[197] (197a) μὲν δὴ τήν γε τῶν ζῴων
ποίησιν πάντων τίς ἐναντιώσεται μὴ οὐχὶ Ἔρωτος εἶναι σοφίαν, ᾗ γίγνεταί τε καὶ
φύεται πάντα τὰ ζῷα; ἀλλὰ τὴν τῶν τεχνῶν δημιουργίαν οὐκ ἴσμεν, ὅτι οὗ μὲν
ἂν ὁ θεὸς οὗτος διδάσκαλος γένηται, ἐλλόγιμος καὶ φανὸς ἀπέβη, οὗ δ᾽ ἂν Ἔρως
μὴ ἐφάψηται, σκοτεινός; τοξικήν γε μὴν καὶ ἰατρικὴν καὶ μαντικὴν Ἀπόλλων
ἀνεῦρεν ἐπιθυμίας καὶ ἔρωτος ἡγεμονεύσαντος, (197b) ὥστε καὶ οὗτος Ἔρωτος
ἂν εἴη μαθητής, καὶ Μοῦσαι μουσικῆς καὶ Ἥφαιστος χαλκείας καὶ Ἀθηνᾶ
ἱστουργίας καὶ “Ζεὺς κυβερνᾶν θεῶν τε καὶ ἀνθρώπων„. ὅθεν δὴ καὶ
κατεσκευάσθη τῶν θεῶν τὰ πράγματα Ἔρωτος ἐγγενομένου, δῆλον ὅτι κάλλους
(αἴσχει γὰρ οὐκ ἔνι Ἔρως)· πρὸ τοῦ δέ, ὥσπερ ἐν ἀρχῇ εἶπον, πολλὰ καὶ δεινὰ
θεοῖς ἐγίγνετο. ὡς λέγεται, διὰ τὴν τῆς Ἀνάγκης βασιλείαν· ἐπειδὴ δ᾽ ὁ θεὸς
οὗτος ἔφυ, ἐκ τοῦ ἐρᾷν τῶν καλῶν πάντ᾽ ἀγαθὰ γέγονεν καὶ θεοῖς καὶ
ἀνθρώποις. (197c) οὕτως ἐμοὶ δοκεῖ, ὦ Φαῖδρε, Ἔρως πρῶτος αὐτὸς ὢν κάλλιστος
καὶ ἄριστος μετὰ τοῦτο τοῖς ἄλλοις ἄλλων τοιούτων αἴτιος εἶναι. ἐπέρχεται δέ μοί
τι καὶ ἔμμετρον εἰπεῖν, ὅτι οὗτός ἐστιν ὁ ποιῶν
εἰρήνην μὲν ἐν ἀνθρώποις, πελάγει δὲ γαλήνην
νηνεμίαν, ἀνέμων κοίτην ὕπνον τ᾽ ἐνὶ κήδει.
(197d) οὗτος δὲ ἡμᾶς ἀλλοτριότητος μὲν κενοῖ, οἰκειότητος δὲ πληροῖ, τὰς τοιάσδε
ξυνόδους μετ᾽ ἀλλήλων πάσας τιθεὶς ξυνιέναι, ἐν ἑορταῖς, ἐν χοροῖς, ἐν θυσίαις
γιγνόμενος ἡγεμών· πρᾳότητα μὲν πορίζων, ἀγριότητα δ᾽ ἐξορίζων· φιλόδωρος
εὐμενείας, ἄδωρος δυσμενείας· ἵλεως ἀγαθοῖς· θεατὸς σοφοῖς, ἀγαστὸς θεοῖς·
ζηλωτὸς ἀμοίροις, κτητὸς εὐμοίροις· Τρυφῆς, Ἁβρότητος, Χλιδῆς, Χαρίτων,
Ἱμέρου, Πόθου πατήρ· ἐπιμελὴς ἀγαθῶν, ἀμελὴς κακῶν· ἐν πόνῳ, ἐν φόβῳ, ἐν
πόθῳ, ἐν (197e) λόγῳ κυβερνήτης, ἐπιβάτης, παραστάτης τε καὶ σωτὴρ ἄριστος,
ξυμπάντων τε θεῶν καὶ ἀνθρώπων κόσμος, ἡγεμὼν κάλλιστος καὶ ἄριστος, ᾧ
χρὴ ἕπεσθαι πάντα ἄνδρα ἐφυμνοῦντα καλῆς ᾠδῆς μετέχοντα ἣν ᾄδει θέλγων
πάντων θεῶν τε καὶ ἀνθρώπων νόημα· οὗτος, ἔφη, ὁ παρ᾽ ἐμοῦ λόγος, ὦ Φαῖδρε,
τῷ θεῷ ἀνακείσθω, τὰ μὲν παιδιᾶς, τὰ δὲ σπουδῆς μετρίας, καθ᾽ ὅσον ἐγὼ
δύναμαι, μετέχων.
| [197] Si nous passons à la création de tous les êtres vivants,
peut-on prétendre que ce n'est pas le savoir-faire d'Eros
qui les fait naître et croître tous?
Quant à la pratique des arts, ne savons-nous pas que
celui qui a pour maître ce dieu devient célèbre et
illustre, et que celui qu'Eros n'a pas touché reste
obscur ? Si Apollon a inventé l'art de tirer à l'arc, la
médecine, la divination, c'est en prenant pour guide le
désir et l'amour, en sorte qu'on peut voir en lui aussi un
disciple d'Eros. Il en est de même des Muses pour la
musique, d'Héphaïstos pour l'art du forgeron,
d'Athéna pour l'art de tisser et de Zeus pour le gouvernement
des dieux et des hommes. Ainsi l'ordre s'établit
parmi les dieux sous l'influence d'Eros, c'est-à-dire de
la beauté; car Eros ne s'attache pas à la laideur. Jadis,
comme je l'ai dit en commençant, bien des atrocités se
commirent chez les dieux, au dire de la légende, sous
l'empire de la Nécessité; mais quand Eros fut né, de
l'amour du beau sortirent des biens de toutes sortes
pour les dieux et pour les hommes.
C'est mon sentiment, Phèdre, qu'Eros étant d'abord
lui-même le plus beau et le meilleur de tous ne peut dès
lors manquer de procurer aux autres les mêmes avantages.
Disons, en pliant à la mesure la pensée qui me
vient, que c'est lui qui donne :
"la paix aux hommes, le calme à la mer, le silence aux
vents, la couche et le sommeil au souci".
C'est lui qui nous délivre de la sauvagerie et nous
inspire la sociabilité, qui forme toutes ces réunions
comme la nôtre et nous guide dans les fêtes, dans les
choeurs, dans les sacrifices. Il nous enseigne la douceur,
il bannit la rudesse; il nous donne la bienveillance, il
nous ôte la malveillance; il est propice aux bons,
approuvé des sages, admiré des dieux; envié de ceux
qui ne le possèdent pas, précieux à ceux qui le possèdent;
père du luxe, de la délicatesse, des délices, des
grâces, de la passion, du désir, il s'intéresse aux bons,
néglige les méchants; dans la peine, dans la crainte,
dans le désir, dans la conversation, il est notre pilote,
notre champion, notre soutien, notre sauveur par excellence ;
il est la gloire des dieux et des hommes, le guide
le plus beau et le meilleur, que tout homme doit suivre,
en chantant de beaux hymnes et en répétant le chant
magnifique qu'il chante lui-même pour charmer l'esprit
des dieux et des hommes.
Voilà, Phèdre, le discours que je consacre au dieu, discours que
j'ai mêlé de jeu et de sérieux, aussi bien que j'ai pu le faire.»
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