[1,8] Σκεπτέον δὲ περὶ αὐτῆς οὐ μόνον ἐκ τοῦ συμπεράσματος
καὶ ἐξ ὧν ὁ λόγος, ἀλλὰ καὶ ἐκ τῶν λεγομένων περὶ
αὐτῆς· τῷ μὲν γὰρ ἀληθεῖ πάντα συνᾴδει τὰ ὑπάρχοντα,
τῷ δὲ ψευδεῖ ταχὺ διαφωνεῖ τἀληθές. νενεμημένων δὴ τῶν
ἀγαθῶν τριχῇ, καὶ τῶν μὲν ἐκτὸς λεγομένων τῶν δὲ περὶ
ψυχὴν καὶ σῶμα, τὰ περὶ ψυχὴν κυριώτατα λέγομεν καὶ
μάλιστα ἀγαθά, τὰς δὲ πράξεις καὶ τὰς ἐνεργείας τὰς
ψυχικὰς περὶ ψυχὴν τίθεμεν. ὥστε καλῶς ἂν λέγοιτο κατά
γε ταύτην τὴν δόξαν παλαιὰν οὖσαν καὶ ὁμολογουμένην ὑπὸ
τῶν φιλοσοφούντων. ὀρθῶς δὲ καὶ ὅτι πράξεις τινὲς λέγονται
καὶ ἐνέργειαι τὸ τέλος· οὕτω γὰρ τῶν περὶ ψυχὴν ἀγαθῶν
γίνεται καὶ οὐ τῶν ἐκτός. συνᾴδει δὲ τῷ λόγῳ καὶ τὸ
εὖ ζῆν καὶ τὸ εὖ πράττειν τὸν εὐδαίμονα· σχεδὸν γὰρ εὐζωία
τις εἴρηται καὶ εὐπραξία. Φαίνεται δὲ καὶ τὰ ἐπιζητούμενα
τὰ περὶ τὴν εὐδαιμονίαν ἅπανθ´ ὑπάρχειν τῷ λεχθέντι. τοῖς
μὲν γὰρ ἀρετὴ τοῖς δὲ φρόνησις ἄλλοις δὲ σοφία τις εἶναι δοκεῖ,
τοῖς δὲ ταῦτα ἢ τούτων τι μεθ´ ἡδονῆς ἢ οὐκ ἄνευ ἡδονῆς·
ἕτεροι δὲ καὶ τὴν ἐκτὸς εὐετηρίαν συμπαραλαμβάνουσιν.
τούτων δὲ τὰ μὲν πολλοὶ καὶ παλαιοὶ λέγουσιν, τὰ δὲ ὀλίγοι
καὶ ἔνδοξοι ἄνδρες· οὐδετέρους δὲ τούτων εὔλογον διαμαρτάνειν
τοῖς ὅλοις, ἀλλ´ ἕν γέ τι ἢ καὶ τὰ πλεῖστα κατορθοῦν.
τοῖς μὲν οὖν λέγουσι τὴν ἀρετὴν ἢ ἀρετήν τινα συνῳδός ἐστιν
ὁ λόγος· ταύτης γάρ ἐστιν ἡ κατ´ αὐτὴν ἐνέργεια. διαφέρει
δὲ ἴσως οὐ μικρὸν ἐν κτήσει ἢ χρήσει τὸ ἄριστον ὑπολαμβάνειν,
καὶ ἐν ἕξει ἢ ἐνεργείᾳ. τὴν μὲν γὰρ ἕξιν ἐνδέχεται
(1099) μηδὲν ἀγαθὸν ἀποτελεῖν ὑπάρχουσαν, οἷον τῷ καθεύδοντι ἢ
καὶ ἄλλως πως ἐξηργηκότι, τὴν δ´ ἐνέργειαν οὐχ οἷόν τε·
πράξει γὰρ ἐξ ἀνάγκης, καὶ εὖ πράξει. ὥσπερ δ´ Ὀλυμπίασιν
οὐχ οἱ κάλλιστοι καὶ ἰσχυρότατοι στεφανοῦνται ἀλλ´
οἱ ἀγωνιζόμενοι (τούτων γάρ τινες νικῶσιν), οὕτω καὶ τῶν
ἐν τῷ βίῳ καλῶν κἀγαθῶν οἱ πράττοντες ὀρθῶς ἐπήβολοι
γίνονται. ἔστι δὲ καὶ ὁ βίος αὐτῶν καθ´ αὑτὸν ἡδύς. τὸ
μὲν γὰρ ἥδεσθαι τῶν ψυχικῶν, ἑκάστῳ δ´ ἐστὶν ἡδὺ πρὸς ὃ
λέγεται φιλοτοιοῦτος, οἷον ἵππος μὲν τῷ φιλίππῳ, θέαμα
δὲ τῷ φιλοθεώρῳ· τὸν αὐτὸν δὲ τρόπον καὶ τὰ δίκαια τῷ
φιλοδικαίῳ καὶ ὅλως τὰ κατ´ ἀρετὴν τῷ φιλαρέτῳ. τοῖς
μὲν οὖν πολλοῖς τὰ ἡδέα μάχεται διὰ τὸ μὴ φύσει τοιαῦτ´
εἶναι, τοῖς δὲ φιλοκάλοις ἐστὶν ἡδέα τὰ φύσει ἡδέα· τοιαῦται
δ´ αἱ κατ´ ἀρετὴν πράξεις, ὥστε καὶ τούτοις εἰσὶν ἡδεῖαι καὶ
καθ´ αὑτάς. οὐδὲν δὴ προσδεῖται τῆς ἡδονῆς ὁ βίος αὐτῶν
ὥσπερ περιάπτου τινός, ἀλλ´ ἔχει τὴν ἡδονὴν ἐν ἑαυτῷ.
