[0] ΔΗΜΟΣΘΕΝΟΥΣ ΠΕΡΙ ΤΗΣ ΑΤΕΛΕΙΑΣ ΠΡΟΣ ΛΕΠΤΙΝΗΝ.
(1) Ἄνδρες δικασταί, μάλιστα μὲν εἵνεκα τοῦ νομίζειν συμφέρειν τῇ πόλει
λελύσθαι τὸν νόμον, εἶτα καὶ τοῦ παιδὸς εἵνεκα τοῦ Χαβρίου ὡμολόγησα
τούτοις, ὡς ἂν οἷός τ' ὦ, συνερεῖν. Ἔστι δ' οὐκ ἄδηλον, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι,
τοῦθ', ὅτι Λεπτίνης, κἄν τις ἄλλος ὑπὲρ τοῦ νόμου λέγῃ, δίκαιον μὲν οὐδὲν
ἐρεῖ περὶ αὐτοῦ, φήσει δ' ἀναξίους τινὰς ἀνθρώπους εὑρομένους ἀτέλειαν
ἐκδεδυκέναι τὰς λῃτουργίας, καὶ τούτῳ πλείστῳ χρήσεται τῷ λόγῳ. (2) Ἐγὼ δ'
ὅτι μὲν τινῶν κατηγοροῦντα πάντας ἀφαιρεῖσθαι τὴν δωρειὰν τῶν ἀδίκων
ἐστίν, ἐάσω· καὶ γὰρ εἴρηται τρόπον τινὰ καὶ ὑφ' ὑμῶν ἴσως γιγνώσκεται·
ἀλλ' ἐκεῖν' ἂν ἐροίμην ἡδέως αὐτόν, τίνος εἵνεκα, εἰ τὰ μάλιστα μὴ τινὲς
ἀλλὰ πάντες ἦσαν ἀνάξιοι, τῶν αὐτῶν ἠξίωσεν ὑμᾶς τε καὶ τούτους. Ἐν μὲν
γὰρ τῷ γράψαι « Μηδέν' εἶναι ἀτελῆ, » τοὺς ἔχοντας ἀφείλετο τὴν ἀτέλειαν,
ἐν δὲ τῷ προσγράψαι « Μηδὲ τὸ λοιπὸν ἐξεῖναι δοῦναι, » ὑμᾶς τὸ δοῦναι
ὑμῖν ἐξεῖναι. Οὐ γὰρ ἐκεῖνό γ' ἔνεστιν εἰπεῖν, ὡς τὸν αὐτὸν τρόπον, ὅνπερ
τοὺς ἔχοντας ἀφείλετο τὴν δωρειὰν ἀναξίους ἐνόμιζεν, οὕτω καὶ τὸν δῆμον
ἀνάξιον ἡγεῖτο κύριον εἶναι τοῦ δοῦναι, ἐάν τῳ βούληται.
(3) Ἀλλὰ νὴ Δι' ἐκεῖν' ἂν ἴσως εἴποι πρὸς ταῦτα, ὅτι διὰ τὸ ῥᾳδίως
ἐξαπατᾶσθαι τὸν δῆμον, διὰ τοῦθ' οὕτως ἔθηκε τὸν νόμον. Τί οὖν κωλύει
πάντ' ἀφῃρῆσθαι καὶ ὅλως τὴν πολιτείαν ὑμᾶς κατὰ τοῦτον τὸν λόγον; Οὐ γὰρ
ἔστ' ἐφ' ὅτου τοῦτ' οὐ πεπόνθατε τῶν πάντων, ἀλλὰ καὶ ψηφίσματα πολλὰ
πολλάκις ἐξαπατηθέντες κεχειροτονήκατε, καὶ συμμάχους ἤδη τινὰς ἥττους
ἀντὶ κρειττόνων ἐπείσθηθ' ἑλέσθαι, καὶ ὅλως ἐν οἶμαι πολλοῖς οἷς πράττετε
καὶ τοιοῦτόν τι συμβαίνειν ἀνάγκη. (4) Ἆρ' οὖν θησόμεθα νόμον διὰ ταῦτα «
Mηδὲ τὸ λοιπὸν ἐξεῖναι τῇ βουλῇ μηδὲ τῷ δήμῳ μήτε προβουλεύειν μήτε
χειροτονεῖν μηδέν; » Ἐγὼ μὲν οὐκ οἶμαι· οὐ γάρ ἐσμεν ἀφαιρεθῆναι δίκαιοι
περὶ ὧν ἂν ἐξαπατηθῶμεν, ἀλλὰ διδαχθῆναι πῶς τοῦτο μὴ πεισόμεθα, καὶ
θέσθαι νόμον οὐχ ὃς ἀφαιρήσεται τὸ κυρίους ἡμᾶς εἶναι, ἀλλὰ δι' οὗ τὸν
ἐξαπατῶντα τιμωρησόμεθα.
