[244] ὡς ὁ μὲν (244a) πρότερος ἦν λόγος Φαίδρου τοῦ Πυθοκλέους,
Μυρρινουσίου ἀνδρός· ὃν δὲ μέλλω λέγειν, Στησιχόρου τοῦ Εὐφήμου,
Ἱμεραίου. λεκτέος δὲ ὧδε, ὅτι οὐκ ἔστ᾽ ἔτυμος λόγος ὃς ἂν παρόντος
ἐραστοῦ τῷ μὴ ἐρῶντι μᾶλλον φῇ δεῖν χαρίζεσθαι, διότι δὴ ὁ μὲν μαίνεται, ὁ δὲ
σωφρονεῖ. εἰ μὲν γὰρ ἦν ἁπλοῦν τὸ μανίαν κακὸν εἶναι, καλῶς ἂν ἐλέγετο· νῦν
δὲ τὰ μέγιστα τῶν ἀγαθῶν ἡμῖν γίγνεται διὰ μανίας, θείᾳ μέντοι δόσει
διδομένης. ἥ τε γὰρ δὴ ἐν Δελφοῖς προφῆτις αἵ τ᾽ ἐν (244b) Δωδώνῃ ἱέρειαι
μανεῖσαι μὲν πολλὰ δὴ καὶ καλὰ ἰδίᾳ τε καὶ δημοσίᾳ τὴν Ἑλλάδα ἠργάσαντο,
σωφρονοῦσαι δὲ βραχέα ἢ οὐδέν· καὶ ἐὰν δὴ λέγωμεν Σίβυλλάν τε καὶ ἄλλους,
ὅσοι μαντικῇ χρώμενοι ἐνθέῳ πολλὰ δὴ πολλοῖς προλέγοντες εἰς τὸ μέλλον
ὤρθωσαν, μηκύνοιμεν ἂν δῆλα παντὶ λέγοντες. τόδε μὴν ἄξιον ἐπιμαρτύρασθαι,
ὅτι καὶ τῶν παλαιῶν οἱ τὰ ὀνόματα τιθέμενοι οὐκ αἰσχρὸν ἡγοῦντο οὐδὲ ὄνειδος
μανίαν· (244c) οὐ γὰρ ἂν τῇ καλλίστῃ τέχνῃ, ᾗ τὸ μέλλον κρίνεται, αὐτὸ τοῦτο
τοὔνομα ἐμπλέκοντες μανικὴν ἐκάλεσαν. ἀλλ᾽ ὡς καλοῦ ὄντος, ὅταν θείᾳ μοίρᾳ
γίγνηται, οὕτω νομίσαντες ἔθεντο, οἱ δὲ νῦν ἀπειροκάλως τὸ ταῦ ἐπεμβάλλοντες
μαντικὴν ἐκάλεσαν. ἐπεὶ καὶ τήν γε τῶν ἐμφρόνων, ζήτησιν τοῦ μέλλοντος διά τε
ὀρνίθων ποιουμένων καὶ τῶν ἄλλων σημείων, ἅτ᾽ ἐκ διανοίας ποριζομένων
ἀνθρωπίνῃ οἰήσει νοῦν τε καὶ ἱστορίαν, οἰονοϊστικὴν ἐπωνόμασαν, (244d) ἣν νῦν
οἰωνιστικὴν τῷ ω σεμνύνοντες οἱ νέοι καλοῦσιν· ὅσῳ δὴ οὖν τελεώτερον καὶ
ἐντιμότερον μαντικὴ οἰωνιστικῆς, τό τε ὄνομα τοῦ ὀνόματος ἔργον τ᾽ ἔργου,
τόσῳ κάλλιον μαρτυροῦσιν οἱ παλαιοὶ μανίαν σωφροσύνης τὴν ἐκ θεοῦ τῆς παρ᾽
ἀνθρώπων γιγνομένης. ἀλλὰ μὴν νόσων γε καὶ πόνων τῶν μεγίστων, ἃ δὴ
παλαιῶν ἐκ μηνιμάτων ποθὲν ἔν τισι τῶν γενῶν ἡ μανία ἐγγενομένη καὶ
προφητεύσασα, οἷς ἔδει (244e) ἀπαλλαγὴν ηὕρετο, καταφυγοῦσα πρὸς θεῶν
εὐχάς τε καὶ λατρείας, ὅθεν δὴ καθαρμῶν τε καὶ τελετῶν τυχοῦσα ἐξάντη
ἐποίησε τὸν (ἑαυτῆς) ἔχοντα πρός τε τὸν παρόντα καὶ τὸν ἔπειτα χρόνον,
| [244] que le précédent discours (244a) était de Phèdre, fils de
Pythoclès, du dème de Myrrhinonte, mais que celui que je vais
prononcer est de Stésichore, fils d'Euphème et natif d'Himère.
