[8,6] Ταῦθ´ ὁρῶντες οἱ πονηρότατοι τοῦ πλήθους
ἐκεῖνοι προστάται πρώτους ἔγνωσαν ἡμᾶς τοὺς φανερώτατα
ἐναντιουμένους σφίσιν ἐκποδὼν ποιήσασθαι,
οὐχ ἅμ´ ἀμφοτέροις ἐπιχειρήσαντες, ἵνα μὴ ἐπίφθονόν
τε καὶ βαρὺ τὸ πρᾶγμα γένηται, ἀλλ´ ἀπ´ ἐμοῦ τοῦ
νεωτέρου τε καὶ εὐμεταχειριστοτέρου ἀρξάμενοι. τὸ
μὲν οὖν πρῶτον ἄκριτόν με ἐπεχείρησαν ἀπολέσαι,
ἔπειτ´ ἔκδοτον παρὰ τῆς βουλῆς ἠξίουν ἐπὶ θανάτῳ
λαβεῖν· ἀποτυχόντες δ´ ἀμφοτέρων προὐκαλέσαντο ἐπὶ
δίκην, ἣν αὐτοὶ δικάσειν ἔμελλον, τυραννίδος ἐπιβαλόντες αἰτίαν.
καὶ οὐδὲ τοῦτ´ ἔμαθον, ὅτι δήμῳ τύραννος οὐδεὶς πολεμεῖ μετὰ
τῶν ἀρίστων συστάς, ἀλλὰ
τἀναντία μετὰ τοῦ δήμου τὸ κράτιστον ἐκ τῆς πόλεως
ἀναιρεῖ μέρος· δικαστήριόν τ´ οὐχ ὅπερ ἦν πάτριον
ἀπέδωκάν μοι τὴν λοχῖτιν καλέσαντες ἐκκλησίαν, ἀλλ´
ὃ πάντες ὁμολογοῦσι πονηρότατον εἶναι {δικαστήριον}
καὶ ἐπ´ ἐμοῦ πρώτου καὶ μόνου γενόμενον, ἐν ᾧ πλέον
ἔχειν ἔμελλον οἱ θῆτες καὶ ἀνέστιοι καὶ τοῖς ἀλλοτρίοις
ἐπιβουλεύοντες βίοις τῶν ἀγαθῶν καὶ δικαίων καὶ τὰ
κοινὰ σώζεσθαι βουλομένων. τοσοῦτο δ´ ἄρα μοι περιῆν τοῦ
μηδὲν ἀδικεῖν, ὥστ´ ἐν ὄχλῳ κρινόμενος, οὗ
τὸ πλέον μισόχρηστον ἦν καὶ διὰ τοῦτ´ ἐχθρὸν ἐμοί,
δυσὶ μόνον ἑάλων ψήφοις ἀποτιθεμένων τὴν ἐξουσίαν
τῶν δημάρχων, εἰ μὴ καταδικασθείην ἐγώ, καὶ τὰ
ἔσχατα πείσεσθαι πρὸς ἐμοῦ λεγόντων καὶ πάσῃ σπουδῇ
καὶ προθυμίᾳ παρὰ τὸν ἀγῶνα κατ´ ἐμοῦ χρησαμένων.
τοιαῦτα δὴ πεπονθὼς ἐγὼ πρὸς τῶν ἐμαυτοῦ πολιτῶν ἀβίωτον
ἡγησάμην τὸν λοιπὸν ἔσεσθαί μοι βίον,
εἰ μὴ λάβοιμι παρ´ αὐτῶν δίκας· καὶ διὰ τοῦτ´ ἐξόν
μοι ζῆν ἀπραγμόνως, εἴτ´ ἐν ταῖς Λατίνων πόλεσιν
ἠβουλόμην κατὰ τὸ συγγενές, εἴτ´ ἐν ταῖς νεοκτίστοις,
ἃς οἱ πατέρες ἡμῶν ἀπῴκισαν, οὐκ ἠβουλήθην, ἐφ´
ὑμᾶς δὲ κατέφυγον, οὓς ἠπιστάμην πλεῖστά θ´ ὑπὸ
Ῥωμαίων ἠδικημένους καὶ μάλιστ´ αὐτοῖς ἀπεχθομένους,
ἵνα κοινῇ μεθ´ ὑμῶν τιμωρησαίμην αὐτούς, ὅση μοι
δύναμις, λόγοις τ´, ἔνθα δεῖ λόγων, καὶ ἔργοις, ὅταν
ἔργων δέῃ. χάριν τε τὴν μεγάλην ὑμῖν οἶδα τῆς
θ´ ὑποδοχῆς μου καὶ ἔτι μᾶλλον τῆς τιμῆς, ᾗ με τιμᾶτε οὐθὲν οὔτε
μνησικακήσαντες οὔθ´ ὑπολογισάμενοι
ὧν ὑπ´ ἐμοῦ πολεμίου ποτὲ ὄντος ἐπάθετε κατὰ τοὺς πολέμους.
