| [9,1169] (1169a) καὶ πεπραγέναι δοκοῦσιν αὐτοὶ καὶ ἑκουσίως τὰ μετὰ λόγου μάλιστα. 
Ὅτι μὲν οὖν τοῦθ' ἕκαστός ἐστιν ἢ μάλιστα, οὐκ ἄδηλον, καὶ ὅτι ὁ ἐπιεικὴς 
μάλιστα τοῦτ' ἀγαπᾷ. Διὸ φίλαυτος μάλιστ' ἂν εἴη, καθ' ἕτερον εἶδος τοῦ 
ὀνειδιζομένου, καὶ διαφέρων τοσοῦτον ὅσον τὸ κατὰ λόγον ζῆν τοῦ κατὰ 
πάθος, καὶ ὀρέγεσθαι ἢ τοῦ καλοῦ ἢ τοῦ δοκοῦντος συμφέρειν. Τοὺς μὲν οὖν 
περὶ τὰς καλὰς πράξεις διαφερόντως σπουδάζοντας πάντες ἀποδέχονται καὶ 
ἐπαινοῦσιν· πάντων δὲ ἁμιλλωμένων πρὸς τὸ καλὸν καὶ διατεινομένων τὰ 
κάλλιστα πράττειν κοινῇ τ' ἂν πάντ' εἴη τὰ δέοντα καὶ ἰδίᾳ ἑκάστῳ τὰ 
μέγιστα τῶν ἀγαθῶν, εἴπερ ἡ ἀρετὴ τοιοῦτόν ἐστιν. Ὥστε τὸν μὲν ἀγαθὸν δεῖ 
φίλαυτον εἶναι ικαὶ γὰρ αὐτὸς ὀνήσεται τὰ καλὰ πράττων καὶ τοὺς ἄλλους 
ὠφελήσεἰ, τὸν δὲ μοχθηρὸν οὐ δεῖ· βλάψει γὰρ καὶ ἑαυτὸν καὶ τοὺς πέλας, 
φαύλοις πάθεσιν ἑπόμενος. Τῷ μοχθηρῷ μὲν οὖν διαφωνεῖ ἃ δεῖ πράττειν καὶ ἃ 
πράττει· ὁ δ' ἐπιεικής, ἃ δεῖ, ταῦτα καὶ πράττει· πᾶς γὰρ νοῦς αἱρεῖται τὸ 
βέλτιστον ἑαυτῷ, ὁ δ' ἐπιεικὴς πειθαρχεῖ τῷ νῷ. Ἀληθὲς δὲ περὶ τοῦ 
σπουδαίου καὶ τὸ τῶν φίλων ἕνεκα πολλὰ πράττειν καὶ τῆς πατρίδος, κἂν δέῃ 
ὑπεραποθνήσκειν· προήσεται γὰρ καὶ χρήματα καὶ τιμὰς καὶ ὅλως τὰ 
περιμάχητα ἀγαθά, περιποιούμενος ἑαυτῷ τὸ καλόν· ὀλίγον γὰρ χρόνον ἡσθῆναι 
σφόδρα μᾶλλον ἕλοιτ' ἂν ἢ πολὺν ἠρέμα, καὶ βιῶσαι καλῶς ἐνιαυτὸν ἢ πόλλ' 
ἔτη τυχόντως, καὶ μίαν πρᾶξιν καλὴν καὶ μεγάλην ἢ πολλὰς καὶ μικράς. Τοῖς 
δ' ὑπεραποθνήσκουσι τοῦτ' ἴσως συμβαίνει· αἱροῦνται δὴ μέγα καλὸν ἑαυτοῖς. 
Καὶ χρήματα προοῖντ' ἂν ἐφ' ᾧ πλείονα λήψονται οἱ φίλοι· γίνεται γὰρ τῷ 
μὲν φίλῳ χρήματα, αὐτῷ δὲ τὸ καλόν· τὸ δὴ μεῖζον ἀγαθὸν ἑαυτῷ ἀπονέμει. 
Καὶ περὶ τιμὰς δὲ καὶ ἀρχὰς ὁ αὐτὸς τρόπος· πάντα γὰρ τῷ φίλῳ ταῦτα 
προήσεται· καλὸν γὰρ αὐτῷ τοῦτο καὶ ἐπαινετόν. Εἰκότως δὴ δοκεῖ σπουδαῖος 
εἶναι, ἀντὶ πάντων αἱρούμενος τὸ καλόν. Ἐνδέχεται δὲ καὶ πράξεις τῷ φίλῳ 
προίίεσθαι, καὶ εἶναι κάλλιον τοῦ αὐτὸν πρᾶξαι τὸ αἴτιον τῷ φίλῳ γενέσθαι. 
