[8,28] Φέρε, ἐὰν δὲ δὴ κατορθώσῃς, τί τὸ θαυμαστὸν
ἔσται σοι καὶ περιμάχητον ἀγαθόν, ἢ τίνας
ἐξοίσῃ δόξας; καὶ γὰρ τοῦτ´ ἐξέτασον. πρῶτον μὲν
τῶν φιλτάτων τε καὶ ἀναγκαιοτάτων ὑπάρξει σοι στερέσθαι
σωμάτων, μητρὸς ἀθλίας, ᾗ γενέσεως καὶ τροφῆς
καὶ τῶν ἄλλων ὧν ἔσχεν ἐπὶ σοὶ πόνων οὐ καλὰς
ἀμοιβὰς ἀποδίδως· ἔπειτα γαμετῆς σώφρονος, ἣ διὰ
τὸν σὸν πόθον ἐν ἐρημίᾳ καὶ χηρείᾳ κάθηται πᾶσαν
ἡμέραν καὶ νύκτα τὰς σὰς φυγὰς ὀδυρομένη· πρὸς δὲ
τούτοις τέκνων δυεῖν, οὓς ἐχρῆν ἀγαθῶν προγόνων
ὄντας ἀπογόνους καρποῦσθαι τὰς ἐκείνων τιμὰς εὐδοξοῦντας ἐν
εὐτυχούσῃ τῇ πατρίδι. ὧν ἁπάντων οἰκτρὰς
καὶ ἀτυχεῖς ἀναγκασθήσῃ θεωρεῖν καταστροφάς, εἰ τολμήσεις
προσάγειν τοῖς τείχεσι τὸν πόλεμον· οὐ γὰρ δὴ
φείσονται τῶν σῶν οὐθενὸς οἱ περὶ τῶν σφετέρων
κινδυνεύοντες καὶ εἰς τὰ ὅμοια κακῶς ὑπὸ σοῦ πάσχοντες, ἀλλ´
εἰς αἰκισμοὺς αὐτῶν δεινοὺς καὶ ὕβρεις
ἀνηλεεῖς καὶ πᾶσαν ἄλλην ἰδέαν προπηλακισμοῦ χωρήσουσιν
ὑπὸ τῶν συμφορῶν βιαζόμενοι· καὶ τούτων οὐχ
οἱ δρῶντες, ἀλλ´ ὁ τὴν ἀνάγκην αὐτοῖς ἐπιτιθεὶς αἴτιος
ἔσῃ· ἡδονὰς μὲν δὴ τοιαύτας καρπώσῃ κατὰ γνώμην
χωρήσαντός σοι τοῦδε τοῦ ἔργου, ἔπαινον δὲ καὶ ζῆλον
καὶ τιμάς, ὧν ὀρέγεσθαι χρὴ τοὺς ἀγαθοὺς ἄνδρας,
σκόπει ποίας τινάς· μητροκτόνος κεκλήσῃ καὶ παιδοφόνος καὶ
γυναικὸς ἀλιτήριος καὶ πατρίδος ἀλάστωρ,
καὶ οὔτε θυσιῶν οὔτε σπονδῶν οὔθ´ ἑστίας, ὅποι ποτ´
ἂν ἀφίκῃ, κοινωνεῖν ἐθελήσει σοι τῶν εὐσεβῶν καὶ
δικαίων οὐθείς, αὐτοῖς τ´ οὐκ ἔσῃ τίμιος, οἷς εὔνοιαν
ἐνδεικνύμενος ταῦτα δρᾷς, ἀλλὰ καρπωσάμενοί τινα
ἕκαστος τούτων ἐκ τῶν σῶν ἀσεβημάτων ὠφέλειαν
μισήσουσι τὴν αὐθάδειαν τοῦ τρόπου. ἐῶ γὰρ λέγειν,
ὅτι χωρὶς τοῦ μίσους, ὃ παρὰ τῶν ἐπιεικεστάτων ἕξεις,
καὶ φθόνος ἀπαντήσεται πολὺς ἐκ τῶν ἴσων καὶ φόβος
ἐκ τῶν ἡσσόνων καὶ δι´ ἄμφω ταῦτ´ ἐπιβουλαὶ καὶ
ἄλλα πολλὰ καὶ χαλεπά, ὅσα εἰκὸς συμπεσεῖν ἀνδρὶ
ἐρήμῳ φίλων καὶ ἐν ξένῃ ὄντι γῇ. τὰς γὰρ δὴ παρὰ
θεῶν τε καὶ δαιμόνων ἐπιπεμπομένας τοῖς ἀνόσια καὶ
δεινὰ διαπραξαμένοις ἐρινύας ἐῶ, ὑφ´ ὧν αἰκιζόμενοι
ψυχάς τε καὶ σώματα κακοὺς μὲν διαντλοῦσι βίους,
οἰκτρὰς δ´ ὑπομένουσι τελευτάς. ταῦτ´ ἐνθυμηθείς, ὦ
Μάρκιε, μετάγνωθι καὶ παῦσαι μνησικακῶν τῇ σεαυτοῦ
πατρίδι· τύχην τε πάντων αἰτίαν ἡγησάμενος ὧν πέπονθας πρὸς
ἡμῶν ἢ δέδρακας ἡμᾶς κακῶν, ἄπιθι
χαίρων ἐπὶ τὰ οἰκεῖα, καὶ κόμισαι μητρός τε περιβολὰς
προσηνεστάτας καὶ γυναικὸς {τε} φιλοφροσύνας ἡδίστας
καὶ τέκνων ἀσπασμοὺς γλυκυτάτους, καὶ σεαυτὸν ἀπόδος
ὀφείλημα κάλλιστον τῇ γειναμένῃ σε καὶ τηλικοῦτον
ἄνδρα παιδευσαμένῃ πατρίδι.
