[7,1154] (1154a) (1) Φανερὸν δὲ καὶ ὅτι, εἰ μὴ ἡδονὴ ἀγαθὸν καὶ ἡ
ἐνέργεια, οὐκ ἔσται ζῆν ἡδέως τὸν εὐδαίμονα· τίνος γὰρ ἕνεκα δέοι ἂν
αὐτῆς, εἴπερ μὴ ἀγαθόν, ἀλλὰ καὶ λυπηρῶς ἐνδέχεται ζῆν; Οὔτε κακὸν γὰρ
οὔτ' ἀγαθὸν ἡ (5) λύπη, εἴπερ μηδ' ἡδονή· ὥστε διὰ τί ἂν φεύγοι; Οὐδὲ δὴ
ἡδίων ὁ βίος ὁ τοῦ σπουδαίου, εἰ μὴ καὶ αἱ ἐνέργειαι αὐτοῦ.
XIV. Περὶ δὲ δὴ τῶν σωματικῶν ἡδονῶν ἐπισκεπτέον τοῖς λέγουσιν ὅτι ἔνιαί
γε ἡδοναὶ αἱρεταὶ σφόδρα, οἷον αἱ καλαί, (10) ἀλλ' οὐχ αἱ σωματικαὶ καὶ
περὶ ἃς ὁ ἀκόλαστος. Διὰ τί οὖν αἱ ἐναντίαι λῦπαι μοχθηραί; Κακῷ γὰρ
ἀγαθὸν ἐναντίον. Ἢ οὕτως ἀγαθαὶ αἱ ἀναγκαῖαι, ὅτι καὶ τὸ μὴ κακὸν ἀγαθόν
ἐστιν; Ἢ μέχρι του ἀγαθαί; Τῶν μὲν γὰρ ἕξεων καὶ κινήσεων ὅσων μὴ ἔστι τοῦ
βελτίονος ὑπερβολή, οὐδὲ τῆς ἡδονῆς· ὅσων (15) δ' ἔστι, καὶ τῆς ἡδονῆς.
Ἔστιν δὲ τῶν σωματικῶν ἀγαθῶν ὑπερβολή, καὶ ὁ φαῦλος τῷ διώκειν τὴν
ὑπερβολήν ἐστιν, ἀλλ' οὐ τὰς ἀναγκαίας· πάντες γὰρ χαίρουσί πως καὶ ὄψοις
καὶ οἴνοις καὶ ἀφροδισίοις, ἀλλ' οὐχ ὡς δεῖ. Ἐναντίως δ' ἐπὶ τῆς λύπης· οὐ
γὰρ τὴν ὑπερβολὴν φεύγει, ἀλλ' ὅλως· (20) οὐ γάρ ἐστι τῇ ὑπερβολῇ λύπη
ἐναντία ἀλλ' ἢ τῷ διώκοντι τὴν ὑπερβολήν.
Ἐπεὶ δ' οὐ μόνον δεῖ τἀληθὲς εἰπεῖν ἀλλὰ καὶ τὸ αἴτιον τοῦ ψεύδους· τοῦτο
γὰρ συμβάλλεται πρὸς τὴν πίστιν· ὅταν γὰρ εὔλογον φανῇ τὸ διὰ τί φαίνεται
ἀληθὲς οὐκ ὂν (25) ἀληθές, πιστεύειν ποιεῖ τῷ ἀληθεῖ μᾶλλον· ὥστε λεκτέον
διὰ τί φαίνονται αἱ σωματικαὶ ἡδοναὶ αἱρετώτεραι. Πρῶτον μὲν οὖν δὴ ὅτι
ἐκκρούει τὴν λύπην· καὶ διὰ τὰς ὑπερβολὰς τῆς λύπης, ὡς οὔσης ἰατρείας,
τὴν ἡδονὴν διώκουσι τὴν ὑπερβάλλουσαν καὶ ὅλως τὴν σωματικήν. Σφοδραὶ δὲ
γίνονται (30) αἱ ἰατρεῖαι, διὸ καὶ διώκονται, διὰ τὸ παρὰ τὸ ἐναντίον
φαίνεσθαι. Καὶ οὐ σπουδαῖον δὴ δοκεῖ ἡ ἡδονὴ διὰ δύο ταῦτα, ὥσπερ εἴρηται,
ὅτι αἳ μὲν φαύλης φύσεώς εἰσι πράξεις (ἢ ἐκ γενετῆς, ὥσπερ θηρίου, ἢ δι'
ἔθος, οἷον αἱ τῶν φαύλων ἀνθρώπων), αἳ δ' ἰατρεῖαι (ὅτι) ἐνδεοῦς, καὶ
