[250] Ἢ οὐ δεινὸν ὑμῖν εἶναι δοκεῖ, εἰ τὸ μὲν βουλευτήριον
καὶ ὁ δῆμος παρορᾶται, αἱ δ' ἐπιστολαὶ καὶ αἱ πρεσβεῖαι
ἀφικνοῦνται εἰς ἰδιωτικὰς οἰκίας, οὐ παρὰ τῶν τυχόντων ἀνθρώπων, ἀλλὰ παρὰ
τῶν πρωτευόντων ἐν τῇ Ἀσίᾳ καὶ τῇ Εὐρώπῃ; Καὶ ἐφ' οἷς ἐστιν ἐκ τῶν νόμων
ζημία θάνατος, ταῦτά τινες οὐκ ἐξαρνοῦνται πράττειν, ἀλλ' ὁμολογοῦσιν ἐν
τῷ δήμῳ, καὶ τὰς ἐπιστολὰς ἀλλήλοις παραναγιγνώσκουσιν, καὶ παρακελεύονται
δ' οἱ μὲν βλέπειν εἰς τὰ ἑαυτῶν πρόσωπα, ὡς φύλακες τῆς δημοκρατίας,
ἕτεροι δ' αἰτοῦσι δωρεὰς, ὡς σωτῆρες τῆς πόλεως ὄντες· (251) ὁ δὲ δῆμος,
ἐκ τῆς ἀθυμίας τῶν συμβεβηκότων, ὥσπερ παραγεγηρακὼς ἢ παρανοίας ἑαλωκώς,
αὐτὸ μόνον τοὔνομα τῆς δημοκρατίας περιποιεῖται, τῶν δ' ἔργων ἑτέροις
παρακεχώρηκεν. Ἔπειτ' ἀπέρχεσθε ἐκ τῶν ἐκκλησιῶν οὐ βουλευσάμενοι, ἀλλ'
ὥσπερ ἐκ τῶν ἐράνων, τὰ περιόντα νειμάμενοι.
(252) Ὅτι δ' οὐ ληρῶ, ἐκεῖθεν τὸν λόγον θεωρήσατε. Ἐγένετό τις (ἄχθομαι δὲ
πολλάκις μεμνημένος τὰς ἀτυχίας τῆς πόλεως) ἐνταῦθ' ἀνὴρ ἰδιώτης, ὃς,
ἐκπλεῖν μόνον εἰς Σάμον ἐπιχειρήσας, ὡς προδότης τῆς πατρίδος, αὐθημερὸν
ὑπὸ τῆς ἐξ Ἀρείου Πάγου βουλῆς θανάτῳ ἐζημιώθη. Ἕτερος δ' ἰδιώτης
ἐκπλεύσας εἰς Ῥόδον, ὅτι τὸν φόβον ἀνάνδρως ἤνεγκε, πρώην ποτὲ εἰσηγγέλθη,
καὶ ἴσαι αἱ ψῆφοι αὐτῷ ἐγένοντο· εἰ δὲ μία ψῆφος μετέπεσεν, ὑπερώριστ' ἄν
ἢ ἀπέθανε. (253) Ἀντιθῶμεν δὴ τὸ νυνὶ γιγνόμενον. Ἀνὴρ ῥήτωρ, ἁπάντων τῶν
κακῶν αἴτιος, ἔλιπε μὲν τὴν ἀπὸ στρατοπέδου τάξιν, ἀπέδρα δ' ἐκ τῆς
πόλεως· οὗτος στεφανοῦσθαι ἀξιοῖ, καὶ κηρύττεσθαι οἴεται δεῖν· οὐκ
ἀποπέμψεσθε τὸν ἄνθρωπον, ὡς κοινὴν τῶν Ἑλλήνων συμφοράν, ἢ συλλαβόντες ὡς
λῃστὴν τῶν πραγμάτων, ἐπ' ὀνομάτων διὰ τῆς πολιτείας πλέοντα, τιμωρήσεσθε;
(254) Καὶ τὸν καιρὸν μέμνησθε, ἐν ᾧ τὴν ψῆφον φέρετε. Ἡμερῶν μὲν ὀλίγων
μέλλει τὰ Πύθια γίγνεσθαι, καὶ τὸ συνέδριον τὸ τῶν Ἑλλήνων συλλέγεσθαι·
διαβέβληται δ' ἡμῶν ἡ πόλις ἐκ τῶν Δημοσθένους πολιτευμάτων περὶ τοὺς νῦν
καιρούς. Δόξετε δέ, ἐὰν μὲν τοῦτον στεφανώσητε, ὁμογνώμονες εἶναι τοῖς
παραβαίνουσι τὴν κοινὴν εἰρήνην· ἐὰν δὲ τοὐναντίον τούτου πράξητε,
ἀπολύσετε τὸν δῆμον τῶν αἰτιῶν.
