[30] Ἔστι γὰρ γένει μὲν δήπου ὁ Λεύκων ξένος, τῇ δὲ παρ' ὑμῶν ποιήσει πολίτης·
κατ' οὐδέτερον δ' αὐτῷ τὴν ἀτέλειαν ἔστιν ἔχειν ἐκ τούτου τοῦ νόμου.
Καίτοι τῶν μὲν ἄλλων εὐεργετῶν χρόνον τιν' ἕκαστος ἡμῖν χρήσιμον αὑτὸν
παρέσχεν, οὗτος δέ, ἂν σκοπῆτε, φανήσεται συνεχῶς ἡμᾶς εὖ ποιῶν, καὶ ταῦθ'
ὧν μάλισθ' ἡμῶν ἡ πόλις δεῖται. (31) Ἴστε γὰρ δήπου τοῦθ', ὅτι πλείστῳ τῶν
πάντων ἀνθρώπων ἡμεῖς ἐπεισάκτῳ σίτῳ χρώμεθα. Πρὸς τοίνυν ἅπαντα τὸν ἐκ
τῶν ἄλλων ἐμπορίων ἀφικνούμενον ὁ ἐκ τοῦ Πόντου σῖτος εἰσπλέων ἐστίν.
Εἰκότως· οὐ γὰρ μόνον διὰ τὸ τὸν τόπον τοῦτον σῖτον ἔχειν πλεῖστον τοῦτο
γίγνεται, ἀλλὰ διὰ τὸ κύριον ὄντα τὸν Λεύκων' αὐτοῦ τοῖς ἄγουσιν Ἀθήναζε
ἀτέλειαν δεδωκέναι, καὶ κηρύττειν πρώτους γεμίζεσθαι τοὺς ὡς ὑμᾶς
πλέοντας. Ἔχων γὰρ ἐκεῖνος ἑαυτῷ καὶ τοῖς παισὶ τὴν ἀτέλειαν ἅπασι δέδωκεν
ὑμῖν. (32) Τοῦτο δ' ἡλίκον ἐστὶ θεωρήσατε. Ἐκεῖνος πράττεται τοὺς παρ'
αὑτοῦ σῖτον ἐξάγοντας τριακοστήν. Αἱ τοίνυν παρ' ἐκείνου δεῦρ'
ἀφικνούμεναι σίτου μυριάδες περὶ τετταράκοντ' εἰσί· καὶ τοῦτ' ἐκ τῆς παρὰ
τοῖς σιτοφύλαξιν ἀπογραφῆς ἄν τις ἴδοι. Οὐκοῦν παρὰ μὲν τὰς τριάκοντα
μυριάδας μυρίους δίδωσι μεδίμνους ἡμῖν, παρὰ δὲ τὰς δέκα ὡσπερανεὶ
τρισχιλίους. (33) Τοσούτου τοίνυν δεῖ ταύτην ἀποστερῆσαι τὴν δωρειὰν τὴν
πόλιν, ὥστε προσκατασκευάσας ἐμπόριον Θευδοσίαν, ὅ φασιν οἱ πλέοντες οὐδ'
ὁτιοῦν χεῖρον εἶναι τοῦ Βοσπόρου, κἀνταῦθ' ἔδωκε τὴν ἀτέλειαν ἡμῖν. Καὶ τὰ
μὲν ἄλλα σιωπῶ, πόλλ' ἂν ἔχων εἰπεῖν, ὅσ' εὐεργέτηκεν ὑμᾶς οὗτος ἁνὴρ καὶ
αὐτὸς καὶ οἱ πρόγονοι· ἀλλὰ πρωπέρυσιν σιτοδείας παρὰ πᾶσιν ἀνθρώποις
γενομένης οὐ μόνον ὑμῖν ἱκανὸν σῖτον ἀπέστειλεν, ἀλλὰ τοσοῦτον ὥστε
πεντεκαίδεκ' ἀργυρίου τάλαντα, ἃ Καλλισθένης διῴκησε, προσπεριγενέσθαι.