ἔχειν βέλτιον ἢ γίνεσθαι· (1154b) (1) αἳ δὲ συμβαίνουσι τελεουμένων· κατὰ
συμβεβηκὸς οὖν σπουδαῖαι. Ἔτι διώκονται διὰ τὸ σφοδραὶ εἶναι ὑπὸ τῶν
ἄλλαις μὴ δυναμένων χαίρειν· αὐτοὶ γοῦν αὑτοῖς δίψας τινὰς
παρασκευάζουσιν. Ὅταν μὲν οὖν ἀβλαβεῖς, ἀνεπιτίμητον, (5) ὅταν δὲ
βλαβεράς, φαῦλον. Οὔτε γὰρ ἔχουσιν ἕτερα ἐφ' οἷς χαίρουσιν, τό τε
μηδέτερον πολλοῖς λυπηρὸν διὰ τὴν φύσιν. Ἀεὶ γὰρ πονεῖ τὸ ζῷον, ὥσπερ καὶ
οἱ φυσιολόγοι μαρτυροῦσι, τὸ ὁρᾶν, τὸ ἀκούειν φάσκοντες εἶναι λυπηρόν·
ἀλλ' ἤδη συνήθεις ἐσμέν, ὡς φασίν. Ὁμοίως δ' ἐν μὲν τῇ (10) νεότητι διὰ
τὴν αὔξησιν ὥσπερ οἱ οἰνωμένοι διάκεινται, καὶ ἡδὺ ἡ νεότης. Οἱ δὲ
μελαγχολικοὶ τὴν φύσιν δέονται ἀεὶ ἰατρείας· καὶ γὰρ τὸ σῶμα δακνόμενον
διατελεῖ διὰ τὴν κρᾶσιν, καὶ ἀεὶ ἐν ὀρέξει σφοδρᾷ εἰσίν· ἐξελαύνει δὲ
ἡδονὴ λύπην ἥ τ' ἐναντία καὶ ἡ τυχοῦσα, ἐὰν ᾖ ἰσχυρά· καὶ διὰ (15) ταῦτα
ἀκόλαστοι καὶ φαῦλοι γίνονται. Αἱ δ' ἄνευ λυπῶν οὐκ ἔχουσιν ὑπερβολήν·
αὗται δὲ τῶν φύσει ἡδέων καὶ μὴ κατὰ συμβεβηκός. Λέγω δὲ κατὰ συμβεβηκὸς
ἡδέα τὰ ἰατρεύοντα· ὅτι γὰρ συμβαίνει ἰατρεύεσθαι τοῦ ὑπομένοντος ὑγιοῦς
πράττοντός τι, διὰ τοῦτο ἡδὺ δοκεῖ εἶναι· (20) φύσει δ' ἡδέα, ἃ ποιεῖ
πρᾶξιν τῆς τοιᾶσδε φύσεως. Οὐκ ἀεὶ δ' οὐθὲν ἡδὺ τὸ αὐτὸ διὰ τὸ μὴ ἁπλῆν
ἡμῶν εἶναι τὴν φύσιν, ἀλλ' ἐνεῖναί τι καὶ ἕτερον, καθὸ φθαρτοί, ὥστε ἄν τι
θάτερον πράττῃ, τοῦτο τῇ ἑτέρᾳ φύσει παρὰ φύσιν, ὅταν δ' ἰσάζῃ, οὔτε
λυπηρὸν δοκεῖ οὔθ' ἡδὺ τὸ πραττόμενον· ἐπεὶ (25) εἴ του ἡ φύσις ἁπλῆ εἴη,
ἀεὶ ἡ αὐτὴ πρᾶξις ἡδίστη ἔσται. Διὸ ὁ θεὸς ἀεὶ μίαν καὶ ἁπλῆν χαίρει
ἡδονήν· οὐ γὰρ μόνον κινήσεώς ἐστιν ἐνέργεια ἀλλὰ καὶ ἀκινησίας, καὶ ἡδονὴ
μᾶλλον ἐν ἠρεμίᾳ ἐστὶν ἢ ἐν κινήσει. Μεταβολὴ δὲ πάντων γλυκύ, κατὰ τὸν
ποιητήν, διὰ πονηρίαν τινά· ὥσπερ γὰρ (30) ἄνθρωπος εὐμετάβολος ὁ πονηρός,
καὶ ἡ φύσις ἡ δεομένη μεταβολῆς· οὐ γὰρ ἁπλῆ οὐδ' ἐπιεικής.
