[4] Γενομένου δὲ γέλωτος ὁ Πρωτογένης ‘ἐγὼ δέ σοι
δοκῶ’ εἶπεν ‘Ἔρωτι νῦν πολεμεῖν, οὐχ ὑπὲρ Ἔρωτος διαμάχεσθαι
πρὸς ἀκολασίαν καὶ ὕβριν αἰσχίστοις πράγμασι
καὶ πάθεσιν εἰς τὰ κάλλιστα καὶ σεμνότατα τῶν ὀνομάτων
εἰσβιαζομένην;’ καὶ ὁ Δαφναῖος ‘αἴσχιστα δὲ
καλεῖς’ ἔφη ‘γάμον καὶ σύνοδον ἀνδρὸς καὶ γυναικός, ἧς
οὐ γέγονεν οὐδ´ ἔστιν ἱερωτέρα κατάζευξις;’ ‘ἀλλὰ ταῦτα
μέν’ εἶπεν ὁ Πρωτογένης ‘ἀναγκαῖα πρὸς γένεσιν ὄντα
σεμνύνουσιν οὐ φαύλως οἱ νομοθέται καὶ κατευλογοῦσι
πρὸς τοὺς πολλούς· ἀληθινοῦ δ´ Ἔρωτος οὐδ´ ὁτιοῦν τῇ
γυναικωνίτιδι μέτεστιν, οὐδ´ ἐρᾶν ὑμᾶς ἔγωγέ φημι τοὺς
γυναιξὶ προσπεπονθότας ἢ παρθένοις, ὥσπερ οὐδὲ μυῖαι
γάλακτος οὐδὲ μέλιτται κηρίων ἐρῶσιν οὐδὲ σιτευταὶ καὶ
μάγειροι φίλα φρονοῦσι πιαίνοντες ὑπὸ σκότῳ μόσχους
καὶ ὄρνιθας. ἀλλ´ ὥσπερ ἐπὶ σιτίον ἄγει καὶ ὄψον ἡ
φύσις μετρίως καὶ ἱκανῶς τὴν ὄρεξιν, ἡ δ´ ὑπερβολὴ πάθος
ἐνεργασαμένη λαιμαργία τις ἢ φιλοψία καλεῖται, οὕτως
ἔνεστι τῇ φύσει τὸ δεῖσθαι τῆς ἀπ´ ἀλλήλων ἡδονῆς γυναῖκας
καὶ ἄνδρας, τὴν δ´ ἐπὶ τοῦτο κινοῦσαν ὁρμὴν σφοδρότητι
καὶ ῥώμῃ γενομένην πολλὴν καὶ δυσκάθεκτον
οὐ προσηκόντως Ἔρωτα καλοῦσιν. Ἔρως γὰρ εὐφυοῦς καὶ
νέας ψυχῆς ἁψάμενος εἰς ἀρετὴν διὰ φιλίας τελευτᾷ· ταῖς
δὲ πρὸς γυναῖκας ἐπιθυμίαις ταύταις, ἂν ἄριστα πέσωσιν,
ἡδονὴν περίεστι καρποῦσθαι καὶ ἀπόλαυσιν ὥρας καὶ
σώματος, ὡς ἐμαρτύρησεν Ἀρίστιππος, τῷ κατηγοροῦντι
Λαΐδος πρὸς αὐτὸν ὡς οὐ φιλούσης ἀποκρινάμενος, ὅτι
καὶ τὸν οἶνον οἴεται καὶ τὸν ἰχθῦν μὴ φιλεῖν αὐτόν, ἀλλ´
ἡδέως ἑκατέρῳ χρῆται. τέλος γὰρ ἐπιθυμίας ἡδονὴ καὶ
ἀπόλαυσις· Ἔρως δὲ προσδοκίαν φιλίας ἀποβαλὼν οὐκ
ἐθέλει παραμένειν οὐδὲ θεραπεύειν ἐφ´ ὥρᾳ τὸ λυποῦν
καὶ ἀκμάζον, εἰ καρπὸν ἤθους οἰκεῖον εἰς φιλίαν καὶ ἀρετὴν
οὐκ ἀποδίδωσιν. ἀκούεις δέ τινος τραγικοῦ γαμέτου
λέγοντος πρὸς τὴν γυναῖκα
’μισεῖς; ἐγὼ δὲ ῥᾳδίως μισήσομαι,
πρὸς κέρδος ἕλκων τὴν ἐμὴν ἀτιμίαν.‘
τούτου γὰρ οὐδέν ἐστιν ἐρωτικώτερος ὁ μὴ διὰ κέρδος
ἀλλ´ ἀφροδισίων ἕνεκα καὶ συνουσίας ὑπομένων γυναῖκα
μοχθηρὰν καὶ ἄστοργον· ὥσπερ Στρατοκλεῖ τῷ ῥήτορι
Φιλιππίδης ὁ κωμικὸς ἐπεγγελῶν ἐποίησεν
’ἀποστρεφομένης τὴν κορυφὴν φιλεῖς μόλις.‘
Εἰ δ´ οὖν καὶ τοῦτο τὸ πάθος δεῖ καλεῖν Ἔρωτα, θῆλυν
καὶ νόθον ὥσπερ εἰς Κυνόσαργες συντελοῦντα τὴν γυναικωνῖτιν·
