[13] XIII - Οὐκοῦν ἱκανόν σοι τεκμήριον, ἔφη, τοῦτο ἀνδρός, ὃν ἂν ἴδῃς
ἀγανακτοῦντα μέλλοντα ἀποθανεῖσθαι, ὅτι οὐκ ἄρ᾽ (68c) ἦν φιλόσοφος
ἀλλά τις φιλοσώματος; Ὁ αὐτὸς δέ που οὗτος τυγχάνει ὢν καὶ
φιλοχρήματος καὶ φιλότιμος, ἤτοι τὰ ἕτερα τούτων ἢ ἀμφότερα.
- Πάνυ, ἔφη, ἔχει οὕτως ὡς λέγεις.
- Ἆρ᾽ οὖν, ἔφη, ὦ Σιμμία, οὐ καὶ ἡ ὀνομαζομένη ἀνδρεία τοῖς οὕτω
διακειμένοις μάλιστα προσήκει;
- Πάντως δήπου, ἔφη.
- Οὐκοῦν καὶ ἡ σωφροσύνη, ἣν καὶ οἱ πολλοὶ ὀνομάζουσι σωφροσύνην, τὸ
περὶ τὰς ἐπιθυμίας μὴ ἐπτοῆσθαι ἀλλ᾽ ὀλιγώρως ἔχειν καὶ κοσμίως, ἆρ᾽ οὐ
τούτοις μόνοις προσήκει, τοῖς μάλιστα τοῦ σώματος ὀλιγωροῦσίν τε καὶ ἐν
φιλοσοφίᾳ ζῶσιν;
- (68d) Ἀνάγκη, ἔφη.
- Εἰ γὰρ ἐθέλεις, ἦ δ᾽ ὅς, ἐννοῆσαι τήν γε τῶν ἄλλων ἀνδρείαν τε καὶ
σωφροσύνην, δόξει σοι εἶναι ἄτοπος.
- Πῶς δή, ὦ Σώκρατες;
- Οἶσθα, ἦ δ᾽ ὅς, ὅτι τὸν θάνατον ἡγοῦνται πάντες οἱ ἄλλοι τῶν μεγάλων κακῶν;
- Καὶ μάλ᾽, ἔφη.
- Οὐκοῦν φόβῳ μειζόνων κακῶν ὑπομένουσιν αὐτῶν οἱ ἀνδρεῖοι τὸν
θάνατον, ὅταν ὑπομένωσιν;
- Ἔστι ταῦτα.
- Τῷ δεδιέναι ἄρα καὶ δέει ἀνδρεῖοί εἰσι πάντες πλὴν οἱ φιλόσοφοι· καίτοι
ἄλογόν γε δέει τινὰ καὶ δειλίᾳ ἀνδρεῖον εἶναι.
- (68e) Πάνυ μὲν οὖν.
- Τί δὲ οἱ κόσμιοι αὐτῶν; Οὐ ταὐτὸν τοῦτο πεπόνθασιν· ἀκολασίᾳ τινὶ
σώφρονές εἰσιν; Καίτοι φαμέν γε ἀδύνατον εἶναι, ἀλλ᾽ ὅμως αὐτοῖς
συμβαίνει τούτῳ ὅμοιον τὸ πάθος τὸ περὶ ταύτην τὴν εὐήθη σωφροσύνην·
φοβούμενοι γὰρ ἑτέρων ἡδονῶν στερηθῆναι καὶ ἐπιθυμοῦντες ἐκείνων,
ἄλλων ἀπέχονται ὑπ᾽ ἄλλων κρατούμενοι. καίτοι καλοῦσί γε ἀκολασίαν
(69a) τὸ ὑπὸ τῶν ἡδονῶν ἄρχεσθαι, ἀλλ᾽ ὅμως συμβαίνει αὐτοῖς
κρατουμένοις ὑφ᾽ ἡδονῶν κρατεῖν ἄλλων ἡδονῶν. Τοῦτο δ᾽ ὅμοιόν ἐστιν ᾧ
νυνδὴ ἐλέγετο, τῷ τρόπον τινὰ δι᾽ ἀκολασίαν αὐτοὺς σεσωφρονίσθαι.
- Ἔοικε γάρ.
