[1,1258a] (1258a) § 15. Πορισθέντος οὖν ἤδη νομίσματος ἐκ τῆς ἀναγκαίας ἀλλαγῆς
θάτερον εἶδος τῆς χρηματιστικῆς ἐγένετο, τὸ καπηλικόν, τὸ μὲν
πρῶτον ἁπλῶς ἴσως γινόμενον, εἶτα δι' ἐμπειρίας ἤδη
τεχνικώτερον, πόθεν καὶ πῶς μεταβαλλόμενον πλεῖστον ποιήσει κέρδος.
§ 16. Διὸ δοκεῖ ἡ χρηματιστικὴ μάλιστα περὶ τὸ νόμισμα εἶναι, καὶ
ἔργον αὐτῆς τὸ δύνασθαι θεωρῆσαι πόθεν ἔσται πλῆθος, ποιητικὴ
γὰρ εἶναι πλούτου καὶ χρημάτων. Καὶ γὰρ τὸν πλοῦτον πολλάκις
τιθέασι νομίσματος πλῆθος, διὰ τὸ περὶ τοῦτ' εἶναι τὴν
χρηματιστικὴν καὶ τὴν καπηλικήν. Ὁτὲ δὲ πάλιν λῆρος εἶναι δοκεῖ
τὸ νόμισμα καὶ νόμος παντάπασι, φύσει δ' οὐθέν, ὅτι μεταθεμένων
τε τῶν χρωμένων οὐθενὸς ἄξιον οὐδὲ χρήσιμον πρὸς οὐδὲν τῶν
ἀναγκαίων ἐστί, καὶ νομίσματος πλουτῶν πολλάκις ἀπορήσει τῆς
ἀναγκαίας τροφῆς· καίτοι ἄτοπον τοιοῦτον εἶναι πλοῦτον οὗ
εὐπορῶν λιμῷ ἀπολεῖται, καθάπερ καὶ τὸν Μίδαν ἐκεῖνον
μυθολογοῦσι διὰ τὴν ἀπληστίαν τῆς εὐχῆς πάντων αὐτῷ
γιγνομένων τῶν παρατιθεμένων χρυσῶν.
§ 17. Διὸ ζητοῦσιν ἕτερόν τι τὸν πλοῦτον καὶ τὴν χρηματιστικήν,
ὀρθῶς ζητοῦντες. Ἔστι γὰρ ἑτέρα ἡ χρηματιστικὴ καὶ ὁ πλοῦτος ὁ
κατὰ φύσιν, καὶ αὕτη μὲν οἰκονομική, ἡ δὲ καπηλική, ποιητικὴ
πλούτου οὐ πάντως ἀλλὰ διὰ χρημάτων μεταβολῆς. Καὶ δοκεῖ περὶ
τὸ νόμισμα αὕτη εἶναι· τὸ γὰρ νόμισμα στοιχεῖον καὶ πέρας τῆς
ἀλλαγῆς ἐστιν. Καὶ ἄπειρος δὴ οὗτος ὁ πλοῦτος, ὁ ἀπὸ ταύτης τῆς
χρηματιστικῆς. Ὥσπερ γὰρ ἡ ἰατρικὴ τοῦ ὑγιαίνειν εἰς ἄπειρόν ἐστι,
καὶ ἑκάστη τῶν τεχνῶν τοῦ τέλους εἰς ἄπειρον (ὅτι μάλιστα γὰρ
ἐκεῖνο βούλονται ποιεῖν), τῶν δὲ πρὸς τὸ τέλος οὐκ εἰς ἄπειρον
(πέρας γὰρ τὸ τέλος πάσαις), οὕτω καὶ ταύτης τῆς χρηματιστικῆς
οὐκ ἔστι τοῦ τέλους πέρας, τέλος δὲ ὁ τοιοῦτος πλοῦτος καὶ
χρημάτων κτῆσις.
