[240] Οὐ δι' ἔνδειαν χρημάτων, ἕνεκα μὲν πέντε ταλάντων, οἱ
ξένοι Θηβαίοις τὴν ἄκραν οὐ παρέδοσαν; Διὰ ἐννέα δὲ τάλαντα ἀργυρίου,
πάντων Ἀρκάδων ἐξεληλυθότων, καὶ τῶν ἡγεμόνων ἑτοίμων ὄντων βοηθεῖν, ἡ
πρᾶξις οὐ γεγένηται; Σὺ δὲ πλουτεῖς, καὶ ταῖς ἡδοναῖς ταῖς σαυτοῦ
χορηγεῖς, καὶ τὸ κεφάλαιον, τὸ μὲν βασιλικὸν χρυσίον παρὰ τούτῳ, οἱ δὲ
κίνδυνοι παρ' ὑμῖν.
(241) Ἄξιον δ' ἐστὶ καὶ τὴν ἀπαιδευσίαν αὐτῶν θεωρῆσαι. Εἰ γὰρ τολμήσει
Κτησιφῶν μὲν Δημοσθένην παρακαλεῖν λέξοντα εἰς ὑμᾶς, οὗτος δ' ἀναβὰς
ἑαυτὸν ἐγκωμιάζειν, βαρύτερον τῶν ἔργων ὧν πεπόνθαμεν τὸ ἀκρόαμα γίγνεται.
Ὅπου γὰρ τοὺς ὄντως ἄνδρας ἀγαθούς, οἷς πολλὰ καὶ καλὰ σύνισμεν ἔργα, ἂν
τοὺς καθ' ἑαυτῶν ἐπαίνους λέγωσιν, οὐ φέρομεν, ὅταν ἄνθρωπος, αἰσχύνη τῆς
πόλεως γεγονὼς, ἑαυτὸν ἐγκωμιάζῃ, τίς ἂν τὰ τοιαῦτα καρτερήσειεν ἀκούων;
(242) Ἀπὸ μὲν οὖν τῆς ἀναισχύντου πραγματείας, ἐὰν σωφρονῇς, ἀποστήσῃ·
ποιήσῃ δέ, ὦ Κτησιφῶν, διὰ σαυτοῦ τὴν ἀπολογίαν. Οὐ γὰρ δή που τοῦτό γε
σκήψῃ, ὡς οὐ δυνατὸς εἶ λέγειν· καὶ γὰρ ἂν ἄτοπόν σοι συμβαίνοι, εἰ πρώην
μέν ποθ' ὑπέμεινας πρεσβευτὴς ὡς Κλεοπάτραν, τὴν Φιλίππου θυγατέρα,
χειροτονεῖσθαι, συναχθεσθησόμενος ἐπὶ τῇ τοῦ Μολοττῶν βασιλέως Ἀλεξάνδρου
τελευτῇ, νυνὶ δὲ οὐ φήσεις δύνασθαι λέγειν. Ἔπειτα γυναῖκα μὲν ἀλλοτρίαν
πενθοῦσαν δύνασαι παραμυθεῖσθαι, γράψας δὲ μισθοῦ ψήφισμα οὐκ ἀπολογήσῃ;
(243) Ἢ τοιοῦτός ἐστιν, ὃν γέγραφας στεφανοῦσθαι, οἷος μὴ γιγνώσκεσθαι ὑπὸ
τῶν εὖ πεπονθότων, ἂν μή τις συνείποι; Ἐπερώτησον δὴ τοὺς δικαστάς, εἰ
ἐγίγνωσκον Χαβρίαν καὶ Ἰφικράτην, καὶ Τιμόθεον, καὶ πυθοῦ παρ' αὐτῶν, διὰ
τί τὰς δωρεὰς αὐτοῖς ἔδοσαν, καὶ τὰς εἰκόνας ἔστησαν. Ἅπαντες γὰρ ἅμα
ἀποκρινοῦνται, ὅτι Χαβρίᾳ μὲν διὰ τὴν περὶ Νάξον ναυμαχίαν, Ἰφικράτει δὲ
ὅτι μόραν Λακεδαιμονίων ἀπέκτεινε, Τιμοθέῳ δὲ διὰ τὸν περίπλουν τὸν εἰς
