[12] ΦΙΛΙΠΠΟΥ ΚΑΙ ΑΛΕΞΑΝΔΡΟΥ
<1> ΦΙΛΙΠΠΟΣ
Νῦν μέν͵ ὦ Ἀλέξανδρε͵ οὐκ ἂν ἔξαρνος γένοιο μὴ οὐκ ἐμὸς υἱὸς εἶναι·
οὐ γὰρ ἂν τεθνήκεις Ἄμμωνός γε ὤν.
ΑΛΕΞΑΝΔΡΟΣ
Οὐδ΄ αὐτὸς ἠγνόουν͵ ὦ πάτερ͵ ὡς Φιλίππου τοῦ Ἀμύντου υἱός εἰμι͵
ἀλλ΄ ἐδεξάμην τὸ μάντευμα͵ χρήσιμον εἰς τὰ πράγματα εἶναι οἰόμενος.
ΦΙΛΙΠΠΟΣ
Πῶς λέγεις; χρήσιμον ἐδόκει σοι τὸ παρέχειν σεαυτὸν
ἐξαπατηθησόμενον ὑπὸ τῶν προφητῶν;
ΑΛΕΞΑΝΔΡΟΣ
Οὐ τοῦτο͵ ἀλλ΄ οἱ βάρβαροι κατεπλάγησάν με καὶ οὐδεὶς ἔτι
ἀνθίστατο οἰόμενοι θεῷ μάχεσθαι͵ ὥστε ῥᾷον ἐκράτουν αὐτῶν.
ΦΙΛΙΠΠΟΣ
<2> Τίνων δὲ ἐκράτησας σύ γε ἀξιομάχων ἀνδρῶν͵ ὃς δειλοῖς ἀεὶ
συνηνέχθης τοξάρια καὶ πελτίδια καὶ γέρρα οἰσύϊνα προβεβλημένοις;
Ἑλλήνων κρατεῖν ἔργον ἦν͵ Βοιωτῶν καὶ Φωκέων καὶ Ἀθηναίων͵ καὶ τὸ
Ἀρκάδων ὁπλιτικὸν καὶ τὴν Θετταλὴν ἵππον καὶ τοὺς Ἠλείων ἀκοντιστὰς
καὶ τὸ Μαντινέων πελταστικὸν ἢ Θρᾷκας ἢ Ἰλλυριοὺς ἢ καὶ Παίονας
χειρώσασθαι͵ ταῦτα μεγάλα· Μήδων δὲ καὶ Περσῶν καὶ Χαλδαίων͵
χρυσοφόρων ἀνθρώπων καὶ ἁβρῶν͵ οὐκ οἶσθα ὡς πρὸ σοῦ μύριοι μετὰ
Κλεάρχου ἀνελθόντες ἐκράτησαν οὐδ΄ εἰς χεῖρας ὑπομεινάντων ἐλθεῖν
ἐκείνων͵ ἀλλὰ πρὶν ἢ τόξευμα ἐξικνεῖσθαι φυγόντων;
ΑΛΕΞΑΝΔΡΟΣ
<3> Ἀλλ΄ οἱ Σκύθαι γε͵ ὦ πάτερ͵ καὶ οἱ Ἰνδῶν ἐλέφαντες οὐκ
εὐκαταφρόνητόν τι ἔργον͵ καὶ ὅμως οὐ διαστήσας αὐτοὺς οὐδὲ προδοσίαις
ὠνούμενος τὰς νίκας ἐκράτουν αὐτῶν· οὐδ΄ ἐπιώρκησα πώποτε ἢ
ὑποσχόμενος ἐψευσάμην ἢ ἄπιστον ἔπραξά τι τοῦ νικᾶν ἕνεκα. καὶ τοὺς
Ἕλληνας δὲ τοὺς μὲν ἀναιμωτὶ παρέλαβον͵ Θηβαίους δὲ ἴσως ἀκούεις
ὅπως μετῆλθον.
ΦΙΛΙΠΠΟΣ
Οἶδα ταῦτα πάντα· Κλεῖτος γὰρ ἀπήγγειλέ μοι͵ ὃν σὺ τῷ δορατίῳ
διελάσας μεταξὺ δειπνοῦντα ἐφόνευσας͵ ὅτι με πρὸς τὰς σὰς πράξεις
ἐπαινέσαι ἐτόλμησεν. <4> σὺ δὲ καὶ τὴν Μακεδονικὴν χλαμύδα καταβαλὼν
κάνδυν͵ ὥς φασι͵ μετενέδυς καὶ τιάραν ὀρθὴν ἐπέθου καὶ προσκυνεῖσθαι
ὑπὸ Μακεδόνων͵ ἐλευθέρων ἀνδρῶν͵ ἠξίους͵ καὶ τὸ πάντων γελοιότατον͵
ἐμιμοῦ τὰ τῶν νενικημένων. ἐῶ γὰρ λέγειν ὅσα ἄλλα ἔπραξας͵ λέουσι
συγκατακλείων πεπαιδευμένους ἄνδρας καὶ τοσούτους γαμῶν γάμους
καὶ Ἡφαιστίωνα ὑπεραγαπῶν. ἓν ἐπῄνεσα μόνον ἀκούσας͵ ὅτι ἀπέσχου
τῆς τοῦ Δαρείου γυναικὸς καλῆς οὔσης͵ καὶ τῆς μητρὸς αὐτοῦ καὶ τῶν
θυγατέρων ἐπεμελήθης· βασιλικὰ γὰρ ταῦτα.
