[7,1151] (1151a)
(1) Αὐτῶν δὲ τούτων βελτίους οἱ ἐκστατικοὶ ἢ οἱ τὸν λόγον ἔχοντες μέν, μὴ
ἐμμένοντες δέ· ὑπ' ἐλάττονος γὰρ πάθους ἡττῶνται, καὶ οὐκ ἀπροβούλευτοι
ὥσπερ ἅτεροι· ὅμοιος γὰρ ὁ ἀκρατής ἐστι τοῖς ταχὺ μεθυσκομένοις καὶ ὑπ'
ὀλίγου (5) οἴνου καὶ ἐλάττονος ἢ ὡς οἱ πολλοί. Ὅτι μὲν οὖν κακία ἡ ἀκρασία
οὐκ ἔστι, φανερόν (ἀλλὰ πῇ ἴσως)· τὸ μὲν γὰρ παρὰ προαίρεσιν τὸ δὲ κατὰ
τὴν προαίρεσίν ἐστιν· οὐ μὴν ἀλλ' ὅμοιόν γε κατὰ τὰς πράξεις, ὥσπερ τὸ
Δημοδόκου εἰς Μιλησίους Μιλήσιοι ἀξύνετοι μὲν οὐκ εἰσίν, δρῶσιν δ' οἷάπερ ἀξύνετοι,
(10) καὶ οἱ ἀκρατεῖς ἄδικοι μὲν οὐκ εἰσίν, ἀδικήσουσι δέ. Ἐπεὶ δ' ὃ μὲν
τοιοῦτος οἷος μὴ διὰ τὸ πεπεῖσθαι διώκειν τὰς καθ' ὑπερβολὴν καὶ παρὰ τὸν
ὀρθὸν λόγον σωματικὰς ἡδονάς, ὃ δὲ πέπεισται διὰ τὸ τοιοῦτος εἶναι οἷος
διώκειν αὐτάς, ἐκεῖνος μὲν οὖν εὐμετάπειστος, οὗτος δὲ οὔ· (15) ἡ γὰρ
ἀρετὴ καὶ μοχθηρία τὴν ἀρχὴν ἣ μὲν φθείρει ἣ δὲ σῴζει, ἐν δὲ ταῖς πράξεσι
τὸ οὗ ἕνεκα ἀρχή, ὥσπερ ἐν τοῖς μαθηματικοῖς αἱ ὑποθέσεις· οὔτε δὴ ἐκεῖ ὁ
λόγος διδασκαλικὸς τῶν ἀρχῶν οὔτε ἐνταῦθα, ἀλλ' ἀρετὴ ἢ φυσικὴ ἢ ἐθιστὴ
τοῦ ὀρθοδοξεῖν περὶ τὴν ἀρχήν. Σώφρων μὲν οὖν ὁ (20) τοιοῦτος, ἀκόλαστος
δ' ὁ ἐναντίος. Ἔστι δέ τις διὰ πάθος ἐκστατικὸς παρὰ τὸν ὀρθὸν λόγον, ὃν
Ὥστε μὲν μὴ πράττειν κατὰ τὸν ὀρθὸν λόγον κρατεῖ τὸ πάθος, ὥστε δ' εἶναι
τοιοῦτον οἷον πεπεῖσθαι διώκειν ἀνέδην δεῖν τὰς τοιαύτας ἡδονὰς οὐ κρατεῖ·
οὗτός ἐστιν ὁ ἀκρατής, βελτίων τοῦ ἀκολάστου, (25) οὐδὲ φαῦλος ἁπλῶς·
σῴζεται γὰρ τὸ βέλτιστον, ἡ ἀρχή. Ἄλλος δ' ἐναντίος, ὁ ἐμμενετικὸς καὶ οὐκ
ἐκστατικὸς διά γε τὸ πάθος. Φανερὸν δὴ ἐκ τούτων ὅτι ἣ μὲν σπουδαία ἕξις,
ἣ δὲ φαύλη.
