[12] Ὅτι μέντοι ὁ Πλάτων (ἐπάνειμι γάρ) τοιούτῳ τινὶ χεύματι
ἀψοφητὶ ῥέων οὐδὲν ἧττον μεγεθύνεται, ἀνεγνωκὼς τὰ ἐν τῇ
Πολιτείᾳ τὸν τύπον οὐκ ἀγνοεῖς. "οἱ ἄρα φρονήσεως" φησί
"καὶ ἀρετῆς ἄπειροι, εὐωχίαις δὲ καὶ τοῖς τοιούτοις ἀεὶ συνόντες,
κάτω ὡς ἔοικε φέρονται καὶ ταύτῃ πλανῶνται διὰ βίου, πρὸς δὲ
τὸ ἀληθὲς ἄνω οὔτ´ ἀνέβλεψαν πώποτε οὔτ´ ἀνηνέχθησαν οὐδὲ
βεβαίου τε καὶ καθαρᾶς ἡδονῆς ἐγεύσαντο, ἀλλὰ βοσκημάτων
δίκην κάτω ἀεὶ βλέποντες καὶ κεκυφότες εἰς γῆν καὶ εἰς τραπέζας
βόσκονται χορταζόμενοι καὶ ὀχεύοντες, καὶ ἕνεκα τῆς τούτων
πλεονεξίας λακτίζοντες καὶ κυρίττοντες ἀλλήλους σιδηροῖς κέρασι
καὶ ὁπλαῖς ἀποκτιννύουσι δι´ ἀπληστίαν."
Ἐνδείκνυται δ´ ἡμῖν οὗτος ἀνήρ, εἰ βουλοίμεθα μὴ κατολιγωρεῖν,
ὡς καὶ ἄλλη τις παρὰ τὰ εἰρημένα ὁδὸς ἐπὶ τὰ ὑψηλὰ τείνει.
ποία δὲ καὶ τίς αὕτη; ἡ τῶν ἔμπροσθεν μεγάλων συγγραφέων
καὶ ποιητῶν μίμησίς τε καὶ ζήλωσις. καί γε τούτου, φίλτατε,
ἀπρὶξ ἐχώμεθα τοῦ σκοποῦ· πολλοὶ γὰρ ἀλλοτρίῳ θεοφοροῦνται
πνεύματι τὸν αὐτὸν τρόπον ὃν καὶ τὴν Πυθίαν λόγος ἔχει τρίποδι
πλησιάζουσαν, ἔνθα ῥῆγμά ἐστι γῆς ἀναπνέον, ὥς φασιν, ἀτμὸν
ἔνθεον, αὐτόθεν ἐγκύμονα τῆς δαιμονίου καθισταμένην δυνάμεως
παραυτίκα χρησμῳδεῖν κατ´ ἐπίπνοιαν· οὕτως ἀπὸ τῆς τῶν
ἀρχαίων μεγαλοφυΐας εἰς τὰς τῶν ζηλούντων ἐκείνους ψυχὰς ὡς
ἀπὸ ἱερῶν στομίων ἀπόρροιαί τινες φέρονται, ὑφ´ ὧν ἐπιπνεόμενοι
καὶ οἱ μὴ λίαν φοιβαστικοὶ τῷ ἑτέρων συνενθουσιῶσι
μεγέθει. μόνος Ἡρόδοτος Ὁμηρικώτατος ἐγένετο; Στησίχορος
ἔτι πρότερον ὅ τε Ἀρχίλοχος, πάντων δὲ τούτων μάλιστα ὁ
Πλάτων, ἀπὸ τοῦ Ὁμηρικοῦ κείνου νάματος εἰς αὑτὸν μυρίας
ὅσας παρατροπὰς ἀποχετευσάμενος. καὶ ἴσως ἡμῖν ἀποδείξεων
ἔδει, εἰ μὴ τὰ ἐπ´ εἴδους καὶ οἱ περὶ Ἀμμώνιον ἐκλέξαντες
ἀνέγραψαν. ἔστι δ´ οὐ κλοπὴ τὸ πρᾶγμα, ἀλλ´ ὡς ἀπὸ καλῶν
ἠθῶν ἡ πλασμάτων ἢ δημιουργημάτων ἀποτύπωσις. καὶ οὐδ´
ἂν ἐπακμάσαι μοι δοκεῖ τηλικαῦτά τινα τοῖς τῆς φιλοσοφίας
δόγμασι καὶ εἰς ποιητικὰς ὕλας πολλαχοῦ συνεμβῆναι καὶ φράσεις,
εἰ μὴ περὶ πρωτείων νὴ Δία παντὶ θυμῷ πρὸς Ὅμηρον, ὡς
ἀνταγωνιστὴς νέος πρὸς ἤδη τεθαυμασμένον, ἴσως μὲν
φιλονικότερον καὶ οἱονεὶ διαδορατιζόμενος, οὐκ ἀνωφελῶς δ´ ὅμως
διηριστεύετο· "ἀγαθὴ" γὰρ κατὰ τὸν Ἡσίοδον "ἔρις ἥδε
βροτοῖσι." καὶ τῷ ὄντι καλὸς οὗτος καὶ ἀξιονικότατος εὐκλείας
ἀγών τε καὶ στέφανος, ἐν ᾧ καὶ τὸ ἡττᾶσθαι τῶν προγενεστέρων
οὐκ ἄδοξον.
