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[1100] χαλεπὸν οὖν ἔργον διαιρεῖν,
ὅταν ὁ μὲν τείνῃ βιαίως,
ὁ δ᾽ ἐπαναστρέφειν δύνηται κἀπερείδεσθαι τορῶς.
ἀλλὰ μὴ ν᾽ ταὐτῷ κάθησθον·
ἐσβολαὶ γάρ εἰσι πολλαὶ χἄτεραι σοφισμάτων.
1105 ὅ τι περ οὖν ἔχετον ἐρίζειν,
λέγετον ἔπιτον ἀνά <τε> δέρετον
τά τε παλαιὰ καὶ τὰ καινά,
κἀποκινδυνεύετον λεπτόν τι καὶ σοφὸν λέγειν.
εἰ δὲ τοῦτο καταφοβεῖσθον, μή τις ἀμαθία προσῇ
1110 τοῖς θεωμένοισιν, ὡς τὰ
λεπτὰ μὴ γνῶναι λεγόντοιν,
μηδὲν ὀρρωδεῖτε τοῦθ᾽· ὡς οὐκέθ᾽ οὕτω ταῦτ᾽ ἔχει.
ἐστρατευμένοι γάρ εἰσι,
βιβλίον τ᾽ ἔχων ἕκαστος μανθάνει τὰ δεξιά·
1115 αἱ φύσεις τ᾽ ἄλλως κράτισται,
νῦν δὲ καὶ παρηκόνηνται.
μηδὲν οὖν δείσητον, ἀλλὰ
πάντ᾽ ἐπέξιτον θεατῶν γ᾽ οὕνεχ᾽ ὡς ὄντων σοφῶν.
(Εὐριπίδης)
καὶ μὴν ἐπ᾽ αὐτοὺς τοὺς προλόγους σου τρέψομαι,
1120 ὅπως τὸ πρῶτον τῆς τραγῳδίας μέρος
πρώτιστον αὐτοῦ βασανιῶ τοῦ δεξιοῦ.
ἀσαφὴς γὰρ ἦν ἐν τῇ φράσει τῶν πραγμάτων.
(Διόνυσος)
καὶ ποῖον αὐτοῦ βασανιεῖς;
(Εὐριπίδης)
πολλοὺς πάνυ.
πρῶτον δέ μοι τὸν ἐξ Ὀρεστείας λέγε.
1125 (Διόνυσος) ἄγε δὴ σιώπα πᾶς ἀνήρ. λέγ᾽ Αἰσχύλε.
(Αἰσχύλος)
”Ἑρμῆ χθόνιε πατρῷ᾽ ἐποπτεύων κράτη,
σωτὴρ γενοῦ μοι σύμμαχός τ᾽ αἰτουμένῳ.
ἥκω γὰρ ἐς γῆν τήνδε καὶ κατέρχομαι“.
(Διόνυσος) τούτων ἔχεις ψέγειν τι;
(Εὐριπίδης) πλεῖν ἢ δώδεκα.
1130 (Διόνυσος) ἀλλ᾽ οὐδὲ πάντα ταῦτά γ᾽ ἔστ᾽ ἀλλ᾽ ἢ τρία.
(Εὐριπίδης) ἔχει δ᾽ ἕκαστον εἴκοσίν γ᾽ ἁμαρτίας.
(Διόνυσος)
Αἰσχύλε παραινῶ σοι σιωπᾶν· εἰ δὲ μή,
πρὸς τρισὶν ἰαμβείοισι προσοφείλων φανεῖ.
(Αἰσχύλος) ἐγὼ σιωπῶ τῷδ᾽;
(Διόνυσος) ἐὰν πείθῃ γ᾽ ἐμοί.
1135 (Εὐριπίδης) εὐθὺς γὰρ ἡμάρτηκεν οὐράνιόν γ᾽ ὅσον.
(Αἰσχύλος) ὁρᾷς ὅτι ληρεῖς;
(Διόνυσος) ἀλλ᾽ ὀλίγον γέ μοι μέλει.
(Αἰσχύλος) πῶς φῄς μ᾽ ἁμαρτεῖν;
(Εὐριπίδης) αὖθις ἐξ ἀρχῆς λέγε.
(Αἰσχύλος) ”Ἑρμῆ χθόνιε πατρῷ᾽ ἐποπτεύων κράτη“.
(Εὐριπίδης)
οὔκουν Ὀρέστης τοῦτ᾽ ἐπὶ τῷ τύμβῳ λέγει
1140 τῷ τοῦ πατρὸς τεθνεῶτος;
(Αἰσχύλος) οὐκ ἄλλως λέγω.