πρὸς τοῖς εἰρημένοις γὰρ οὐδ´ ἐστὶν ἀγαθὸς ὁ μὴ χαίρων ταῖς
καλαῖς πράξεσιν· οὔτε γὰρ δίκαιον οὐθεὶς ἂν εἴποι τὸν μὴ
χαίροντα τῷ δικαιοπραγεῖν, οὔτ´ ἐλευθέριον τὸν μὴ χαίροντα
ταῖς ἐλευθερίοις πράξεσιν· ὁμοίως δὲ καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων.
εἰ δ´ οὕτω, καθ´ αὑτὰς ἂν εἶεν αἱ κατ´ ἀρετὴν πράξεις ἡδεῖαι.
ἀλλὰ μὴν καὶ ἀγαθαί γε καὶ καλαί, καὶ μάλιστα τούτων
ἕκαστον, εἴπερ καλῶς κρίνει περὶ αὐτῶν ὁ σπουδαῖος· κρίνει
δ´ ὡς εἴπομεν. ἄριστον ἄρα καὶ κάλλιστον καὶ ἥδιστον ἡ
εὐδαιμονία, καὶ οὐ διώρισται ταῦτα κατὰ τὸ Δηλιακὸν ἐπίγραμμα·
κάλλιστον τὸ δικαιότατον, λῷστον δ´ ὑγιαίνειν·
ἥδιστον δὲ πέφυχ´ οὗ τις ἐρᾷ τὸ τυχεῖν.
ἅπαντα γὰρ ὑπάρχει ταῦτα ταῖς ἀρίσταις ἐνεργείαις· ταύτας
δέ, ἢ μίαν τούτων τὴν ἀρίστην, φαμὲν εἶναι τὴν εὐδαιμονίαν. φαίνεται δ´ ὅμως καὶ τῶν ἐκτὸς ἀγαθῶν προσδεομένη,
καθάπερ εἴπομεν· ἀδύνατον γὰρ ἢ οὐ ῥᾴδιον τὰ καλὰ
πράττειν ἀχορήγητον ὄντα. πολλὰ μὲν γὰρ πράττεται,
(1100) καθάπερ δι´ ὀργάνων, διὰ φίλων καὶ πλούτου καὶ πολιτικῆς
δυνάμεως· ἐνίων δὲ τητώμενοι ῥυπαίνουσι τὸ μακάριον, οἷον
εὐγενείας εὐτεκνίας κάλλους· οὐ πάνυ γὰρ εὐδαιμονικὸς ὁ
τὴν ἰδέαν παναίσχης ἢ δυσγενὴς ἢ μονώτης καὶ ἄτεκνος,
ἔτι δ´ ἴσως ἧττον, εἴ τῳ πάγκακοι παῖδες εἶεν ἢ φίλοι, ἢ
ἀγαθοὶ ὄντες τεθνᾶσιν. καθάπερ οὖν εἴπομεν, ἔοικε προσδεῖ–
σθαι καὶ τῆς τοιαύτης εὐημερίας· ὅθεν εἰς ταὐτὸ τάττουσιν
ἔνιοι τὴν εὐτυχίαν τῇ εὐδαιμονίᾳ, ἕτεροι δὲ τὴν ἀρετήν.
| [1,8] CHAPITRE VIII :
Il faut donc examiner le principe du bonheur non seulement en s'aidant de nos
conclusions et du raisonnement sur ce point, mais aussi de l'opinion courante.
2. Car le réel ne peut que s'accorder avec la vérité et vite le faux apparaît en
dissonance avec le vrai. Nous avons réparti les biens en trois classes : les
biens extérieurs, ceux de l'âme, ceux du corps ; ce sont les biens de l'âme que
nous reconnaissons comme les plus importants et les plus précieux. D'ailleurs
nous plaçons dans l'âme même l'activité créatrice et les actes. Ainsi notre
propos concorderait avec l'opinion traditionnelle approuvée par tous les
philosophes. 3. Et l'on est autorisé à le faire du fait que certaines activités
et certains actes sont reconnus pour une fin. Il en va ainsi des biens qui
concernent l'âme et non des biens extérieurs. 4. Car l'idée que bien vivre et
réussir constituent le bonheur s'accorde avec notre raisonnement et l'on rend
presque synonymes vie heureuse et succès. 5. De toute évidence, tous les
caractères du bonheur s'appliquent à notre définition. 6. Pour les uns, c'est la
vérité qui est le souverain bien ; pour d'autres la pensée pure ; pour d'autres
encore une certaine sorte de sagesse ; pour d'autres, ce sont tous ces avantages
ou une partie d'entre eux, accompagnés du plaisir, ou tout au moins avec quelque
accompagnement de plaisir ; d'autres enfin y ajoutent l'abondance des biens
extérieurs. 7. Quelques-unes de ces opinions sont soutenues par beaucoup de gens
du passé ; d'autres par une minorité de gens en vue. La raison interdit de
penser que les uns et les autres se trompent entièrement ; il faut supposer que
sur un point au moins ou sur beaucoup, leur sentiment est juste. 8.
