[1,1253b] (1253b) Ἡ δ' αὐτάρκεια καὶ τέλος καὶ βέλτιστον.
§ 9. Ἐκ τούτων οὖν φανερὸν ὅτι τῶν φύσει ἡ πόλις ἐστί, καὶ ὅτι ὁ
ἄνθρωπος φύσει πολιτικὸν ζῷον, καὶ ὁ ἄπολις διὰ φύσιν καὶ οὐ διὰ
τύχην ἤτοι φαῦλός ἐστιν, ἢ κρείττων ἢ ἄνθρωπος· ὥσπερ καὶ ὁ ὑφ'
Ὁμήρου λοιδορηθεὶς
Ἀφρήτωρ ἀθέμιστος ἀνέστιος·
Ἅμα γὰρ φύσει τοιοῦτος καὶ πολέμου ἐπιθυμητής, ἅτε περ ἄζυξ
ὢν ὥσπερ ἐν πεττοῖς.
§ 10. Διότι δὲ πολιτικὸν ὁ ἄνθρωπος ζῷον πάσης μελίττης καὶ
παντὸς ἀγελαίου ζῴου μᾶλλον, δῆλον. Οὐθὲν γάρ, ὡς φαμέν,
μάτην ἡ φύσις ποιεῖ· λόγον δὲ μόνον ἄνθρωπος ἔχει τῶν ζῴων· ἡ
μὲν οὖν φωνὴ τοῦ λυπηροῦ καὶ ἡδέος ἐστὶ σημεῖον, διὸ καὶ τοῖς
ἄλλοις ὑπάρχει ζῴοις (μέχρι γὰρ τούτου ἡ φύσις αὐτῶν ἐλήλυθε,
τοῦ ἔχειν αἴσθησιν λυπηροῦ καὶ ἡδέος καὶ ταῦτα σημαίνειν
ἀλλήλοις), ὁ δὲ λόγος ἐπὶ τῷ δηλοῦν ἐστι τὸ συμφέρον καὶ τὸ
βλαβερόν, ὥστε καὶ τὸ δίκαιον καὶ τὸ ἄδικον· τοῦτο γὰρ πρὸς τὰ
ἄλλα ζῷα τοῖς ἀνθρώποις ἴδιον, τὸ μόνον ἀγαθοῦ καὶ κακοῦ καὶ
δικαίου καὶ ἀδίκου καὶ τῶν ἄλλων αἴσθησιν ἔχειν· ἡ δὲ τούτων
κοινωνία ποιεῖ οἰκίαν καὶ πόλιν.
§ 11. Καὶ πρότερον δὲ τῇ φύσει πόλις ἢ οἰκία καὶ ἕκαστος ἡμῶν
ἐστιν. Τὸ γὰρ ὅλον πρότερον ἀναγκαῖον εἶναι τοῦ μέρους·
ἀναιρουμένου γὰρ τοῦ ὅλου οὐκ ἔσται ποὺς οὐδὲ χείρ, εἰ μὴ
ὁμωνύμως, ὥσπερ εἴ τις λέγοι τὴν λιθίνην (διαφθαρεῖσα γὰρ ἔσται
τοιαύτη), πάντα δὲ τῷ ἔργῳ ὥρισται καὶ τῇ δυνάμει, ὥστε μηκέτι
τοιαῦτα ὄντα οὐ λεκτέον τὰ αὐτὰ εἶναι ἀλλ' ὁμώνυμα.
§ 12. Ὅτι μὲν οὖν ἡ πόλις καὶ φύσει πρότερον ἢ ἕκαστος, δῆλον· εἰ
γὰρ μὴ αὐτάρκης ἕκαστος χωρισθείς, ὁμοίως τοῖς ἄλλοις μέρεσιν
ἕξει πρὸς τὸ ὅλον, ὁ δὲ μὴ δυνάμενος κοινωνεῖν ἢ μηδὲν δεόμενος
δι' αὐτάρκειαν οὐθὲν μέρος πόλεως, ὥστε ἢ θηρίον ἢ θεός.