(255) Μὴ οὖν ὡς ὑπὲρ ἀλλοτρίας, ἀλλ' ὡς ὑπὲρ οἰκείας τῆς πόλεως,
βουλεύεσθε, καὶ τὰς φιλοτιμίας μὴ νέμετε, ἀλλὰ κρίνετε, καὶ τὰς δωρεὰς εἰς
βελτίω σώματα καὶ ἄνδρας ἀξιολογωτέρους ἀπόθεσθε. Καὶ μὴ μόνον τοῖς ὠσίν,
ἀλλὰ καὶ τοῖς ὄμμασι, διαβλέψαντες εἰς ὑμᾶς αὐτοὺς, βουλεύσασθε, τίνες
ὑμῶν εἰσιν οἱ βοηθήσοντες Δημοσθένει· πότερον οἱ συγκυνηγέται, ἢ οἱ
συγγυμνασταὶ αὐτοῦ, ὅτ' ἦν ἐν ἡλικία; Ἀλλὰ, μὰ τὸν Δία τὸν Ὀλύμπιον, οὐχ
ὗς ἀγρίους κυνηγετῶν, οὐδὲ τῆς τοῦ σώματος εὐεξίας ἐπιμελόμενος, ἀλλ'
ἐπασκῶν τέχνας ἐπὶ τοὺς τὰς οὐσίας κεκτημένους διαγεγένηται· (256) ἀλλ'
εἰς τὴν ἀλαζονείαν ἀποβλέψαντες, ὅταν φῇ Βυζαντίους μὲν ἐκ τῶν χειρῶν
πρεσβεύσας ἐξελέσθαι τῶν Φιλίππου, ἀποστῆσαι δὲ Ἀκαρνᾶνας, ἐκπλῆξαι δὲ
Θηβαίους δημηγορήσας. Οἴεται γὰρ ὑμᾶς εἰς τοσοῦτον εὐηθείας ἤδη
προβεβηκέναι, ὥστε καὶ ταῦτα ἀναπεισθήσεσθαι, ὥσπερ Πειθὼ τρέφοντας, ἀλλ'
οὐ συκοφάντην ἄνθρωπον, ἐν τῇ πόλει.
