HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

PLUTARQUE, Oeuvres morales, De l'amour

Chapitre 21

  Chapitre 21

[21] - - - ’Ἔτι τοίνυν ἃς λέγουσιν αἰτίας καὶ γενέσεις Ἔρωτος, ἴδιαι μὲν οὐδετέρου γένους εἰσὶ κοιναὶ δ´ ἀμφοτέρων. καὶ γὰρ εἴδωλα δήπουθεν ἐνδυόμενα τοῖς ἐρωτικοῖς καὶ διατρέχοντα κινεῖν καὶ γαργαλίζειν τὸν ὄγκον εἰς σπέρμα συνολισθαίνοντα τοῖς ἄλλοις σχηματισμοῖς οὐ δυνατὸν μὲν ἀπὸ παίδων, {}δυνατὸν δ´ ἀπὸ γυναικῶν; καὶ τὰς καλὰς ταύτας καὶ ἱερὰς ἀναμνήσεις καλοῦμεν ἡμεῖς ἐπὶ τὸ θεῖον καὶ ἀληθινὸν καὶ Ὀλύμπιον ἐκεῖνο κάλλος, αἷς ψυχὴ πτεροῦται, - - - τί - - - κωλύει γίνεσθαι μὲν ἀπὸ παίδων καὶ ἀπὸ νεανίσκων, γίνεσθαι δ´ ἀπὸ παρθένων καὶ γυναικῶν, ὅταν ἦθος ἁγνὸν καὶ κόσμιον ἐν ὥρᾳ καὶ χάριτι μορφῆς διαφανὲς γένηται, καθάπερ ὄρθιον ὑπόδημα δείκνυσι ποδὸς εὐφυΐαν, ὡς Ἀρίστων ἔλεγεν· ὅταν ἐν εἴδεσι καλοῖς καὶ καθαροῖς σώμασιν ἴχνη λαμπρᾶς κείμενα ψυχῆς ὀρθὰ καὶ ἄθρυπτα κατίδωσιν οἱ δεινοὶ τῶν τοιούτων αἰσθάνεσθαι; οὐ γὰρ μὲν φιλήδονος ἐρωτηθεὶς εἰπρὸς θῆλυ νεύει μᾶλλον ἐπὶ τἄρρενακαὶ ἀποκρινάμενοςὅπου προσῇ τὸ κάλλος, ἀμφιδέξιος,’ ἔδοξεν οἰκείως ἀποκρίνασθαι τῆς ἐπιθυμίας, δὲ φιλόκαλος καὶ γενναῖος οὐ πρὸς τὸ καλὸν οὐδὲ τὴν εὐφυΐαν ἀλλὰ μορίων διαφορὰς ποιεῖται τοὺς ἔρωτας· καὶ φίλιππος μὲν ἀνὴρ οὐδὲν ἧττον ἀσπάζεται τοῦ Ποδάργου τὴν εὐφυΐαν {} ‘Αἴθης τῆς Ἀγαμεμνονέης’ , καὶ θηρατικὸς οὐ τοῖς ἄρρεσι χαίρει μόνον, ἀλλὰ καὶ Κρήσσας τρέφει καὶ Λακαίνας σκύλακας, δὲ φιλόκαλος καὶ φιλάνθρωπος οὐχ ὁμαλός ἐστιν οὐδ´ ὅμοιος ἀμφοτέροις τοῖς γένεσιν, ἀλλ´ ὥσπερ ἱματίων οἰόμενος εἶναι διαφορὰς ἐρώτων γυναικῶν καὶ ἀνδρῶν. καίτοι τήν γ´ ὥρανἄνθος ἀρετῆςεἶναι λέγουσι, μὴ φάναι δ´ ἀνθεῖν τὸ θῆλυ μηδὲ ποιεῖν ἔμφασιν εὐφυΐας πρὸς ἀρετὴν ἄτοπόν ἐστι· καὶ γὰρ Αἰσχύλος ὀρθῶς ἐποίησενέας γυναικὸς οὔ με μὴ λάθῃ φλέγων ὀφθαλμός, ἥτις ἀνδρὸς γεγευμένη.’ πότερον οὖν ἰταμοῦ μὲν ἤθους καὶ ἀκολάστου καὶ διεφθορότος σημεῖα τοῖς εἴδεσι τῶν γυναικῶν ἐπιτρέχει, κοσμίου δὲ καὶ σώφρονος οὐδὲν ἔπεστι τῇ μορφῇ φέγγος, πολλὰ μὲν ἔπεστι καὶ συνεπιφαίνεται, κινεῖ δ´ οὐθὲν οὐδὲ προσκαλεῖται τὸν ἔρωτα; οὐδέτερον γὰρ εὔλογον οὐδ´ ἀληθές.‘ ’Ἀλλὰ κοινῶς ὥσπερ δέδεικται τοῖς γένεσι πάντων ὑπαρχόντων, ὥσπερ κοινοῦ συστάντος αὐτοῖς τοῦ ἀγῶνος, Δαφναῖε, πρὸς ἐκείνους μαχώμεθα τοὺς λόγους, οὓς Ζεύξιππος ἀρτίως διῆλθεν, ἐπιθυμίᾳ τὸν Ἔρωτα ταὐτὸ ποιῶν ἀκαταστάτῳ καὶ πρὸς τὸ ἀκόλαστον ἐκφερούσῃ τὴν ψυχήν, οὐκ αὐτὸς οὕτω πεπεισμένος ἀκηκοὼς δὲ πολλάκις ἀνδρῶν δυσκόλων καὶ ἀνεράστων· ὧν οἱ μὲν ἄθλια γύναια προικιδίοις ἐφελκόμενοι μετὰ χρημάτων εἰς οἰκονομίαν καὶ λογισμοὺς ἐμβάλλοντες ἀνελευθέρους, ζυγομαχοῦντες ὁσημέραι διὰ χειρὸς ἔχουσιν· οἱ δὲ παίδων δεόμενοι μᾶλλον γυναικῶν, ὥσπερ οἱ τέττιγες εἰς σκίλλαν τι τοιοῦτο τὴν γονὴν ἀφιᾶσιν, οὕτω διὰ τάχους οἷς ἔτυχε σώμασιν ἐναπογεννήσαντες καὶ καρπὸν ἀράμενοι χαίρειν ἐῶσιν ἤδη τὸν γάμον, μένοντος οὐ φροντίζουσιν οὐδ´ ἀξιοῦσιν ἐρᾶν οὐδ´ ἐρᾶσθαι. στέργεσθαι δὲ καὶ στέργειν ἑνί μοι δοκεῖ γράμματι τοῦ στέγειν παραλλάττον εὐθὺς ἐμφαίνειν τὴν ὑπὸ χρόνου καὶ συνηθείας ἀνάγκῃ μεμιγμένην εὔνοιαν. Ὧι δ´ ἂν Ἔρως ἐπισκήψῃ - - - καὶ ἐπιπνεύσῃ, πρῶτον μὲν ἐκ τῆς Πλατωνικῆς πόλεωςτὸ ἐμὸνἕξει καὶτὸ οὐκ ἐμόν’· οὐ γὰρ ἁπλῶςκοινὰ τὰ φίλωνοὐδὲ πάντων ἀλλ´ οἳ τοῖς σώμασιν ὁριζόμενοι τὰς ψυχὰς βίᾳ συνάγουσι καὶ συντήκουσι, μήτε βουλόμενοι δύ´ εἶναι μήτε νομίζοντες. Ἔπειτα σωφροσύνη πρὸς ἀλλήλους, ἧς μάλιστα δεῖται γάμος, μὲν ἔξωθεν καὶ νόμων - - - πλέον ἔχουσα τοῦ ἑκουσίου τὸ βεβιασμένον ὑπ´ αἰσχύνης καὶ φόβων, ‘πολλῶν χαλινῶν ἔργον οἰάκων θ´ ἅμα’, διὰ χειρός ἐστιν ἀεὶ τοῖς συνοῦσιν· Ἔρωτι δ´ ἐγκρατείας τοσοῦτον καὶ κόσμου καὶ πίστεως μέτεστιν, ὥστε, κἂν ἀκολάστου ποτὲ θίγῃ ψυχῆς, ἀπέστρεψε τῶν ἄλλων ἐραστῶν, ἐκκόψας δὲ τὸ θράσος καὶ κατακλάσας τὸ σοβαρὸν καὶ ἀνάγωγον, ἐμβαλὼν δ´ αἰδῶ καὶ σιωπὴν καὶ ἡσυχίαν καὶ σχῆμα περιθεὶς κόσμιον, ἑνὸς ἐπήκοον ἐποίησεν. ἴστε δήπουθεν ἀκοῇ Λαΐδα τὴν ἀοίδιμον ἐκείνην καὶ πολυήρατον, ὡς ἐπέφλεγε πόθῳ τὴν Ἑλλάδα, μᾶλλον δὲ ταῖς δυσὶν ἦν περιμάχητος θαλάσσαις· ἐπεὶ δ´ Ἔρως ἔθιγεν αὐτῆς Ἱππολόχου τοῦ Θεσσαλοῦ, τὸνὕδατι χλωρῷ κατακλυζόμενον προλιποῦς´ Ἀκροκόρινθονκαὶ ἀποδρᾶσα τῶν ἄλλων ἐραστῶν κρύφα - - - μέγαν στρατὸν ᾤχετο κοσμίως· ἐκεῖ δ´ αὐτὴν αἱ γυναῖκες ὑπὸ φθόνου καὶ ζήλου διὰ τὸ κάλλος εἰς ἱερὸν Ἀφροδίτης προαγαγοῦσαι κατέλευσαν καὶ διέφθειραν· ὅθεν ὡς ἔοικεν ἔτι νῦν τὸ ἱερὸνἈφροδίτης ἀνδροφόνουκαλοῦσιν. ἴσμεν δὲ καὶ θεραπαινίδια δεσποτῶν φεύγοντα συνουσίας καὶ βασιλίδων ὑπερορῶντας ἰδιώτας, ὅταν Ἔρωτα δεσπότην ἐν ψυχῇ κτήσωνται· καθάπερ γὰρ ἐν Ῥώμῃ φασὶ τοῦ καλουμένου δικτάτωρος ἀναγορευθέντος ἀποτίθεσθαι τὰς ἄλλας ἀρχὰς τοὺς ἔχοντας, οὕτως, οἷς ἂν Ἔρως κύριος ἐγγένηται, τῶν ἄλλων δεσποτῶν καὶ ἀρχόντων ἐλεύθεροι καὶ ἄφετοι &#[21] - - - Les causes qui donnent naissance à l'amour ne sont pas particulières à un sexe plutôt qu'à l'autre : elles sont communes à tous deux. Ces images qui pénètrent, on ne sait comment, au coeur des amoureux et s'y promènent, qui agitent la masse du sang et la stimulent à s'échapper en éjaculations par suite de la disposition générale des organes, ces images, disons-nous, ne sauraient émaner des garçons sans émaner aussi des jeunes filles. Les sentiments, par nous appelés souvenirs sacrés et nobles, qui nous reportent à la beauté divine et vraie dont l'Olympe est le séjour, ces sentiments qui donnent en quelque sorte des ailes à l'âme, quelle raison empêcherait qu'ils s'éveillassent à la vue de jeunes garçons et d'adolescents, en même temps qu'ils seraient provoqués par des vierges et par des femmes? La pureté, la noblesse de l'âme ne brillent-elles pas aussi clairement dans la grâce et dans la jeunesse des premiers? C'est la chaussure bien faite dont parle Ariston, et qui montre l'élégance du pied. Dans tout bel extérieur, dans tout corps bien pur, on reconnaît des traces brillantes, nobles et intactes, d'une âme pareille, pour peu qu'on soit habile à les apprécier. A un homme qui n'a en vue que le plaisir, demandez : "Filles, ou bien garçons, qu'aimez-vous davantage?" il