοῖς ἐπαΐουσιν, ὡς δ᾽ αὕτως παρ᾽ οἷς οὐδὲν προσήκει, καὶ οὐκ ἐπίσταται λέγειν
οἷς δεῖ γε καὶ μή. πλημμελούμενος δὲ καὶ οὐκ ἐν δίκῃ λοιδορηθεὶς τοῦ πατρὸς ἀεὶ
δεῖται βοηθοῦ· αὐτὸς γὰρ οὔτ᾽ ἀμύνασθαι οὔτε βοηθῆσαι δυνατὸς αὑτῷ.
(Φαῖδρος) καὶ ταῦτά σοι ὀρθότατα εἴρηται.
| [275] (275a) Et voilà maintenant que toi, en ta qualité de père des
lettres de l'écriture, tu te plais à doter ton enfant d'un pouvoir
contraire de celui qu'il possède. Car cette invention, en dispensant
les hommes d'exercer leur mémoire, produira l'oubli
dans l'âme de ceux qui en auront acquis la connaissance;
en tant que, confiants dans l'écriture, ils chercheront au
dehors, grâce à des caractères étrangers, non point
au-dedans et grâce à eux-mêmes, le moyen de se ressouvenir;
en conséquence, ce n'est pas pour la mémoire,
c'est plutôt pour la procédure du ressouvenir que tu as
trouvé un remède. Quant à la science, c'en est l'illusion,
non la réalité, que tu procures à tes élèves : lorsqu'en
effet, avec toi, ils auront réussi, sans enseignement, à
se pourvoir d'une information abondante, ils se croiront
compétents en une quantité de choses, (b) alors qu'ils
sont, dans la plupart, incompétents; insupportables en
outre dans leur commerce, parce que, au lieu d'être
savants, c'est savants d'illusion qu'ils seront devenus!"
— (PHÈDRE) : Il ne te coûte guère, Socrate,
de composer des discours égyptiens, comme de tout autre pays
qu'il te plairait! —(SOCRATE) : Les prêtres du temple de
Zeus à Dodone ont bien assuré que c'est d'un chêne
que sont sorties les premières prophéties! Ainsi, les gens
de ce temps-là, parce qu'ils n'étaient pas des savants
comme vous autres, les modernes, se contentaient,
dans leur naïveté, d'écouter la voix d'un chêne ou d'une
pierre, pourvu seulement que cette voix fût véridique;
(c) mais, pour toi, l'important, probablement, c'est qui
est celui qui parle, de quel pays est-il! Car ce que tu
envisages, ce n'est pas uniquement de savoir si les choses
sont comme cela, ou bien autrement. — (PHÈDRE) : Tu as
bien fait de me gronder, et, sur la question de l'écriture,
les choses sont, à mon avis, exactement comme le dit ton
roi de Thèbes! — (SOCRATE) : C'est donc que s'imaginer
avoir, dans des lettres d'écriture, laissé derrière soi une
connaissance technique, recevoir à son tour cela comme
si, de ces lettres, il devait sortir quelque chose de clair
et de solide, c'est avoir plus que son plein de naïveté,
c'est véritablement méconnaître l'oracle d'Ammon, (d)
d'aller croire que des paroles écrites ont plus de prix
que l'acte, pour celui qui connaît la question dont traite
l'écrit, de se ressouvenir de ce qu'il sait. — (PHÈDRE) : Rien
de plus juste! — (SOCRATE) : Ce qu'il y a même en effet, sans
doute, de terrible dans l'écriture, c'est, Phèdre, sa ressemblance
avec la peinture : les rejetons de celle-ci ne se
présentent-ils pas comme des êtres vivants, mais ne se
taisent-ils pas majestueusement quand on les interroge?
Il en est de même aussi pour les discours écrits : on
croirait que ce qu'ils disent, ils y pensent; mais, si on
les interroge sur tel point de ce qu'ils disent, avec l'intention
de s'instruire, c'est une chose unique qu'ils donnent
à comprendre, une seule, toujours la même! D'autre
part, une fois écrit, chaque discours s'en va rouler de
tous côtés, (e) pareillement auprès des gens qui s'y
connaissent, comme, aussi bien, près de ceux auxquels il
ne convient nullement; il ignore à quelles gens il doit
ou ne doit pas s'adresser. Mais, quand il est aigrement
critiqué, injustement vilipendé, il a toujours besoin
du secours de son père, car il est incapable, tout seul,
et de se défendre et de se porter secours à lui-même. —
(PHÈDRE) : Voilà qui, encore, ne peut être plus justement dit!
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