Notre démonstration concorde avec ceux qui prétendent que le bonheur se confond
avec la vertu en général ou avec quelque vertu particulière, car le bonheur est,
suivant nous, l'activité de l'âme dirigée par la vertu. 9. Mais peut-être
n'importe-t-il pas peu de préciser si l'on conçoit le souverain bien dans la
possession ou dans l'usage, dans le tempérament ou dans la simple disposition.
Car il arrive que la simple disposition ne donne l'occasion d'accomplir aucun
bien, comme il arriverait pour le dormeur ou celui qui est plongé dans une
inaction complète ; mais, en ce qui concerne l'activité, pareille chose est
impossible. De toute nécessité, elle agira et agira bien. De même qu'aux Jeux
Olympiques, ce ne sont ni les plus beaux ni les plus forts qui obtiennent la
couronne, mais ceux-là seuls qui prennent part aux compétitions — et parmi eux
seuls sont les vainqueurs — de même ce sont ceux qui dans la vie agissent comme
il faut qui deviennent dans la vie possesseurs du Beau et du Bien. 10. De plus,
leur vie est par elle-même agréable. Car éprouver du plaisir intéresse l'âme et
l'agrément pour chacun est relatif à ses inclinations, par exemple, le cheval
plaît à l'amateur de chevaux, le spectacle à l'amateur de théâtre ; de la même
manière la justice à quiconque aime la justice et, en un mot, les actes vertueux
à qui aime la vertu. 11. Or la plupart des gens ne s'entendent pas sur ce que
sont les plaisirs, parce que certains d'entre eux ne sont pas des plaisirs par
leur nature ; tandis que ceux qui aiment l'honnête trouvent le plaisir qui en
résulte un véritable plaisir. Telles sont les actions conformes à la vertu qui
sont agréables aux gens vertueux et par elles-mêmes. 12. La vie des gens
vertueux ne réclame donc nullement le plaisir comme je ne sais quel accessoire ;
le plaisir, elle le trouve en elle-même. Car, en plus des remarques que nous
avons faites, il faut dire que nul n'est bon s'il n'éprouve de la joie des
belles actions ; on ne pourrait pas dire davantage qu'un homme est juste, s'il
n'éprouve pas de la joie à accomplir des actions justes, ni qu'un homme est
généreux, s'il ne se plaît pas aux actions généreuses ; et il en va ainsi des
autres vertus. 13. Aussi faut-il convenir que les actions conformes à la vertu
sont agréables par elles-mêmes. Que dis-je ? Elles sont bonnes et belles et
chacune d'elles l'est au plus haut point, si le jugement que forme à leur sujet
l'homme de bien est véritablement fondé ; or celui-ci est fondé, ainsi que nous
l'avons dit. 14. Le bonheur est donc le bien le plus précieux, le plus beau et
le plus agréable. Et les distinctions que fait l'épigramme de Délos ne sont pas
admissibles :
"L'action la plus juste est la plus belle ; une bonne santé est chose excellente".
Mais ce qui est souverainement agréable, c'est ce qu'on brûle d'obtenir. Or tous
ces caractères appartiennent aux actions excellentes. Ce sont elles, ou une
seule d'entre elles, la meilleure, que nous appelons le bonheur. 15.
Néanmoins, de toute évidence le bonheur ne saurait se passer des biens
extérieurs, comme nous l'avons dit. En effet il est impossible ou tout au moins
difficile de bien faire si l'on est dépourvu de ressources. Car bien des actes
exigent, comme moyen d'exécution, des amis, de l'argent, un certain pouvoir
politique. 16. Faute de ces moyens, le bonheur de l'existence se trouve altéré,
par exemple si l'on ne jouit pas d'une bonne naissance, d'une heureuse
descendance et de beauté. On ne saurait, en effet, être parfaitement heureux si
l'on est disgracié par la nature, de naissance obscure, seul dans la vie ou
dépourvu d'enfants ; moins encore, peut-être, si l'on a des enfants et des amis
complètement mauvais ou si, après en avoir eu de bons, on les a perdus. 17.
Comme nous l'avons dit, le bonheur, de l'avis commun, exige semblable
prospérité. Voilà la raison pour laquelle quelques-uns mettent au même rang que
le bonheur la prospérité, comme d'autres la vertu.
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