| [8,6] « VIII. Les magistrats du peuple outrés de la fermeté avec laquelle
nous nous opposions ouvertement à leurs injustes projets, résolurent de
nous perdre l'un et l'autre. Mais pour ne pas attirer sur eux toute la haine
d'une action si noire et si criante, ils ne nous entreprirent pas tous deux
ensemble. Ils commencèrent par moi qui étais le plus jeune et le plus
facile à opprimer. D'abord ils me condamnèrent à mort sans m'avoir
entendu ni jugé dans les formes. Ils firent ensuite de nouveaux efforts
auprès du sénat : ils le sommèrent de me livrer entre leurs mains pour
être conduit au supplice. Mais leur requête fut rejetée, et ne pouvant
réussir par cette voie ils m'assignèrent à comparaître devant leur tribunal
pour me juger eux-mêmes. Là ils m'accusèrent d'aspirer à la tyrannie : ils
n'eurent pas l'esprit de voir qu'une telle accusation était d'autant plus
absurde, que quiconque veut s'ouvrir un chemin à la tyrannie ne se
ligue jamais avec les grands contre le peuple, mais qu'il se sert au
contraire du secours du peuple pour abattre les premières têtes de la
république. D'ailleurs ils ne me jugèrent pas selon les lois Romaines : ce
ne fut point dans une assemblée des centuries, mais dans une assemblée
par tribus, où une troupe de mercenaires, de vagabonds, et de gens sans
feu ni lieu qui ne cherchent qu'à s'emparer du bien d'autrui, avaient plus
d'autorité et d'avantage que les bons citoyens qui n'ont en vue que la
justice et les véritables intérêts de l'état, jugement, Messieurs,
d'autant plus irrégulier et d'autant plus injuste de l'aveu de tout le monde
que je suis le premier et le seul contre lequel on ait procédé par des voies
aussi iniques que nouvelles. Malgré toutes ces irrégularités, ma conduite
était si irréprochable et mon innocence si visible, qu'encore que mon sort
dépende d'une assemblée dont la plus grande partie était ennemie des
gens de bien et me haïssait par conséquent, il ne s'en fallut que deux
voix que je ne fusse renvoyé absous, quelques menaces que fissent les
tribuns de se démettre de leur charge si on ne me condamnait. Ils eurent
beau faire mille démarches pour solliciter le peuple contre moi, ils eurent
beau dire qu'ils avaient tout à appréhender de mon ressentiment, il ne leur
fut pas possible d'empêcher que contre douze tribus qui me
condamnaient, il n'y en eût neuf pour m'absoudre.
« IX. TRAITE avec tant d'ignominie par mes citoyens, je n'ai pas cru
pouvoir passer le reste de mes jours avec le moindre agrément si je ne
tirais vengeance de l'injustice. qu'on m'a faite. Il ne tenait qu'à moi de
choisir un asile ou dans les villes des Latins qui m'auraient reçu volontiers
en considération de notre parenté, ou dans les nouvelles colonies fondées
par nos pères : j'aurais pu y goûter toutes les douceurs d'une vie
tranquille. Je n'ai pas voulu néanmoins y fixer ma demeure : j'ai mieux
aimé me réfugier chez vous, convaincu que haïssant souverainement les
Romains qui vous ont fait mille insultes, vous me fourniriez les moyens de
venger vos querelles et les miennes. Soyez certains que je m'y
emploierai tout entier, que je ne cesserai de vous donner de bons conseils
contre eux, et que j'en viendrai des paroles aux effets quand l'occasion
s'en présentera.
« X. JE ne saurais trop vous remercier de l'asile que vous
m'accordez dans votre pays : je suis d'autant plus sensible à cette faveur,
que vous voulez bien y ajouter celle de n'avoir aucun égard à tous les
maux que je vous ai faits dans les guerres précédentes.
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