(34) Τί οὖν οἴεσθ', ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, τοῦτον τὸν τοιοῦτον περὶ ὑμᾶς
γεγενημένον, ἐὰν ἀκούσῃ νόμῳ τὴν ἀτέλειαν ὑμᾶς ἀφῃρημένους αὐτὸν καὶ μηδ'
ἂν μεταδόξῃ ποτὲ ψηφισαμένους ἐξεῖναι δοῦναι; Ἆρ' ἀγνοεῖθ' ὅτι ὁ αὐτὸς
νόμος οὗτος ἐκεῖνόν τ' ἀφαιρήσεται τὴν ἀτέλειαν, κύριος ἂν γένηται, καὶ
ὑμῶν τοὺς παρ' ἐκείνου σιτηγοῦντας; (35) Οὐ γὰρ δήπου τοῦτό γ' ὑπείληφεν
οὐδείς, ὡς ἐκεῖνος ὑπομενεῖ ἑαυτῷ μὲν ἀκύρους εἶναι τὰς παρ' ὑμῶν δωρειάς,
ὑμῖν δὲ μένειν τὰς παρ' ἑαυτοῦ. Οὐκοῦν πρὸς πολλοῖς οἷς βλάψειν ὑμᾶς ὁ
νόμος φαίνεται, καὶ προσαφαιρεῖταί τι τῶν ὑπαρχόντων ἤδη. Εἶθ' ὑμεῖς ἔτι
σκοπεῖτ' εἰ χρὴ τοῦτον ἐξαλεῖψαι, καὶ οὐ πάλαι βεβούλευσθε; Ἀνάγνωθι λαβὼν
αὐτοῖς τὰ ψηφίσματα τὰ περὶ τοῦ Λεύκωνος.
ΨΗΦΙΣΜΑΤΑ.
(36) Ὡς μὲν εἰκότως καὶ δικαίως τετύχηκεν τῆς ἀτελείας παρ' ὑμῶν ὁ Λεύκων,
ἀκηκόατ' ἐκ τῶν ψηφισμάτων, ὦ ἄνδρες δικασταί. Τούτων δ' ἁπάντων στήλας
ἀντιγράφους ἐστήσαθ' ὑμεῖς κἀκεῖνος, τὴν μὲν ἐν Βοσπόρῳ, τὴν δ' ἐν
Πειραιεῖ, τὴν δ' ἐφ' Ἱερῷ. Σκοπεῖτε δὴ πρὸς ὅσης κακίας ὑπερβολὴν ὑμᾶς ὁ
νόμος προάγει, ὃς ἀπιστότερον τὸν δῆμον καθίστησ' ἑνὸς ἀνδρός. (37) Μὴ γὰρ
οἴεσθ' ὑμῖν ἄλλο τι τὰς στήλας ἑστάναι ταύτας ἢ τούτων πάντων ὧν ἔχετ' ἢ
δεδώκατε συνθήκας, αἷς ὁ μὲν Λεύκων ἐμμένων φανεῖται καὶ ποιεῖν ἀεί τι
προθυμούμενος ὑμᾶς εὖ, ὑμεῖς δ' ἑστώσας ἀκύρους πεποιηκότες, ὃ πολὺ
δεινότερον τοῦ καθελεῖν· αὗται γὰρ οὑτωσὶ τοῖς βουλομένοις κατὰ τῆς πόλεως
βλασφημεῖν τεκμήριον ὡς ἀληθῆ λέγουσιν ἑστήξουσιν. (38) Φέρ', ἐὰν δὲ δὴ
πέμψας ὡς ἡμᾶς ὁ Λεύκων ἐρωτᾷ, τί ἔχοντες ἐγκαλέσαι καὶ τί μεμφόμενοι τὴν
ἀτέλειαν αὐτὸν ἀφῄρησθε, τί πρὸς θεῶν ἐροῦμεν ἢ τί γράψει ποθ' ὁ τὸ
ψήφισμ' ὑπὲρ ἡμῶν γράφων; (39) Ὅτι νὴ Δί' ἦσάν τινες τῶν εὑρημένων
ἀνάξιοι. Ἐὰν οὖν εἴπῃ πρὸς ταῦτ' ἐκεῖνος « Καὶ γὰρ Ἀθηναίων τινὲς ἴσως
φαῦλοι, καὶ οὐ διὰ ταῦτ' ἐγὼ τοὺς χρηστοὺς ἀφειλόμην, ἀλλὰ τὸν δῆμον
νομίζων χρηστὸν πάντας ἔχειν ἐῶ, » οὐ δικαιότερ' ἡμῶν ἐρεῖ; Ἐμοὶ γοῦν
δοκεῖ. Παρὰ πᾶσι γὰρ ἀνθρώποις μᾶλλόν ἐστιν ἔθος διὰ τοὺς εὐεργέτας καὶ
ἄλλους τινὰς εὖ ποιεῖν τῶν μὴ χρηστῶν ἢ διὰ τοὺς φαύλους τοὺς ὁμολογου
μένως ἀξίους χάριτος τὰ δοθέντ' ἀφαιρεῖσθαι.
| [30] En effet, si Leucon est étranger par la naissance, il est
devenu citoyen par l'adoption que vous lui avez conférée. Or, d'après la
loi de Leptine, il ne jouira de l'immunité à aucun de ces deux titres.
