[8,34] Ὅταν δὲ φίλους ἔτι καλῇς, ὦ Μηνύκιε,
τοὺς ἐξελάσαντάς με καὶ πατρίδα τὴν ἀπαρνησαμένην,
φύσεώς τε νόμους ἀνακαλῇ καὶ περὶ τῶν ὁσίων διαλέγῃ,
φαίνῃ μοι τὰ κοινότατα καὶ ὑπὸ μηδενὸς ἀγνοούμενα
μόνος ἀγνοεῖν· ὅτι τὸ φίλιον ἢ πολέμιον οὔτ´
ὄψεως ὁρίζει χαρακτὴρ οὔτ´ ὀνόματος θέσις, ἀλλὰ ταῖς
χρείαις καὶ τοῖς ἔργοις δηλοῦται τούτων ἑκάτερον,
φιλοῦμέν τε πάντες τὰ ὠφελοῦντα καὶ μισοῦμεν τὰ
βλάπτοντα, οὐκ ἀνθρώπων τινῶν ἡμῖν τόνδε θεμένων
τὸν νόμον, οὐδὲ ἀνελούντων ποτὲ αὐτόν, ἐὰν τἀναντία
αὐτοῖς δοκῇ, ἀλλ´ ὑπὸ τῆς κοινῆς φύσεως ἐξ ἅπαντος
τοῦ χρόνου πᾶσι τοῖς αἰσθήσεως μετειληφόσι κείμενον
καὶ εἰς ἀεὶ διαμενοῦντα παραλαβόντες· καὶ διὰ τοῦτο
φίλους τ´ ἀπαρνούμεθα, ὅταν ἀδικήσωσι, καὶ ἐχθροὺς
φίλους ποιούμεθα, ὅταν τις ἡμῖν παρ´ αὐτῶν ὑπάρξῃ
χάρις, πόλιν τε τὴν γειναμένην ἡμᾶς, ὅταν μὲν ὠφελῇ,
στέργομεν, ὅταν δὲ βλάπτῃ, καταλείπομεν, οὐ διὰ τὸν
τόπον ἀγαπῶντες αὐτήν, ἀλλὰ διὰ τὸ συμφέρον. καὶ
οὐχὶ τοῖς μὲν ἰδιώταις οὕτως ἐπέρχεται καθ´ ἕνα φρονεῖν, οὐχὶ δὲ
καὶ πόλεσιν ὅλαις καὶ ἔθνεσιν, ὥστε ὁ
ταύτῃ τῇ γνώμῃ χρώμενος οὐδὲν ἔξω τῶν θείων ἀξιοῖ
νομίμων, οὐδὲ παρὰ τὴν κοινὴν ἁπάντων ἀνθρώπων
ποιεῖ δικαίωσιν. ἐγὼ μὲν δὴ ταῦτα πράττοντα ἐμαυτὸν τά τε
δίκαια ἡγοῦμαι πράττειν καὶ τὰ συμφέροντα
καὶ τὰ καλὰ καὶ ἅμα ταῦτα καὶ τὰ πρὸς τοὺς θεοὺς
ὁσιώτατα· καὶ οὐ δέομαι δικαστὰς ὑπὲρ αὐτῶν λαβεῖν
τοὺς εἰκασμῷ καὶ δόξῃ τεκμαιρομένους τὴν ἀλήθειαν
ἀνθρώπους, ἐπειδὴ θεοῖς ἀρέσκοντα πράττω. οὐ γὰρ
ἀδυνάτοις ἐπιχειρεῖν ὑπολαμβάνω πράγμασι θεοὺς ἔχων
αὐτῶν ἡγεμόνας, εἴγε δεῖ τεκμαίρεσθαι τοῖς γεγονόσιν
ἤδη τὰ μέλλοντα.
| [8,34] « XXV. Quand je vous entends dire, Minucius, que ceux qui m'ont
banni sont encore mes amis, et que je dois reconnaître pour ma patrie
une ville qui m'a renié, quand je vous vois citer avec emphase les lois de
la nature et discourir sur la piété : il me paraît que vous ignorez les
choses les plus communes et qui sont connues de tout le monde. Quoi
donc! ne savez-vous pas encore qu'on ne distingue point le bon ami
d'avec l'ennemi aux traits du visage ni au nom, mais que l'un et l'autre se
connait par l'expérience et par les actions. Nous aimons tous ce qui nous
procure du bien et nous haïssons ce qui nous fait du mal. C'est une loi ce
qui n'a pas été établie par les hommes ; ils ne pourront jamais l'abolir
quand ils le voudraient : nous l'avons reçue de la nature même, cette
mère commune l'a gravée de tout temps dans le cœur de ceux qui sont
capables de sentiment, elle durera toujours. C'est pour cela que nous
renonçons à nos amis quand ils commettent envers nous quelque
injustice; et que nous nous lions amitié avec nos ennemis lorsqu'ils nous
gagnent le cœur par de bons offices. C'est par la même raison que nous
aimons notre patrie tant qu'elle nous est utile, et que nous l'abandonnons
quand elle nous fait du mal : et c'est ce qui prouve que nous ne l'aimons
pas pour le lieu même où elle est, mais pour le bien qu'elle nous procure.
Ce sentiment est commun à chaque homme en particulier, aux villes et
aux nations entières, de sorte que quiconque fuit cette maxime, ne viole
jamais ni les lois divines, ni le droit commun à tous les peuples. En
ménageant donc mes intérêts, je ne crois pas rien faire qui ne soit juste,
utile, honnête, conforme aux principes de la religion et de la piété :
et pourvu que je fasse ce qui est agréable aux dieux, je n'ai pas besoin de
prendre pour juge de mes actions ceux qui ne connaissent la vérité que
par conjecture. S'il est permis de juger de l'avenir par le passé, du
moment que j'ai les dieux pour guides de mon entreprise, je ne la crois
pas impossible : l'expérience me répond du succès.
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