§ 13. Φύσει μὲν οὖν ἡ ὁρμὴ ἐν πᾶσιν ἐπὶ τὴν τοιαύτην κοινωνίαν· ὁ
δὲ πρῶτος συστήσας μεγίστων ἀγαθῶν αἴτιος. Ὥσπερ γὰρ καὶ
τελεωθὲν βέλτιστον τῶν ζῴων ὁ ἄνθρωπός ἐστιν, οὕτω καὶ
χωρισθεὶς νόμου καὶ δίκης χείριστον πάντων. Χαλεπωτάτη γὰρ
ἀδικία ἔχουσα ὅπλα· ὁ δὲ ἄνθρωπος ὅπλα ἔχων φύεται φρονήσει
καὶ ἀρετῇ, οἷς ἐπὶ τἀναντία ἔστι χρῆσθαι μάλιστα. Διὸ ἀνοσιώτατον
καὶ ἀγριώτατον ἄνευ ἀρετῆς, καὶ πρὸς ἀφροδίσια καὶ ἐδωδὴν
χείριστον. Ἡ δὲ δικαιοσύνη πολιτικόν· ἡ γὰρ δίκη πολιτικῆς
κοινωνίας τάξις ἐστίν, ἡ δὲ δικαιοσύνη τοῦ δικαίου κρίσις.
| [1,1253b] et se suffire à soi-même est à la fois un but et un bonheur.
§ 9. De là cette conclusion évidente, que l'État est un fait de nature, que
naturellement l'homme est un être sociable, et que celui qui reste sauvage par
organisation, et non par l'effet du hasard, est certainement, ou un être dégradé, ou
un être supérieur à l'espèce humaine. C'est bien à lui qu'on pourrait adresser ce
reproche d'Homère : "Sans famille, sans lois, sans foyer...".
L'homme qui serait par nature tel que celui du poète ne respirerait que la guerre;
car il serait alors incapable de toute union, comme les oiseaux de proie.
§ 10. Si l'homme est infiniment plus sociable que les abeilles et tous les autres
animaux qui vivent en troupe, c'est évidemment, comme je l'ai dit souvent, que la
nature ne fait rien en vain. Or, elle accorde la parole à l'homme exclusivement. La
voix peut bien exprimer la joie et la douleur ; aussi ne manque-t-elle pas aux
autres animaux, parce que leur organisation va jusqu'à ressentir ces deux
affections et à se les communiquer. Mais la parole est faite pour exprimer le bien et
le mal, et, par suite aussi, le juste et l'injuste ; et l'homme a ceci de spécial, parmi
tous les animaux, que seul il conçoit le bien et le mal, le juste et l'injuste, et tous les
sentiments de même ordre, qui en s'associant constituent précisément la famille et l'État.
§ 11. On ne peut douter que l'État ne soit naturellement au-dessus de la famille et
de chaque individu ; car le tout l'emporte nécessairement sur la partie, puisque, le
tout une fois détruit, il n'y a plus de parties, plus de pieds, plus de mains, si ce
n'est par une pure analogie de mots, comme on dit une main de pierre ; car la
main, séparée du corps, est tout aussi peu une main réelle. Les choses se
définissent en général par les actes qu'elles accomplissent et ceux qu'elles peuvent
accomplir ; dès que leur aptitude antérieure vient à cesser, on ne peut plus dire
qu'elles sont les mêmes ; elles sont seulement comprises sous un même nom.
§ 12. Ce qui prouve bien la nécessité naturelle de l'État et sa supériorité sur
l'individu, c'est que, si on ne l'admet pas, l'individu peut alors se suffire à lui-même
dans l'isolement du tout, ainsi que du reste des parties ; or, celui qui ne
peut vivre en société, et dont l'indépendance n'a pas de besoins, celui-là ne saurait
jamais être membre de l'État. C'est une brute ou un dieu.
§ 13. La nature pousse donc instinctivement tous les hommes à l'association
politique. Le premier qui l'institua rendit un immense service ; car, si l'homme,
parvenu à toute sa perfection, est le premier des animaux, il en est bien aussi le
dernier quand il vit sans lois et sans justice. Il n'est rien de plus monstrueux, en
effet, que l'injustice armée. Mais l'homme a reçu de la nature les armes de la
sagesse et de la vertu, qu'il doit surtout employer contre ses passions mauvaises.
Sans la vertu, c'est l'être le plus pervers et le plus féroce ; il n'a que les
emportements brutaux de l'amour et de la faim. La justice est une nécessité sociale;
car le droit est la règle de l'association politique, et la décision du juste est ce qui
constitue le droit.
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