[7,1145] Ἀριστοτέλους - Ἠθικὰ Νικομάχεια - Βιβλίον Η.
I. (1145a) Μετὰ δὲ ταῦτα λεκτέον, ἄλλην ποιησαμένους ἀρχήν, ὅτι τῶν περὶ
τὰ ἤθη φευκτῶν τρία ἐστὶν εἴδη, κακία ἀκρασία θηριότης. Τὰ δ' ἐναντία τοῖς
μὲν δυσὶ δῆλα· τὸ μὲν γὰρ ἀρετὴν τὸ δ' ἐγκράτειαν καλοῦμεν· πρὸς δὲ τὴν
θηριότητα μάλιστ' ἂν ἁρμόττοι λέγειν τὴν ὑπὲρ ἡμᾶς ἀρετήν, (20) ἡρωικήν
τινα καὶ θείαν, ὥσπερ Ὅμηρος περὶ Ἕκτορος πεποίηκε λέγοντα τὸν Πρίαμον ὅτι
σφόδρα ἦν ἀγαθός,
Οὐδὲ ἐῴκει ἀνδρός γε θνητοῦ πάις ἔμμεναι ἀλλὰ θεοῖο.
Ὥστ' εἰ, καθάπερ φασίν, ἐξ ἀνθρώπων γίνονται θεοὶ δι' ἀρετῆς ὑπερβολήν,
τοιαύτη τις ἂν εἴη δῆλον ὅτι ἡ τῇ θηριώδει (25) ἀντιτιθεμένη ἕξις· καὶ γὰρ
ὥσπερ οὐδὲ θηρίου ἐστὶ κακία οὐδ' ἀρετή, οὕτως οὐδὲ θεοῦ, ἀλλ' ἣ μὲν
τιμιώτερον ἀρετῆς, ἣ δ' ἕτερόν τι γένος κακίας. Ἐπεὶ δὲ σπάνιον καὶ τὸ
θεῖον ἄνδρα εἶναι, καθάπερ οἱ Λάκωνες εἰώθασι προσαγορεύειν, ὅταν ἀγασθῶσι
σφόδρα του, σεῖος ἀνήρ φασιν, οὕτω καὶ (30) ὁ θηριώδης ἐν τοῖς ἀνθρώποις
σπάνιος· μάλιστα δ' ἐν τοῖς βαρβάροις ἐστίν, γίνεται δ' ἔνια καὶ διὰ
νόσους καὶ πηρώσεις· καὶ τοὺς διὰ κακίαν δὲ τῶν ἀνθρώπων ὑπερβάλλοντας
οὕτως ἐπιδυσφημοῦμεν. Ἀλλὰ περὶ μὲν τῆς διαθέσεως τῆς τοιαύτης ὕστερον
ποιητέον τινὰ μνείαν, περὶ δὲ κακίας (35) εἴρηται πρότερον· περὶ δὲ
ἀκρασίας καὶ μαλακίας καὶ τρυφῆς λεκτέον, καὶ περὶ ἐγκρατείας καὶ
καρτερίας· (1145b) (1) οὔτε γὰρ ὡς περὶ τῶν αὐτῶν ἕξεων τῇ ἀρετῇ καὶ τῇ
μοχθηρίᾳ ἑκατέραν αὐτῶν ὑποληπτέον, οὔθ' ὡς ἕτερον γένος. Δεῖ δ', ὥσπερ
ἐπὶ τῶν ἄλλων, τιθέντας τὰ φαινόμενα καὶ πρῶτον διαπορήσαντας οὕτω
δεικνύναι μάλιστα μὲν πάντα τὰ (5) ἔνδοξα περὶ ταῦτα τὰ πάθη, εἰ δὲ μή, τὰ
πλεῖστα καὶ κυριώτατα· ἐὰν γὰρ λύηταί τε τὰ δυσχερῆ καὶ καταλείπηται τὰ
ἔνδοξα, δεδειγμένον ἂν εἴη ἱκανῶς.