| [8,28] XII. MAIS supposons que votre entreprise doive réussir: après tout,
quel avantage en pouvez-vous espérer qui mérite tant d'admiration et qui
soit digne d'envie ? Quelle gloire en retirerez-vous ? C'est ce que je vous
prie d'examiner. Vous aurez le chagrin de perdre non seulement vos amis
les plus intimes, mais encore une mère infortunée, que vous
récompensez d'une étrange façon, de la naissance et de l'éducation
qu'elle vous a données, et de toutes les peines qu'elle apprises pour
vous. Vous vous verrez séparé d'une chaste épouse, qui pour l'amour de
vous est demeurée dans l'abandonnement et dans le veuvage où elle
ne cesse de pleurer jour et nuit l'absence de son cher époux. Vous serez
privé de deux enfants, destinés par leur illustre naissance à jouir des
honneurs de leurs ancêtres, et à vivre avec distinction dans la plus
florissante ville du monde. Vous ne pourrez éviter de les voir périr
misérablement et d'être le temoin de leurs malheurs, si vous osez
attaquer nos murailles. Les autres citoyens en danger de perdre tout ce
qu'ils ont de plus cher et d'être traités inhumainement par vos troupes,
n'épargneront aucun de ceux qui vous appartiennent. Irrités par leurs
propres malheurs, ils les maltraiteront ignominieusement {et avec la
dernière cruauté}, ils les insulteront sans miséricorde, ils leur feront
souffrir tous les tourments les plus honteux et les plus terribles : et, ce qui
doit vous faire rentrer en vous-même, c'est qu'on ne rejettera pas tous
ces crimes sur ceux qui les auront commis, mais sur vous-même qui en
aurez été la cause en les mettant dans la nécessité de se venger. Voila
les tristes avantages que vous retirerez de la réussite de vos détestables
projets.
XIII. Les personnes biens nées ne doivent avoir pour but de toutes
leurs entreprises que l'honneur et la gloire qui est l'âme des grands
desseins. Considérez, je vous prie, quelles louanges vous pouvez mériter
par l'exécution de vos projets. On vous traitera de meurtrier de votre mère
: on vous appellera le bourreau de vos enfants, l'assassin de votre
femme, le destructeur de votre ville, le tison ardent et le mauvais génie
de la patrie. En quelque endroit que vous alliez, on ne voudra point avoir
de commerce avec vous ; nul homme de bien ne vous admettra à la
participation des choses saintes; on vous exclura des sacrifices, des
libations, de toutes les cérémonies du culte divin, et personne ne vous
recevra dans sa maison. Vous ne serez pas même honoré de ceux dont
vous aurez voulu acheter les bonnes grâces par les services les plus
indignes de vous. Ils vous regarderont comme un objet de haine et
d'exécration. Chacun {d'eux} retirera quelque avantage de la réussite de
vos actions sacrilèges, mais ils détesteront tous la dureté de votre cœur,
et maudiront à jamais l'usage criminel que vous aurez fait de vos armes,
Il n'est pas besoin de vous dire que vous vous attirerez la haine de tous
les gens de bien, que vous serez en butte à l'envie de vos égaux,
que vos inférieurs prendront de mauvais soupçons de vous, et que les
uns et les autres ne cesseront de vous dresser des embûches. Je passe
sous silence une infinité d'autres malheurs inévitables à un homme
abandonné de tous ses amis, qui traîne les restes d'une vie malheureuse
dans une terre étrangère. Je ne parle point de ces furies vengeresses,
dont se servent les dieux et les génies pour la punition des scélérats :
elles leur tourmentent le corps et l'âme, et après avoir trainé une vie
misérable, ils finissent par la mort la plus affreuse.
XIV. QUE toutes ces considérations, Marcius, vous fassent changer
de sentiments : commencez aujourd'hui à vous repentir, abandonnez
cette folle entreprise, et cessez de chercher à vous venger de votre
patrie. N'accusons que la fortune de tous les maux que nous vous avons
faits, ou que nous avons reçus de vous. Revenez chez vous avec joie
{pour y recevoir} les embrassements de votre mère, les tendres caresses
de votre femme, {et pour goûter} le plaisir de vous voir salué par vos
chers enfants. Rendez-vous vous-même à votre patrie, qui {vous} a
donné la naissance et l'éducation. C'est elle qui a formé dans vous un si
grand homme : rendez-lui donc ce précieux trésor qui lui appartient tout
entier.»
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