Περὶ μὲν οὖν ἐγκρατείας καὶ ἀκρασίας καὶ περὶ ἡδονῆς καὶ λύπης εἴρηται,
καὶ τί ἕκαστον καὶ πῶς τὰ μὲν ἀγαθὰ αὐτῶν ἐστὶ τὰ δὲ κακά· λοιπὸν δὲ καὶ
περὶ φιλίας ἐροῦμεν.
| [7,1154] (1154a) Au reste, il est facile de voir que, si le plaisir n'est pas un
bien, ni l'activité non plus, il sera impossible que l'homme heureux vive
agréablement : car à quoi lui servirait-elle, puisqu'elle ne serait pas un
bien, et qu'il pourrait encore vivre accablé de peines? Car la peine ne
sera aussi ni un mal, ni un bien, si le plaisir n'en est pas un; et alors,
pourquoi la fuir? La vie de l'homme vertueux ne serait donc pas plus
agréable, si les actes qu'il produit, ou l'exercice de son activité, ne
lui procurent pas plus d'agrément.
XIV. Mais, à l'occasion des plaisirs corporels, il faut encore examiner
comment on dit qu'il y a des plaisirs très désirables (et tels sont tous
ceux qui sont honnêtes), mais que ce ne sont pas ceux du corps, et, en
général, ceux que recherche le débauché. Pourquoi donc les peines
contraires à ces plaisirs sont-elles des maux? car le contraire du mal,
c'est le bien. Dira-t-on que les plaisirs nécessaires sont des biens, en
ce sens que ce qui n'est pas un mal est un bien ; ou dira-t-on qu'ils ne
sont bons que jusqu'à un certain point? En effet, en tout genre
d'habitudes et de tendances, où il n'y a pas excès dans le bien, il ne
saurait y avoir excès de plaisir; et, au contraire, il y aura excès de
plaisir partout où se trouvera l'excès du bien; et l'on est vicieux, quand
on recherche l'excès dans le plaisir, et non pas quand on se contente de
ce qui est nécessaire: car tous les hommes sont plus ou moins sensibles
aux plaisirs de la table et à ceux de l'amour; mais tous ne le sont pas
seulement autant qu'il faudrait l'être. Cependant, c'est tout le
contraire, quand il s'agit des peines; on n'y fuit pas l'excès, on les
évite absolument, parce que la douleur n'est le contraire de l'excès du
plaisir que pour celui qui cherche cet excès. Mais il ne suffit pas
de dire la vérité; il faut encore faire connaître la cause de l'erreur.
Cette connaissance sert à confirmer notre croyance à ce qui est véritable
: car, lorsqu'une chose qui ne l'est pas, semble pourtant avoir quelque
apparence de raison, on y croit quelquefois plus qu'a la vérité elle-même.
Il faut donc dire pourquoi les plaisirs du corps semblent ordinairement
devoir être préférés.
Premièrement, c'est qu'ils bannissent le chagrin; et, dans les peines
portées à l'excès, on cherche quelquefois des plaisirs aussi excessifs,
surtout ceux des sens, comme un remède à sa souffrance. Mais ce sont des
remèdes violents; et ce qui fait qu'on les recherche, c'est que la
violence de l'état contraire en suggère, en quelque sorte, l'idée.
Cependant, le goût de la volupté est regardé comme une habitude vicieuse,
par les deux raisons que nous avons déjà dites, parce qu'il porte à des
actions qui n'appartiennent qu'à une nature perverse ou dégradée, soit par
le fait de la naissance, comme la bête sauvage, soit par la coutume, comme
cela a lieu pour les hommes vicieux. Quant aux plaisirs envisagés comme
des remèdes (ils ne sont pourtant pas estimables), parce qu'ils sont un
signe de besoin, et qu'il vaut mieux être exempt de besoins que d'avoir à
les satisfaire, et que cette espèce de plaisirs sont le partage d'hommes
occupés à s'affranchir d'un besoin. (1154b) Ce n'est donc que par accident
(ou d'une manière indirecte) qu'ils peuvent être estimables.