(257) Ὅταν δ' ἐπὶ τελευτῆς ἤδη τοῦ λόγου συνηγόρους τοὺς κοινωνοὺς τῶν
δωροδοκημάτων αὑτῷ παρακαλῇ, ὑπολαμβάνετε ὁρᾶν ἐπὶ τοῦ βήματος, οὗ νῦν
ἑστηκὼς ἐγὼ λέγω, ἀντιπαρατεταγμένους πρὸς τὴν τούτων ἀσέλγειαν τοὺς τῆς
πόλεως εὐεργέτας· Σόλωνα μὲν, τὸν καλλίστοις νόμοις κοσμήσαντα τὴν
δημοκρατίαν, ἄνδρα φιλόσοφον καὶ νομοθέτην ἀγαθόν, σωφρόνως, ὡς προσῆκον
αὐτῷ, δεόμενον ὑμῶν μηδενὶ τρόπῳ τοὺς Δημοσθένους λόγους περὶ πλείονος
ποιήσασθαι τῶν ὅρκων καὶ τῶν νόμων· (258) Ἀριστείδην δὲ, τὸν τοὺς φόρους
τάξαντα τοῖς Ἕλλησιν, οὗ τελευτήσαντος τὰς θυγατέρας ἐξέδωκεν ὁ δῆμος,
σχετλιάζοντα ἐπὶ τῷ τῆς δικαιοσύνης προπηλακισμῷ, καὶ ἐπερωτῶντα, εἰ οὐκ
αἰσχύνεσθε, εἰ οἱ μὲν πατέρες ὑμῶν Ἄρθμιον τὸν Ζελείτην, κομίσαντα εἰς τὴν
Ἑλλάδα τὸ ἐκ Μήδων χρυσίον, ἐπιδημήσαντα εἰς τὴν πόλιν, πρόξενον ὄντα τοῦ
δήμου τοῦ Ἀθηναίων, παρ' οὐδὲν μὲν ἦλθον ἀποκτεῖναι, ἐξεκήρυξαν δ' ἐκ τῆς
πόλεως, καὶ ἐξ ἁπάσης ἧς Ἀθηναῖοι ἄρχουσιν, (259) ὑμεῖς δὲ Δημοσθένην,
οὐ κομίσαντα εἰς τὴν Ἑλλάδα τὸ ἐκ Μήδων χρυσίον, ἀλλὰ δωροδοκήσαντα, καὶ
ἔτι καὶ νῦν κεκτημένον, χρυσῷ στεφάνῳ μέλλετε στεφανοῦν. Θεμιστοκλέα δὲ,
καὶ τοὺς ἐν Μαραθῶνι τελευτήσαντας, καὶ τοὺς ἐν Πλαταιαῖς, καὶ αὐτοὺς τοὺς
τάφους τῶν προγόνων οὐκ ἂν οἴεσθε ἀναστενάξειν, εἰ ὁ μετὰ τῶν βαρβάρων
ὁμολογῶν τοῖς Ἕλλησιν ἀντιπράττειν στεφανωθήσεται;
| [250] Car, enfin, n'est-il pas étrange qu'au mépris du sénat et du peuple, de
simples particuliers reçoivent des députations et des dépêches, non de la
part de gens obscurs, mais des principaux personnages de l'Europe et de
l'Asie? Oui, ils en reçoivent; et, quoiqu'il y ait peine de mort pour de
pareilles liaisons, loin de les dissimuler, plusieurs font trophée de
leurs correspondances; ils se lisent leurs dépêches, et n'ont pas honte,
les uns de vous exhorter à vous reposer sur eux comme sur les soutiens du
gouvernement, les autres de demander qu'on les honore comme les sauveurs
de la patrie. 251. Cependant, le peuple, abattu par ses disgrâces, tel
qu'un vieillard dans la décrépitude et le délire, ne gardant pour lui que
le titre de son pouvoir, en laisse à d'autres la réalité. Et vous,
Athéniens, vous sortez de vos assemblées, non après avoir délibéré sur vos
intérêts, mais après avoir partagé entre vous, comme les restes d'un
festin à frais communs, les débris de votre ancienne opulence.
252. Vous allez voir, par ce qui suit, que j'ai raison de vous reprocher
votre mollesse. Un citoyen de cette ville (je souffre de vous retracer si
souvent l'image de nos malheurs), un citoyen timide, dont toute la faute
était d'avoir tenté de passer à Samos, fut pris le même jour, et condamné
à mort par le sénat de l'Aréopage, comme traître à la patrie. Un autre
particulier, qui s'était réfugié à Rhodes, fut accusé, il n'y a pas
longtemps, comme criminel d'état, pour avoir montré de la frayeur dans des
circonstances critiques. Les voix furent partagées; une seule de plus, il
subissait la mort ou l'exil. 253. Rapprochons le passé du présent.
