[8,51] Εἰ δ´ ἄρα πρὸς ἐκείνην ἀδιαλλάκτως ἔχεις,
ἐμοὶ ταύτην δός, ὦ τέκνον, τὴν τιμὴν καὶ χάριν, παρ´
ἧς οὐ τὰ ἐλαχίστου ἄξια ἔχεις οὐδ´ ὧν ἀντιποιήσαιτ´
ἄν τις καὶ ἕτερος, ἀλλὰ τὰ μέγιστα καὶ τιμιώτατα καὶ
οἷς ἅπαντα τὰ λοιπὰ κέκτησαι, τὸ σῶμα καὶ τὴν ψυχήν.
δανείσματα γὰρ ἔχεις ταῦτ´ ἐμά, καὶ οὐκ ἀφαιρήσεταί με ταῦτ´
οὐθεὶς οὔτε τόπος οὔτε καιρός, οὐδέ
γ´ αἱ Οὐολούσκων οὐδὲ τῶν ἄλλων ἀνθρώπων εὐεργεσίαι
συμπάντων καὶ χάριτες τοσοῦτον ἰσχύουσιν
οὐδ´ ἂν οὐρανομήκεις γένωνται, ὥστε τὰ τῆς φύσεως
ἐξαλεῖψαι καὶ παρελθεῖν δίκαια· ἀλλ´ ἐμὸς ἅπαντα τὸν
χρόνον ἔσῃ καὶ πρώτῃ πάντων τὰς τοῦ βίου χάριτας
ὀφειλήσεις ἐμοί, καὶ ὧν ἂν δέωμαι δίχα προφάσεως
ὑπουργήσεις. τοῦτο γὰρ ὁ τῆς φύσεως νόμος ὥρισεν
ἅπασι τοῖς αἰσθήσεως καὶ λόγου μετειληφόσι τὸ δίκαιον, ᾧ
πιστεύουσα, Μάρκιε τέκνον, κἀγὼ δέομαί σου
μὴ ἐπάγειν πόλεμον τῇ πατρίδι, καὶ ἐμποδὼν ἵσταμαί
σοι βιαζομένῳ. ἢ προτέραν οὖν ἐμὲ τὴν ἐναντιουμένην σοι
μητέρα ταῖς ἐρινύσι προθυσάμενος αὐτοχειρίᾳ
τότε τοῦ κατὰ τῆς πατρίδος ἅπτου πολέμου, ἢ
τὸ μητροκτόνον ἄγος αἰδούμενος εἶξον τῇ σεαυτοῦ
μητρὶ καὶ δός, ὦ τέκνον, τὴν χάριν ἑκών. νόμον μὲν
οὖν τόνδε, ὃν οὐθεὶς πώποτε ἀνελεῖ χρόνος, τιμωρὸν
καὶ σύμμαχον ἔχουσα οὐκ ἀξιῶ, Μάρκιε, μόνη τιμῶν,
ἃς οὗτός μοι δίδωσιν, ἄμοιρος ἐκ σοῦ γενέσθαι· ἔργων
δὲ χρηστῶν ὑπομνήσεις, ἵν´ ἀφῶ τὸν νόμον, σκόπει
πάλιν ὡς πολλὰς καὶ μεγάλας· ἥτις ὀρφανὸν ὑπὸ τοῦ
πατρὸς καταλειφθέντα σε παραλαβοῦσα νήπιον διέμεινα
ἐπὶ σοὶ χήρα καὶ τοὺς ἐπὶ τῆς παιδοτροφίας ἀνήντλησα πόνους,
οὐ μήτηρ μόνον, ἀλλὰ καὶ πατὴρ καὶ
τροφὸς καὶ ἀδελφὴ καὶ πάντα τὰ φίλτατά σοι γενομένη.
