[8,5] Ὑπὲρ δὲ τοῦ τίνα χρὴ πολεμεῖν αὐτοῖς τρόπον
προθέντων σκοπεῖν τῶν ἐν τοῖς τέλεσι παρελθὼν ὁ
Τύλλος συνεβούλευσεν αὐτοῖς καλεῖν τὸν Μάρκιον καὶ
παρ´ ἐκείνου πυνθάνεσθαι, πῶς ἂν ἡ Ῥωμαίων καταλυθείη
δύναμις· κράτιστα γὰρ ἁπάντων ἀνθρώπων
εἰδέναι, πῇ τε κάμνει τὰ τῆς πόλεως πράγματα καὶ πῇ
μάλιστα ἔρρωται. ἐδόκει ταῦτα, καὶ αὐτίκα πάντες
ἐβόων καλεῖν τὸν ἄνδρα. καὶ ὁ Μάρκιος ἧς ἐβούλετο
ἀφορμῆς λαβόμενος ἀνέστη κατηφὴς καὶ δεδακρυμένος
καὶ μικρὸν ἐπισχὼν χρόνον τοιούτους διέθετο λόγους·
Εἰ μὲν ἡγούμην ὑμᾶς ἅπαντας ὅμοια γινώσκειν περὶ
τῆς ἐμῆς συμφορᾶς, οὐκ ἂν ὑπελάμβανον ἀναγκαῖον
εἶναι περὶ αὐτῆς ἀπολογεῖσθαι· ἐνθυμούμενος δ´, ὡς
ἐν πολλοῖς καὶ διαφόροις ἤθεσιν εἰκός, εἶναί τινας,
οἷς παραστήσεται δόξα οὔτ´ ἀληθὴς οὔτε προσήκουσα
περὶ ἐμοῦ, ὡς οὐκ ἂν ἄτερ αἰτίας ἀληθοῦς καὶ δικαίας
ἐξήλασέ με ὁ δῆμος ἐκ τῆς πατρίδος, παντὸς μάλιστα
οἴομαι δεῖν πρῶτον ὑπὲρ τῆς ἐμῆς φυγῆς ἐν κοινῷ
πρὸς ἅπαντας ὑμᾶς ἀπολογήσασθαι. ἀλλ´ ἀνάσχεσθέ
μου, πρὸς θεῶν, καὶ οἱ κράτιστα ἐγνωκότες, ἃ πέπονθα
ὑπὸ τῶν ἐχθρῶν καὶ ὡς οὐ προσῆκόν μοι ταύτης πεπείραμαι τῆς
τύχης διεξιόντος, καὶ μὴ πρότερον ποθεῖτε,
ὅ τι χρὴ πράττειν ἀκοῦσαι, πρίν, ὁποῖός τις εἰμὶ ὁ
τὴν γνώμην ἀποδειξόμενος, ἐξετάσαι. ἔσται δὲ βραχὺς
ὁ περὶ αὐτῶν, κἂν πρόσωθεν ἄρξωμαι, λόγος. Ῥωμαίοις
τὸ μὲν ἐξ ἀρχῆς πολίτευμα ἦν μικτὸν ἔκ τε βασιλείας
καὶ ἀριστοκρατίας· ἔπειτα ὁ τελευταῖος βασιλεὺς Ταρκύνιος
τυραννίδα τὴν ἀρχὴν ἠξίου ποιεῖν. συστάντες
οὖν ἐπ´ αὐτὸν οἱ τῆς ἀριστοκρατίας ἡγεμόνες ἐκεῖνον
μὲν ἐξέβαλον ἐκ τῆς πόλεως, αὐτοὶ δὲ τὰ κοινὰ κατέσχον ἀρίστην
καὶ σωφρονεστάτην, ὡς ἅπαντες ὁμολογοῦσι, καταστησάμενοι
πολιτείαν. χρόνοις δ´ οὐ πολλοῖς τῶν νῦν πρότερον, ἀλλὰ τρίτον ἢ
τέταρτον τοῦτ´ ἔτος οἱ πενέστατοί τε καὶ ἀργότατοι τῶν πολιτῶν
πονηροῖς χρησάμενοι προστάταις ἄλλα τε πολλὰ ἐξύβρισαν,
καὶ τελευτῶντες καταλύειν τὴν ἀριστοκρατίαν ἐπεχείρουν. ἐφ´
οἷς ἅπαντες μὲν οἱ τῆς βουλῆς προεστηκότες ἤχθοντο καί, ὅπως
παύσωνται τῆς ὕβρεως οἱ
κινοῦντες τὴν πολιτείαν, σκοπεῖν ἠξίουν. ὑπὲρ ἅπαντας δὲ τοὺς
ἀριστοκρατικοὺς ἐκ μὲν τῶν πρεσβυτέρων
Ἄππιος ἀνὴρ πολλῶν ἄξιος ἕνεκεν ἐπαινεῖσθαι, ἐκ δὲ
τῶν νεωτέρων ἐγώ· καὶ λόγους ἐποιούμεθα διὰ παντὸς
ἐπὶ τῆς βουλῆς ἐλευθέρους οὐ δήμῳ πολεμοῦντες, ἀλλὰ
πονηροκρατίαν ὑφορώμενοι, οὐδὲ καταδουλώσασθαί τινα
βουλόμενοι Ῥωμαίων, ἀλλὰ τὸ μὲν ἐλεύθερον ἅπασιν
ἀξιοῦντες ὑπάρχειν, τὴν δὲ προστασίαν τῶν κοινῶν
ἀποδεδόσθαι τοῖς κρείττοσι.