Δοκεῖ δὴ ἥ τε ἐγκράτεια καὶ καρτερία τῶν σπουδαίων καὶ (τῶν) ἐπαινετῶν
εἶναι, ἡ δ' ἀκρασία τε καὶ μαλακία (10) τῶν φαύλων καὶ ψεκτῶν, καὶ ὁ αὐτὸς
ἐγκρατὴς καὶ ἐμμενετικὸς τῷ λογισμῷ, καὶ ἀκρατὴς καὶ ἐκστατικὸς τοῦ
λογισμοῦ. Καὶ ὁ μὲν ἀκρατὴς εἰδὼς ὅτι φαῦλα πράττει διὰ πάθος, ὁ δ'
ἐγκρατὴς εἰδὼς ὅτι φαῦλαι αἱ ἐπιθυμίαι οὐκ ἀκολουθεῖ διὰ τὸν λόγον. Καὶ
τὸν σώφρονα μὲν ἐγκρατῆ καὶ (15) καρτερικόν, τὸν δὲ τοιοῦτον οἳ μὲν πάντα
σώφρονα οἳ δ' οὔ, καὶ τὸν ἀκόλαστον ἀκρατῆ καὶ τὸν ἀκρατῆ ἀκόλαστον
συγκεχυμένως, οἳ δ' ἑτέρους εἶναί φασιν. Τὸν δὲ φρόνιμον ὁτὲ μὲν οὔ φασιν
ἐνδέχεσθαι εἶναι ἀκρατῆ, ὁτὲ δ' ἐνίους φρονίμους ὄντας καὶ δεινοὺς
ἀκρατεῖς εἶναι. Ἔτι ἀκρατεῖς λέγονται καὶ (20) θυμοῦ καὶ τιμῆς καὶ
κέρδους. Τὰ μὲν οὖν λεγόμενα ταῦτ' ἐστίν.
II. Ἀπορήσειε δ' ἄν τις πῶς ὑπολαμβάνων ὀρθῶς ἀκρατεύεταί τις. Ἐπιστάμενον
μὲν οὖν οὔ φασί τινες οἷόν τε εἶναι· δεινὸν γὰρ ἐπιστήμης ἐνούσης, ὡς ᾤετο
Σωκράτης, ἄλλο τι κρατεῖν καὶ περιέλκειν αὐτὴν ὥσπερ ἀνδράποδον. (25)
Σωκράτης μὲν γὰρ ὅλως ἐμάχετο πρὸς τὸν λόγον ὡς οὐκ οὔσης ἀκρασίας· οὐθένα
γὰρ ὑπολαμβάνοντα πράττειν παρὰ τὸ βέλτιστον, ἀλλὰ δι' ἄγνοιαν. Οτος μὲν
οὖν ὁ λόγος ἀμφισβητεῖ τοῖς φαινομένοις ἐναργῶς, καὶ δέον ζητεῖν περὶ τὸ
πάθος, εἰ δι' ἄγνοιαν, τίς ὁ τρόπος γίνεται τῆς ἀγνοίας. (30) Ὅτι γὰρ οὐκ
οἴεταί γε ὁ ἀκρατευόμενος πρὶν ἐν τῷ πάθει γενέσθαι, φανερόν. Εἰσὶ δέ
τινες οἳ τὰ μὲν συγχωροῦσι τὰ δ' οὔ· τὸ μὲν γὰρ ἐπιστήμης μηθὲν εἶναι
κρεῖττον ὁμολογοῦσιν, τὸ δὲ μηθένα πράττειν παρὰ τὸ δόξαν βέλτιον οὐχ
ὁμολογοῦσιν, καὶ διὰ τοῦτο τὸν ἀκρατῆ φασὶν οὐκ ἐπιστήμην (35) ἔχοντα
κρατεῖσθαι ὑπὸ τῶν ἡδονῶν ἀλλὰ δόξαν.
| [7,1145] LIVRE VII.