IX. Πότερον οὖν ἐγκρατής ἐστιν ὁ ὁποιῳοῦν λόγῳ καὶ ὁποιᾳοῦν (30)
προαιρέσει ἐμμένων ἢ ὁ τῇ ὀρθῇ, καὶ ἀκρατὴς δὲ ὁ ὁποιᾳοῦν μὴ ἐμμένων
προαιρέσει καὶ ὁποιῳοῦν λόγῳ ἢ ὁ τῷ μὴ ψευδεῖ λόγῳ καὶ τῇ προαιρέσει τῇ
ὀρθῇ, ὥσπερ ἠπορήθη πρότερον; Ἢ κατὰ μὲν συμβεβηκὸς ὁποιᾳοῦν, καθ' αὑτὸ δὲ
τῷ ἀληθεῖ λόγῳ καὶ τῇ ὀρθῇ προαιρέσει (35) ὃ μὲν ἐμμένει ὃ δ' οὐκ ἐμμένει;
Εἰ γάρ τις τοδὶ διὰ τοδὶ αἱρεῖται ἢ διώκει, (1151b) (1) καθ' αὑτὸ μὲν
τοῦτο διώκει καὶ αἱρεῖται, κατὰ συμβεβηκὸς δὲ τὸ πρότερον. Ἁπλῶς δὲ
λέγομεν τὸ καθ' αὑτό. Ὥστε ἔστι μὲν ὡς ὁποιᾳοῦν δόξῃ ὃ μὲν ἐμμένει ὃ δ'
ἐξίσταται, ἁπλῶς δὲ (ὁ) τῇ ἀληθεῖ. Εἰσὶ δέ τινες οἳ (5) ἐμμενετικοὶ τῇ
δόξῃ εἰσίν, οὓς καλοῦσιν ἰσχυρογνώμονας, οἱ δύσπειστοι καὶ οὐκ
εὐμετάπειστοι· οἳ ὅμοιον μέν τι ἔχουσι τῷ ἐγκρατεῖ, ὥσπερ ὁ ἄσωτος τῷ
ἐλευθερίῳ καὶ ὁ θρασὺς τῷ θαρραλέῳ, εἰσὶ δ' ἕτεροι κατὰ πολλά. Ὃ μὲν γὰρ
διὰ πάθος καὶ ἐπιθυμίαν οὐ μεταβάλλει (ὁ ἐγκρατής), ἐπεὶ (10) εὔπειστος,
ὅταν τύχῃ, ἔσται ὁ ἐγκρατής· οἳ δὲ οὐχ ὑπὸ λόγου, ἐπεὶ ἐπιθυμίας γε
λαμβάνουσι, καὶ ἄγονται πολλοὶ ὑπὸ τῶν ἡδονῶν. Εἰσὶ δὲ ἰσχυρογνώμονες οἱ
ἰδιογνώμονες καὶ οἱ ἀμαθεῖς καὶ οἱ ἄγροικοι, οἱ μὲν ἰδιογνώμονες δι'
ἡδονὴν καὶ λύπην· χαίρουσι γὰρ νικῶντες ἐὰν μὴ μεταπείθωνται, (15) καὶ
λυποῦνται ἐὰν ἄκυρα τὰ αὐτῶν ᾖ ὥσπερ ψηφίσματα· ὥστε μᾶλλον τῷ ἀκρατεῖ
ἐοίκασιν ἢ τῷ ἐγκρατεῖ. Εἰσὶ δέ τινες οἳ τοῖς δόξασιν οὐκ ἐμμένουσιν οὐ
δι' ἀκρασίαν, οἷον ἐν τῷ Φιλοκτήτῃ τῷ Σοφοκλέους ὁ Νεοπτόλεμος· καίτοι δι'
ἡδονὴν οὐκ ἐνέμεινεν, ἀλλὰ καλήν· (20) τὸ γὰρ ἀληθεύειν αὐτῷ καλὸν ἦν,
ἐπείσθη δ' ὑπὸ τοῦ Ὀδυσσέως ψεύδεσθαι. Οὐ γὰρ πᾶς ὁ δι' ἡδονήν τι πράττων
οὔτ' ἀκόλαστος οὔτε φαῦλος οὔτ' ἀκρατής, ἀλλ' ὁ δι' αἰσχράν.
