[2,7] CHAPITRE VII.
(418a26) 1 Οὗ μὲν οὖν ἐστιν ἡ ὄψις, τοῦτ' ἐστὶν ὁρατόν, ὁρατὸν δ' ἐστὶ χρῶμά τε καὶ
ὃ λόγῳ μὲν ἔστιν εἰπεῖν, ἀνώνυμον δὲ τυγχάνει ὄν· δῆλον δὲ ἔσται ὃ λέγομεν
προελθοῦσι. Τὸ γὰρ ὁρατόν ἐστι χρῶμα, τοῦτο δ' ἐστὶ τὸ ἐπὶ τοῦ καθ' αὑτὸ
ὁρατοῦ· καθ' αὑτὸ δὲ οὐ τῷ λόγῳ, ἀλλ' ὅτι ἐν ἑαυτῷ ἔχει τὸ αἴτιον τοῦ εἶναι
ὁρατόν. 418b Πᾶν δὲ χρῶμα κινητικόν ἐστι τοῦ κατ' ἐνέργειαν διαφανοῦς, καὶ
τοῦτ' ἐστὶν αὐτοῦ ἡ φύσις· διόπερ οὐχ ὁρατὸν ἄνευ φωτός, ἀλλὰ πᾶν τὸ ἑκάστου
χρῶμα ἐν φωτὶ ὁρᾶται. Διὸ περὶ φωτὸς πρῶτον λεκτέον τί ἐστιν. 2 Ἔστι δή τι
διαφανές. Διαφανὲς δὲ λέγω ὃ ἔστι μὲν ὁρατόν, οὐ καθ' αὑτὸ δὲ ὁρατὸν ὡς ἁπλῶς
εἰπεῖν, ἀλλὰ δι' ἀλλότριον χρῶμα. Τοιοῦτον δέ ἐστιν ἀὴρ καὶ ὕδωρ καὶ πολλὰ τῶν
στερεῶν· οὐ γὰρ ᾗ ὕδωρ οὐδ' ᾗ ἀὴρ διαφανές, ἀλλ' ὅτι ἔστι τις φύσις
ἐνυπάρχουσα ἡ αὐτὴ ἐν τούτοις ἀμφοτέροις καὶ ἐν τῷ ἀϊδίῳ τῷ ἄνω σώματι. Φῶς
δέ ἐστιν ἡ τούτου ἐνέργεια, τοῦ διαφανοῦς ᾗ διαφανές. Δυνάμει δέ, ἐν ᾧ τοῦτ'
ἐστί, καὶ τὸ σκότος. Τὸ δὲ φῶς οἷον χρῶμά ἐστι τοῦ διαφανοῦς, ὅταν ᾖ ἐντελεχείᾳ
διαφανὲς ὑπὸ πυρὸς ἢ τοιούτου οἷον τὸ ἄνω σῶμα· καὶ γὰρ τούτῳ τι ὑπάρχει ἓν
καὶ ταὐτόν. Τί μὲν οὖν τὸ διαφανὲς καὶ τί τὸ φῶς, εἴρηται, ὅτι οὔτε πῦρ οὔθ' ὅλως
σῶμα οὐδ' ἀπορροὴ σώματος οὐδενός (εἴη γὰρ ἂν σῶμά τι καὶ οὕτως), ἀλλὰ
πυρὸς ἢ τοιούτου τινὸς παρουσία ἐν τῷ διαφανεῖ· οὔτε γὰρ δύο σώματα ἅμα
δυνατὸν ἐν τῷ αὐτῷ εἶναι,
3 δοκεῖ τε τὸ φῶς ἐναντίον εἶναι τῷ σκότει· ἔστι δὲ τὸ σκότος στέρησις τῆς
τοιαύτης ἕξεως ἐκ διαφανοῦς, ὥστε δῆλον ὅτι καὶ ἡ τούτου παρουσία τὸ φῶς
ἐστιν. Καὶ οὐκ ὀρθῶς Ἐμπεδοκλῆς, οὐδ' εἴ τις ἄλλος οὕτως εἴρηκεν, ὡς φερομένου
τοῦ φωτὸς καὶ γιγνομένου ποτὲ μεταξὺ τῆς γῆς καὶ τοῦ περιέχοντος, ἡμᾶς δὲ
λανθάνοντος· τοῦτο γάρ ἐστι καὶ παρὰ τὴν τοῦ λόγου ἐνάργειαν καὶ παρὰ τὰ
φαινόμενα· ἐν μικρῷ μὲν γὰρ διαστήματι λάθοι ἄν, ἀπ' ἀνατολῆς δ' ἐπὶ δυσμὰς
τὸ λανθάνειν μέγα λίαν τὸ αἴτημα.