I. (1145a) Il nous reste à présent à faire voir, en reprenant de nouveau
notre sujet tout entier, qu'il y a, dans les habitudes morales, trois
sortes d'écueils à éviter, le vice, l'intempérance, la férocité. On
voit assez, du premier coup d'oeil, ce qui est opposé ou contraire aux
deux premiers; car nous appelons l'un vertu, et l'autre tempérance : mais
on ne peut opposer à la férocité qu'une vertu héroïque au-dessus de
l'humanité, et qui a quelque chose de divin, comme s'exprime Homère,
lorsqu'il fait dire à Priam, en parlant d'Hector, qu'il était d'une valeur
excessive, et qu'il semblait plutôt « être le fils d'un dieu, que celui
d'un simple mortel. »Tellement que, si, comme on le prétend, les
hommes peuvent quelquefois s'élever au rang des dieux par l'excès de la
vertu, cette disposition doit apparemment être en eux l'opposé de la
férocité. Car de même qu'on ne saurait dire que la bête féroce soit
susceptible de vice ou de vertu, de même on ne saurait le dire d'un dieu;
mais sa vertu doit être quelque chose de plus auguste que ce que l'on
appelle communément de ce nom, comme la férocité est quelque autre chose
que le vice. Mais comme c'est un être fort rare qu'un homme divin (comme
parlent les Lacédémoniens, quand ils ont une grande admiration pour
quelqu'un), c'est aussi une chose rare dans la nature qu'un homme féroce ;
on ne le trouve guère que chez les barbares. Quelques-uns aussi le
deviennent par l'effet des maladies, ou de quelque dégradation des
facultés de I'âme, et c'est souvent une expression injurieuse qu'on
applique aux hommes qui donnent dans quelque excès vicieux. Mais j'aurai
occasion de revenir sur ce sujet, et j'ai déjà parlé plus haut du
vice. C'est de l'intempérance, de la mollesse et de la débauche que je
dois parler à présent, et aussi de la tempérance et de la force morale.
(1145b) Car, on ne doit les considérer ni comme des dispositions qui soient
absolument les mêmes que la vertu, ou que le vice, ni comme formant , pour
ainsi dire, une espèce différente. Il faut donc, comme nous l'avons fait
pour les autres qualités ou défauts, commencer par exposer les faits,
et, après avoir discuté les questions auxquelles ils donnent lieu, faire
connaître les opinions communes sur ces passions, ou au moins le plus
grand nombre et les principales; car, quand les difficultés auront été
résolues, et qu'il ne restera que ce qui est probable, le sujet se
trouvera suffisamment éclairci.
Or, la tempérance et la force morale sont généralement regardées comme des
qualités dignes d'estime et de louange; au lieu que l'intempérance et la
mollesse passent pour des habitudes vicieuses et blâmables. L'homme
tempérant est en même temps docile à la raison, et l'intempérant en
méconnaît l'autorité : entraîné par ses passions, il fait le mal avec
connaissance de cause; au lieu que le tempérant, sachant que ses désirs
sont vicieux, s'abstient, par raison, d'y céder. On donne à l'homme
raisonnable le nom de tempérant, de ferme dans sa conduite, et celui-là
est regardé par les uns comme parfaitement raisonnable, et non par les
autres. Ceux-ci soutiennent que les termes d'intempérant et de débauché
sont absolument identiques, ceux-là le nient. Il y en a qui prétendent que
l'homme sensé ne peut jamais être intempérant, et d'autres croient que
certains hommes, même très sensés, sont quelquefois intempérants. Au
reste, ce mot s'applique à ceux qui ne savent pas maîtriser la colère,
l'ambition, et l'amour des richesses. Telle sont donc les opinions les
plus communes.
II. Il semble difficile de comprendre comment un homme qui a des opinions
justes, peut s'abandonner à l'intempérance ; et même il y a des personnes
qui soutiennent que cela est impossible quand l'esprit est véritablement
éclairé. Car il serait étrange, suivant l'opinion de Socrate, que là où
existe la véritable science, il y eût quelque chose de plus fort qu'elle,
et qui fût capable de maîtriser l'homme comme un vil esclave. Ce
philosophe rejetait ainsi entièrement cette manière de poser la question,
comme si l'intempérance n'existait réellement pas, puisqu'il
prétendait que personne n'agit sciemment contre la vertu, mais par
ignorance. Cependant cette manière de raisonner est en opposition manifeste
avec les faits; et, en supposant que l'intempérant agisse par ignorance,
il aurait fallu, du moins, chercher quelle sorte d'ignorance l'égare. Car
il est évident que celui qui se livre à l'intempérance ne croit pas qu'il
doive faire ce qu'il fait, au moins avant le moment où la passion s'empare
de lui. D'un autre côté, il y a des personnes qui accordent une partie de
la proposition, et non l'autre : ils conviennent qu'il n'y a rien qui ait
plus de force que la science; mais ils n'accordent pas qu'aucun homme ne
puisse avoir une conduite opposée à celle qui, dans son opinion, serait
meilleure. Et, par cette raison, ils soutiennent que l'intempérant se
laisse maîtriser par les voluptés, parce qu'il a, non pas la science, mais
seulement l'opinion (de ce qu'il faut faire).
|