Ἐπεὶ δ' ἔστι τις καὶ τοιοῦτος οἷος ἧττον ἢ δεῖ τοῖς σωματικοῖς χαίρειν,
καὶ οὐκ ἐμμένων τῷ λόγῳ, ὁ (τοιοῦτος) (25) τούτου καὶ τοῦ ἀκρατοῦς μέσος ὁ
ἐγκρατής· ὁ μὲν γὰρ ἀκρατὴς οὐκ ἐμμένει τῷ λόγῳ διὰ τὸ μᾶλλόν τι, οὗτος δὲ
διὰ τὸ ἧττόν τι· ὁ δ' ἐγκρατὴς ἐμμένει καὶ οὐδὲ δι' ἕτερον μεταβάλλει. Δεῖ
δέ, εἴπερ ἡ ἐγκράτεια σπουδαῖον, ἀμφοτέρας τὰς ἐναντίας ἕξεις φαύλας
εἶναι, ὥσπερ καὶ φαίνονται· (30) ἀλλὰ διὰ τὸ τὴν ἑτέραν ἐν ὀλίγοις καὶ
ὀλιγάκις εἶναι φανεράν, ὥσπερ ἡ σωφροσύνη τῇ ἀκολασίᾳ δοκεῖ ἐναντίον εἶναι
μόνον, οὕτω καὶ ἡ ἐγκράτεια τῇ ἀκρασίᾳ. Ἐπεὶ δὲ καθ' ὁμοιότητα πολλὰ
λέγεται, καὶ ἡ ἐγκράτεια ἡ τοῦ σώφρονος καθ' ὁμοιότητα ἠκολούθηκεν· ὅ τε
γὰρ ἐγκρατὴς (35) οἷος μηδὲν παρὰ τὸν λόγον διὰ τὰς σωματικὰς ἡδονὰς
ποιεῖν καὶ ὁ σώφρων,
| [7,1151] (1151a) et il vaut mieux, dans ce cas, être susceptible d'une sorte
d'emportement momentané, qui vous fait sortir des règles du devoir, que
d'être capable de consulter la raison, sans pouvoir persister à suivre
ses conseils. On cède alors à des passions moins fortes, et l'on n'a pas
le tort d'avoir cédé, pour ainsi dire, de dessein prémédité, comme fait
l'homme décidément vicieux. Car l'intempérant est semblable à ces gens qui
s'enivrent en ne buvant qu'une petite quantité de vin, et même moins
considérable que celle qui produit ordinairement l'ivresse. Il est donc
évident que l'intempérance n'est pas la même chose que le vice, si ce
n'est peut-être à quelques égards : car l'une a lieu contre l'intention de
celui qui s'y livre, l'autre est une affaire de préférence. Cependant les
actions qui résultent de ces deux causes sont assez semblables, comme
disait Demodocus (32) au sujet des habitants de Milet « Les Milésiens ne
sont pas dépourvus de sens; mais ils agissent comme des gens qui en
seraient dépourvus. » Les intempérants aussi ne sont pas proprement des
hommes vicieux ou dépravés, mais ils font des actions blâmables.
En effet, l'un étant disposé à rechercher les plaisirs des sens avec excès
et contre toute raison, mais sans être convaincu qu'il faille agir ainsi;
tandis que l'autre semble, au contraire, agir de la même manière par une
conviction intime, le premier doit pouvoir facilement être amené à changer
de conduite, et non pas le second. Car le propre de la vertu, c'est de
conserver le principe qui la fait agir; le vice, au contraire, dégrade ou
détruit ce principe. Or, le principe des actions, c'est le motif en vue
duquel on agit; comme dans les mathématiques, ce sont les suppositions
qu'on a d'abord admises. Mais, ni dans ce cas, ni dans l'autre, ce
n'est le raisonnement qui nous fait connaître les principes; en fait de
conduite, c'est la vertu, soit naturelle, soit acquise par de bonnes
habitudes, qui nous donne des opinions saines sur le principe de nos
actions; et celui qui en est à ce point est sobre et tempérant : le
débauché est celui qui a les dispositions contraires. Mais il y a tel
individu que la passion égare momentanément, et fait sortir de la route
que prescrit la raison, sans pouvoir toutefois lui persuader qu'il est
permis de s'abandonner sans réserve à la poursuite des plaisirs des sens;
celui-là est intempérant, mais moins dépravé que le débauché. Il n'est pas
absolument vicieux : car ce qu'il y a de plus précieux, je veux dire le
principe, subsiste encore en lui; au lieu que, dans l'autre, ce n'est pas
un simple égarement que la passion produit, mais c'est un système suivi de
dépravation. On voit donc clairement par là qu'il y a d'un côté
disposition vertueuse, et de l'autre habitude vicieuse.
IX. Cependant, faut-il appeler tempérant (ou plutôt maître de soi) celui
qui persiste dans toute opinion ou résolution quelle qu'elle soit, ou
seulement celui qui tient aux opinions et aux résolutions conformes à la
raison? Faut-il appeler intempérant (ou faible) celui qui ne persiste
point dans une opinion ou résolution quelconque, ou seulement celui qui ne
persiste point dans celles qui sont fondées sur la vérité et sur la
raison? questions qui se sont déjà offertes à notre examen.