ΑΛΕΞΑΝΔΡΟΣ
<5> Τὸ φιλοκίνδυνον δέ͵ ὦ πάτερ͵ οὐκ ἐπαινεῖς καὶ τὸ ἐν Ὀξυδράκαις
πρῶτον καθαλέσθαι ἐντὸς τοῦ τείχους καὶ τοσαῦτα λαβεῖν τραύματα;
ΦΙΛΙΠΠΟΣ
Οὐκ ἐπαινῶ τοῦτο͵ ὦ Ἀλέξανδρε͵ οὐχ ὅτι μὴ καλὸν οἴομαι εἶναι καὶ
τιτρώσκεσθαί ποτε τὸν βασιλέα καὶ προκινδυνεύειν τοῦ στρατοῦ͵ ἀλλ΄ ὅτι
σοι τὸ τοιοῦτο ἥκιστα συνέφερεν· θεὸς γὰρ εἶναι δοκῶν εἴ ποτε τρωθείης͵
καὶ βλέποιέν σε φοράδην τοῦ πολέμου ἐκκομιζόμενον͵ αἵματι ῥεόμενον͵
οἰμώζοντα ἐπὶ τῷ τραύματι͵ ταῦτα γέλως ἦν τοῖς ὁρῶσιν͵ ᾗ καὶ ὁ Ἄμμων
γόης καὶ ψευδόμαντις ἠλέγχετο καὶ οἱ προφῆται κόλακες. ἢ τίς οὐκ ἂν
ἐγέλασεν ὁρῶν τὸν τοῦ Διὸς υἱὸν ἀποψύχοντα͵ δεόμενον τῶν ἰατρῶν
βοηθεῖν; νῦν μὲν γὰρ ὁπότε ἤδη τέθνηκας͵ οὐκ οἴει πολλοὺς εἶναι τοὺς τὴν
προσποίησιν ἐκείνην ἐπικερτομοῦντας͵ ὁρῶντας τὸν νεκρὸν τοῦ θεοῦ
ἐκτάδην κείμενον͵ μυδῶντα ἤδη καὶ ἐξῳδηκότα κατὰ νόμον ἁπάντων τῶν
σωμάτων; ἄλλως τε καὶ τοῦτο͵ ὃ χρήσιμον ἔφης͵ ὦ Ἀλέξανδρε͵ τὸ διὰ
τοῦτο κρατεῖν ῥᾳδίως͵ πολὺ τῆς δόξης ἀφῄρει τῶν κατορθουμένων· πᾶν
γὰρ ἐδόκει ἐνδεὲς ὑπὸ θεοῦ γίγνεσθαι δοκοῦν.
ΑΛΕΞΑΝΔΡΟΣ
<6> Οὐ ταῦτα φρονοῦσιν οἱ ἄνθρωποι περὶ ἐμοῦ͵ ἀλλὰ Ἡρακλεῖ καὶ
Διονύσῳ ἐνάμιλλον τιθέασί με. καίτοι τὴν Ἄορνον ἐκείνην͵ οὐδετέρου
ἐκείνων λαβόντος͵ ἐγὼ μόνος ἐχειρωσάμην.
ΦΙΛΙΠΠΟΣ
Ὁρᾷς ὅτι ταῦτα ὡς Ἄμμωνος υἱὸς λέγεις͵ ὃς Ἡρακλεῖ καὶ Διονύσῳ
παραβάλλεις σεαυτόν; καὶ οὐκ αἰσχύνῃ͵ ὦ Ἀλέξανδρε͵ οὐδὲ τὸν τῦφον
ἀπομαθήσῃ καὶ γνώσῃ σεαυτὸν καὶ συνήσεις ἤδη νεκρὸς ὤν;
| [12] ALEXANDRE ET PHILIPPE.
1. PHILIPPE. Maintenant, Alexandre, tu ne peux plus dire
que tu n'es pas mon fils ; car tu ne serais pas mort, si tu
avais été celui d'Ammon.
ALEXANDRE. Je savais bien, mon père, que j'étais le fils de
Philippe, fils d'Amyntas, mais j'acceptais l'oracle, le croyant
utile à mes desseins.