(5) Εἰ τοίνυν τις ἐάσας ταῦτ' αὐτὸ καθ' αὕτ' ἐξετάσειεν, πότερόν ποτε
λυσιτελέστερόν ἐστι κυρίους μὲν ὑμᾶς εἶναι τῆς δωρειᾶς, ἐξαπατηθέντας δέ
τι καὶ φαύλῳ τινὶ δοῦναι, ἢ διὰ τοῦ παντελῶς ἀκύρους γενέσθαι μηδ' ἂν
ἄξιόν τιν' εἰδῆτ' ἐξεῖναι τιμῆσαι, εὕροιτ' ἂν μᾶλλον ἐκεῖνο λυσιτελοῦν.
Διὰ τί; Ὅτι ἐκ μὲν τοῦ πλείονας ἢ προσήκει τιμᾶν πολλοὺς εὖ ποιεῖν
προκαλεῖσθ' ὑμᾶς, ἐκ δὲ τοῦ μηδενὶ μηδέν, μηδ' ἂν ἄξιος ᾖ, διδόναι, πάντας
ἀπείρξετε τοῦ φιλοτιμεῖσθαι. (6) Πρὸς δὲ τούτῳ καὶ δι' ἐκεῖνο, ὅτι οἱ μὲν
ἀνάξιόν τινα τιμήσαντες εὐηθείας τινὰ δόξαν ἔχοιεν ἄν, οἱ δὲ τοὺς ἀγαθόν
τι ποιοῦντας ἑαυτοὺς μὴ τοῖς ὁμοίοις ἀμειβόμενοι, κακίας. Ὅσῳ δὴ κρεῖττον
εὐήθη δοκεῖν ἢ πονηρὸν εἶναι, τοσούτῳ λῦσαι τὸν νόμον κάλλιον ἢ θέσθαι.
(7) Οὐ τοίνυν ἔμοιγ' οὐδ' ἐκεῖν' εὔλογον, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, σκοπουμένῳ
φαίνεται, καταμεμφόμενόν τινας ἐπὶ ταῖς ὑπαρχούσαις δωρειαῖς τοὺς
χρησίμους ὄντας τῶν τιμῶν ἀποστερεῖν. Εἰ γὰρ ὑπαρχουσῶν τούτων φαῦλοι καὶ
ἀνάξιοί τινες κατὰ τὸν τούτων λόγον εἰσίν, τί χρὴ προσδοκᾶν ἔσεσθαι τότε,
ὅταν παντελῶς μηδὲ πλέον μέλλῃ μηδὲν εἶναι τοῖς χρηστοῖς οὖσιν;
(8) Ἔτι τοίνυν ὑμᾶς κἀκεῖν' ἐνθυμεῖσθαι δεῖ, ὅτι ἐκ τῶν νῦν ὑπαρχόντων
νόμων καὶ πάλαι κυρίων, οὓς οὐδ' ἂν αὐτὸς οὗτος ἀντείποι μὴ οὐχὶ καλῶς
ἔχειν, ἐνιαυτὸν διαλιπὼν ἕκαστος λῃτουργεῖ, ὥστε τὸν ἥμισύν ἐστ' ἀτελὴς
τοῦ χρόνου. Εἶθ' ἧς πᾶσι μέτεστι τὸ ἥμισυ καὶ τοῖς μηδ' ὁτιοῦν ἀγαθὸν
πεποιηκόσιν ὑμᾶς, ταύτης τοὺς εὖ ποιήσαντας, ὃ προστεθείκαμεν αὐτοῖς,
τοῦτ' ἀφελώμεθα; Μηδαμῶς· οὔτε γὰρ ἄλλως καλὸν οὔθ' ὑμῖν πρέπον. (9) Πῶς
γὰρ οὐκ αἰσχρόν, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, κατὰ μὲν τὴν ἀγορὰν ἀψευδεῖν νόμον
γεγράφθαι, ἐφ' οἷς οὐδέν ἐστι δημοσίᾳ βλάβος εἴ τις ψεύδεται, ἐν δὲ τῷ
κοινῷ μὴ χρῆσθαι τῷ νόμῳ τούτῳ τὴν πόλιν τὴν αὐτὴν ἐπιτάξασαν τοῖς
ἰδιώταις, ἀλλὰ τοὺς ἀγαθόν τι πεποιηκότας ἐξαπατῆσαι, καὶ ταῦτ' οὐ μικρὰν
ζημίαν ὀφλήσειν μέλλουσαν;
| [0] CTÉSIPPOS CONTRE LEPTINE.
