[10] Οὐ γὰρ εἰ μὴ χρήματ' ἀπόλλυτε μόνον σκεπτέον,
ἀλλ' εἰ καὶ δόξαν χρηστήν, περὶ ἧς μᾶλλον σπουδάζετ' ἢ περὶ χρημάτων,
καὶ οὐ μόνον ὑμεῖς, ἀλλὰ καὶ οἱ πρόγονοι. Τεκμήριον δέ· χρήματα
μὲν γὰρ πλεῖστά ποτε κτησάμενοι πάνθ' ὑπὲρ φιλοτιμίας ἀνήλωσαν, ὑπὲρ δὲ
δόξης οὐδένα πώποτε κίνδυνον ἐξέστησαν, ἀλλὰ καὶ τὰς ἰδίας οὐσίας
προσαναλίσκοντες διετέλουν. Nῦν τοίνυν οὗτος ὁ νόμος ταύτην ἀντὶ καλῆς
αἰσχρὰν τῇ πόλει περιάπτει, καὶ οὔτε τῶν προγόνων οὔθ' ὑμῶν ἀξίαν. Tρία
γὰρ τὰ μέγιστ' ὀνείδη κτᾶται, φθονεροὺς ἀπίστους ἀχαρίστους εἶναι δοκεῖν.
(11) Ὅτι τοίνυν οὐδ' ἐστὶν ὅλως, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, τοῦ ἤθους τοῦ ὑμετέρου
κύριον ποιῆσαι τοιοῦτον νόμον, καὶ τοῦτο πειράσομαι δεῖξαι διὰ βραχέων, ἕν
τι τῶν πρότερον πεπραγμένων τῇ πόλει διεξελθών. Λέγονται χρήμαθ' οἱ
τριάκοντα δανείσασθαι παρὰ Λακεδαιμονίων ἐπὶ τοὺς ἐν Πειραιεῖ. Ἐπειδὴ δ' ἡ
πόλις εἰς ἓν ἦλθεν καὶ τὰ πράγματ' ἐκεῖνα κατέστη, πρέσβεις πέμψαντες οἱ
Λακεδαιμόνιοι τὰ χρήματα ταῦτ' ἀπῄτουν. (12) Λόγων δὲ γιγνομένων καὶ τῶν
μὲν τοὺς δανεισαμένους ἀποδοῦναι κελευόντων, τοὺς ἐξ ἄστεως, τῶν δὲ τοῦτο
πρῶτον ὑπάρξαι τῆς ὁμονοίας σημεῖον ἀξιούντων, κοινῇ διαλῦσαι τὰ χρήματα,
φασὶ τὸν δῆμον ἑλέσθαι συνεισενεγκεῖν αὐτὸν καὶ μετασχεῖν τῆς δαπάνης,
ὥστε μὴ λῦσαι τῶν ὡμολογημένων μηδέν. Πῶς οὖν οὐ δεινόν, ὦ ἄνδρες
Ἀθηναῖοι, εἰ τότε μὲν τοῖς ἠδικηκόσιν ὑμᾶς ὑπὲρ τοῦ μὴ ψεύσασθαι τὰ
χρήματ' εἰσφέρειν ἠθελήσατε, νῦν δ' ἐξὸν ὑμῖν ἄνευ δαπάνης τὰ δίκαια
ποιῆσαι τοῖς εὐεργέταις, λύσασι τὸν νόμον, ψεύδεσθαι μᾶλλον αἱρήσεσθε; Ἐγὼ
μὲν οὐκ ἀξιῶ.