Κέρκυραν, καὶ ἄλλοις, ὧν ἑκάστῳ πολλὰ καὶ καλὰ κατὰ πόλεμον ἔργα
πέπρακται. (244) Δημοσθένει δ' ἐάν τις ἐρωτᾷ, διὰ τί οὐ δωροδόκος, ὅτι
δειλός, ὅτι τὴν τάξιν ἔλιπε. Καὶ πότερον τοῦτον τιμήσετε, ἢ ὑμᾶς αὐτοὺς
ἀτιμωσετε, καὶ τοὺς ὑπὲρ ὑμῶν ἐν τῇ μάχῃ τελευτήσαντας; Οὓς νομίσαθ' ὁρᾶν
σχετλιάζοντας, εἰ οὗτος στεφανωθήσεται. Καὶ γὰρ ἂν εἴη δεινόν, ὦ Ἀθηναῖοι,
εἰ τὰ μὲν ξύλα, καὶ τοὺς λίθους, καὶ τὸν σίδηρον, τὰ ἄφωνα καὶ τὰ
ἀγνώμονα, ἐάν τινα ἐππεσόντα ἀποκτείνῃ, ὑπερορίζομεν, καὶ, ἐάν τις αὑτὸν
διαχρήσηται, τὴν χεῖρα τὴν τοῦτο πράξασαν χωρὶς τοῦ σώματος θάπτομεν·
(245) Δημοσθένην δέ, ὦ Ἀθηναῖοι, τὸν γράψαντα μὲν τὴν πανυστάτην ἔξοδον,
προδόντα δὲ τοὺς στρατιώτας, τοῦτον ὑμεῖς τιμήσετε. Οὐκοῦν ὑβρίζονται μὲν
οἱ τελευτήσαντες, ἀθυμότεροι δὲ οἱ ζῶντες γίγνονται, ὁρῶντες τῆς ἀρετῆς
ἆθλον μὲν τὸν θάνατον κείμενον, τὴν δὲ μνήμην ἐπιλείπουσαν.
Τὸ μέγιστον, ἐὰν ἐπερωτῶσιν ὑμᾶς οἱ νεώτεροι, πρὸς ποῖον παράδειγμα χρὴ
αὐτοὺς τὸν βίον ποιεῖσθαι, τί κρινεῖτε. (246) Εὖ γὰρ ἴστε, ὅτι οὐχ αἱ
παλαῖστραι, οὐδὲ τὰ διδασκαλεῖα, οὐδ' ἡ μουσικὴ μόνον παιδεύει τοὺς
νεωτέρους, ἀλλὰ πολὺ μᾶλλον τὰ δημόσια κηρύγματα. Κηρύττεταί τις ἐν τῷ
θεάτρῳ, ὅτι στεφανοῦται ἀρετῆς ἕνεκα, καὶ ἀνδραγαθίας, καὶ εὐνοίας,
ἄνθρωπος ἀσχημονῶν τῷ βίῳ καὶ βδελυρός; Ὁ δέ γε νεώτερος ταῦτ' ἰδὼν
διεφθάρη. Δίκην τις δέδωκε πονηρὸς καὶ πορνοβοσκός, ὥσπερ Κτησιφῶν; Οἱ δέ
γε ἄλλοι πεπαίδευνται. Τἀναντία τις ψηφισάμενος τῶν καλῶν καὶ δικαίων,
ἐπανελθὼν οἴκαδε παιδεύει τὸν υἱόν; Ὁ δέ γε εἰκότως οὐ πείθεται· ἀλλὰ τὸ
νουθετεῖν ἐνοχλεῖν ἤδη δικαίως ὀνομάζεται. (247) Ὡς οὖν μὴ μόνον
κρίνοντες, ἀλλὰ καὶ θεωρούμενοι, οὕτω τὴν ψῆφον φέρετε, εἰς ἀπολογισμὸν
τοῖς νῦν μὲν οὐ παροῦσι τῶν πολιτῶν, ἐπερησομένοις δὲ ὑμᾶς, τί ἐδικάζετε.