Or voici ce qu'il lui faut dire : Non ! ce langage n'est pas
vrai, d'après lequel, alors que l'amant existe, on doit plutôt
céder aux voeux de celui qui n'aime pas, pour cette raison
justement que le premier est en proie à un délire, tandis que
l'autre a sa tête a lui. Si en effet c'est sans exception que le
délire est un mal, on aurait raison de parler ainsi ; mais c'est
un fait que, des biens qui nous échoient, les plus grands sont
ceux qui nous viennent par le moyen d'un délire, dont assurément
nous sommes dotés par un don divin.
La prophétesse de Delphes, (b) les prêtresses de Dodone,
ont en effet, et justement quand elles sont en proie au
délire, rendu à la Grèce nombre de beaux services, d'ordre
privé aussi bien que public, tandis que, lorsqu'elles ont toute
leur tête, elles n'en rendent que de bien minces, ou point du
tout. Et, si maintenant nous devions parler de la Sibylle,
de tous ceux qui, usant d'une divination inspirée, ont donné à
nombre de gens, par nombre de prédictions, la droite direction
en vue de leur avenir, nous allongerions inutilement notre propos
par des considérations qui sont manifestes pour tout le monde.
Ce qui assurément mérite d'en être le témoignage, c'est que
ceux qui, dans l'Antiquité, ont institué les noms ne tenaient
pas la "mania", le délire pour une chose vilaine, (c) pas davantage
pour un sujet d'opprobre; sans quoi ils n'en auraient pas justement
introduit la nom dans la contexture de celui du plus beau
des arts, de l'art grâce auquel on discerne l'avenir, en l'appelant
"manikê", le délirant. Mais, c'est parce que le délire est
une belle chose toutes les fois qu'il est l'effet d'une dispensation
divine, qu'une telle conviction leur faisait instituer cette
dénomination ; tandis que les modernes, y ajoutant maladroitement
un "t", ont appelé cet art "mantikê", le divinatoire. A
preuve encore cet autre art, qui est un art de gens ayant leur
bon sens et l'employant à scruter l'avenir au moyen des
oiseaux et des autres signes, les Anciens, considérant qu'au
moyen de la réflexion on procure ainsi à la croyance des hommes,
à leur "oïêsis", sagacité et information, "noos" et "historia", cet
art, dis je, ils l'ont nommé "oïo-no-istikê", (d) tandis que les
gens d'aujourd'hui, lui donnant de la gravité au moyen d'un "o"
long, l'appellent "oïônistikê", l'art des oiseaux. Autant donc
l'art divinatoire l'emporte évidemment en perfection et en
dignité sur l'art des oiseaux, le nom du premier sur celui du
second comme l'oeuvre de l'un sur celle de l'autre, autant le
délire, au témoignage de l'Antiquité, est une chose plus belle
que le bon sens : le délire qui vient d'un Dieu, qu'un bon sens
dont l'origine est humaine.
«Mais il y a certainement aussi des maladies, des épreuves,
extrêmement cruelles, qui, effet d'antiques ressentiments,
existent, sans qu'on sache d'où elles viennent, dans certains
groupes humains, (e) et auxquelles le délire, en se produisant
et en révélant les moyens à employer, a trouvé comment échapper,
par le recours à des prières aux Dieux et à des rites
spéciaux; le résultat, c'est que le délire, grâce à la découverte
de purifications, de cérémonies, a permis à celui qui est le
sujet de ce délire d'être préservé de la malédiction, aussi bien
par rapport au temps présent que par rapport à celui qui
suivra, du fait que l'homme qui est droitement délirant,
droitement possédé,
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