D'ailleurs, leur vivacité même les fait rechercher par ceux qui sont
incapables d'en goûter d'autres; aussi voit-on qu'ils en excitent en
eux-mêmes la soif, s'il le faut ainsi dire : cependant, lorsqu'ils n'ont
point de conséquences nuisibles, on ne saurait les blâmer; mais,
lorsqu'ils peuvent nuire, ils sont un mal : car on ne peut pas leur en
substituer d'autres, et naturellement l'état de langueur et d'indifférence
est pénible à la plupart des hommes. Car tout animal est incessamment
assiégé de sensations pénibles, comme le témoignent les traités d'histoire
naturelle, où l'on remarque que les impressions de la vue et celles de
l'ouïe sont toujours accompagnées de quelque sentiment douloureux, mais
que bientôt l'habitude, comme on dit, nous empêche de nous en apercevoir.
La nécessité de prendre de l'accroissement et de la force produit le même
effet sur les jeunes gens, qui sont dans un état, à quelques égards,
semblable à celui de l'ivresse : aussi la jeunesse est-elle une époque de
plaisir et de jouissances. Mais les hommes d'un tempérament mélancolique
sont comme dans un état de maladie, qui exige, pour ainsi dire, des
remèdes; car la nature et l'âcreté de leurs humeurs entretiennent dans
leur corps une irritation continuelle, et ils sont toujours en proie à des
désirs violents. Or, le plaisir dissipe leurs peines, s'il y est
contraire, et même quel qu'il soit, pourvu qu'il soit très vif; et voilà
pourquoi ils deviennent souvent débauchés et vicieux.
Au contraire, les plaisirs qui ne sont accompagnés d'aucun sentiment
pénible, ne sont pas susceptibles d'excès; ils tiennent leur charme de la
nature même, et non pas des circonstances ou de l'effet qu'ils produisent.
Or, j'entends par charme ou agrément dû aux circonstances, le plaisir qui
résulte, par exemple, de ce qui contribue à la guérison; car, de ce
qu'elle est le résultat d'une certaine activité imprimée à la partie de
notre organisation qui est demeurée saine, cette activité même semble, en
effet, accompagnée d'un sentiment agréable. Et, d'un autre côté, nous
sommes portés à trouver un charme puissant à tout ce qui donne à une
nature telle que la nôtre, occasion d'exercer cette sorte d'activité.
Cependant, les mêmes choses ne peuvent pas toujours nous plaire, parce que
notre nature n'est pas simple, et qu'il y entre des éléments en vertu
desquels nous sommes corruptibles et périssables; de sorte que, quand
l'une (des parties qui la composent) exerce son activité naturelle de la
manière qui lui est propre, ce qu'elle fait est, pour ainsi dire,
contraire à la nature (par rapport à l'autre partie); et lorsqu'il y a
équilibre (entre leurs actions), il semble que ce que nous faisons ne nous
cause ni peine, ni plaisir. C'est qu'en effet, s'il y avait quelque être
dont la nature fût entièrement simple, la même activité, purement
contemplative, serait toujours pour lui la source des plus vifs plaisirs.
Voilà pourquoi Dieu jouit éternellement d'une volupté simple et pure : car
son activité ne s'exerce pas seulement dans le mouvement, elle subsiste
également dans la plus parfaite immobilité, et la volupté est plutôt dans
le repos (dans une sorte de quiétude) que dans le mouvement. Mais notre
imperfection est cause qu'en tout, le changement a des charmes, comme dit
le poète ; car, comme 'homme vicieux est inconstant, la nature
elle-même a besoin de changement, parce qu'elle n'est pas simple, ni vertueuse.
Nous avons donc traité de la tempérance et de l'intempérance, du plaisir
et de la douleur; nous avons dit ce qu'est chacune des ces affections, ou
manières d'être, et comment les unes sont des biens, et les autres des
maux. A présent nous parlerons aussi de l'amitié.
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