(418b26) 4 Ἔστι δὲ χρώματος μὲν δεκτικὸν τὸ ἄχρουν, ψόφου δὲ τὸ ἄψοφον. Ἄχρουν
δ' ἐστὶ τὸ διαφανὲς καὶ τὸ ἀόρατον ἢ τὸ μόλις ὁρώμενον, οἷον δοκεῖ τὸ σκοτεινόν.
Τοιοῦτον δὲ τὸ διαφανὲς μέν, ἀλλ' οὐχ ὅταν ᾖ ἐντελεχείᾳ διαφανές, ἀλλ' ὅταν
δυνάμει· ἡ γὰρ αὐτὴ φύσις ὁτὲ μὲν σκότος ὁτὲ δὲ φῶς 419a ἐστιν. Οὐ πάντα δὲ
ὁρατὰ ἐν φωτί ἐστιν, ἀλλὰ μόνον ἑκάστου τὸ οἰκεῖον χρῶμα· ἔνια γὰρ ἐν μὲν τῷ
φωτὶ οὐχ ὁρᾶται, ἐν δὲ τῷ σκότει ποιεῖ αἴσθησιν, οἷον τὰ πυρώδη φαινόμενα καὶ
λάμποντα (ἀνώνυμα δ' ἐστὶ ταῦτα ἑνὶ ὀνόματι), οἷον μύκης, κρέας, κεφαλαὶ
ἰχθύων καὶ λεπίδες καὶ ὀφθαλμοί· ἀλλ' οὐδενὸς ὁρᾶται τούτων τὸ οἰκεῖον χρῶμα.
Δι' ἣν μὲν οὖν αἰτίαν ταῦτα ὁρᾶται, ἄλλος λόγος· 5 νῦν δ' ἐπὶ τοσοῦτον φανερόν
ἐστιν, ὅτι τὸ μὲν ἐν φωτὶ ὁρώμενον χρῶμα (διὸ καὶ οὐχ ὁρᾶται ἄνευ φωτός· τοῦτο
γὰρ ἦν αὐτῷ τὸ χρώματι εἶναι, τὸ κινητικῷ εἶναι τοῦ κατ' ἐνέργειαν διαφανοῦς),
ἡ δ' ἐντελέχεια τοῦ διαφανοῦς φῶς ἐστιν. Σημεῖον δὲ τούτου φανερόν· ἐὰν γάρ
τις θῇ τὸ ἔχον χρῶμα ἐπ' αὐτὴν τὴν ὄψιν, οὐκ ὄψεται· ἀλλὰ τὸ μὲν χρῶμα κινεῖ τὸ
διαφανές, οἷον τὸν ἀέρα, ὑπὸ τούτου δὲ συνεχοῦς ὄντος κινεῖται τὸ αἰσθητήριον.
6 Οὐ γὰρ καλῶς τοῦτο λέγει Δημόκριτος, οἰόμενος, εἰ γένοιτο κενὸν τὸ μεταξύ,
ὁρᾶσθαι ἂν ἀκριβῶς καὶ εἰ μύρμηξ ἐν τῷ οὐρανῷ εἴη· τοῦτο γὰρ ἀδύνατόν ἐστιν.
Πάσχοντος γάρ τι τοῦ αἰσθητικοῦ γίνεται τὸ ὁρᾶν· ὑπ' αὐτοῦ μὲν οὖν τοῦ
ὁρωμένου χρώματος ἀδύνατον· λείπεται δὴ ὑπὸ τοῦ μεταξύ, ὥστ' ἀναγκαῖόν τι
εἶναι μεταξύ· κενοῦ δὲ γενομένου οὐχ ὅτι ἀκριβῶς, ἀλλ' ὅλως οὐθὲν ὀφθήσεται.