vous répondra : "Où je vois la beauté j'adresse mon hommage"; et sa réponse paraîtra conforme aux désirs qui l'animent. Est-ce donc à dire, pour cela, que celui qui a de l'élévation et de la noblesse se déterminera dans ses amours, non d'après la beauté et l'excellence du naturel, mais d'après la différence des sexes? Un amateur de chevaux n'estime pas plus les bonnes qualités du cheval Podargus que celles d'AEtha, la jument d'Agamemnon. Un chasseur passionné ne donne pas aux chiens mâles une préférence exclusive : il nourrit également des chiennes de Crète et des chiennes de Laconie. Pourquoi donc celui qui aime ce qui est beau, ce qui est humain, n'aurait-il pas une sympathie égale et semblable pour les deux sexes? Pourquoi croirait-il qu'il doive y avoir, comme pour les vêtements, différence entre l'amour que ressentent les hommes et l'amour que ressentent les femmes? «On a dit que la beauté est une fleur de vertu. Or, prétendre que cette fleur ne s'épanouit pas chez la femme, que la femme ne donne pas occasion de reconnaître en elle un penchant naturel vers la vertu, ce serait avancer une absurdité. Rien n'est plus juste que ces deux vers du poète Eschyle : "Aux regards pleins de feu que lance la beauté Je sais dire aussitôt : d'un homme elle a goûté." Quoi! un caractère impérieux, libertin, corrompu, laissera ses traces révélatrices errer sur des visages féminins, et la pudeur, la modération ne s'y marqueront par aucun éclat extérieur! Ou bien encore, ces derniers indices existeront, ils frapperont les yeux, mais ils ne produiront aucune sensation et n'exciteront pas l'amour! Ni l'une ni l'autre de ces suppositions n'est raisonnable. Il y a, sous ce point de vue, communauté complète entre les deux sexes, et il semble qu'ils veuillent contribuer pour une part égale - - -. «Maintenant, Daphnée, nous allons combattre les raisonnements produits tout à l'heure par Zeuxippe. Il confond l'amour avec un désir déréglé qui entraîne les âmes vers l'incontinence. Ce n'est pas que Zeuxippe soit persuadé lui-même de cette opinion, mais il l'a souvent entendu professer par des hommes chagrins et qui ne connaissent rien à l'amour. Les uns, par l'appât d'un mince douaire, attirent de malheureuses femmes, les jettent avec leur argent dans les soins du ménage, dans des comptes sordides, et les tiennent sous leur main, se querellant avec elles tout le long du jour. Les autres, plus désireux d'enfants que de femme, imitent les cigales qui déposent leur sperme sur un oignon ou sur une plante du même genre. Ils fécondent en toute hâte le premier corps qu'ils ont rencontré. Ils en prennent le fruit, puis ils disent adieu pour toujours au mariage. Ou bien, s'ils y persistent, ils ne s'inquietent pas de leurs femmes, aussi peu curieux de les aimer que d'être aimés d'elles. Pour moi, la similitude du verbe g-stergein, g-stergesthai (aimer, être aimé), avec le verbe g-stegein (contenir), dont il ne diffère que par la suppression d'une lettre, cette similitude me semble tout d'abord être comme un emblème de la tendresse mutuelle qui, avec le temps et l'habitude, rapproche nécessairement deux époux. Mais, dans les engagements qu'Amour favorisera de son appui et de son inspiration, il en sera comme dans la République de Platon : il n'y aura ni mien ni tien. Ce n'est pas précisément entre amis que tout est commun, mais entre ceux qui, faisant disparaître violemment la séparation opposée par les corps, rapprochent leurs âmes et les fondent ensemble : ils ne pensent plus être deux. Ajoutons un point. Le respect mutuel, si nécessaire dans le mariage, et dont l'observance est moins commandée par un sentiment volontaire que par les circonstances extérieures, que par la loi, que par le décorum, que par la crainte, entraves nombreuses qui "Retiennent le navire ensemble et le dirigent", le respect mutuel, dis je, doit être la constante préoccupation des époux. L'amour, au contraire, est tellement maître de lui, il est tellement pudique, tellement fidèle, que, mis en contact avec une âme déréglée, il la détourne des autres amoureux. Il supprime en elle toute hardiesse; il abat cette humeur altière et indocile, pour la remplacer par la pudeur, le silence, le calme; il lui donne un extérieur modeste, et l'habitue à n'écouter qu'une seule voix. «Vous avez peut-être entendu conter l'histoire de Laïs, cette courtisane si célèbre par ses nombreux amants, qui embrasa pour elle la Grèce entière, ou plutôt dont on se disputa les faveurs sur les deux mers. Dès qu'elle eut été atteinte de l'amour d'Hippolochus le Thessalien, on la vit, "Quittant l'Acrocorinthe et les flots qui l'entourent", fuir secrètement la pléiade nombreuse de ses autres amoureux pour s'en aller vivre honnêtement avec lui. Mais les femmes de la contrée, par haine et par jalousie de ses charmes, l'entrainèrent dans le temple de Vénus, et à coups de pierre la mirent à mort. C'est même de là, selon toute vraisemblance, que le temple est encore aujourd'hui nommé temple de "Vénus Homicide". Nous savons également d'humbles servantes qui refusent de vivre avec leurs maîtres, et des jeunes gens de condition privée qui dédaignent des reines quand l'Amour règne en vainqueur dans leurs âmes. Car de même qu'à Rome la nomination du magistrat souverain créé dictateur frappait, dit-on, de déchéance l'autorité de tous les autres magistrats, de même les coeurs dont Amour prend possession vivent désormais libres et affranchis des autres maîtres et des autres souverains : ce sont comme des esclaves voués au culte d'un seul Dieu. Oui : la femme honnête, qu'Amour aura mise aux bras d'un époux légitime, supporterait plutôt les étreintes des ours et des dragons que de se laisser toucher par un autre homme et que de coucher avec lui.


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Dernière mise à jour : 8/06/2005