Ou bien, dirons-nous que celui-là est un homme ferme qui persiste dans une
opinion ou détermination quelconque, seulement par accident, mais qui
adopte invariablement et pour elle-même celle qui est conforme à la
raison; et que le caractère faible est celui qui persiste aussi par
accident dans une détermination quelconque, mais qui ne sait pas demeurer
fidèle à la raison et à la vérité? En effet, si quelqu'un préfère une
chose en vue de quelque autre, c'est celle-ci qu'il recherche ou préfère
en elle-même, (1151b) et ce n'est que par accident, ou par circonstance,
qu'il recherche la première. Car, par ces mots en elle-même, je veux dire :
simplement et absolument ; en sorte qu'il est possible que l'un persiste
dans une opinion quelconque, et que l'autre s'en désiste, mais que ce
soit, absolument et en définitif, l'opinion véritable que l'un adopte, et
dont l'autre s'écarte.
Mais il y a des gens qui tiennent à une opinion, et qu'on appelle entêtés,
c'est-à-dire, difficiles à persuader ou à ébranler dans leur conviction,
et qui ressemblent, à certains égards, à celui que nous appelons tempérant
ou ferme (comme le prodigue ressemble au libéral, et le téméraire à
l'homme courageux), mais qui en diffèrent sous beaucoup d'autres rapports.
Car ce n'est pas le désir ou la passion qui fait changer le tempérant,
puisqu'au contraire, il changera volontiers d'opinion, quand il y aura
lieu à le faire ; au lieu que ceux-ci ne veulent nullement céder à la
raison, parce qu'ils sont préoccupés de quelque désir, et que la plupart
des hommes se laissent entraîner par les voluptés. Or, cet entêtement se
rencontre chez les gens prévenus de quelque opinion qu'ils ont adoptée,
et chez ceux qui sont ignorants et grossiers; et les sentiments de
plaisir ou de peine sont assez ordinairement la cause de l'opiniâtreté.
Car on a du plaisir à vaincre et à ne pas se laisser persuader autre chose
que ce qu'on croit; on a de la peine, lorsque les résolutions qu'on a
prises sont sans effet, comme des décrets qui n'ont pas été exécutés.
Voilà pourquoi ce qui fait que chez les gens dont nous parlons, c'est
plutôt intempérance ou faiblesse, que tempérance ou fermeté.
Il s'en trouve aussi qui ne persistent pas dans leurs résolutions par une
toute autre cause que l'intempérance, comme Néoptolème dans le Philoctète
de Sophocle. C'est bien le plaisir qui l'empêche de faire ce qu'il
avait résolu, mais un plaisir généreux : car il trouvait honorable de dire
la vérité; mais Ulysse lui persuada de faire un mensonge. C'est qu'on
n'appelle ni méprisable, ni intempérant, ni débauché, tout homme qui agit
par un motif de satisfaction ou de plaisir, mais seulement celui qui
recherche des plaisirs honteux. D'un autre côté, comme il y a tel individu
qui est moins sensible qu'il ne faut aux plaisirs du corps, et qui ne
consulte pas en ceci la raison, on peut considérer le caractère du
tempérant comme tenant le milieu entre celui-ci et celui de l'intempérant.
Car ce dernier s'écarte de la raison par une tendance qui va dans l'excès
en plus, et l'autre par une tendance contraire, tandis que ni l'une ni
l'autre de ces deux dispositions ne peut influer sur le tempérant. Or, si
la tempérance est une vertu, il faut que ces deux habitudes opposées
soient vicieuses, comme elles le paraissent en effet. Mais, l'une d'elles
ne se montrant que rarement et chez un petit nombre de personnes,
comme il n'y a que la sobriété que l'on oppose à la débauche, il n'y a
aussi que l'intempérance que l'on oppose à la tempérance. Enfin, comme,
dans bien des cas, on se sert des mots par analogie, le mot tempérance ou
fermeté s'est dit de la sobriété, à cause de la ressemblance de ces deux
manières d'être. Car le tempérant (ou plutôt l'homme qui a de l'empire sur
lui-même) est, comme l'homme sobre, incapable de se laisser entraîner par
les plaisirs des sens, à rien faire contre la raison ;
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