- Ὦ μακάριε Σιμμία, μὴ γὰρ οὐχ αὕτη ᾖ ἡ ὀρθὴ πρὸς ἀρετὴν ἀλλαγή, ἡδονὰς
πρὸς ἡδονὰς καὶ λύπας πρὸς λύπας καὶ φόβον πρὸς φόβον καταλλάττεσθαι,
(καὶ) μείζω πρὸς ἐλάττω ὥσπερ νομίσματα, ἀλλ᾽ ᾖ ἐκεῖνο μόνον τὸ νόμισμα
ὀρθόν, ἀντὶ οὗ δεῖ πάντα ταῦτα καταλλάττεσθαι, φρόνησις, (69b) (καὶ τούτου
μὲν πάντα) καὶ μετὰ τούτου (ὠνούμενά τε καὶ πιπρασκόμενa) τῷ ὄντι ᾖ καὶ
ἀνδρεία καὶ σωφροσύνη καὶ δικαιοσύνη καὶ συλλήβδην ἀληθὴς ἀρετή, μετὰ
φρονήσεως, καὶ προσγιγνομένων καὶ ἀπογιγνομένων καὶ ἡδονῶν καὶ
φόβων καὶ τῶν ἄλλων πάντων τῶν τοιούτων· χωριζόμενα δὲ φρονήσεως
(καὶ) ἀλλαττόμενα ἀντὶ ἀλλήλων μὴ σκιαγραφία τις ᾖ ἡ τοιαύτη ἀρετὴ καὶ
τῷ ὄντι ἀνδραποδώδης τε καὶ οὐδὲν ὑγιὲς οὐδ᾽ ἀληθὲς ἔχῃ, τὸ δ᾽ ἀληθὲς τῷ
ὄντι ᾖ (69c) κάθαρσίς τις τῶν τοιούτων πάντων καὶ ἡ σωφροσύνη καὶ ἡ
δικαιοσύνη καὶ ἀνδρεία, καὶ αὐτὴ ἡ φρόνησις μὴ καθαρμός τις ᾖ. Καὶ
κινδυνεύουσι καὶ οἱ τὰς τελετὰς ἡμῖν οὗτοι καταστήσαντες οὐ φαῦλοί τινες
εἶναι, ἀλλὰ τῷ ὄντι πάλαι αἰνίττεσθαι ὅτι ὃς ἂν ἀμύητος καὶ ἀτέλεστος εἰς
Ἅιδου ἀφίκηται ἐν βορβόρῳ κείσεται, ὁ δὲ κεκαθαρμένος τε καὶ
τετελεσμένος ἐκεῖσε ἀφικόμενος μετὰ θεῶν οἰκήσει. Εἰσὶν γὰρ δή, (ὥς) φασιν
οἱ περὶ τὰς τελετάς, « ναρθηκοφόροι (69d) μὲν πολλοί, βάκχοι δέ τε παῦροι »·
οὗτοι δ᾽ εἰσὶν κατὰ τὴν ἐμὴν δόξαν οὐκ ἄλλοι ἢ οἱ πεφιλοσοφηκότες ὀρθῶς.
Ὧν δὴ καὶ ἐγὼ κατά γε τὸ δυνατὸν οὐδὲν ἀπέλιπον ἐν τῷ βίῳ ἀλλὰ παντὶ
τρόπῳ προυθυμήθην γενέσθαι· εἰ δ᾽ ὀρθῶς προυθυμήθην καί τι ἠνύσαμεν,
ἐκεῖσε ἐλθόντες τὸ σαφὲς εἰσόμεθα, ἂν θεὸς ἐθέλῃ, ὀλίγον ὕστερον, ὡς ἐμοὶ
δοκεῖ. Ταῦτ᾽ οὖν ἐγώ, ἔφη, ὦ Σιμμία τε καὶ Κέβης, ἀπολογοῦμαι, ὡς εἰκότως
ὑμᾶς τε ἀπολείπων καὶ τοὺς ἐνθάδε δεσπότας οὐ (69e) χαλεπῶς φέρω οὐδ᾽
ἀγανακτῶ, ἡγούμενος κἀκεῖ οὐδὲν ἧττον ἢ ἐνθάδε δεσπόταις τε ἀγαθοῖς
ἐντεύξεσθαι καὶ ἑταίροις· (τοῖς δὲ πολλοῖς ἀπιστίαν παρέχει)· εἴ τι οὖν ὑμῖν
πιθανώτερός εἰμι ἐν τῇ ἀπολογίᾳ ἢ τοῖς Ἀθηναίων δικασταῖς, εὖ ἂν ἔχοι. »
| [13] XIII. — Par conséquent, lorsque tu verras un homme se fâcher parce qu’il va mourir, tu
as là une forte preuve qu’il n’aimait pas la sagesse, mais le corps, et l’on peut croire
qu’il aimait aussi l’argent et les honneurs, l’un des deux, ou tous les deux ensemble.
— Certainement, dit-il, cela est comme tu le dis.