| [8,5] Ensuite les députés confèrent ensemble sur les moyens
d'exécuter leur projet. Tullus s'avance au milieu de l'assemblée :
il leur conseille de faire venir Marcius et de le consulter sur
les moyens d'abattre la puissance des Romains, que personne ne la
connaissait plus parfaitement que lui, et qu'il en savait le fort et le faible.
Ce conseil fut approuvé, et tout le monde cria qu'il fallait faire venir
Marcius. Cet exilé arrive et profitant de l'occasion qu'il attendait depuis
longtemps il paraît dans l'assemblée avec un visage triste et les yeux
baignés de larmes, mais sans rien dire d'abord. Enfin après un moment
de silence il parla ainsi.
VI. « SI j'étais persuadé, Messieurs, que vous eussiez tous les
mêmes sentiments sur mon malheur, je ne croirais pas qu'il fût nécessaire
de m'étendre sur ce sujet pour me justifier auprès de vous. Mais comme il
est difficile qu'entre tant de différents caractères, quelques-uns ne se
persuadent faussement et mal à propos que ce n'est pas sans de bonnes
et de justes raisons que le peuple Romain m'a chassé de la patrie, je
crois que je dois d'abord vous exposer les causes de mon exil afin de me
justifier devant cette illustre assemblée. Je vous conjure par les dieux,
vous qui savez déjà de quelle manière mes ennemis m'ont traité et par
quelles intrigues ils m'ont précipité dans le malheur où je suis sans que je
l'aie mérité par ma conduite, je vous conjure, dis- je, de m'écouter
favorablement, et de ne me pas presser de vous donner les instructions
que vous me demandez avant que je me sois fait connaître plus
parfaitement à vous. Quoique je reprenne les choses de fort loin, je ne
vous tiendrai pas longtemps sur cette matière.
« VII. LES Romains eurent dans les commencements une forme de
gouvernement partie monarchique partie aristocratique. Tarquin leur
dernier roi voulut la changer en tyrannie. Alors les magistrats défenseurs
de l'aristocratie se liguèrent contre lui et le chassèrent de Rome. Délivrés
de ce tyran, ils se chargèrent eux-mêmes de l'administration de la
république, et lui donnèrent une nouvelle forme, qui de l'aveu de tout le
monde était pleine de sagesse et de modération : mais tout récemment,
c'est-à-dire depuis trois ou quatre ans, les plus pauvres de nos citoyens
livrés à une lâche oisiveté et excités par les pernicieux conseils de
certains esprits brouillons qui les conduisent, après mille traits de
l'insolence la plus outrée ont enfin tenté d'anéantir la puissance des
grands. Irrités d'une pareille audace, les premières têtes du sénat ont
cherché les moyens de traverser leurs dangereuses entreprises, et de les
contenir dans les bornes de la modération. Entre les sénateurs les plus
vénérables par leur âge, Appius Claudius digne de mille louanges signala
sa fermeté dans cette rencontre. Je fus le seul parmi les jeunes qui osai
suivre un si bel exemple : nous ne cessions de parler librement dans
les assemblées du sénat, non pas pour faire la guerre au peuple ni pour
réduire aucun des Romains sous l'esclavage, mais parce que la
puissance des méchants nous étant suspecte, nous n'avions rien plus à
cœur que de conserver la liberté à tous les citoyens et de rendre à la
noblesse l'autorité du gouvernement.
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