Pourtant, nos autres bienfaiteurs nous ont rendu des services chacun à un
moment donné; lui, si vous y faites attention, se montre constamment
occupé à nous faire du bien, et cela pour les choses dont notre ville a le
plus grand besoin. (31) En effet, vous le savez, aucune nation n'importe
plus de blé que la nôtre. Or la quantité de blé qui nous arrive du
Pont égale à elle seule tout ce qui provient des autres marchés. Il y a
pour cela plusieurs raisons. Ce n'est pas seulement parce qu'il y a plus
de blé là qu'ailleurs, c'est parce que Leucon, prince de ce pays, a donné
l'immunité à ceux qui portent du blé à Athènes, et parce qu'il fait
charger avant tous autres les navires à destination de votre port. Ainsi
l'immunité dont vous l'avez gratifié pour lui-même et pour ses enfants, il
vous l'a donnée à tous. (32) Calculez maintenant la valeur de ce don.
Leucon fait payer un trentième à tous ceux qui exportent de chez lui du
blé. Or la quantité de blé qui arrive ici de chez lui est d'environ quatre
cent mille médimnes. On pourrait au besoin vérifier le chiffre au moyen
des registres tenus par les commissaires à l'approvisionnement. Donc,
par trois cent mille médimnes il nous en donne dix mille, et par cent
mille qui forment le surplus il nous en donne trois mille en chiffres
ronds. (33) Il est si peu disposé à nous retirer cet avantage qu'après
avoir ouvert un autre port, celui de Theudosie, qui, au dire des
navigateurs, n'est pas inférieur à celui de Bosphore, il nous y a conféré
le même droit d'exporter en franchise. Je pourrais parler longtemps des
bienfaits dont ce prince vous a comblés, lui et ses ancêtres. Je n'en
dirai qu'un seul. Il y a deux ans, alors que le blé manquait partout, il
ne s'est pas contenté de vous envoyer la quantité nécessaire. Il en a
envoyé assez pour que vous ayez pu faire sur le surplus un bénéfice de
quinze talents d'argent, qui ont passé par les mains de Callisthène. (34)
Que va-t-il faire, Athéniens, dites-le-moi, cet homme si généreux envers
vous, le jour où il apprendra que nous lui avons retiré l'immunité par une
loi et que nous nous sommes même interdit par un vote la faculté de
revenir sur cette résolution? Ne voyez-vous pas que la loi de Leptine, si
elle est confirmée, en même temps qu'elle enlèvera l'immunité à Leucon, la
retirera du même coup à ceux qui nous apportent du blé de chez lui? (35)
Car apparemment nul de nous ne suppose qu'il convienne à Leucon de se voir
retirer les récompenses qu'il tient de vous, et de vous laisser celles
dont sous jouissez chez lui. Ainsi, outre tous les inconvénients que peut
avoir cette loi, elle a encore celui de vous enlever un avantage dont vous
jouissez actuellement. Et après cela vous hésitez encore à effacer cette
loi ! Votre décision n'est pas prise depuis longtemps! Prends et lis aux
juges les décrets qui concernent Leucon. DÉCRET.
(36) La lecture de ces décrets, juges, vous a rappelé combien l'immunité
accordée par vous à Leucon était fondée en raison et en justice. Ils ont
tous été transcrits sur des stèles que vous avez fait placer, vous et lui,
l'une à Bosphore, l'autre au Pirée, la troisième au Temple. Voyez
donc à quelle mauvaise action vous conduit cette loi qui met la loyauté du
peuple athénien au-dessous de celle d'un seul homme. (37) Ne vous y
trompez pas, en effet. Que sont ces stèles sinon l'instrument d'un contrat
qui définit les droits dont vous jouissez ou que vous avez conférés? Ce
contrat, Leucon s'en montrera fidèle observateur, toujours disposé à vous
faire du bien, et vous, vous le laisserez debout, mais vous n'en tiendrez
aucun compte, ce qui est bien pis que de le renverser. Ces stèles
subsisteront, et tous ceux qui voudront dire du mal de nous les
invoqueront pour prouver qu'ils disent la vérité. (38) Supposez maintenant
que Leucon vous envoie un ambassadeur et vous demande pour quel grief, à
raison de quelle faute, vous lui retirez l'immunité. Que dirons-nous, au
nom des dieux! et en quels termes pourra s'exprimer celui qui rédigera le
décret en votre nom? (39) Dira-t-on que parmi les récompensés il se
trouvait des indignes? A cela Leucon pourra répondra : « Il y a peut-être
de méchantes gens parmi les Athéniens; cependant je n'ai pas cru que ce
fût une raison pour dépouiller les bons, j'ai pensé que le peuple était
bon, et en conséquence je maintiens à tous les Athéniens les droits dont
ils jouissent. » Est-ce que la justice ne sera pas de son côté ? Je le
crois, du moins. En effet, c'est une pratique universelle chez tous les
hommes: pour récompenser des bienfaiteurs on fait souvent du bien à des
gens qui ne le méritent guère; mais l'indignité de quelques-uns n'autorise
pas à reprendre ce qu'on a donné pour payer une dette de reconnaissance.
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