(13) Τὸ μὲν τοίνυν τῆς πόλεως ἦθος, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, καὶ ἐπ' ἄλλων
πολλῶν καὶ ἐφ' ὧν εἶπον ἴδοι τις ἂν τοιοῦτον, ἀψευδὲς καὶ χρηστόν, οὐ τὸ
λυσιτελέστατον πρὸς ἀργύριον σκοποῦν, ἀλλὰ τί καὶ καλὸν πρᾶξαι. Τὸ δὲ τοῦ
θέντος τὸν νόμον, τὰ μὲν ἄλλ' ἔγωγ' οὐκ οἶδα, οὐδὲ λέγω φλαῦρον οὐδὲν οὐδὲ
σύνοιδα, ἐκ δὲ τοῦ νόμου σκοπῶν εὑρίσκω πολὺ τούτου κεχωρισμένον. (14)
Φημὶ τοίνυν ἐγὼ κάλλιον εἶναι τοῦτον ὑμῖν ἀκολουθῆσαι περὶ τοῦ λῦσαι τὸν
νόμον ἢ ὑμᾶς τούτῳ περὶ τοῦ θέσθαι, καὶ λυσιτελέστερον εἶναι καὶ ὑμῖν καὶ
τούτῳ τὴν πόλιν πεπεικέναι Λεπτίνην ὅμοιον αὐτῇ γενέσθαι δοκεῖν ἢ αὐτὴν
ὑπὸ τούτου πεπεῖσθαι ὁμοίαν εἶναι τούτῳ· οὐδὲ γὰρ εἰ πάνυ χρηστός ἐσθ', ὡς
ἐμοῦ γ' ἕνεκ' ἔστω, βελτίων ἐστὶ τῆς πόλεως τὸ ἦθος.
(15) Νομίζω τοίνυν ὑμᾶς, ὦ ἄνδρες δικασταί, ἄμεινον ἂν περὶ τοῦ παρόντος
βουλεύσασθαι, εἰ κἀκεῖνο μάθοιτε, ὅτι ᾧ μόνῳ μείζους εἰσὶν αἱ παρὰ τῶν
δήμων δωρειαὶ τῶν παρὰ τῶν ἄλλων πολιτειῶν διδομένων, καὶ τοῦτ' ἀφαιρεῖται
νῦν τῷ νόμῳ. Τῇ μὲν γὰρ χρείᾳ τῇ τῶν εὑρισκομένων τὰς δωρειὰς οἱ τύραννοι
καὶ οἱ τὰς ὀλιγαρχίας ἔχοντες μάλιστα δύνανται τιμᾶν· πλούσιον γὰρ ὃν ἂν
βούλωνται παραχρῆμ' ἐποίησαν· τῇ δὲ τιμῇ καὶ τῇ βεβαιότητι τὰς παρὰ τῶν
δήμων δωρειὰς εὑρήσετ' οὔσας βελτίους. (16) Τό τε γὰρ μὴ μετ' αἰσχύνης ὡς
κολακεύοντα λαμβάνειν, ἀλλ' ἐν ἰσηγορίᾳ δοκοῦντ' ἄξιόν τινος εἶναι
τιμᾶσθαι τῶν καλῶν ἐστι, τό θ' ὑπὸ τῶν ὁμοίων ἑκόντων θαυμάζεσθαι τοῦ παρὰ
τοῦ δεσπότου λαμβάνειν ὁτιοῦν κρεῖττον εἶναι δοκεῖ. Παρὰ μὲν γὰρ ἐκείνοις
μείζων ἐστὶν ὁ τοῦ μέλλοντος φόβος τῆς παρούσης χάριτος, παρὰ δ' ὑμῖν
ἀδεῶς ἃν λάβῃ τις ἔχειν ὑπῆρχε τὸν γοῦν ἄλλον χρόνον. (17) Ὁ τοίνυν τὴν
πίστιν ἀφαιρῶν τῶν δωρειῶν νόμος, οὗτος, ᾧ μόνῳ κρείττους εἰσὶν αἱ παρ'
ὑμῶν δωρειαί, τοῦτ' ἀφαιρεῖται. Καίτοι τῶν ἁπασῶν ἧς ἄν τινος πολιτείας τὸ
κομίζεσθαι τοὺς εὔνους τοῖς καθεστῶσιν χάριν ἐξέλῃς, οὐ μικρὰν φυλακὴν
αὐτῶν ταύτην ἀφῃρηκὼς ἔσει.