(Εὐριπίδης)
πότερ᾽ οὖν τὸν Ἑρμῆν, ὡς ὁ πατὴρ ἀπώλετο
αὐτοῦ βιαίως ἐκ γυναικείας χερὸς
δόλοις λαθραίοις, ταῦτ᾽ ”ἐποπτεύειν“ ἔφη;
(Αἰσχύλος)
οὐ δῆτ᾽ ἐκεῖνον, ἀλλὰ τὸν Ἐριούνιον
1145 Ἑρμῆν χθόνιον προσεῖπε, κἀδήλου λέγων
ὁτιὴ πατρῷον τοῦτο κέκτηται γέρας--
(Εὐριπίδης)
ἔτι μεῖζον ἐξήμαρτες ἢ ᾽γὼ ᾽βουλόμην·
εἰ γὰρ πατρῷον τὸ χθόνιον ἔχει γέρας--
(Διόνυσος)
οὕτω γ᾽ ἂν εἴη πρὸς πατρὸς τυμβωρύχος.
| [1100] Le jugement sera difficile à rendre ; car, si l'un attaque
avec vigueur, l'autre sait se retourner et résister avec prestesse.
Mais ne restez pas toujours sur le même terrain. Vous avez mille
moyens, et d'autres encore, de lancer vos attaques. Tous les
points que vous avez à débattre, exposez-les; allez de l'avant ;
déployez les arguments vieux ou nouveaux, et n'hésitez point à
dire quelque chose de subtil et d'ingénieux. Si vous craignez que
l'ignorance des spectateurs ne saisisse pas vos finesses de
langage, n'ayez pas peur. II ne peut plus se faire qu'il en soit
ainsi. Ils ont été à la guerre : chacun a son livre, où il apprend la
sagesse. Ce sont, d'ailleurs, des créatures d'élite et aujourd'hui
plus aiguisées que jamais. Ne redoutez donc rien, déployez tout
votre talent ; vous êtes devant des spectateurs éclairés.
EURIPIDE. Eh bien, je m'attaquerai d'abord à tes prologues.
C'est la première partie de la tragédie, c'est donc le premier
point que j'examinerai dans cet habile poète. II n'était pas clair
dans l'énoncé des faits.
DIONYSOS. Et quel est celui de ses prologues que tu critiques ?
EURIPIDE. Une foule. Récite-moi d'abord celui de l'Orestie.
DIONYSOS. Que tout le monde se taise. Parle, Eschyle.
ESCHYLE. "Hermès souterrain, qui veilles sur le royaume
paternel, sois mon sauveur et mon aide, je t'en supplie : car je
viens dans cette contrée et j'y rentre." As-tu là quelque mot à
reprendre ?
EURIPIDE. Plus de douze.
ESCHYLE. Mais il n'y a en tout ici que trois vers.
EURIPIDE. Chacun d'eux a au moins vingt fautes.
ESCHYLE. Ne vois-tu pas que tu dis une niaiserie ?
EURIPIDE. C'est le dernier de mes soucis.
DIONYSOS. Eschyle, je te conseille de te taire ; sinon, outre ces
trois iambes, tu seras responsable de plusieurs encore.
ESCHYLE. Moi, me taire devant lui ?
DIONYSOS. Si tu m'en crois.
EURIPIDE. Et de fait, dès le début, il a commis une faute
immense comme le ciel.
ESCHYLE. Où dis-tu que j'ai commis une faute ?
EURIPIDE. Répète ce que tu as dit tout d'abord.
ESCHYLE. "Hermès souterrain, qui veilles sur le royaume
paternel."
EURIPIDE. Oreste ne dit-il pas cela sur la tombe de son père
mort ?
ESCHYLE. Je ne dis pas autre chose.
EURIPIDE. Veut-il dire que Hermès, quand le père d'Oreste
mourait sous les coups d'une femme, par une odieuse perfidie,
veillait sur le royaume paternel ?
ESCHYLE. Ce n'est pas Hermès, dieu de la ruse, mais Hermès
Secourable qu'il invoque sous le titre de Souverain, et il dit
nettement qu'il tient ces fonctions de son père.
EURIPIDE. Ta faute est encore plus grosse que je ne voulais le
dire, s'il tient de son père ces fonctions souveraines.
DIONYSOS. Ainsi son père en aurait fait un fossoyeur.
| [1150] (Αἰσχύλος) Διόνυσε πίνεις οἶνον οὐκ ἀνθοσμίαν.
(Διόνυσος)
λέγ᾽ ἕτερον αὐτῷ· σὺ δ᾽ ἐπιτήρει τὸ βλάβος.
(Αἰσχύλος)
”σωτὴρ γενοῦ μοι σύμμαχός τ᾽ αἰτουμένῳ.