μᾶλλον δ´ ὥσπερ ἀετόν τινα λέγουσι γνήσιον
καὶ ὀρεινόν, ὃν Ὅμηρος ’μέλανα‘ καὶ
’θηρευτὴν‘ προσεῖπεν, ἄλλα δὲ γένη νόθων ἐστὶν ἰχθῦς
περὶ ἕλη καὶ ὄρνιθας ἀργοὺς λαμβανόντων, ἀπορούμενοι
δὲ πολλάκις ἀναφθέγγονταί τι λιμῶδες καὶ ὀδυρτικόν,
οὕτως εἷς Ἔρως ὁ γνήσιος ὁ παιδικός ἐστιν, οὐ ’πόθῳ
στίλβων‘, ὡς ἔφη τὸν παρθένιον Ἀνακρέων,
οὐδὲ ’μύρων ἀνάπλεως καὶ γεγανωμένος‘, ἀλλὰ λιτὸν
αὐτὸν ὄψει καὶ ἄθρυπτον ἐν σχολαῖς φιλοσόφοις ἤ που
περὶ γυμνάσια καὶ παλαίστρας περὶ θήραν νέων ὀξὺ μάλα
καὶ γενναῖον ἐγκελευόμενον πρὸς ἀρετὴν τοῖς ἀξίοις ἐπιμελείας.
τὸν δ´ ὑγρὸν τοῦτον καὶ οἰκουρὸν ἐν κόλποις διατρίβοντα
καὶ κλινιδίοις γυναικῶν ἀεὶ διώκοντα τὰ μαλθακὰ
καὶ θρυπτόμενον ἡδοναῖς ἀνάνδροις καὶ ἀφίλοις καὶ
ἀνενθουσιάστοις καταβάλλειν ἄξιον, ὡς καὶ Σόλων κατέβαλε·
δούλοις μὲν γὰρ ἐρᾶν ἀρρένων παίδων ἀπεῖπε καὶ
ξηραλοιφεῖν, χρῆσθαι δὲ συνουσίαις γυναικῶν οὐκ ἐκώλυσε·
καλὸν γὰρ ἡ φιλία καὶ ἀστεῖον, ἡ δ´ ἡδονὴ κοινὸν
καὶ ἀνελεύθερον. ὅθεν οὐδὲ δούλων ἐρᾶν παίδων ἐλευθέριόν
ἐστιν οὐδ´ ἀστεῖον· συνουσίας γὰρ οὗτος ὁ ἔρως, καθάπερ
τῶν γυναικῶν.
| [4] On éclata de rire; et Protogène : «Ai-je, dit-il, l'air
d'un homme qui fait aujourd'hui la guerre à l'Amour? Ne
la fais-je pas au contraire en sa faveur, puisque je combats
le libertinage et l'insolence, qui par les passions et
les actes les plus honteux usurpent violemment des noms
aussi beaux qu'honorables? — «Quoi, reprit Daphnée,
vous appelez actes honteux le mariage et le rapprochement
d'un homme et d'une femme, union en comparaison de
laquelle il n'en est pas de plus sainte? — «Sans doute,
dit Protogène, le mariage, considéré comme indispensable
à la propagation de l'espèce humaine, est honoré,
non sans fondement, par les législateurs; et ils en vantent
l'excellence aux yeux de la multitude. Mais le véritable
amour n'existe pas le moins du monde dans le gynécée, et
je prétends que ce n'est pas de l'amour que vous ressentez
quand vous vous attachez à des femmes ou à des jeunes
vierges. De même, la mouche n'est pas amoureuse du lait,
ni les abeilles, de leurs rayons; de même, les nourrisseurs
et les cuisiniers n'ont pas d'affection pour les veaux et pour
les volailles qu'ils engraissent dans des endroits obscurs.