(1) Juges, deux raisons m'ont engagé à promettre aux accusateurs le
secours de ma parole, dans la mesure de mes forces. Avant tout, c'est la
conviction où je suis que l'intérêt de l'État exige l'annulation de la
loi. C'est ensuite l'affection que je porte au fils de Chabrias. Il est
facile de prévoir, Athéniens, ce que va faire Leptine, et tout autre
défenseur de la loi, s'il s'en présente. Au lieu de justifier cette loi en
elle-même, il dira que certaines personnes ont obtenu l'immunité sans en
être dignes, et se sont ainsi soustraites au fardeau des liturgies. C'est
là surtout ce qui fera le fond de son discours. A cela je ne répondrai
pas que si l'on peut critiquer certaines concessions, il n'est pas juste
de les révoquer toutes. Aussi bien ce point a déjà été touché, et je crois
que là-dessus votre opinion est faite. Je voudrais seulement adresser à
Leptine une question. J'admets que tous les gratifiés, et non pas
seulement quelques-uns, fussent indignes. Pourquoi n'a-t-il fait aucune
distinction entre eux et vous? Lorsqu'il a écrit ces mots : « Personne ne
sera exempt », il a enlevé l'immunité à ceux qui la possédaient; mais
lorsqu'il a ajouté : « Et à l'avenir aucune immunité ne pourra être
accordée », c'est à vous qu'il a ôté le droit de la conférer. Il n'a pas
ici la ressource de dire que s'il a pu déclarer indignes ceux qu'il
dépouillait de leurs récompenses, il a bien pu trouver aussi le peuple
indigne de distribuer souverainement ses faveurs comme il l'entend.
(3) Mais, à défaut de cet argument, il en donnera sans doute un autre. Il
dira : « Il est trop facile de tromper le peuple, et c'est pourquoi j'ai
ainsi rédigé ma loi. » Qui l'empêche alors de vous dépouiller de tout, et
même du gouvernement, par voie de conséquence? Car, de quoi qu'il
s'agisse, vous êtes les mêmes toujours. Plus d'une fois on vous a fait
voter des décrets par surprise, plus d'une fois on vous a fait prendre de
mauvaises alliances au lieu de bonnes. Vous avez trop d'affaires à traiter
pour qu'il en soit autrement. Irons-nous pour cela porter une loi qui
interdise pour l'avenir au conseil et au peuple toute délibération et tout
vote? Tel n'est pas mon avis. Il n'est pas juste de nous ôter un droit
parce qu'en l'exerçant nous nous sommes laissé tromper. Il faut au
contraire nous apprendre à faire mieux, et instituer une loi non pour nous
enlever la souveraineté, mais pour punir ceux qui nous trompent.
(5) Laissons donc ces arguments, et allons au fond des choses. Lequel vaut
mieux, ou que vous disposiez souverainement de vos faveurs, au risque
d'être trompés quelquefois et de mal placer vos dons, ou que vous soyez
désormais frappés d'impuissance et qu'il vous soit interdit de faire
honneur à ceux-là mêmes qui s'en montreraient dignes? Vous verrez que de
ces deux partis le premier est encore le meilleur. Pourquoi? parce que
plus vous multipliez vos faveurs, plus vous engagez à vous rendre service;
au contraire, si vous ne donnez jamais rien, pas même au plus méritant,
vous ôterez à tout le monde l'ambition de vous servir. (6) Il y a de cela
encore une autre raison c'est qu'honorer un indigne peut jusqu'à un
certain point passer pour faiblesse; mais ne pas rendre la pareille à ceux
qui nous ont fait du bien est une mauvaise action. Autant il vaut mieux
paraître faible que de se montrer ingrat, autant il est plus honorable
d'annuler cette loi que de la confirmer.
(7) Je n'approuve pas non plus, Athéniens, à bien l'examiner, cet autre
argument : tels ou tels ont été gratifiés à tort, donc il faut supprimer
les récompenses méritées par de bons services. Si avec toutes ces
récompenses il y a encore de méchantes gens et des indignes, comme le
disent Leptine et ses amis, à quoi faut-il s'attendre pour le jour où il
n'y aura plus absolument rien à gagner à vous servir?
(8) Il vous faut encore songer à ceci : aux termes des lois en vigueur,
lois que le temps a consacrées et que Leptine lui-même n'oserait pas
critiquer, nul n'est appelé à fournir une liturgie qu'après un an
d'intervalle. On jouit de l'immunité pendant la moitié du temps.
L'immunité appartient donc à tout le monde, pour moitié, même à ceux qui
ne nous ont rendu aucun service. Nous avons donné le reste à des gens qui
nous ont bien servis; voulez-vous que nous leur ôtions ce complément? Non,
car ce serait une mauvaise action, et en tout cas indigne de vous. (9) Eh
quoi! Athéniens, vous avez une loi qui défend de tromper au marché, dans
des affaires où la tromperie ne fait aucun dommage à l'État, et vous ne
trouveriez pas mauvais qu'après avoir fait cette injonction aux
particuliers, l'État n'observât pas cette loi dans ses relations
publiques, qu'il trompât ceux qui lui ont fait du bien, dût-il plus tard
en porter la peine!
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