[8] ΜΕΝΙΠΠΟΥ ΚΑΙ ΧΕΙΡΩΝΟΣ
<1> ΜΕΝΙΠΠΟΣ
῎Ηκουσα͵ ὦ Χείρων͵ ὡς θεὸς ὢν ἐπεθύμησας ἀποθανεῖν.
ΧΕΙΡΩΝ
Ἀληθῆ ταῦτα ἤκουσας͵ ὦ Μένιππε͵ καὶ τέθνηκα͵ ὡς ὁρᾷς͵ ἀθάνατος
εἶναι δυνάμενος.
ΜΕΝΙΠΠΟΣ
Τίς δαί σε ἔρως τοῦ θανάτου ἔσχεν͵ ἀνεράστου τοῖς πολλοῖς
χρήματος;
ΧΕΙΡΩΝ
Ἐρῶ πρὸς σὲ οὐκ ἀσύνετον ὄντα. οὐκ ἦν ἔτι ἡδὺ ἀπολαύειν τῆς
ἀθανασίας.
ΜΕΝΙΠΠΟΣ
Οὐχ ἡδὺ ἦν ζῶντα ὁρᾶν τὸ φῶς;
ΧΕΙΡΩΝ
Οὔκ͵ ὦ Μένιππε· τὸ γὰρ ἡδὺ ἔγωγε ποικίλον τι καὶ οὐχ ἁπλοῦν
ἡγοῦμαι εἶναι. ἐγὼ δὲ ἔζων ἀεὶ καὶ ἀπέλαυον τῶν ὁμοίων͵ ἡλίου͵ φωτός͵
τροφῆς͵ αἱ ὧραι δὲ αἱ αὐταὶ καὶ τὰ γινόμενα ἅπαντα ἑξῆς ἕκαστον͵ ὥσπερ
ἀκολουθοῦντα θάτερον θατέρῳ· ἐνεπλήσθην οὖν αὐτῶν· οὐ γὰρ ἐν τῷ
αὐτῷ ἀεὶ͵ ἀλλὰ καὶ ἐν τῷ μὴ μετασχεῖν ὅλως τὸ τερπνὸν ἦν.
ΜΕΝΙΠΠΟΣ
Εὖ λέγεις͵ ὦ Χείρων. τὰ ἐν ᾅδου δὲ πῶς φέρεις͵ ἀφ΄ οὗ προελόμενος
αὐτὰ ἥκεις;
ΧΕΙΡΩΝ
<2> Οὐκ ἀηδῶς͵ ὦ Μένιππε· ἡ γὰρ ἰσοτιμία πάνυ δημοτικὴ καὶ τὸ
πρᾶγμα οὐδὲν ἔχει τὸ διάφορον ἐν φωτὶ εἶναι ἢ ἐν σκότῳ· ἄλλως τε οὔτε
διψῆν ὥσπερ ἄνω οὔτε πεινῆν δεῖ͵ ἀλλ΄ ἀνεπιδεεῖς τούτων ἁπάντων
ἐσμέν.
ΜΕΝΙΠΠΟΣ
Ὅρα͵ ὦ Χείρων͵ μὴ περιπίπτῃς σεαυτῷ καὶ ἐς τὸ αὐτό σοι ὁ λόγος
περιστῇ.
ΧΕΙΡΩΝ
Πῶς τοῦτο φῄς;
ΜΕΝΙΠΠΟΣ
Ὅτι εἰ τῶν ἐν τῷ βίῳ τὸ ὅμοιον ἀεὶ καὶ ταὐτὸν ἐγένετό σοι προσκορές͵
καὶ τἀνταῦθα ὅμοια ὄντα προσκορῆ ὁμοίως ἂν γένοιτο͵ καὶ δεήσει
μεταβολήν σε ζητεῖν τινα καὶ ἐντεῦθεν εἰς ἄλλον βίον͵ ὅπερ οἶμαι
ἀδύνατον.
ΧΕΙΡΩΝ
Τί οὖν ἂν πάθοι τις͵ ὦ Μένιππε;
ΜΕΝΙΠΠΟΣ
Ὅπερ͵ οἶμαι͵ φασί͵ συνετὸν ὄντα ἀρέσκεσθαι καὶ ἀγαπᾶν τοῖς
παροῦσι καὶ μηδὲν αὐτῶν ἀφόρητον οἴεσθαι.
| [8] MÉNIPPE ET CHIRON.
1. MÉNIPPE. J'ai ouï dire, Chiron, qu'étant dieu, tu-avais
souhaité de mourir.
CHIRON. On t'a dit vrai, Ménippe, et je suis mort, comme
tu vois, pouvant être immortel.
MÉNIPPE. Quel désir de mourir t'a donc pris ? c'est une
passion peu ordinaire aux hommes.
CHIRON. Je vais te le dire ; car tu me parais avoir de l’intelligence :
l'immortalité n'avait plus de charmes pour moi.
MÉNIPPE. Tu ne trouvais plus de charmes à vivre, à voir la lumière ?
CHIRON. Non, Ménippe : le plaisir, selon moi, consiste dans
la variété, et non pas dans l'uniformité : en vivant toujours,
je ne cessais de voir les mêmes objets, le soleil, la lumière,
tout ce qui sert à la vie : les heures se succédaient
pareilles, les événements se suivaient et s'enchaînaient
toujours l'un à l'autre. J’en étais rassasié, car ce n'est
pas dans ce qui est toujours, mais dans ce qui varie sans
cesse, qu'est la vraie jouissance.
MÉNIPPE. Tu dis vrai, Chiron : mais comment te trouves-tu
dans l'enfer, où tu as préféré descendre ?
2. CHIRON. Assez bien, Ménippe : j'y trouve une égalité qui
tient du gouvernement démocratique ; peu importe qu'on y
soit dans la lumière ou dans l'obscurité ; on n'y éprouve
nos plus ni faim ni soif ; on y est délivré de tous les besoins.
MÉNIPPE. Prends garde, Chiron, d'être en contradiction
avec toi-même et de rouler dans un cercle vicieux.
CHIRON. Comment !
MÉNIPPE. Si la régularité et l'uniformité des choses de la
vie t'ont donné du dégoût, il peut se faire que le dégoût te
vienne aussi des choses de l'enfer, et il faudra que tu
cherches quelque diversité dans une autre vie, ce qui me
paraît impossible.
CHIRON. Que faire à cela, Ménippe ?
MÉNIPPE. Ce que l'on dit et ce que je crois vrai, c'est à
savoir que le sage se contente et jouit du présent, sans y
rien trouver qu'il ne puisse supporter.
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