ἥκω γὰρ ἐς γῆν τήνδε καὶ κατέρχομαι --“
(Εὐριπίδης)
δὶς ταὐτὸν ἡμῖν εἶπεν ὁ σοφὸς Αἰσχύλος.
1155 (Διόνυσος) πῶς δίς;
(Εὐριπίδης)
σκόπει τὸ ῥῆμ᾽· ἐγὼ δέ σοι φράσω.
”ἥκω γὰρ ἐς γῆν“, φησί, “καὶ κατέρχομαι“·
”ἥκω“ δὲ ταὐτόν ἐστι τῷ ”κατέρχομαι“.
(Διόνυσος)
νὴ τὸν Δί᾽ ὥσπερ γ᾽ εἴ τις εἴποι γείτονι,
”χρῆσον σὺ μάκτραν, εἰ δὲ βούλει, κάρδοπον“.
1160 (Αἰσχύλος) οὐ δῆτα τοῦτό γ᾽ ὦ κατεστωμυλμένε
ἄνθρωπε ταὔτ᾽ ἔστ᾽, ἀλλ᾽ ἄριστ᾽ ἐπῶν ἔχον.
(Εὐριπίδης)
πῶς δή; δίδαξον γάρ με καθ᾽ ὅ τι δὴ λέγεις;
(Αἰσχύλος)
”ἐλθεῖν“ μὲν ἐς γῆν ἔσθ᾽ ὅτῳ μετῇ πάτρας·
χωρὶς γὰρ ἄλλης συμφορᾶς ἐλήλυθεν·
1165 φεύγων δ᾽ ἀνὴρ ”ἥκει“ τε καὶ ”κατέρχεται“.
(Διόνυσος)
εὖ νὴ τὸν Ἀπόλλω. τί σὺ λέγεις Εὐριπίδη;
(Εὐριπίδης)
οὐ φημὶ τὸν Ὀρέστην κατελθεῖν οἴκαδε·
λάθρᾳ γὰρ ἦλθεν οὐ πιθὼν τοὺς κυρίους.
(Διόνυσος)
εὖ νὴ τὸν Ἑρμῆν· ὅ τι λέγεις δ᾽ οὐ μανθάνω.
1170 (Εὐριπίδης) πέραινε τοίνυν ἕτερον.
(Διόνυσος)
ἴθι πέραινε σὺ
Αἰσχύλ᾽ ἀνύσας· σὺ δ᾽ ἐς τὸ κακὸν ἀπόβλεπε.
(Αἰσχύλος)
”τύμβου δ᾽ ἐπ᾽ ὄχθῳ τῷδε κηρύσσω πατρὶ
κλύειν ἀκοῦσαι“.
(Εὐριπίδης)
τοῦθ᾽ ἕτερον αὖθις λέγει,
”κλύειν ἀκοῦσαι“, ταὐτὸν ὂν σαφέστατα.
1175 (Διόνυσος) τεθνηκόσιν γὰρ ἔλεγεν ὦ μόχθηρε σύ,
οἷς οὐδὲ τρὶς λέγοντες ἐξικνούμεθα.
(Αἰσχύλος)
σὺ δὲ πῶς ἐποίεις τοὺς προλόγους;
(Εὐριπίδης)
ἐγὼ φράσω.
κἄν που δὶς εἴπω ταὐτόν, ἢ στοιβὴν ἴδῃς
ἐνοῦσαν ἔξω τοῦ λόγου, κατάπτυσον.
1180 (Διόνυσος) ἴθι δὴ λέγ᾽· οὐ γάρ μοὔστιν ἀλλ᾽ ἀκουστέα
τῶν σῶν προλόγων τῆς ὀρθότητος τῶν ἐπῶν.
(Εὐριπίδης)
”ἦν Οἰδίπους τὸ πρῶτον εὐδαίμων ἀνήρ“--
(Αἰσχύλος)
μὰ τὸν Δί᾽ οὐ δῆτ᾽, ἀλλὰ κακοδαίμων φύσει,
ὅντινά γε πρὶν φῦναι μὲν Ἁπόλλων ἔφη
1185 ἀποκτενεῖν τὸν πατέρα, πρὶν καὶ γεγονέναι·
πῶς οὗτος ἦν τὸ πρῶτον εὐδαίμων ἀνήρ;
(Εὐριπίδης) ”εἶτ᾽ ἐγένετ᾽ αὖθις ἀθλιώτατος βροτῶν“.
(Αἰσχύλος)
μὰ τὸν Δί᾽ οὐ δῆτ᾽, οὐ μὲν οὖν ἐπαύσατο.