(18) Τάχα τοίνυν ἴσως ἐκεῖνο λέγειν ἂν ἐπιχειρήσειε Λεπτίνης, ἀπάγων ὑμᾶς
ἀπὸ τούτων, ὡς αἱ λῃτουργίαι νῦν μὲν εἰς πένητας ἀνθρώπους ἔρχονται, ἐκ δὲ
τοῦ νόμου τούτου λῃτουργήσουσιν οἱ πλουσιώτατοι. Ἔστι δὲ τοῦθ' οὑτωσὶ μὲν
ἀκοῦσαι λόγον τιν' ἔχον· εἰ δέ τις αὔτ' ἀκριβῶς ἐξετάσειε, ψεῦδος ἂν
φανείη. Εἰσὶ γὰρ δήπου παρ' ἡμῖν αἵ τε τῶν μετοίκων λῃτουργίαι καὶ αἱ
πολιτικαί, ὧν ἑκατέρων ἐστὶ τοῖς εὑρημένοις ἡ ἀτέλεια ἣν οὗτος ἀφαιρεῖται.
Τῶν γὰρ εἰς τὸν πόλεμον καὶ τὴν σωτηρίαν τῆς πόλεως εἰσφορῶν καὶ
τριηραρχιῶν ὀρθῶς καὶ δικαίως οὐδείς ἐστ' ἀτελὴς ἐκ τῶν παλαιῶν νόμων,
οὐδ' οὓς οὗτος ἔγραψε, τοὺς ἀφ' Ἁρμοδίου καὶ Ἀριστογείτονος. (19)
Σκεψώμεθα δὴ τίνας ἡμῖν εἰσποιεῖ χορηγοὺς εἰς ἐκείνας τὰς λῃτουργίας, καὶ
πόσους, ἐὰν μὴ τούτῳ προσέχωμεν, ἀφήσει. Οἱ μὲν τοίνυν πλουσιώτατοι
τριηραρχοῦντες ἀεὶ τῶν χορηγιῶν ἀτελεῖς ὑπάρχουσιν, οἱ δ' ἐλάττω τῶν
ἱκανῶν κεκτημένοι, τὴν ἀναγκαίαν ἀτέλειαν ἔχοντες, ἔξω τοῦ τέλους εἰσὶ
τούτου· οὐκοῦν τούτων μὲν οὐδετέρων οὐδεὶς διὰ τὸν νόμον ἡμῖν προσέσται
χορηγός.
| [10] Vos finances n'y perdent rien, il est vrai, mais prenez garde
de perdre la bonne réputation dont vous êtes plus jaloux que
de votre argent. C'est votre sentiment, c'était déjà celui de vos
ancêtres. Il y a de cela une preuve. Les grandes richesses qu'ils avaient
acquises, ils les ont toutes dépensées pour l'honneur; aucun danger ne les
a fait reculer quand il y allait de la gloire; ils n'hésitaient même pas à
prodiguer pour elle leurs fortunes particulières. Eh bien, avec la loi de
Leptine, au lieu d'une bonne renommée vous en aurez une mauvaise, indigne
de vos ancêtres et de vous. Cette loi, en effet, vous expose aux trois
reproches les plus grands qu'il y ait au monde. Vous passerez pour
envieux, infidèles et ingrats.
(11) Je dis maintenant, Athéniens, qu'il répugne absolument à votre
caractère de confirmer une semblable loi, et je vais tâcher de vous
prouver cela en quelques mots. Il suffit de vous rappeler ce que vous avez
fait, à un certain jour. Les Trente avaient contracté un emprunt à
Lacédémone pour agir contre les hommes du Pirée. Une fois la concorde
rétablie entre les citoyens, et les dissensions calmées, les Lacédémoniens
envoyèrent des ambassadeurs pour réclamer cet argent. Une discussion
s'engagea. Les uns disaient : L'emprunt doit être remboursé par ceux qui
l'ont contracté, c'est-à-dire par les hommes de la ville. La concorde,
disaient les autres, se reconnaît surtout à ce que tous concourent à
l'acquittement des dettes. Le peuple décida qu'il contribuerait, lui
aussi, et qu'il supporterait sa part de la dépense, plutôt que de porter
atteinte à aucune des clauses du traité d'union. Quelle inconséquence,
Athéniens, si après avoir voulu, par respect pour la foi jurée, contribuer
avec ceux qui vous avaient fait du mal, vous alliez aujourd'hui manquer de
foi envers vos bienfaiteurs, quand vous pouvez, sans bourse délier, vous
montrer justes à leur égard en annulant la loi! Je ne crois pas, pour ma
part, que ce parti soit honorable pour vous.
