[5,32] Τί ἦν ἰδεῖν τὸ ἐντεῦθεν, ὦ Ναυσίκλεις;
θαλάττῃ προσείκασας ἂν τοὺς ἄνδρας αἰφνιδίῳ σπιλάδι
κατασεισθέντας, οὕτως ἀλόγιστος ὁρμὴ πρὸς ἄφραστον
αὐτοὺς ἤγειρε τάραχον, ἅτε οἴνῳ καὶ θυμῷ κατόχους
γεγενημένους. Οἱ μὲν γὰρ ὡς τοῦτον οἱ δὲ ὡς ἐκεῖνον
ἀποκλίναντες οἱ μὲν αἰδεῖσθαι τὸν ἄρχοντα οἱ δὲ μὴ καταλύεσθαι
τὸν νόμον ἐθορύβουν. Καὶ τέλος ὁ μὲν Τραχῖνος
ἐπανατείνεται ὡς τῷ κρατῆρι πατάξων τὸν Πέλωρον,
ὁ δέ, προπαρεσκεύαστο γάρ, ἐγχειριδίῳ φθάνει διελαύνων
τὸν μαζόν. Καὶ ὁ μὲν ἔκειτο καιρίᾳ βεβλημένος, τοῖς
λοιποῖς δὲ ἄσπονδος ἐτέτατο πόλεμος ἔπαιόν τε συμπεσόντες
ἀλλήλους ἀφειδῶς, οἱ μὲν ὡς ἐπαμύνοντες τῷ
ἄρχοντι οἱ δὲ ὡς τοῦ Πελώρου σὺν τῷ δικαίῳ προασπίζοντες.
Καὶ ἦν οἰμωγὴ μία ξύλοις λίθοις κρατῆρσι
δαλοῖς τραπέζαις βαλλόντων καὶ βαλλομένων. Ἐγὼ δὲ ὡς
πορρωτάτω χωρίσας ἐμαυτὸν ἐπί τινος λόφου θέαν ἀκίνδυνον
ἐμαυτῷ κατένεμον. Οὐ μὴν οὐδὲ Θεαγένης ἀπόλεμος
ἦν οὐδὲ ἡ Χαρίκλεια, τὰ γὰρ συγκείμενα πράττοντες ὁ μὲν
ξιφήρης θατέρῳ τὰ πρῶτα μέρει συνεμάχει παντάπασιν
ἐνθουσιῶντι προσεοικώς, ἡ δὲ ὡς συνερρωγότα τὸν πόλεμον
εἶδεν ἀπὸ τῆς νεὼς ἐτόξευεν εὔσκοπά τε καὶ μόνου
τοῦ Θεαγένους φειδόμενα. Καὶ ἔβαλλεν οὐ καθ´ ἓν τῆς
μάχης μέρος, ἀλλ´ ὅντινα πρῶτον ἴδοι τοῦτον ἀνήλισκεν,
αὐτὴ μὲν οὐχ ὁρωμένη ἀλλὰ ῥᾳδίως πρὸς τὴν πυρκαϊὰν
τοὺς ἐναντίους κατοπτεύουσα, τῶν δὲ ἀγνοούντων τὸ κακὸν
καὶ δαιμονίους εἶναι τὰς πληγὰς ἐνίων ὑπονοούντων, ἕως
τῶν ἄλλων πεσόντων μόνος ὁ Θεαγένης ὑπελείφθη τῷ
Πελώρῳ μονομαχῶν, ἀνδρὶ τὰ πάντα γενναίῳ καὶ φόνοις
ἐγγεγυμνασμένῳ παμπόλλοις, οὐδὲν οὐδὲ τῆς Χαρικλείου
τοξείας ἐπαμύνειν ἔτι δυναμένης, ὠδινούσης μὲν εἰς τὴν
βοήθειαν δεδοικυίας δὲ τὴν ἀποτυχίαν, αὐτοσχεδίου καὶ ἐν
χερσὶ τῆς μάχης αὐτοῖς ὠθουμένης. Οὐ μὴν εἰς τέλος
γε ἀντέσχεν ὁ Πέλωρος· ὡς γὰρ ἀποροῦσα πρὸς τὴν ἐνέργειον
συμμαχίαν ἡ Χαρίκλεια λόγον ἐπίκουρον τῷ Θεαγένει
ἐτόξευσεν »Ἀνδρίζου, φίλτατε« βοήσασα, ἐνταῦθα ἤδη
μακρῷ τὸν Πέλωρον ὑπερεῖχεν ὁ Θεαγένης ὥσπερ ἰσχὺν
αὐτῷ καὶ θάρσος τῆς φωνῆς διακονούσης καὶ ὅτι τῆς μάχης
περίεστι τὸ ἔπαθλον μηνυούσης. Ἐγείρας γὰρ τὸ
φρόνημα πολλοῖς ἤδη τοῖς τραύμασι πεπιεσμένος ἐφήλατό
τε τῷ Πελώρῳ καὶ τῇ κεφαλῇ τὸ ἐγχειρίδιον ἐπιβαλὼν τῆς
μὲν ἀπέτυχεν, ἐκείνου μικρὸν ἀποκλίναντος, ἄκρον δὲ τὸν
ὦμον παραξέσας τὴν χεῖρα κατὰ τὴν συμβολὴν τοῦ ἀγκῶνος
ἀπέκοπτε· κἀκ τοῦδε ὁ μὲν ἐτράπη πρὸς φυγήν, ὁ δὲ ἐδίωκε.