Ἐν πᾶσι δὴ τοῖς ἐπαινετοῖς ὁ σπουδαῖος φαίνεται ἑαυτῷ τοῦ καλοῦ πλέον 
νέμων. (1169b) Οὕτω μὲν οὖν φίλαυτον εἶναι δεῖ, καθάπερ εἴρηται· ὡς δ' οἱ 
πολλοί, οὐ χρή. 
IX. Ἀμφισβητεῖται δὲ καὶ περὶ τὸν εὐδαίμονα, εἰ δεήσεται φίλων ἢ μή. Οὐθὲν 
γάρ φασι δεῖν φίλων τοῖς μακαρίοις καὶ αὐτάρκεσιν· ὑπάρχειν γὰρ αὐτοῖς 
τἀγαθά· αὐτάρκεις οὖν ὄντας οὐδενὸς προσδεῖσθαι, τὸν δὲ φίλον, ἕτερον 
αὐτὸν ὄντα, πορίζειν ἃ δι' αὑτοῦ ἀδυνατεῖ· ὅθεν 
Ὅταν ὁ δαίμων εὖ διδῷ, τί δεῖ φίλων; 
Ἔοικε δ' ἀτόπῳ τὸ πάντ' ἀπονέμοντας τἀγαθὰ τῷ εὐδαίμονι φίλους μὴ 
ἀποδιδόναι, ὃ δοκεῖ τῶν ἐκτὸς ἀγαθῶν μέγιστον εἶναι. Εἴ τε φίλου μᾶλλόν 
ἐστι τὸ εὖ ποιεῖν ἢ πάσχειν, καὶ ἔστι τοῦ ἀγαθοῦ καὶ τῆς ἀρετῆς τὸ 
εὐεργετεῖν, κάλλιον δ' εὖ ποιεῖν φίλους ὀθνείων, τῶν εὖ πεισομένων 
δεήσεται ὁ σπουδαῖος. Διὸ καὶ ἐπιζητεῖται πότερον ἐν εὐτυχίαις μᾶλλον δεῖ 
φίλων ἢ ἐν ἀτυχίαις, ὡς καὶ τοῦ ἀτυχοῦντος δεομένου τῶν εὐεργετησόντων καὶ 
τῶν εὐτυχούντων οὓς εὖ ποιήσουσιν. Ἄτοπον δ' ἴσως καὶ τὸ μονώτην ποιεῖν 
τὸν μακάριον· οὐδεὶς γὰρ ἕλοιτ' ἂν καθ' αὑτὸν τὰ πάντ' ἔχειν ἀγαθά· 
πολιτικὸν γὰρ ὁ ἄνθρωπος καὶ συζῆν πεφυκός. Καὶ τῷ εὐδαίμονι δὴ τοῦθ' 
ὑπάρχει· τὰ γὰρ τῇ φύσει ἀγαθὰ ἔχει, δῆλον δ' ὡς μετὰ φίλων καὶ ἐπιεικῶν 
κρεῖττον ἢ μετ' ὀθνείων καὶ τῶν τυχόντων συνημερεύειν. Δεῖ ἄρα τῷ 
εὐδαίμονι φίλων. Τί οὖν λέγουσιν οἱ πρῶτοι, καὶ πῇ ἀληθεύουσιν; Ἢ ὅτι οἱ 
πολλοὶ φίλους οἴονται τοὺς χρησίμους εἶναι; Τῶν τοιούτων μὲν οὖν οὐδὲν 
δεήσεται ὁ μακάριος, ἐπειδὴ τἀγαθὰ ὑπάρχει αὐτῷ· οὐδὲ δὴ τῶν διὰ τὸ ἡδύ, ἢ 
ἐπὶ μικρόν (ἡδὺς γὰρ ὁ βίος ὢν οὐδὲν δεῖται ἐπεισάκτου ἡδονῆς)· οὐ 
δεόμενος δὲ τῶν τοιούτων φίλων οὐ δοκεῖ δεῖσθαι φίλων. 