— Et ce qu’on appelle courage, Simmias, n’est-il pas aussi une marque caractéristique
des vrais philosophes ?
— Sans aucun doute, répondit-il.
— Et la tempérance, ce qu’on appelle communément tempérance et qui consiste à ne pas
se laisser troubler par les passions, mais à les dédaigner et à les régler, n’est-ce pas le fait
de ceux-là seuls qui s’intéressent très peu au corps et vivent dans la philosophie ?
— Nécessairement, dit-il.
— Si, en effet, poursuivit Socrate, tu veux bien considérer le courage et la tempérance
des autres hommes, tu les trouveras bien étranges.
— Comment cela, Socrate ?
— Tu sais, dit-il, que tous les autres hommes comptent la mort au nombre des grands maux ?
— Assurément, répondit Simmias.
— Or n’est-ce pas dans la crainte de maux plus grands que ceux d’entre eux qui ont du
courage supportent la mort, quand ils ont à la supporter ?
— C’est exact.
— C’est donc par peur et par crainte qu’ils sont tous courageux, hormis les philosophes.
Et pourtant il est absurde d’être brave par peur et par lâcheté.
— Assurément.
— N’en est-il pas de même pour ceux d’entre eux qui sont réglés ? C’est par une sorte de
dérèglement qu’ils sont tempérants. Nous avons beau dire que c’est impossible, leur
niaise tempérance n’en revient pas moins à cela. C’est parce qu’ils ont peur d’être
privés d’autres plaisirs dont ils ont envie qu’ils s’abstiennent de certains plaisirs pour
d’autres qui les maîtrisent. Ils appellent bien intempérance le fait d’être gouverné par
les plaisirs, cela n’empêche pas que c’est parce qu’ils sont vaincus par certains plaisirs
qu’ils en dominent d’autres. Et cela revient à ce que je disais tout à l’heure, que c’est en
quelque manière par dérèglement qu’ils sont devenus tempérants.
— Il le semble en effet.
— Bienheureux Simmias, peut-être n’est-ce pas le vrai moyen d’acquérir la vertu, que
d’échanger voluptés contre voluptés, peines contre peines, craintes contre craintes, les
plus grandes contre les plus petites, comme si c’étaient des pièces de monnaie ; on peut
croire, au contraire, que la seule bonne monnaie contre laquelle il faut échanger tout
cela, c’est la sagesse, que c’est à ce prix et par ce moyen que se font les achats et les
ventes réels, et que le courage, la tempérance, la justice, et, en général, la vraie vertu
s’acquièrent avec la sagesse, peu importe qu’on y ajoute ou qu’on en écarte les plaisirs,
les craintes et toutes les autres choses de ce genre. Si on les sépare de la sagesse et si on
les échange les unes contre les autres, une telle vertu n’est plus qu’un trompe-l’œil, qui
ne convient en réalité qu’à des esclaves et qui n’a rien de sain ni de vrai. La vérité est en
fait une purification de toutes ces passions, et la tempérance, la justice, le courage et la
sagesse elle-même sont une espèce de purification. Je m’imagine que ceux qui ont établi
les mystères à notre intention n’étaient pas des hommes ordinaires, mais qu’en réalité ils
ont voulu jadis nous faire entendre que tout homme, qui arrive dans l’Hadès sans être
purifié et initié, restera couché dans la fange, mais que celui qui a été purifié et initié, dès
son arrivée là-bas, habitera avec les dieux. Il y a en effet, comme disent ceux qui sont
versés dans les initiations, « beaucoup de porteurs de férules, mais peu d’inspirés ». Et
ceux-ci, à mon avis, ne sont autres que ceux qui ont été de vrais philosophes. Pour être,
moi aussi, de ce nombre je n’ai, autant qu’il dépendait de moi, rien négligé de mon
vivant, et aucun effort ne m’a coûté pour y parvenir. M’y suis-je appliqué comme il le
fallait, ai-je quelque peu réussi ? Je vais savoir la vérité en arrivant là-bas, s’il plaît à
Dieu, dans quelques heures. Telle est mon opinion.
Voilà, Simmias et Cébès, continua-t-il, ce que j’avais à dire pour me justifier. Vous
voyez pour quelles raisons je ne m’afflige ni ne m’indigne de vous quitter, vous et mes
maîtres d’ici, parce que je suis convaincu que là-bas, tout comme ici, je trouverai de
bons maîtres et de bons camarades. C’est ce que le vulgaire ne croit pas. Maintenant si
mon plaidoyer vous convainc mieux que je n’ai convaincu mes juges athéniens, je n’ai
rien de plus à souhaiter. »
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