| [5,32] Alors, Nausiclès, quel spectacle, à partir de ce
moment! On aurait dit, chez ces hommes, une mer
brusquement soulevée par la présence d'un écueil, tant ils
se jetèrent aveuglément les uns contre les autres, entraînes
par une passion sauvage et en proie au vin et à la
colère. Les uns prenaient parti pour celui-ci, les autres
pour celui-là, et soutenaient au milieu du vacarme tantôt
qu'il fallait respecter le chef, et tantôt qu'il ne fallait
pas violer la loi. Finalement, Trachinos fit mine de
frapper Péloros avec le cratère, mais l'autre, qui était
sur ses gardes, lui perça le premier la poitrine avec son
poignard. Trachinos tomba, mortellement blessé, et
les autres engagèrent un combat sans merci; ils se frappaient
réciproquement, sans quartier, les uns pour
venger leur chef, les autres pour défendre Péloros et le
droit. Ce n'était plus qu'une clameur, tandis que morceaux
de bois, pierres, cratères, tisons, tables voltigeaient de
l'un à l'autre. Quant à moi, je m'étais éloigné le plus
possible et, installé sur une hauteur, je jouissais, sans
danger, du spectacle. D'ailleurs, Théagène ne fut pas
sans participer au combat, et avec lui Chariclée. Obéissant
à mes instructions Théagène, l'épée à la main, combattait,
depuis le début, pour l'un des deux partis, et il
paraissait absolument transporté d'ardeur belliqueuse;
Chariclée, elle, quand elle vit que le combat avait éclaté,
se mit, du haut du bateau, à décocher des flèches qui
atteignaient leur but et n'épargnaient que Théagène.
Elle ne frappait pas seulement l'un des deux partis; elle
abattait le premier qu'elle voyait; elle-même était invisible,
mais elle apercevait facilement ses adversaires à la
lumière du feu. Et les pirates ne savaient d'où leur
venaient les coups; quelques-uns s'imaginaient que
c'étaient les dieux qui les leur portaient. Finalement,
tous tombèrent, et il ne resta plus que Théagène, engagé
dans un combat singulier avec Péloros, qui était un
homme parfaitement courageux et avait acquis une grande
expérience par de nombreux meurtres; Chariclée ne
pouvait plus être d'aucun secours à Théagène avec
ses flèches; elle était torturée par le désir de l'aider,
mais elle craignait de manquer le but car ils en étaient
maintenant au corps à corps. Pourtant, Péloros ne put
tenir jusqu'au bout; incapable de combattre effectivement
aux côtés de Théagène, Chariclée lui envoya enfin,
en guise de flèche, ces mots destinés à l'aider : « Courage,
mon bien-aimé », cria-t-elle; et alors Théagène eut
sur Péloros une supériorité évidente, comme si cette
voix lui avait apporté vigueur et audace et annoncé que
l'enjeu de ce combat était toujours là. Son ardeur réveillée,
et bien qu'ayant reçu de nombreuses blessures, il se
jeta sur Péloros et lui porta un grand coup d'épée, visant
la tête; il manqua le but, car l'autre fit un léger écart,
mais l'arme lui effleura l'épaule et trancha le bras à la
jointure du coude; à partir de ce moment, Péloros
s'enfuit, poursuivi par Théagène.
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