Τὸ δ' οὐκ ἔστιν ἴσως ἀληθές. Ἐν ἀρχῇ γὰρ εἴρηται ὅτι ἡ εὐδαιμονία ἐνέργειά 
τις ἐστίν, ἡ δ' ἐνέργεια δῆλον ὅτι γίνεται καὶ οὐχ ὑπάρχει ὥσπερ κτῆμά τι. 
Εἰ δὲ τὸ εὐδαιμονεῖν ἐστὶν ἐν τῷ ζῆν καὶ ἐνεργεῖν, τοῦ δ' ἀγαθοῦ ἡ 
ἐνέργεια σπουδαία καὶ ἡδεῖα καθ' αὑτήν, καθάπερ ἐν ἀρχῇ εἴρηται, ἔστι δὲ 
καὶ τὸ οἰκεῖον τῶν ἡδέων, θεωρεῖν δὲ μᾶλλον τοὺς πέλας δυνάμεθα ἢ ἑαυτοὺς 
καὶ τὰς ἐκείνων πράξεις ἢ τὰς οἰκείας, αἱ τῶν σπουδαίων δὲ πράξεις φίλων 
ὄντων ἡδεῖαι τοῖς ἀγαθοῖς  
 | [9,1169] (1169a) Aussi les actions qui ont été dictées par la raison, 
et faites volontairement, semblent-elles spécialement appartenir à cette 
partie. On voit donc clairement qu'elle est l'individu lui-même, que 
l'honnête homme la chérit par-dessus tout, et qu'enfin c'est lui qu'on 
pourrait regarder comme ayant essentiellement l'amour de soi, mais dans un 
sens tout différent de l'égoïsme qu'on blâme. Il en diffère, en effet, 
autant qu'une vie conforme à la raison diffère d'une vie assujettie à 
l'empire des passions, et que l'amour constant de tout ce qui est beau et 
honorable, diffère de l'attachement à tout ce qui offre l'apparence de l'utilité.
Aussi tout le monde approuve et loue ceux qui se distinguent par leur 
empressement à faire des actions vertueuses ; et si tous les hommes 
rivalisaient en amour pour le beau, et s'efforçaient sans cesse à faire 
les actions les plus généreuses, on n'éprouverait, en général, ni 
privations ni besoins; chacun jouirait du bien le plus précieux, puisque 
la vertu est ce bien. D'où il faut conclure que l'homme vertueux doit 
nécessairement s'aimer soi-même; car, en faisant de nobles actions, il ne 
saurait manquer d'en retirer de grands avantages, et d'en procurer aux 
autres. Le méchant, au contraire, ne doit pas s'aimer lui-même; car, en 
s'abandonnant à de viles passions, il nuira infailliblement à ses propres 
intérêts, et à ceux des personnes qui auront quelques rapports avec lui. 
D'ailleurs, dans la conduite du méchant, il n'y a aucun accord entre ce 
qu'il fait et ce qu'il doit faire; tandis que l'honnête homme fait 
précisément ce qu'il doit: car la raison choisit toujours ce qui lui est 
le plus avantageux ; et c'est à la raison que l'honnête homme obéit.
Il est donc vrai de dire de lui qu'il est prêt à tout faire pour ses amis, 
et pour sa patrie, fallût-il mourir pour elle; car il sacrifiera 
richesses, honneurs, et, en général, tous les biens qu'on se dispute 
d'ordinaire avec tant de fureur, pour s'assurer ce qu'il y a de 
véritablement beau et honorable : préférant la plus délicieuse des 
jouissances, ne durât-elle que quelques instants, à des siècles de 
langueur; une seule année d'une vie honorable et glorieuse, à la plus 
longue existence consacrée à des actions vulgaires; enfin, une seule 
action grande et généreuse, à une multitude d'actions communes et petites.
Et c'est peut-être ce qui arrive aux hommes qui font à la vertu le 
sacrifice de leur vie : ils réservent pour eux la plus belle et la plus 
noble part. Ils prodigueront aussi sans peine leurs richesses, dans la vue 
d'en procurer de plus grandes à leurs amis; et c'est, en effet, l'avantage 
que ceux-ci retireront de cette générosité, mais l'honneur en restera à 
celui qui l'a faite, et ainsi il s'est réservé à lui-même un bien plus 
précieux. Il en sera de même des honneurs et des dignités : l'homme 
vertueux en fera volontiers le sacrifice à son ami ; car ce sera une chose 
honorable pour lui et digne de louanges. C'est donc à juste titre qu'il 
passe pour vertueux, préférant l'honnête à tout le reste. Enfin, il est 
possible que l'on cède à son ami l'occasion de faire de belles actions, et 
qu'il y ait plus de grandeur d'âme à être cause de celles qu'il fera, qu'à 
les avoir faites soi-même.