ἐπειδὴ δ´ εἰς ἄνδρας ἦλθες, ἐξόν μοι τότε
ἀπηλλάχθαι τῶν φροντίδων ἑτέρῳ γημαμένην καὶ ἕτερα
τέκνα ἐπιθρέψαι καὶ πολλὰς γηροβοσκοὺς ἐλπίδας
ἐμαυτῇ καταλιπεῖν, οὐκ ἠβουλήθην, ἀλλ´ ἔμεινα ἐπὶ
τῆς αὐτῆς ἑστίας καὶ τὸν αὐτὸν ἔστερξα βίον, ἐν σοὶ
μόνῳ πάσας τιθεῖσα τὰς ἐμαυτῆς ἡδονάς τε καὶ ὠφελείας· ὧν
ἔψευσάς με τὰ μὲν ἄκων, τὰ δ´ ἑκών, καὶ
πασῶν ἀτυχεστάτην ἐποίησας μητέρων. ποῖον γὰρ
χρόνον, ἀφ´ οὗ σε εἰς ἄνδρας ἤγαγον, ἄνευ λύπης ἢ
φόβου διετέλεσα, ἢ πότε ἱλαρὰν ἔσχον ἐπὶ σοὶ τὴν
ψυχὴν πολέμους ἐπὶ πολέμοις στέλλοντα ὁρῶσά σε καὶ
μάχας ἐπὶ μάχαις ἀναιρούμενον καὶ τραύματ´ ἐπὶ τραύμασι
λαμβάνοντα;
| [8,51] XXIII. QUE si vous êtes tellement l'ennemi de votre patrie que vous
ne puissiez lui accorder la grâce qu'elle vous demande, du moins, mon
fils, rendez-vous aux instantes de Véturie. Vous ne pouvez refuser cet
honneur à une mère, qui en vous donnant la vie, source de tous les
autres avantages que vous avez acquis, vous a procuré le plus grand et
le plus précieux de tous les biens dont vous n'êtes redevable qu'à elle
seule. C'est moi qui vous ai donné le corps et l'âme, vous les tenez de
moi comme à intérêts, en quelque lieu que nous soyons l'un et l'autre, le
temps ne prévaudra jamais contre le droit imprescriptible que j'ai sur vous.
Toutes les grâces que les Volsques vous ont accordées, toutes les
faveurs dont ils peuvent vous combler, eux et tout ce qu'il y a d'hommes
sur la terre, fussent-elles d'un prix infini, ne seront jamais capables ou
d'effacer dans nos cœurs tout sentiment de la justice ou de prescrire
contre les droits que la nature m'a donnés sur vous. Quoiqu'il arrive, vous
êtes mon fils, et vous ne cesserez de m'appartenir en cette qualité. Tant
que Marcius respirera, je serai toujours la première à qui il se croira
redevable de la vie, et tout ce que j'exigerai de lui, il me l'accordera sans
chercher de vaines excuses. C'est une loi que la nature prescrit à tous
ceux qui sont capables de sentiment et de raison : c'est sur cette loi que
je me fonde et que je vous demande en grâce de ne pas porter la guerre
jusque dans le sein de votre patrie : c'est par cette même loi que je
m'oppose à vos entreprises et que je veux vous arracher les armes des
mains. Oui, il faut que je sois la première victime de votre vengeance, et
puisque je vous résiste, commencez par immoler votre mère aux furies,
avant que de faire à la patrie une guerre fatale, ou si vous avez
horreur de tremper vos mains parricides dans mon sang, rendez-vous à
mes prières, mon fils ; accordez à Véturie la grâce qu'elle vous demande.
La loi sur laquelle je m'autorise, cette loi sainte et inviolable qui parle
pour moi et qui vengera vos refus, est si profondément gravée dans les
cœurs, que la suite des siècles n'a pu l'effacer. Serai-je donc, Marcius,
serai-je la seule de toutes les mères a qui vous refusiez les droits et les
honneurs qu'elle m'accorde ? Non, mon fils, il n'en sera pas ainsi.
« XXIV. Mais sans parler de cette sainte loi, considérez par combien
d'autres titres j'ai droit d'exiger des marques de votre reconnaissance.
Rappelez-vous le souvenir des services importants que je vous ai rendus
et de toutes les grâces que vous tenez de moi. Enlevé par une mort
prompte, votre père vous laissa encore enfant entre mes bras. Unique
objet de ma tendresse, je mis tous mes soins à vous élever. Je restai
veuve pour l'amour de vous j'essuyai mille peines : et non seulement je
remplis envers vous les devoirs d*une mère, mais je vous tins lieu de
père, de frère, de nourrice, de sœur, et de tout ce qu'on peut avoir de
plus cher au monde. Quand vous eûtes atteint l'âge viril, délivrée des
soins de votre éducation, je pouvais chercher un autre époux pour avoir
des enfants et me préparer de nouvelles ressources dans ma vieillesse,
cependant, je n'en voulus rien faire. Je restai toujours dans la même
maison, et contente de l'état de mon veuvage, je bornai toutes mes
délices et toutes mes espérances au seul plaisir de vous posséder. Mais
vous m'avez frustrée de toutes ces espérances, partie de votre plein gré,
partie malgré vous ; et vous m'avez rendue la plus infortunée de toutes
les mères. Depuis que vous avez atteint l'âge viril, ai-je passé un seul
moment sans chagrin ou sans crainte ? Ai-je jamais eu aucune joie à
votre sujet ? Guerre sur guerre, combat sur combat, blessure sur blessure
; n'est-ce pas là votre sort: et n'ai-je pas toujours eu devant les yeux ces
objets de crainte et de tristesse ?
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