[4,1120] βούλεται γὰρ ἄσωτος εἶναι ὁ ἓν κακὸν ἔχων, (1120a) (1) τὸ
φθείρειν τὴν οὐσίαν· ἄσωτος γὰρ ὁ δι᾽ αὑτὸν ἀπολλύμενος, δοκεῖ δ᾽ ἀπώλειά
τις αὑτοῦ εἶναι καὶ ἡ τῆς οὐσίας φθορά, ὡς τοῦ ζῆν διὰ τούτων ὄντος. Οὕτω
δὴ τὴν ἀσωτίαν ἐκδεχόμεθα.
Ὧν δ᾽ ἐστὶ χρεία, ἔστι τούτοις χρῆσθαι καὶ εὖ καὶ κακῶς· (5) ὁ πλοῦτος δ᾽
ἐστὶ τῶν χρησίμων· ἑκάστῳ δ᾽ ἄριστα χρῆται ὁ ἔχων τὴν περὶ τοῦτο ἀρετήν·
καὶ πλούτῳ δὴ χρήσεται ἄριστα ὁ ἔχων τὴν περὶ τὰ χρήματα ἀρετήν· οὗτος δ᾽
ἐστὶν ὁ ἐλευθέριος. Χρῆσις δ᾽ εἶναι δοκεῖ χρημάτων δαπάνη καὶ δόσις· ἡ δὲ
λῆψις καὶ ἡ φυλακὴ κτῆσις μᾶλλον. Διὸ μᾶλλόν (10) ἐστι τοῦ ἐλευθερίου τὸ
διδόναι οἷς δεῖ ἢ λαμβάνειν ὅθεν δεῖ καὶ μὴ λαμβάνειν ὅθεν οὐ δεῖ. Τῆς γὰρ
ἀρετῆς μᾶλλον τὸ εὖ ποιεῖν ἢ τὸ εὖ πάσχειν, καὶ τὰ καλὰ πράττειν μᾶλλον ἢ
τὰ αἰσχρὰ μὴ πράττειν· οὐκ ἄδηλον δ᾽ ὅτι τῇ μὲν δόσει ἕπεται τὸ εὖ ποιεῖν
καὶ τὸ καλὰ πράττειν, τῇ δὲ λήψει (15) τὸ εὖ πάσχειν ἢ μὴ αἰσχροπραγεῖν.
Καὶ ἡ χάρις τῷ διδόντι, οὐ τῷ μὴ λαμβάνοντι, καὶ ὁ ἔπαινος δὲ μᾶλλον. Καὶ
ῥᾷον δὲ τὸ μὴ λαβεῖν τοῦ δοῦναι· τὸ γὰρ οἰκεῖον ἧττον προΐενται μᾶλλον ἢ
οὐ λαμβάνουσι τὸ ἀλλότριον. Καὶ ἐλευθέριοι δὲ λέγονται οἱ διδόντες· οἱ δὲ
μὴ λαμβάνοντες οὐκ (20) εἰς ἐλευθεριότητα ἐπαινοῦνται, ἀλλ᾽ οὐχ ἧττον εἰς
δικαιοσύνην· οἱ δὲ λαμβάνοντες οὐδ᾽ ἐπαινοῦνται πάνυ. Φιλοῦνται δὲ σχεδὸν
μάλιστα οἱ ἐλευθέριοι τῶν ἀπ᾽ ἀρετῆς· ὠφέλιμοι γὰρ, τοῦτο δ᾽ ἐν τῇ δόσει.