7 Δι' ἣν μὲν οὖν αἰτίαν τὸ χρῶμα ἀναγκαῖον ἐν φωτὶ ὁρᾶσθαι, εἴρηται. Πῦρ δὲ ἐν
ἀμφοῖν ὁρᾶται, καὶ ἐν σκότει καὶ ἐν φωτί, καὶ τοῦτο ἐξ ἀνάγκης· τὸ γὰρ διαφανὲς
ὑπὸ τούτου γίνεται διαφανές. 8 Ὁ δ' αὐτὸς λόγος καὶ περὶ ψόφου καὶ ὀσμῆς ἐστιν·
οὐθὲν γὰρ αὐτῶν ἁπτόμενον τοῦ αἰσθητηρίου ποιεῖ τὴν αἴσθησιν, ἀλλ' ὑπὸ μὲν
ὀσμῆς καὶ ψόφου τὸ μεταξὺ κινεῖται, ὑπὸ δὲ τούτου τῶν αἰσθητηρίων ἑκάτερον·
ὅταν δ' ἐπ' αὐτό τις ἐπιθῇ τὸ αἰσθητήριον τὸ ψοφοῦν ἢ τὸ ὄζον, οὐδεμίαν
αἴσθησιν ποιήσει. Περὶ δὲ ἁφῆς καὶ γεύσεως ἔχει μὲν ὁμοίως, οὐ φαίνεται δέ· δι'
ἣν δ' αἰτίαν, ὕστερον ἔσται δῆλον. 9 Τὸ δὲ μεταξὺ ψόφων μὲν ἀήρ, ὀσμῆς δ'
ἀνώνυμον· κοινὸν γάρ τι πάθος ἐπ' ἀέρος καὶ ὕδατος ἔστιν, ὥσπερ τὸ διαφανὲς
χρώματι, οὕτω τῷ ἔχοντι ὀσμὴν ὃ ἐν ἀμφοτέροις ὑπάρχει τούτοις· φαίνεται γὰρ
καὶ τὰ ἔνυδρα τῶν ζῴων 419b ἔχειν αἴσθησιν ὀσμῆς. Ἀλλ' ὁ μὲν ἄνθρωπος, καὶ
τῶν πεζῶν ὅσα ἀναπνεῖ, ἀδυνατεῖ ὀσμᾶσθαι μὴ ἀναπνέοντα. Ἡ δ' αἰτία καὶ περὶ
τούτων ὕστερον λεχθήσεται.
| [2,7] CHAPITRE VII.
§ 1. (418a26) Ce à quoi s'applique la vue est un objet visible ; le visible est la couleur, et
tout ensemble tous ces objets qu'on peut désigner par le langage, mais qui n'ont pas
de nom commun. Ce que nous voulons dire ici deviendra plus clair à mesure que
nous avancerons. Ainsi le visible est la couleur, et la couleur est ce qui est sur la
chose visible en soi. Visible en soi est ce qui est visible, non pas d'après son
appellation seule, mais qui l'est parce qu'il a en soi la cause qui le rend visible. (418c)
Toute couleur met en mouvement ce qui est diaphane actuellement; et c'est là sa
nature spéciale. Il n'y a donc pas sans lumière d'objet visible, et la couleur de chaque
chose n'est visible qu'à la lumière. Et voilà pourquoi il faut dire d'abord ce qu'est la
lumière. § 2. Le diaphane existe certainement; et j'appelle diaphane ce qui est visible,
non pas visible par soi-même, à parler absolument, mais visible par une couleur
étrangère. Tel est l'air, telle est l'eau et beaucoup de corps solides; car l'air et l'eau ne
sont pas diaphanes en tant qu'air et eau, mais parce que la nature qui est dans ces
deux corps est la même que celle qui est dans le corps éternel supérieur. La lumière
est l'acte du diaphane en tant que diaphane. Mais ce en quoi il est en puissance peut
être même l'obscurité. Au contraire, la lumière est, on peut dire, la couleur du
diaphane, lorsque le diaphane est diaphane en toute réalité, en entéléchie, soit par le
feu, soit par telle autre cause; comme, par exemple, le corps supérieur ; car ce corps a
quelque chose de tout pareil et d'identique au feu. On a donc établi que le diaphane
et la lumière ne sont ni du feu, ni absolument un corps, ni une émanation d'aucun
corps; car, de cette dernière façon aussi, ce seraient des corps. Seulement, il y a dans
le diaphane la présence du feu ou de quelque chose d'analogue; car il n'est pas
possible que deux corps soient à la fois dans le même corps.