| [12] CHAPITRE XII. De l’imitation.
Pour retourner à notre discours. Platon dont le style ne laisse pas d'être
fort élevé, bien qu'il coule sans être rapide et sans faire de bruit, nous
a donné une idée de ce style que vous ne pouvez ignorer, si vous avez lu
les livres de sa République. Ces hommes malheureux, dit-il quelque part,
qui ne savent ce que c’est que de sagesse ni de vertu, et qui sont
continuellement plongés dans les festins et dans la débauche, vont toujours
de pis en pis, et errent enfin toute leur vie. La vérité n’a point pour
eux d’attraits ni de charmes : Ils n’ont jamais levé les yeux pour la
regarder ; en un mot ils n’ont jamais goûté de pur ni de solide plaisir.
Ils sont comme des bêtes qui regardent toujours en bas, qui sont courbées
vers la Terre, ils ne songent qu’à manger, et à repaître, qu’à satisfaire
leurs passions brutales, et dans l’ardeur de les rassasier, ils regimbent,
ils égratignent, ils se battent à coups d'ongles et de cornes de fer, et
périssent à la fin par leur gourmandise insatiable.
Au reste ce philosophe nous a encore enseigné un autre chemin, si nous ne
voulons point le négliger, qui nous peut conduire au sublime. Quel est ce
chemin ? c'est l’imitation et l'émulation des poètes et des écrivains
illustres qui ont vécu devant nous. Car c'est le but que nous devons
toujours nous mettre devant les yeux.
Et certainement il s'en voit beaucoup que l'esprit d’autrui ravit hors
d'eux-mêmes, comme on dit qu'une sainte fureur saisit la prêtresse
d'Apollon sur le sacré Trepié. Car on tient qu'il y a une ouverture en
terre d'où sort un souffle, une vapeur toute céleste qui la remplit sur le
champ d'une vertu divine, et lui fait prononcer des oracles. De même ces
grandes beautés que nous remarquons dans les ouvrages des anciens sont
comme autant de sources sacrées, d'où il s'élève des vapeurs heureuses qui
se répandent dans l’âme de leurs imitateurs, et animent les esprits mêmes
naturellement les moins échauffés: si bien que dans ce moment ils sont
comme ravis et emportés de l’enthousiasme d'autrui. Ainsi voyons-nous
qu'Hérodote et devant lui Stésichore et Archiloque ont été grands imitateurs
d'Homère. Platon néanmoins est celui de tous qui l'a le plus imité : car
il a puisé dans ce poète, comme dans une vive source, dont il a détourné
un nombre infini de ruisseaux : et j'en donnerais des exemples si Amonius
n’en avait déjà rapporté plusieurs.
Au reste on ne doit point regarder cela comme un larcin, mais comme une
belle idée qu'il a eue, et qu'il s'est formée sur les mœurs, l'invention, et
les ouvrages d'autrui. En effet jamais, à mon avis, il ne dit de si
grandes choses dans ses traités de philosophie, que quand du simple
discours passant à des expressions et à des matières poétiques, il vient,
s'il faut ainsi dire, comme un nouvel athlète, disputer de toute sa force
le prix à Homère, c'est à dire à celui qui était déjà l'admiration de tous
les siècles. Car bien qu'il ne le fasse peut-être qu'avec un peu trop
d'ardeur, et comme on dit, les armes à la main; cela ne laisse pas
néanmoins de lui servir beaucoup, puisque enfin, selon Hésiode :
La noble jalousie est utile aux mortels".
Et n'est-ce pas en effet quelque chose de bien glorieux et bien digne d'une
âme noble, que de combattre pour l'honneur et le prix de la victoire, avec
ceux qui nous ont précédés ? puisque dans ces sortes de combats on peut
même être vaincu sans honte.
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