Αἱ δὲ κατ᾽ ἀρετὴν πράξεις καλαὶ καὶ τοῦ καλοῦ ἕνεκα. Καὶ ὁ ἐλευθέριος οὖν
δώσει τοῦ καλοῦ ἕνεκα (25) καὶ ὀρθῶς· οἷς γὰρ δεῖ καὶ ὅσα καὶ ὅτε, καὶ
τἆλλα ὅσα ἕπεται τῇ ὀρθῇ δόσει· καὶ ταῦτα ἡδέως ἢ ἀλύπως· τὸ γὰρ κατ᾽
ἀρετὴν ἡδὺ ἢ ἄλυπον, ἥκιστα δὲ λυπηρόν. Ὁ δὲ διδοὺς οἷς μὴ δεῖ, ἢ μὴ τοῦ
καλοῦ ἕνεκα ἀλλὰ διά τιν᾽ ἄλλην αἰτίαν, οὐκ ἐλευθέριος ἀλλ᾽ ἄλλος τις
ῥηθήσεται. Οὐδ᾽ ὁ λυπηρῶς· (30) μᾶλλον γὰρ ἕλοιτ᾽ ἂν τὰ χρήματα τῆς καλῆς
πράξεως, τοῦτο δ᾽ οὐκ ἐλευθερίου. Οὐδὲ λήψεται δὲ ὅθεν μὴ δεῖ· οὐ γάρ ἐστι
τοῦ μὴ τιμῶντος τὰ χρήματα ἡ τοιαύτη λῆψις. Οὐκ ἂν εἴη δὲ οὐδ᾽ αἰτητικός·
οὐ γάρ ἐστι τοῦ εὖ ποιοῦντος εὐχερῶς εὐεργετεῖσθαι. Ὅθεν δὲ δεῖ, λήψεται,
(1120b) (1) οἷον ἀπὸ τῶν ἰδίων κτημάτων, οὐχ ὡς καλὸν ἀλλ᾽ ὡς ἀναγκαῖον,
ὅπως ἔχῃ διδόναι. Οὐδ᾽ ἀμελήσει τῶν ἰδίων, βουλόμενός γε διὰ τούτων τισὶν
ἐπαρκεῖν. Οὐδὲ τοῖς τυχοῦσι δώσει, ἵνα ἔχῃ διδόναι οἷς δεῖ καὶ ὅτε καὶ οὗ
καλόν.
Ἐλευθερίου δ᾽ ἐστὶ (5) σφόδρα καὶ τὸ ὑπερβάλλειν ἐν τῇ δόσει, ὥστε
καταλείπειν ἑαυτῷ ἐλάττω· τὸ γὰρ μὴ βλέπειν ἐφ᾽ ἑαυτὸν ἐλευθερίου. Κατὰ
τὴν οὐσίαν δ᾽ ἡ ἐλευθεριότης λέγεται· οὐ γὰρ ἐν τῷ πλήθει τῶν διδομένων τὸ
ἐλευθέριον, ἀλλ᾽ ἐν τῇ τοῦ διδόντος ἕξει, αὕτη δὲ κατὰ τὴν οὐσίαν δίδωσιν.
Οὐθὲν δὴ κωλύει (10) ἐλευθεριώτερον εἶναι τὸν τὰ ἐλάττω διδόντα, ἐὰν ἀπ᾽
ἐλαττόνων διδῷ. Ἐλευθεριώτεροι δὲ εἶναι δοκοῦσιν οἱ μὴ κτησάμενοι ἀλλὰ
παραλαβόντες τὴν οὐσίαν· ἄπειροί τε γὰρ τῆς ἐνδείας, καὶ πάντες ἀγαπῶσι
μᾶλλον τὰ αὑτῶν ἔργα, ὥσπερ οἱ γονεῖς καὶ οἱ ποιηταί. Πλουτεῖν δ᾽ οὐ
ῥᾴδιον τὸν (15) ἐλευθέριον, μήτε ληπτικὸν ὄντα μήτε φυλακτικόν, προετικὸν
δὲ καὶ μὴ τιμῶντα δι᾽ αὐτὰ τὰ χρήματα ἀλλ᾽ ἕνεκα τῆς δόσεως. Διὸ καὶ
ἐγκαλεῖται τῇ τύχῃ ὅτι οἱ μάλιστα ἄξιοι ὄντες ἥκιστα πλουτοῦσιν. Συμβαίνει
δ᾽ οὐκ ἀλόγως τοῦτο· οὐ γὰρ οἷόν τε χρήματ᾽ ἔχειν μὴ ἐπιμελόμενον ὅπως
ἔχῃ, ὥσπερ (20) οὐδ᾽ ἐπὶ τῶν ἄλλων.
Οὐ μὴν δώσει γε οἷς οὐ δεῖ οὐδ᾽ ὅτε μὴ δεῖ, οὐδ᾽ ὅσα ἄλλα τοιαῦτα· οὐ γὰρ
ἂν ἔτι πράττοι κατὰ τὴν ἐλευθεριότητα, καὶ εἰς ταῦτα ἀναλώσας οὐκ ἂν ἔχοι
εἰς ἃ δεῖ ἀναλίσκειν. Ὥσπερ γὰρ εἴρηται, ἐλευθέριός ἐστιν ὁ κατὰ τὴν
οὐσίαν δαπανῶν καὶ εἰς ἃ δεῖ· ὁ δ᾽ ὑπερβάλλων (25) ἄσωτος. Διὸ τοὺς
τυράννους οὐ λέγομεν ἀσώτους· τὸ γὰρ πλῆθος τῆς κτήσεως οὐ δοκεῖ ῥᾴδιον
εἶναι ταῖς δόσεσι καὶ ταῖς δαπάναις ὑπερβάλλειν.