Εὖ γὰρ ἴστε, ὦ Ἀθηναῖοι, ὅτι τοιαύτη δόξει ἡ πόλις εἶναι, ὁποῖός τις ἂν ᾖ
ὁ κηρυττόμενος· ἔστι δὲ ὄνειδος μὴ τοῖς προγόνοις ὑμᾶς, ἀλλὰ τῇ
Δημοσθένους ἀνανδρίᾳ, προσεικασθῆναι.
Πῶς οὖν ἄν τις τὴν τοιαύτην αἰσχύνην ἐκφύγοι; (248) Ἐὰν τοὺς
προκαταλαμβάνοντας τὰ κοινὰ καὶ φιλάνθρωπα τῶν ὀνομάτων, ἀπίστους δ' ὄντας
τοῖς ἤθεσι, φυλάξησθε. Ἡ γὰρ εὔνοια, καὶ τὸ τῆς δημοκρατίας ὄνομα κεῖται
μὲν ἐν μέσῳ, φθάνουσι δ' ἐπ' αὐτὰ καταφεύγοντες τῷ λόγῳ ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ οἱ
τοῖς ἔργοις πλεῖστον ἀπέχοντες. (249) Ὅταν οὖν λάβητε ῥήτορα στεφάνων καὶ
κηρυγμάτων ἐν τοῖς Ἕλλησιν ἐπιθυμοῦντα, ἐπανάγειν αὐτὸν κελεύετε κάὶ τῶν
λόγων τὰς βεβαιώσεις (ὡς περὶ τῶν κηρυγμάτων ὁ νόμος κελεύει ποιεῖσθαι)
εἰς βίον ἀξιόχρεων, καὶ τρόπον σώφρονα· ὅτῳ δὲ ταῦτα μὴ μαρτυρεῖται, μὴ
βεβαιοῦτε αὐτῷ τοὺς ἐπαίνους, καὶ τῆς δημοκρατίας ἐπιμελήθητε ἤδη
διαφευγούσης ὑμᾶς.
| [240] N'est-ce pas, en effet, faute d'argent, faute de cinq talents, que les troupes
étrangères ne livrèrent pas aux Thébains la citadelle? N'est-ce pas encore faute de
neuf talents, que, tous les Arcadiens s'étant mis en campagne, et leurs
chefs étant disposés à nous secourir, nous ne pûmes profiter de l'occasion ?
L'état est pauvre, Démosthène est riche, et fournit abondamment à ses plaisirs :
en un mot, Athéniens, l'or de Darius est pour lui, les dangers pour vous.
241. Il est bon d'observer leur audace impudente. Lorsque Ctésiphon
invitera Démosthène à monter à la tribune, et qu'il y montera pour faire
lui-même son éloge, la vanité de ses discours ne sera-t-elle pas plus
insupportable que l'infamie de ses actions? Et si l'on n'écoute qu'avec
peine le bien que dit de lui un homme d'un mérite réel, dont les actions
et la bravoure sont connues, aura-t-on la patience d'entendre un lâche,
l'opprobre de cette ville, se donner des louanges à lui-même? 242. Si vous
êtes sage, Ctésiphon, vous agirez avec plus d'honnêteté et de franchise.
Faites vous-même votre apologie. Vous ne pourriez dire que vous manquez de
talent pour la parole. Non, un homme qui a accepté, il y a quelque temps,
une ambassade vers Cléopâtre, fille de Philippe, et qui lui a fait un
compliment de condoléance sur la mort d'Alexandre, roi des Molosses,
son époux, ne pourrait prétendre aujourd'hui n'avoir point de talent pour
la parole. Quoi! Ctésiphon, vous avez trouvé des expressions pour consoler
dans sa douleur une princesse étrangère; et, lorsqu'on vous accuse d'avoir
vendu, à prix d'argent, le décret que vous avez proposé, vous n'essaierez
pas de vous justifier vous-même!
