[13] Οὐκοῦν καὶ ἡμᾶς, ἡνίκ´ ἂν διαπονῶμεν ὑψηγορίας τι καὶ
μεγαλοφροσύνης δεόμενον, καλὸν ἀναπλάττεσθαι ταῖς ψυχαῖς
πῶς ἂν εἰ τύχοι ταὐτὸ τοῦθ´ Ὅμηρος εἶπεν, πῶς δ´ ἂν Πλάτων
ἢ Δημοσθένης ὕψωσαν ἢ ἐν ἱστορίᾳ Θουκυδίδης. προσπίπτοντα
γὰρ ἡμῖν κατὰ ζῆλον ἐκεῖνα τὰ πρόσωπα καὶ οἷον διαπρέποντα
τὰς ψυχὰς ἀνοίσει πως πρὸς τὰ ἀνειδωλοποιούμενα μέτρα· ἔτι
δὲ μᾶλλον, εἰ κἀκεῖνο τῇ διανοίᾳ προσυπογράφοιμεν, πῶς ἂν
τόδε τι ὑπ´ ἐμοῦ λεγόμενον παρὼν Ὅμηρος ἤκουσεν ἢ
Δημοσθένης, ἢ πῶς ἂν ἐπὶ τούτῳ διετέθησαν· τῷ γὰρ ὄντι μέγα τὸ
ἀγώνισμα, τοιοῦτον ὑποτίθεσθαι τῶν ἰδίων λόγων δικαστήριον
καὶ θέατρον, καὶ ἐν τηλικούτοις ἥρωσι κριταῖς τε καὶ μάρτυσιν
ὑπέχειν τῶν γραφομένων εὐθύνας πεπλάσθαι. πλέον δὲ τούτων
παρορμητικόν, εἰ προστιθείης, πῶς ἂν ἐμοῦ ταῦτα γράψαντος ὁ
μετ´ ἐμὲ πᾶς ἀκούσειεν αἰών; εἰ δέ τις αὐτόθεν φοβοῖτο, μὴ τοῦ
ἰδίου βίου καὶ χρόνου φθέγξαιτό τι ὑπερήμερον, ἀνάγκη καὶ τὰ
συλλαμβανόμενα ὑπὸ τῆς τούτου ψυχῆς ἀτελῆ καὶ τυφλὰ ὥσπερ
ἀμβλοῦσθαι, πρὸς τὸν τῆς ὑστεροφημίας ὅλως μὴ τελεσφορούμενα
χρόνον.
| [13] CHAPITRE XIII. De la manière d’imiter.
Toutes les fois donc que nous voulons travailler à un ouvrage qui demande
du grand et du sublime, il est bon de faire cette réflexion. Comment est-ce
qu'Homère aurait dit cela ? Qu’auraient fait Platon, Démosthène ou
Thucydide même, s'il est question d'histoire, pour écrire ceci en style
sublime? Car ces grands hommes que nous nous proposons à imiter, se
présentant de la sorte à notre imagination, nous servent comme de
flambeau, et souvent nous élèvent l'âme presque aussi haut que l'idée que
nous avons conçue de leur génie. Surtout si nous nous imprimons bien ceci
en nous-mêmes. Que penseraient Homère ou Démosthène de ce que je dis s'ils
m'écoutaient et quel jugement feraient-ils de moi?
En effet ce sera un grand avantage pour nous, si nous pouvons nous figurer
que nous allons, mais sérieusement, rendre compte de nos écrits devant un
si célèbre tribunal, et sur un théâtre où nous avons de tels héros pour
juges et pour témoins. Mais un motif encore plus puissant pour nous
exciter, c'est de songer au jugement que toute la postérité fera de nos
écrits. Car si un homme, dans la crainte de ce jugement, ne se soucie pas
qu'aucun de ses ouvrages vive plus que lui : son esprit ne saurait rien
produire que des avortons aveugles et imparfaits, et il ne se donnera jamais
la peine d'achever des ouvrages, qu’il ne fait point pour passer jusqu’à
la dernière postérité.
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