[3,1277a] οὐκ ἂν εἴη μία ἀρετὴ πολίτου καὶ ἀνδρὸς ἀγαθοῦ. Τὴν
μὲν γὰρ τοῦ σπουδαίου πολίτου δεῖ πᾶσιν ὑπάρχειν (οὕτω γὰρ ἀρίστην
ἀναγκαῖον εἶναι τὴν πόλιν), τὴν δὲ τοῦ ἀνδρὸς τοῦ ἀγαθοῦ ἀδύνατον, εἰ
μὴ πάντας ἀναγκαῖον ἀγαθοὺς εἶναι τοὺς ἐν τῇ σπουδαίᾳ πόλει πολίτας.
§ 4. Ἔτι ἐπεὶ ἐξ ἀνομοίων ἡ πόλις, ὥσπερ ζῷον εὐθὺς ἐκ ψυχῆς καὶ
σώματος, καὶ ψυχὴ ἐκ λόγου καὶ ὀρέξεως, καὶ οἰκία ἐξ ἀνδρὸς καὶ
γυναικός, καὶ κτῆσις ἐκ δεσπότου καὶ δούλου, τὸν αὐτὸν τρόπον καὶ
πόλις ἐξ ἁπάντων τε τούτων καὶ πρὸς τούτοις ἐξ ἄλλων ἀνομοίων
συνέστηκεν εἰδῶν, ἀνάγκη μὴ μίαν εἶναι τὴν τῶν πολιτῶν πάντων
ἀρετήν, ὥσπερ οὐδὲ τῶν χορευτῶν κορυφαίου καὶ παραστάτου.
§ 5. Διότι μὲν τοίνυν ἁπλῶς οὐχ ἡ αὐτή, φανερὸν ἐκ τούτων· ἀλλ' ἆρα
ἔσται τινὸς ἡ αὐτὴ ἀρετὴ πολίτου τε σπουδαίου καὶ ἀνδρὸς σπουδαίου;
Φαμὲν δὴ τὸν ἄρχοντα τὸν σπουδαῖον ἀγαθὸν εἶναι καὶ φρόνιμον, τὸν
δὲ πολίτην οὐκ ἀναγκαῖον εἶναι φρόνιμον. Καὶ τὴν παιδείαν δ' εὐθὺς
ἑτέραν εἶναι λέγουσί τινες ἄρχοντος, ὥσπερ καὶ φαίνονται οἱ τῶν
βασιλέων υἱεῖς ἱππικὴν καὶ πολεμικὴν παιδευόμενοι, καὶ Εὐριπίδης φησὶ
"Μή μοι τὰ κόμψ' - - -". Ἀλλ' ὧν πόλει δεῖ, ὡς οὖσάν τινα ἄρχοντος παιδείαν.
§ 6. Εἰ δὲ ἡ αὐτὴ ἀρετὴ ἄρχοντός τε ἀγαθοῦ καὶ ἀνδρὸς ἀγαθοῦ,
πολίτης δ' ἐστὶ καὶ ὁ ἀρχόμενος, οὐχ ἡ αὐτὴ ἁπλῶς ἂν εἴη πολίτου καὶ
ἀνδρός, τινὸς μέντοι πολίτου· οὐ γὰρ ἡ αὐτὴ ἄρχοντος καὶ πολίτου, καὶ
διὰ τοῦτ' ἴσως Ἰάσων ἔφη πεινῆν ὅτε μὴ τυραννοῖ, ὡς οὐκ ἐπιστάμενος
ἰδιώτης εἶναι.
§ 7. Ἀλλὰ μὴν ἐπαινεῖταί γε τὸ δύνασθαι ἄρχειν καὶ ἄρχεσθαι, καὶ
πολίτου δοκεῖ που ἡ ἀρετὴ εἶναι τὸ δύνασθαι καὶ ἄρχειν καὶ ἄρχεσθαι
καλῶς. Εἰ οὖν τὴν μὲν τοῦ ἀγαθοῦ ἀνδρὸς τίθεμεν ἀρχικήν, τὴν δὲ τοῦ
πολίτου ἄμφω, οὐκ ἂν εἴη ἄμφω ἐπαινετὰ ὁμοίως. Ἐπεὶ οὖν ποτε δοκεῖ
ἀμφότερα, καὶ οὐ ταὐτὰ δεῖν τὸν ἄρχοντα μανθάνειν καὶ τὸν ἀρχόμενον,
τὸν δὲ πολίτην ἀμφότερ' ἐπίστασθαι καὶ μετέχειν ἀμφοῖν. Κἀντεῦθεν
ἂν κατίδοι τις.