§ 18. Τῆς δ' οἰκονομικῆς χρηματιστικῆς ἔστι πέρας· οὐ γὰρ τοῦτο τῆς
οἰκονομικῆς ἔργον. Διὸ τῇ μὲν φαίνεται ἀναγκαῖον εἶναι παντὸς
πλούτου πέρας, ἐπὶ δὲ τῶν γινομένων ὁρῶμεν συμβαῖνον
τοὐναντίον· πάντες γὰρ εἰς ἄπειρον αὔξουσιν οἱ χρηματιζόμενοι τὸ
νόμισμα. Αἴτιον δὲ τὸ σύνεγγυς αὐτῶν. Ἐπαλλάττει γὰρ ἡ χρῆσις
τοῦ αὐτοῦ οὖσα ἑκατέρας τῆς χρηματιστικῆς. Τῆς γὰρ αὐτῆς ἐστι
κτήσεως χρῆσις, ἀλλ' οὐ κατὰ ταὐτόν, ἀλλὰ τῆς μὲν ἕτερον τέλος,
τῆς δ' ἡ αὔξησις. Ὥστε δοκεῖ τισι τοῦτ' εἶναι τῆς οἰκονομικῆς ἔργον,
καὶ διατελοῦσιν ἢ σῴζειν οἰόμενοι δεῖν ἢ αὔξειν τὴν τοῦ
νομίσματος οὐσίαν εἰς ἄπειρον.
§ 19. Αἴτιον δὲ ταύτης τῆς διαθέσεως τὸ σπουδάζειν περὶ τὸ ζῆν,
ἀλλὰ μὴ τὸ εὖ ζῆν·
| [1,1258a] § 15. Avec la monnaie, née des premiers échanges indispensables, naquit aussi
la vente, autre forme d'acquisition, excessivement simple dans l'origine, mais
perfectionnée bientôt par l'expérience, qui révéla, dans la circulation des objets, les
sources et les moyens de profits considérables.
§ 16. Voilà comment il semble que la science de l'acquisition a surtout l'argent
pour objet, et que son but principal est de pouvoir découvrir les moyens de
multiplier les biens ; car elle doit créer les biens et l'opulence. C'est qu'on place
souvent l'opulence dans l'abondance de l'argent, parce que c'est sur l'argent que
roulent l'acquisition et la vente ; et cependant cet argent n'est en lui-même qu'une
chose absolument vaine, n'ayant de valeur que par la loi et non par la nature,
puisqu'un changement de convention parmi ceux qui en font usage peut le
déprécier complètement, et le rendre tout à fait incapable de satisfaire aucun de
nos besoins. En effet, un homme, malgré tout son argent, ne pourra-t-il pas
manquer des objets de première nécessité ? Et n'est-ce pas une plaisante richesse
que celle dont l'abondance n'empêche pas de mourir de faim ? C'est comme ce Midas
de la mythologie, dont le voeu cupide faisait changer en or tous les mets de sa table.
§ 17. C'est donc avec grande raison que les gens sensés se demandent si l'opulence
et la source de la richesse ne sont point ailleurs ; et certes la richesse et l'acquisition
naturelles, objet de la science domestique, sont tout antre chose. Le commerce
produit des biens, non point d'une manière absolue, mais par le déplacement
d'objets déjà précieux en eux-mêmes. Or c'est l'argent qui paraît surtout
préoccuper le commerce ; car l'argent est l'élément et le but de ses échanges ; et la
fortune qui naît de cette nouvelle branche d'acquisition semble bien réellement
n'avoir aucune borne. La médecine vise à multiplier ses guérisons à l'infini;
comme elle, tous les arts placent dans l'infini l'objet qu'ils poursuivent, et tous y
prétendent de toutes leurs forces. Mais du moins les moyens qui les conduisent à
leur but spécial sont limités, et ce but lui-même leur sert à tous de borne ; bien loin
de là, l'acquisition commerciale n'a pas même pour fin le but qu'elle poursuit,
puisque son but est précisément une opulence et un enrichissement indéfinis.
§ 18. Mais si l'art de cette richesse n'a pas de bornes, la science domestique en a,
parce que son objet est tout différent. Ainsi, l'on pourrait fort bien croire à
première vue que toute richesse sans exception a nécessairement des limites. Mais
les faits sont là pour nous prouver le contraire ; tous les négociants voient
s'accroître leur argent sans aucun terme. Ces deux espèces si différentes
d'acquisition, employant le même fonds qu'elles recherchent toutes deux
également, quoique dans des vues bien diverses, l'une ayant un tout autre but que
l'accroissement indéfini de l'argent, qui est l'unique objet de l'autre, cette
ressemblance a fait croire à bien des gens que la science domestique avait aussi la
même portée; et ils se persuadent fermement qu'il faut à tout prix conserver ou
augmenter à l'infini la somme d'argent qu'on possède.
§ 19. Pour en venir là, il faut être préoccupé uniquement du soin de vivre, sans
songer à vivre comme on le doit.
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