On voit donc que, dans tout ce qui est louable, l'homme vertueux se 
réserve une meilleure part de l'honneur et de la solide gloire, (1169b) et 
c'est ainsi qu'il faut être ami de soi-même, ou égoïste, comme nous 
l'avons dit ; mais l'être comme le sont la plupart des hommes, voilà ce 
qu'il ne faut pas.
IX. On demande encore, au sujet de l'homme heureux, s'il a besoin, ou non, 
d'avoir des amis. Car, dit-on, quand on jouit d'une félicité parfaite, 
et qu'on n'a rien à désirer, on n'a nullement besoin d'amis, puisqu'on 
jouit de tous les biens; et, par conséquent, ayant tout en abondance, on 
ne saurait rien souhaiter de plus: puisque l'ami, qui est un autre 
vous-même, vous procure ce que vous ne pourriez obtenir par vos ressources 
personnelles. De là cette pensée d'un poète : « Lorsque la Divinité vous 
comble de biens, qu'a-t-on besoin d'amis ? »
Cependant, en accordant à l'homme parfaitement heureux la jouissance de 
tous les biens, il semble étrange qu'on veuille lui refuser des amis; 
c'est-à-dire, ce qu'on regarde communément comme le plus précieux des 
biens extérieurs. Mais, si le mérite d'un ami consiste plutôt à rendre 
des services qu'à en recevoir, si la bienfaisance est le caractère propre 
de l'homme vertueux et de la vertu, et enfin s'il est plus beau de faire 
du bien à ses amis qu'à des étrangers, il faut donc que l'homme vertueux 
ait sur qui répandre ses bienfaits. voilà pourquoi on demande encore : si 
c'est dans l'infortune ou dans la prospérité qu'on a plus besoin d'amis? 
Car, dans le premier cas, on a besoin de trouver des personnes disposées à 
rendre service, et, dans le second, il en faut trouver à qui l'on puisse 
faire dit bien. D'ailleurs, il est peut-être absurde de vouloir faire de l'homme 
parfaitement heureux un être tout-à-fait isolé: car il n'y a personne qui 
voulût posséder tous les biens uniquement pour lui seul. En effet, l'homme 
est destiné par la nature à vivre en société avec ses semblables: l'homme 
heureux a donc aussi le même penchant, puisqu'il possède tous les biens 
qui sont conformes à notre nature. Or, il lui est évidemment plus 
avantageux de vivre avec des amis, qui soient honnêtes et vertueux, que de 
passer ses jours avec des étrangers sans mérite et sans vertu: l'homme 
vertueux a donc besoin d'amis.
Que veulent donc dire les auteurs de l'opinion que nous avons exposée 
tout-à-l'heure, et jusqu'à quel point peuvent-ils avoir raison? Serait-ce 
que le vulgaire ne regardant comme amis que ceux de qui l'on tire quelque 
utilité, il s'imagine que l'homme parfaitement heureux n'aura aucun besoin 
de ceux-là, puisqu'il possède tous les biens? Ou que, si l'on considère 
l'agrément, des amis ne lui seront pas plus nécessaires, ou du moins le 
seront très peu, parce que, sa vie étant remplie de satisfactions, il n'a 
pas besoin de plaisirs empruntés? Et qu'enfin, puisque de tels amis ne lui 
sont bons à rien, il n'a absolument aucun besoin d'en avoir ?
Mais peut-être que cela n'est pas exactement vrai : car nous avons dit au 
commencement de ce traité, que le bonheur consiste dans une certaine 
activité; et il est facile de voire que l'activité n'est pas une chose dont 
on jouisse comme des choses matérielles qu'on possède, mais seulement à 
mesure qu'on l'exerce. Or, si le bonheur consiste dans une vie active, 
l'activité de l'homme de bien est vertueuse et remplie de charmes par 
elle-même : car il y a aussi de la douceur dans le sentiment de ce qu'on 
possède. D'ailleurs, nous sommes plus capables d'observer ceux avec qui 
nous vivons, que de nous observer nous-mêmes, d'apprécier leurs actions, 
que de juger nos propres actions; or, les actes de vertu, quand ils viennent de 
ceux qu'il aime, touchent vivement le cœur d'un homme vertueux, 
 |