§ 8. Ἔστι γὰρ ἀρχὴ δεσποτική· ταύτην δὲ τὴν περὶ τὰ ἀναγκαῖα λέγομεν,
ἃ ποιεῖν ἐπίστασθαι τὸν ἄρχοντα οὐκ ἀναγκαῖον, ἀλλὰ χρῆσθαι μᾶλλον·
θάτερον δὲ καὶ ἀνδραποδῶδες. Λέγω δὲ θάτερον τὸ δύνασθαι καὶ
ὑπηρετεῖν τὰς διακονικὰς πράξεις. Δούλου δ' εἴδη πλείω λέγομεν· αἱ
γὰρ ἐργασίαι πλείους. Ὧν ἓν μέρος κατέχουσιν οἱ χερνῆτες· οὗτοι δ'
εἰσίν, ὥσπερ σημαίνει καὶ τοὔνομ' αὐτούς, οἱ ζῶντες ἀπὸ τῶν χειρῶν,
| [3,1277a] il faut dès lors avouer qu'il ne peut exister d'identité
entre la vertu politique et la vertu privée. Dans la république
parfaite, la vertu civique doit appartenir à tous, puisqu'elle est la
condition indispensable de la perfection de la cité ; mais il n'est pas
possible que tous y possèdent la vertu de l'homme privé, à moins
d'admettre que, dans cette cité modèle, tous les citoyens doivent
nécessairement être gens de bien.
§ 4. Bien plus : l'État se forme d'éléments dissemblables ; et de même
que l'être vivant se compose essentiellement d'une âme et d'un corps ;
l'âme, de la raison et de l'instinct ; la famille, du mari et de la femme ;
la propriété, du maître et de l'esclave ; de même tous ces éléments-là
se trouvent dans l'État, accompagnés encore de bien d'autres non
moins hétérogènes ; ce qui empêche nécessairement qu'il n'y ait unité
de vertu pour tous les citoyens, de même qu'il ne peut y avoir unité
d'emploi dans les choeurs, où l'un est coryphée et l'autre figurant.
§ 5. Il est donc certain que la vertu du citoyen et la vertu prise en
général, ne sont point absolument identiques.
Mais qui donc pourra réunir cette double vertu du bon citoyen et de
l'honnête homme ? Je l'ai dit : c'est le magistrat digne du
commandement qu'il exerce et qui est à la fois vertueux et habile ; car
l'habileté n'est pas moins nécessaire que la vertu à l'homme d'État.
Aussi a-t-on dit qu'il fallait donner aux hommes destinés au pouvoir
une éducation spéciale ; et de fait, nous voyons les enfants des rois
apprendre tout particulièrement l'équitation et la politique.
Euripide lui-même, quand il dit :
"Point de ces vains talents à l'État inutiles",
semble croire qu'on peut apprendre à commander.
§ 6. Si donc la vertu du bon magistrat est identique à celle de l'homme
de bien, et si l'on reste citoyen même en obéissant à un supérieur, la
vertu du citoyen en général ne peut être dès lors absolument identique
à celle de l'homme honnête. Ce sera seulement la vertu d'un certain
citoyen, puisque la vertu des citoyens n'est point identique à celle du
magistrat qui les gouverne. C'était là sans doute la pensée de Jason,
quand il disait : « qu'il mourrait de misère s'il cessait de régner, n'ayant
point appris à vivre en simple particulier. »
§ 7. On n'en estime pas moins fort haut le talent de savoir également
obéir et commander ; et c'est dans cette double perfection de
commandement et d'obéissance, qu'on place ordinairement la
suprême vertu du citoyen. Mais si le commandement doit être le
partage de l'homme de bien, et que savoir obéir et savoir commander
soient les talents indispensables du citoyen, on ne peut certainement
pas dire qu'ils soient dignes de louanges absolument égales. On doit
accorder ces deux points : d'abord, que l'être qui obéit et celui qui
commande ne doivent pas apprendre tous deux les mêmes choses; et
en second lieu, que le citoyen doit posséder l'un et l'autre talent de
savoir tantôt jouir de l'autorité, et tantôt se résigner à l'obéissance.
Voici comment on prouverait ces deux assertions.
§ 8. Il y a un pouvoir du maître ; et ainsi que nous l'avons reconnu, il
n'est relatif qu'aux besoins indispensables de la vie ; il n'exige pas que
l'être qui commande soit capable de travailler lui-même ; il exige bien
plutôt qu'il sache employer ceux qui lui obéissent. Le reste appartient à
l'esclave ; et j'entends par le reste, la force nécessaire pour accomplir
tout le service domestique.
Les espèces d'esclaves sont aussi nombreuses que le sont leurs métiers
divers ; on pourrait bien ranger encore parmi eux les manoeuvres,
qui, comme leur nom l'indique, vivent du travail de leurs mains.
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