§ 3. La lumière paraît être le contraire des ténèbres ; l'obscurité est la privation de cet
état de l'air qui vient du diaphane, de sorte qu'évidemment la lumière n'est que la
présence de cet état. Empédocle, ou peut-être est-ce un autre qui a soutenu cette
opinion, a eu tort de dire que la lumière circulait, et se produisait quelquefois, entre
la terre et ce qui l'entoure, sans que nous le vissions. Ceci est à la fois contraire à la
vérité, telle que la donne le raisonnement, et aux phénomènes. Dans un petit
intervalle ce fait pourrait nous échapper ; mais de l'orient au couchant, c'est
beaucoup trop prétendre que de soutenir qu'il nous échappe.
§ 4. (418b26) C'est une chose incolore qui reçoit la couleur; une chose insonore qui
reçoit le son. Ce qui est incolore, c'est le diaphane, c'est l'invisible, ou du moins ce qui
est à peine visible, ainsi que semble l'être l'obscurité. Voilà bien ce qu'est le diaphane,
non pas quand il est diaphane en toute réalité, en entéléchie, mais seulement quand il
est en puissance. C'est, en effet, la même nature qui est tantôt ténèbres et tantôt
lumière, et les choses visibles ne sont pas toutes dans la lumière : c'est seulement la
couleur propre de chacune d'elles. (419a) Ainsi, il y a des choses qu'on ne voit pas dans
la lumière, mais qui produisent sensation dans les ténèbres, comme les corps qui
semblent ignés et brillants (nous n'avons pas de nom spécial et unique pour désigner
ces corps), et tels sont le champignon, la corne, les têtes des poissons, leurs écailles et
leurs yeux. Mais on ne voit la couleur propre d'aucune de ces choses. Par quelle
cause ces corps sont-ils visibles? c'est une autre question. § 5. Nous nous bornons ici
à dire que certainement ce qui est visible à la lumière, c'est la couleur. Et ainsi donc
elle ne peut être vue sans lumière ; car l'essence de la couleur, avons-nous dit, c'est de
mettre en mouvement ce qui est diaphane en acte ; et la réalité complète, l'entéléchie
du diaphane, c'est la lumière. La preuve en est évidente. Si l'on place, sur l'organe
même, le corps qui a la couleur, on ne la verra pas. Mais la couleur meut le diaphane,
et, par exemple, l'air; et l'organe sensible est mû par l'air, qui lui-même est continu. §
6. Démocrite n'a donc pas raison de penser que si le milieu devenait vide, on verrait
parfaitement bien même une fourmi dans le ciel. Cela est tout-à-fait impossible. La
vision ne se produit que quand l'organe sensible éprouve quelque affection. Or, il ne
se peut pas qu'il soit affecté directement par la couleur même qui est vue; reste donc
qu'il le soit par le milieu. Ainsi un milieu est indispensable; et, si le vide existait, non
seulement on ne verrait pas bien, mais on ne verrait point du tout.
§ 7. On a dit pourquoi il est nécessaire que la couleur soit vue dans la lumière. Le feu
est vu tout aussi bien, et dans les ténèbres, et dans la lumière ; et il le faut
nécessairement, puisque c'est par le feu que le diaphane devient diaphane. § 8. Même
raisonnement pour le son et pour l'odeur; car aucune de ces choses n'a besoin de
toucher l'organe pour causer la sensation, mais le milieu est mis en mouvement par
le son et par l'odeur ; et chacun des deux organes l'est à son tour par ce milieu. Si l'on
vient à poser le corps sonore, ou le corps odorant, sur l'organe même, il n'y cause
plus de sensation. Il en est absolument de même du toucher et du goût, bien que cela
ne soit pas aussi évident. Pour quelle cause? c'est ce qu'on verra plus tard clairement.
§ 9. Le milieu des sons, c'est l'air; celui de l'odeur n'a pas de nom spécial. Il ne s'en
produit pas moins quelque modification commune, et dans l'air, et dans l'eau; et ce
que le diaphane est à la couleur, ce qui est dans ces deux éléments l'est au corps
odorant. En effet, les animaux aquatiques eux-mêmes paraissent avoir (419b) le sens
de l'odorat. Mais l'homme et les animaux terrestres qui respirent, ne peuvent sentir
l'odeur s'ils n'aspirent pas. Nous en dirons aussi plus loin la raison.
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