πῶς γάρ; ὅτε δὴ πρῶτον μὲν αὐτὸν γενόμενον
1190 χειμῶνος ὄντος ἐξέθεσαν ἐν ὀστράκῳ,
ἵνα μὴ ᾽κτραφεὶς γένοιτο τοῦ πατρὸς φονεύς·
εἶθ᾽ ὡς Πόλυβον ἤρρησεν οἰδῶν τὼ πόδε·
ἔπειτα γραῦν ἔγημεν αὐτὸς ὢν νέος
καὶ πρός γε τούτοις τὴν ἑαυτοῦ μητέρα·
1195 εἶτ᾽ ἐξετύφλωσεν αὑτόν.
(Διόνυσος)
εὐδαίμων ἄρ᾽ ἦν,
εἰ κἀστρατήγησέν γε μετ᾽ Ἐρασινίδου.
(Εὐριπίδης)
ληρεῖς· ἐγὼ δὲ τοὺς προλόγους καλοὺς ποιῶ.
(Αἰσχύλος)
καὶ μὴν μὰ τὸν Δί᾽ οὐ κατ᾽ ἔπος γέ σου κνίσω
τὸ ῥῆμ᾽ ἕκαστον, ἀλλὰ σὺν τοῖσιν θεοῖς
| [1150] ESCHYLE. Dionysos, tu bois un vin dépourvu de bouquet.
DIONYSOS. Passe à l'autre vers; et toi, observe les fautes.
ESCHYLE. « Sois mon sauveur et mon aide, je t'en supplie : car
je viens dans cette contrée, et j'y rentre. »
EURIPIDE. C'est deux fois la même chose que nous dit l'habile
Eschyle.
DIONYSOS. Comment deux fois ?
EURIPIDE. Vois bien la phrase ; je vais te la dire : « Je viens
dans cette contrée, et j'y rentre. »
DIONYSOS. De par Zeus ! c'est comme si quelqu'un disait à son
voisin : « Prête-moi ta huche, ou, si tu veux, ton pétrin. »
ESCHYLE. Ce n'est pas cela du tout, insigne bavard, mais mon
expression est excellente.
DIONYSOS. Comment cela ? Indique-moi de quelle manière tu
l'entends.
ESCHYLE. Venir dans une contrée est le fait de tout homme qui
en est étranger : car il y vient sans avoir éprouvé aucune
infortune ; mais un exilé "y vient et y rentre".
DIONYSOS. Bien, par Apollon! Que dis-tu, Euripide ?
EURIPIDE. Je dis qu'Oreste n'est pas rentré dans sa patrie : il est
venu en secret, sans l'aveu des maîtres du pays.
DIONYSOS. Bien, par Hermès ! Mais je ne te comprends pas.
EURIPIDE. Passe à un autre.
DIONYSOS. Allons, achève, Eschyle, et vivement. Toi, aie l'oeil
sur le mauvais.
ESCHYLE. "Au sommet de ce tombeau, je prie mon père de
m'écouter, de m'entendre."
EURIPIDE. Cette redite des mots "écouter, entendre", est une
tautologie toute pure.
ESCHYLE. Mais, malheureux, il parle à des morts, auxquels il
ne nous suffit pas de dire trois fois la même chose. Et toi,
comment faisais-tu tes prologues ?
EURIPIDE. Je vais le dire ; et, si j'emploie deux fois la même
expression, ou si tu vois du remplissage déborder de mon style,
conspue-moi.
DIONYSOS. Allons, dis ; je n'ai rien à faire qu'à t'écouter et à
constater l'allure droite du vers de tes prologues.
EURIPIDE. "Oedipe était d'abord un heureux homme."
ESCHYLE. De par Zeus ! non pas ; mais de sa nature destiné au
malheur, puisque, avant même sa naissance, Apollon prédit qu'il
tuerait son père. Ainsi comment était-il tout d'abord un heureux
homme ?
EURIPIDE. "Et ensuite il devint le plus malheureux des mortels."
ESCHYLE. De par Zeus! non pas ; car il ne cessa jamais de l'être.
En effet, à peine est-il né qu'on l'expose, en plein hiver, dans un
vase de terre, de peur que, si on l'élevait, il ne devînt le
meurtrier de son père; il se rend ensuite chez Polybe, avec ses
pieds enflés ; puis, jeune encore, il épouse une vieille femme, et,
pour comble d'étrangeté, sa propre mère ; enfin, il se crève les yeux.
DIONYSOS. Certes, il aurait été heureux, s'il avait été stratège
avec Érasinidés.
EURIPIDE. Tu radotes ; je suis un excellent faiseur de prologues.
ESCHYLE. Assurément, de par Zeus ! je n'éplucherai pas
chacune de tes paroles ; mais avec l'aide des dieux,
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