Mais comme la nature porte l'appétit de l'homme vers la
nourriture et la bonne chère dans des proportions modérées
et suffisantes, et que l'excès de cet appétit produisant
une passion est appelé gourmandise ou sensualité; de même,
un instinct naturel fait que l'homme et la femme recherchent
le plaisir qu'ils peuvent se donner mutuellement;
mais l'élan qui les y porte, et que sa violence et son impétuosité
rend excessif et difficile à contenir, cet élan, dis-je,
est très improprement appelé amour.
L'amour, en effet, quand il s'est attaché à une âme
douée de beaux instincts, à une âme jeune, aboutit à la vertu
en commençant par l'amitié. Il n'en est pas ainsi de ces
désirs qui nous entraînent vers les femmes. Même lorsqu'ils
ont le plus heureux succès, ils ne laissent recueillir qu'une
volupté d'un moment, qu'un plaisir tout physique. C'est le
témoignage qu'en portait Aristippe. On accusait auprès de
lui Lais en disant qu'elle ne l'aimait pas : "Je ne pense
pas, dit-il, que le vin et le poisson soient amoureux de
ma personne; je n'en use pas moins avec plaisir de l'un et
de l'autre." Car quelle est la fin de tout désir? La sensualité
et la jouissance. Or, l'amour compte sur une tendresse
partagée; qu'il en perde l'espérance, et il ne voudra plus
persister, il ne voudra plus offrir ses soins à une beauté
qui l'afflige par son éclat même, du moment qu'il n'aime
pas à recueillir les fruits propres à une âme, à savoir la
tendresse et la vertu.
«Écoutez le langage que tient un époux à sa femme dans
certaine tragédie :
"Vous me haïssez; soit. Je me résignerai
A vos dédains, madame; et j'en profiterai."
Il n'est pas plus amoureux que ne l'est un tel mari, l'homme
qui, déterminé non par l'espoir du gain, mais par le seul
plaisir des sens, supporte une femme mauvaise et perverse
dont il n'est pas aimé.
"C'est ainsi que Philippide, l'auteur comique, dit au rhéteur
Métroclès en se moquant de lui :
"La belle a détourné la tête; et tu ne peux
Qu'effleurer d'un baiser le bas de ses cheveux."
"S'il faut à cette sorte de passion donner aussi le nom
d'amour, c'est un amour efféminé, bâtard, qu'il faut reléguer
dans le gynécée comme dans un cynosarge. Disons
mieux : comme on prétend qu'il n'existe qu'un seul aigle
véritable, celui des montagnes, appelé par Homère l'aigle
noir, l'aigle chasseur; comme on assure qu'il faut tenir
pour bâtardes les autres espèces, qui prennent les poissons
des étangs et les oiseaux sans défense, et qui pressées
le plus souvent par le besoin poussent une espèce de plainte
affamée et lamentable: de même, l'amour vrai, c'est l'amour
des garçons. Il n'a point,
"Le regard animé par le feu du désir,"
comme Anacréon dit en parlant de l'amour qu'inspirent les
jeunes filles. Il n'est pas couvert de parfums; il n'a pas
l'humeur folâtre. Non : vous le verrez, simple et exempt
de toute mollesse, fréquenter les écoles des philosophes, ou
peut-être les gymnases et les palestres. I1 est à la recherche
des jeunes gens. D'une voix pénétrante et généreuse il
excite à la vertu ceux qui méritent ses soins. Mais l'amour
flasque et casanier qui passe son temps sur les siéges moelleux
des femmes et, en quelque sorte, dans les plis de leurs
robes; qui ne s'attache constamment qu'à la mollesse, et
s'énerve dans des plaisirs indignes d'un homme, où le coeur
et un noble enthousiasme ne sont pour rien, cet amour il
y a justice à le repousser. Ainsi faisait Solon. Il interdisait
aux esclaves le droit de se frotter à sec ; il leur interdisait
aussi le commerce des garçons; mais il ne s'opposait pas à
ce qu'ils entretinssent commerce avec des femmes. C'est
que l'amitié est un sentiment noble et intelligent ; la volupté,
au contraire, n'est qu'une jouissance commune et
indigne d'hommes libres. Voilà pourquoi il n'est ni libéral
ni sensé de permettre que des esclaves aiment de jeunes
garçons. Ils ne les recherchent que pour un rapprochement
charnel, comme on recherche les femmes.
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