Τῆς ἐλευθεριότητος δὴ μεσότητος οὔσης περὶ χρημάτων δόσιν καὶ λῆψιν, ὁ
ἐλευθέριος καὶ δώσει καὶ δαπανήσει εἰς ἃ δεῖ καὶ ὅσα δεῖ, ὁμοίως ἐν
μικροῖς (30) καὶ μεγάλοις, καὶ ταῦτα ἡδέως· καὶ λήψεται δ᾽ ὅθεν δεῖ καὶ
ὅσα δεῖ. Τῆς ἀρετῆς γὰρ περὶ ἄμφω οὔσης μεσότητος, ποιήσει ἀμφότερα ὡς
δεῖ· ἕπεται γὰρ τῇ ἐπιεικεῖ δόσει ἡ τοιαύτη λῆψις, ἡ δὲ μὴ τοιαύτη ἐναντία
ἐστίν. Αἱ μὲν οὖν ἑπόμεναι γίνονται ἅμα ἐν τῷ αὐτῷ, αἱ δ᾽ ἐναντίαι δῆλον
ὡς οὔ.
| [4,1120] car le nom de prodigue ne doit désigner que l'homme qui a un seul vice,
(1120a) celui de dissiper sa fortune et,
en effet, celui qui anéantit les moyens de vivre qu'il possédait, se détruit, en quelque
sorte, lui-même. C'est donc en ce sens que nous prenons le terme de prodigalité.
On peut faire un bon ou un mauvais emploi des choses qui ont quelque utilité :
or celui qui possède la vertu relative à chaque chose, doit être le plus capable de
faire un bon usage de cette chose ; et, par conséquent, celui qui possède la vertu
relative aux richesses, sera aussi capable d'en faire le meilleur emploi. C'est donc
celui-là qui est libéral. Au reste, l'emploi, en ce genre, consiste plus particulièrement
à dépenser et à donner : mais l'acquisition et la conservation doivent plutôt
s'appeler possession; et, par cette raison, le fait du libéral est de donner à qui il
convient, plutôt que de recevoir de qui il doit, ou bien de ne pas prendre où il ne
faut pas : car la vertu consiste à faire du bien, plutôt qu'à en recevoir; à s'honorer
par des actions estimables, plutôt qu'à éviter d'en commettre dé honteuses. Il est,
d'ailleurs, facile de voir que l'accomplissement des actions bonnes et généreuses
est la conséquence naturelle du penchant à donner, au lieu que recevoir ne produit
qu'une satisfaction personnelle, dans laquelle on a, tout au plus, le mérite de ne
pas faire une chose honteuse ; aussi la reconnaissance s'attache-t-elle à celui qui
donne, et non à celui qui ne reçoit pas, et les éloges s'adressent plus à l'un qu'à
l'autre. Il est aussi plus facile de ne pas recevoir que de donner, parce qu'en
général les hommes sont moins disposés à se dépouiller de ce qui leur appartient,
qu'à ne pas prendre ce qui appartient aux autres. On appelle donc libéraux ceux qui
donnent. Quant à ceux qui ne reçoivent pas, ce n'est pas à leur libéralité qu'on
applaudit, mais plutôt à leur équité: mais on ne loue en aucune façon ceux qui
acceptent les dons qu'on leur fait. La libéralité est peut-être de toutes les vertus
celle qui fait le plus chérir ceux qui la possèdent. Car ils sont utiles aux autres
hommes, et c'est précisément dans les dons, ou dans le penchant à donner, que
consiste cette utilité.