PHILIPPE. Comment dis-tu ? Tu croyais utile de te laisser
duper par les prophètes ?
ALEXANDRE. Je ne dis pas cela. Mais les barbares avaient
peur de moi ; aucun d'eux ne me résistait, croyant avoir
affaire à un dieu, et je n'eus pas de peine à les vaincre.
2. PHILIPPE. Et quels hommes as-tu vaincus avec lesquels
on pût se mesurer, toi qui n’as jamais lutté qu'avec des
lâches, toujours prêts à jeter leurs arcs, leurs javelots et
leurs boucliers d'osier ? C'était autre chose de soumettre
les Grecs, les Béotiens, les Phocéens, les Athéniens !
Culbuter l'infanterie des Arcadiens, la cavalerie
thessalienne, les Éléens habiles à lancer le javelot, les
fantassins de Mantinée, les Thraces, les Illyriens, les
Péoniens : voilà de grands exploits. Mais les Mèdes, les
Perses, les Chaldéens, race brillante d'or et efféminée, ne
sais-tu pas qu'avant toi les dix mille conduits par Cléarque
les ont battus, sans qu'ils aient même attendu les traits des
Grecs pour prendre la fuite ?
3. ALEXANDRE. Cependant les Scythes, mon père, et les
éléphants indiens, ce ne sont pas ennemis à dédaigner ; et
pourtant je les ai vaincus, sans semer entre eux la
discorde, sans acheter la victoire par des trahisons.
Jamais je n'ai fait de faux serments, trahi la foi jurée,
commis la moindre perfidie pour être vainqueur. J'ai soumis
une partie de la Grèce sans verser de sang ; mais pour
Thèbes, vous savez, sans doute, comment je m'en suis vengé.
PHILIPPE. Je sais tout cela ; Clitus me l'a appris, lui que tu
as tué d'un coup de lance au milieu d'un festin, parce qu'il
avait l'audace de louer mes exploits comparés aux tiens.
4. Mais il paraît que tu as mis de côté la chlamyde
macédonienne pour te revêtir de la robe persique, coiffé ta
tête d'une tiare droite et voulu te faire adorer par les
Macédoniens, qui sont des hommes libres ; qu'enfin, ce qui
est le comble du ridicule, tu as adopté les mœurs des
vaincus. Je ne parle pas ici de tes autres prouesses, comme
de renfermer avec des lions des hommes distingués par
leur sagesse, de contracter de singuliers mariages, et
d'aimer Héphestion d'une tendresse excessive. Il n'y a
qu'un trait que j'aie approuvé en l'apprenant, c'est que tu
as respecté la femme de Darius, qui était belle, et que tu as
pris soin de la mère et des filles de ton ennemi ; c'est agir en roi.
5. ALEXANDRE. Et cette ardeur, mon père, qui me faisait
braver le danger, vous ne la louez pas, ni ce courage à
franchir le premier le mur des Oxydraques, à sauter dans la
ville et à recevoir tant de blessures ?
PHILIPPE. Non, je n'approuve pas cela, Alexandre. Ce n'est
pas qu'il ne soit quelquefois glorieux à un roi d'être blessé
et d'affronter le danger pour son armée ; mais ici une
pareille conduite ne te rapportait rien. L'idée que tu étais
un dieu, si une fois tu étais blessé et porté aux yeux de
tous hors du combat, tout couvert de sang et gémissant de
tes blessures, eût donné matière à rire aux spectateurs.
Ammon était convaincu de charlatanisme et d'imposture, et
ses prophètes d'adulation. Le moyen, en effet, de ne pas
rire, en voyant le fils de Jupiter tombant en syncope et
implorant le secours des médecins ! Car, aujourd'hui que tu
es mort, crois-tu qu'une foule de gens ne raillent pas
amèrement cette comédie, en voyant le fils d'un dieu
étendu dans le cercueil, déjà livré à la pourriture et enflé
comme tous les autres cadavres ? D'ailleurs, Alexandre,
cette prétendue utilité de l'oracle, qui te facilitait, disais-tu,
la victoire, t'a ravi en grande partie la gloire de tes exploits ;
tous paraissaient moindres, venant d'un dieu.
6. ALEXANDRE. Ce n'est pas là ce que les hommes pensent
de moi ; au contraire, ils me mettent en parallèle avec
Hercule et Bacchus ; et, malgré tout, je suis le seul qui
ait pris la Roche Aornos, dont aucun des deux n'a pu s'emparer.
PHILIPPE. Tu le vois, tu parles encore comme si tu étais le
fils d'Ammon, tu te compares à Hercule et à Bacchus !
N'auras-tu donc jamais de honte, Alexandre ? ne te
déferas-tu pas de cette vanité ? ne te connaîtras-tu jamais
toi-même, et ne comprendras-tu pas enfin que tu es mort ?
|