(13) En cette circonstance dont je viens de parler, Athéniens, et en
mainte autre, le caractère de cette ville s'est révélé. Ses traits sont le
respect de la parole donnée, la générosité, le désir de faire une belle
action, dût celle-ci n'être pas la plus profitable au point de vue de
l'argent. Quant au caractère de celui qui a porté la loi, je n'en sais
rien d'ailleurs, je n'en dis et je n'en pense aucun mal; mais à en juger
par la loi, le caractère de cet homme me parait bien différent du vôtre:
(14) Dès lors, je vous le dis, c'est à Leptine à vous suivre en annulant
cette loi, ce n'est pas à vous à le suivre en la confirmant. Ce qui vaut
le mieux pour vous et pour lui, c'est qu'Athènes persuade à Leptine de se
rendre semblable à elle, au moins en apparence, et non qu'elle se laisse
persuader par Leptine de se rendre semblable à lui, car assurément, si
parfait qu'il puisse être, et je veux qu'il le soit, il ne s'élève pas,
par le caractère, au-dessus d'Athènes elle-même.
(15) Il y a autre chose, juges. Vous résoudrez mieux, je le crois, la
question qui vous est soumise si vous écoutez encore ceci : la seule
différence qui mette les dons conférés par les États démocratiques
au-dessus des dons conférés par tout autre gouvernement, la loi de Leptine
la supprime avec le reste. En effet, les tyrans, les chefs d'oligarchie
n'ont guère qu'un moyen de récompenser, c'est de conférer des avantages
matériels à ceux qui reçoivent leurs dons. Ils font riche qui ils veulent,
et en un moment. Mais, si vous y songez, les dons conférés par une
démocratie l'emportent par l'honneur et la stabilité. (16) Ce qui est
glorieux, ce n'est pas de tendre la main pour recevoir le honteux salaire
d'une flatterie, c'est de recevoir les honneurs dont on est jugé digne, là
où la parole est libre pour tous ; et un simple tribut d'admiration
spontanément offert par des égaux parait préférable aux plus riches
présents tombés de la main d'un despote. Pourquoi? C'est qu'avec les
despotes l'appréhension de l'avenir est plus forte que la satisfaction
présente; avec vous, au contraire, il n'y a rien à redouter; ce qu'on a
reçu, on le garde. Du moins c'était la règle jusqu'ici. (17) Donc, en
détruisant la stabilité des récompenses, la loi de Leptine détruit
précisément ce qui fait l'unique avantage des récompenses conférées par
vous. Aussi bien, sous toutes les formes de gouvernement, il importe que
les services rendus à l'ordre établi reçoivent leur récompense. Supprimer
celle-ci, c'est supprimer du même coup une force qui n'est à dédaigner
pour aucun gouvernement.
(18) Peut-être Leptine, entrant dans un autre ordre d'idées, essayera-t-il
de soutenir qu'aujourd'hui les liturgies atteignent des pauvres, tandis
que, d'après sa loi, elles seront supportées par les plus riches. Cet
argument, présenté de la sorte, est spécieux, mais un examen attentif en
fait voir la fausseté. Il y a chez nous deux sortes de liturgies: les unes
pèsent sur les métèques, les autres sur les citoyens. L'immunité que
Leptine enlève à ceux qui l'ont obtenue s'applique aux unes comme aux
autres. Je ne parle pas des contributions ri des triérarchies instituées
en vue de la guerre et de la défense nationale. De celles-là, d'après les
lois anciennes conformes à la raison et à la justice, nul n'est exempt,
pas même ceux pour lesquels Leptine a fait une exception, les descendants
d'Harmodios et d'Aristogiton. (19) Voyons donc quels sont les nouveaux
chorèges que Leptine nous donne pour supporter toutes les autres
liturgies, et quel sera le nombre des exemptés si nous n'adoptons pas ses
propositions. Les plus riches, qui supportent les triérarchies, sont
dispensés de toutes chorégies. Ceux qui ne possèdent pas le cens fixé,
et qui dès lors ont l'immunité de plein droit, sont en dehors de la
classe appelée à fournir les chorèges. Ainsi ni les uns ni les autres ne
nous donneront un seul chorège de plus en vertu de la loi de Leptine. —
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