Les actions que l'on fait par vertu, et en vue de ce qui est honorable et beau,
sont proprement les belles actions. Le libéral donnera donc par ces nobles motifs,
et en se conformant à la raison; c'est-à-dire qu'il donnera à ceux à qui il est
convenable de donner, et autant qu'il le faudra, et dans les circonstances
convenables; en un mot il se conformera à toutes les conditions qu'exige, en ce
cas, la droite raison : et il le fera avec joie, ou du moins sans peine ; car c'est le
caractère des actions vertueuses, on ne doit point les faire à regret. Celui qui donne
comme il ne faut pas, ou sans se proposer un but honnête, mais par quelque autre
motif, n'est pas libéral ; il faudra lui donner quelque autre nom. Celui qui ne donne
qu'à regret ne l'est pas non plus, puisqu'il préférerait l'argent à une bonne action, ce
qui n'est pas d'un homme libéral. Il se gardera bien aussi d'en prendre d'où il ne
doit pas ; car cela n'est pas d'un homme qui ne fait pas une trop haute estime de
l'argent. Enfin, il ne se montrera pas indiscret dans ses demandes ; car rien
n'est plus étranger aux habitudes de la bienfaisance que cette facilité à contracter
des obligations : mais il prendra où il faut; (1120b) par exemple, sur ses propres
revenus, non pas parce que cela est honorable, mais parce que cela est nécessaire
pour pouvoir faire des dons. Il ne négligera pas le soin de sa fortune, puisqu'il
désire y trouver les moyens d'aider les autres; et il ne la prodiguera pas sans
discernement à tout venant, afin de se réserver la possibilité de donner aux
personnes dans les occasions et de la manière convenables.
Cependant l'homme véritablement libéral doit donner avec largesse, et de
manière à se réserver à lui-même moins qu'il ne donne aux autres ; car c'est
précisément cet oubli de soi qui le caractérise. Au reste, c'est par la fortune qu'un
homme possède qu'on peut apprécier sa libéralité ; car ce n'est pas la quantité des
choses que l'on donne qui constitue cette vertu, mais c'est l'habitude ou la
disposition d'âme de celui qui donne : or, le libéral donne en proportion des biens
qu'il possède; et il est très possible que celui qui donne moins, soit réellement plus
libéral, s'il prend ses dons sur une fortune moins considérable. Ceux qui
jouissent d'un bien qui leur a été transmis sont plus libéraux que ceux qui ont fait
eux-mêmes leur fortune, parce qu'ils n'ont point éprouvé l'indigence, et qu'en
général on tient plus au produit de son travail, à ce qu'on peut regarder comme son
propre ouvrage, comme on le voit par l'exemple des pères ou des mères, et des
poètes. Mais il n'est pas facile au libéral de s'enrichir, n'étant ni avide
d'acquérir, ni appliqué à conserver, mais aimant, au contraire, à prodiguer l'argent,
sans y attacher un grand prix en lui-même, et ne l'estimant que par le plaisir qu'il
trouve à le donner. Voilà pourquoi on reproche si souvent à la fortune de n'accorder
ses faveurs qu'à ceux qui en sont le moins dignes ; et ce n'est pas sans raison : car
il en est de l'argent comme de toutes les autres choses, on n'en peut avoir sans
s'appliquer aux moyens d'en acquérir.
Cependant le libéral ne fera des dons ni aux personnes à qui on n'en doit pas
faire, ni dans les occasions où il ne le faut pas, et il ne manquera à aucune des
autres convenances ; car ce ne serait plus agir libéralement, et, après avoir ainsi
dépensé sa fortune, il ne lui resterait plus de quoi satisfaire aux dépenses
convenables. Car, comme je l'ai dit, on n'est libéral qu'autant que l'on proportionne
sa dépense à la fortune qu'on a, et qu'on en fait un emploi raisonnable ; celui qui
donne dans l'excès est un prodigue. C'est pour cela qu'on ne donne pas ce nom
aux tyrans, parce qu'il leur est difficile d'épuiser par leurs dons, ou par leurs
dépenses l'immensité des trésors qu'ils possèdent.
Puisque la libéralité est un certain milieu par rapport à l'acquisition et à l'emploi
des richesses le libéral donnera et dépensera pour les choses convenables, et
autant qu'il le faut, dans les occasions peu importantes, aussi bien que dans les
grandes, et toujours avec plaisir; et il saura trouver des ressources où il doit, et
autant qu'il faut. Car puisque la vertu consiste à observer un juste milieu dans ces
deux choses (donner et recevoir) il fera l'une et l'autre comme il faut; et, en effet, la
disposition à acquérir convenablement est une conséquence naturelle du penchant
à donner d'une manière convenable : celle qui ne serait pas telle serait tout le
contraire. Ainsi donc ces deux manières d'être, qui se suivent l'une et l'autre, se
rencontrent toujours dans la même personne, et il est facile de voir qu'il n'en est
pas ainsi des manières d'être contraires.
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