243. L'homme que vous gratifiez d'une couronne, ne peut-il donc être connu
de ceux qu'il a bien servis, à moins qu'on ne vous aide à le faire
connaître ? Demandez aux juges s'ils connaissaient Chabrias, Iphicrate et
Timothée; demandez-leur pourquoi on leur a accordé des récompenses,
et érigé des statues : ils répondront tous à la fois qu'on a récompensé et
honoré Chabrias, pour avoir, près de Naxe, remporté une victoire navale;
Iphicrate, pour avoir taillé en pièces les troupes de Lacédémone;
Timothée, pour avoir, dans une expédition maritime, délivré Corcyre; et
tant d'autres grands hommes, pour s'être distingués par nombre de glorieux
exploits. 244. Mais, si l'on vous demande, Athéniens, pourquoi vous ne
récompensez pas Démosthène : vous répondrez que c'est un homme qui se vend
; que c'est un lâche; qu'il a abandonné son poste. En croyant honorer cet
orateur, ne vous déshonorerez-vous pas vous-mêmes, et ne ferez-vous pas
injure à ces braves citoyens qui sont morts pour vous à la guerre?
Imaginez-vous entendre leurs ombres gémir et se plaindre, si on couronne
Démosthène. Quoi donc? Vous rejetez avec horreur et loin de vos limites le
bois, la pierre, le fer, tous ces êtres inanimés qui, par hasard, auraient
écrasé un homme dans leur chute ; vous ne souffrez pas même que la
main de quiconque aurait attenté à ses propres jours, soit inhumée avec le
corps du suicide : 245. et le funeste auteur de la dernière expédition,
l'assassin de nos guerriers, ô honte ! sera couronné de vos mains, et
proclamé en plein théâtre ! Croyez-vous que, dans le tombeau, ils ne
ressentent pas cet affront, et que ceux qui leur survivent, ne perdent pas
courage en voyant que la valeur ne mène qu'à la mort, et la mort à l'oubli?
Mais, ce qui est de la plus grande importance, si les jeunes gens vous
demandent sur quel modèle ils se formeront, que leur répondrez-vous ? 246.
Vous le savez, ce ne sont pas seulement les exercices du corps et de
l'esprit, l'étude de la philosophie et des lettres, qui forment la
jeunesse, mais beaucoup plus encore les proclamations publiques. Le héraut
annonce-t-il, sur le théâtre, qu'un scélérat, sans honneur, est couronné
pour sa vertu éminente et pour son zèle patriotique ? une telle
proclamation pervertit le jeune homme qui en est témoin. Un débauché, un
corrupteur infâme, tel que Ctésiphon, a-t-il été puni? c'est une leçon
pour les autres. L'auteur d'un décret injuste et malhonnête, rentré dans
sa maison, veut-il instruire son fils? le jeune homme ne l'écoute pas ; et
comment l'écouterait-il ? Il ne voit plus dans celui qui le reprend qu'un
censeur incommode. 247. Prononcez donc aujourd'hui, non en simples juges,
mais en hommes d'état sur qui tous les yeux sont ouverts; et faites en
sorte de pouvoir justifier votre décision auprès des citoyens absents, qui
vous demanderont compte de ce que vous avez décidé. C'est par les
ministres qu'elle couronne, que les peuples jugent d'une république :
voulez-vous qu'ils jugent de la vôtre, non par le courage de vos ancêtres,
mais par la lâcheté de Démosthène?
Comment donc éviterez-vous cette honte ? 248. c'est en vous défiant de ces
hommes qui, sous des noms honnêtes et populaires, cachent un naturel
perfide. On peut prendre, quand on veut, le nom de vrai et zélé
républicain; mais les premiers à usurper ce titre, sont, pour l'ordinaire,
les derniers à le mériter. 249. Lors donc que vous trouverez un orateur
jaloux de couronnes proclamées en présence des Grecs, ordonnez-lui,
conformément à la loi des proclamations, de confirmer les éloges qu'il se
donne par le témoignage d'une vie régulière et de moeurs irréprochables.
S'il manque d'un pareil témoignage, ne les confirmez pas, vous, ces
éloges, et songez à retenir un reste d'autorité qui vous échappe.
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