Un orateur, la cause de tous nos maux, qui a quitté son poste dans le
combat, et s'est enfui d'Athènes, parce qu'elle était menacée d'un siège,
exige des couronnes et des proclamations. N'éloignerez-vous point ce fléau
commun de la Grèce? ou plutôt ne saisirez-vous point, pour le punir, cet usurpateur
du gouvernement, ce tyran de la tribune, qui nous maîtrise avec des paroles?
254. Considérez, d'ailleurs, dans quelle circonstance vous allez juger.
Nous sommes à la veille des jeux Pythiques; les Grecs vont bientôt se
réunir pour les célébrer : par une suite de l'administration de
Démosthène, on impute aujourd'hui aux Athéniens d'avoir perdu la Grèce. Si
vous couronnez ce ministre, vous paraîtrez être complices des infracteurs
de la paix générale ; mais si vous le punissez, vous purgerez le peuple de
toute imputation.
255. Pensez donc qu'il ne s'agit pas, dans cette cause, d'une ville
étrangère, mais de la vôtre. Ne prodiguez pas les honneurs, donnez-les
avec discernement : accordez les récompenses aux meilleurs citoyens, aux
citoyens les plus dignes. Ne vous contentez pas de prêter l'oreille à mes
discours, ouvrez les yeux pour voir quelle sorte de gens solliciteront
pour Démosthène. Sera-ce ceux qui ont partagé les exercices et les
amusements de sa jeunesse? Mais, peu jaloux de la dépouille d'un sanglier
ou des honneurs du gymnase, il s'est enfoncé dans des études de chicane
pour envahir les biens des riches. 256. Examinez encore sa vanité
audacieuse lorsqu'il osera dire que, par une simple ambassade, il a
arraché Byzance des mains de Philippe ; que par la force de son
éloquence il a soulevé les Acarnaniens, et déterminé les Thébains: car il
vous croit assez simples pour vous laisser persuader par tout ce qu'il
vous dit, comme si vous possédiez dans sa personne la déesse de la
persuasion, et non pas un imposteur habile.
257. Mais, lorsqu'à la fin de son discours, il invitera les complices de
ses brigandages à se ranger autour de lui pour sa défense, imaginez-vous
voir rangés autour de cette tribune où je parle, et opposés à l'impudence
de ces traîtres, les bienfaiteurs de la république. Imaginez-vous entendre
Solon, grand philosophe, législateur fameux, dont les sages institutions
ont affermi chez nous la démocratie ; 258. Aristide, cet homme juste et
désintéressé, qui a réglé les contributions de la Grèce, et dont le
peuple, après sa mort, fut obligé de doter les filles : l'un vous
conjurant, avec cette douceur qui lui était si naturelle, de ne pas
préférer aux lois et à votre serment les vains discours de Démosthène;
l'autre se plaignant avec force du mépris de la justice, et vous demandant
comment vous, dont les pères ont délibéré s'ils feraient mourir, et ont
fini par bannir de leur ville et de tous les pays de leur domination,
Arthmius de Zélie, qui avait seulement apporté dans la Grèce de l'or
des Perses; Arthmius reçu dans Athènes, où il avait droit d'hospitalité;
259. comment, dis-je, vous ne rougissez pas d'honorer d'une couronne d'or
Démosthène, qui n'a pas simplement apporté, mais qui a reçu de l'or des
Perses, pour prix de ses trahisons, et qui l'a encore entre les mains!
Pensez-vous que Thémistocle, que tous nos braves citoyens morts à Marathon
et à Platée, soient insensibles à ce qui se passe de nos jours, et que des
tombeaux mêmes de nos ancêtres ne sortent pas des gémissements, si on
couronne celui qui avoue lui-même avoir conspiré avec les Barbares contre
les Grecs ?
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