HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

Aristote, Éthique à Nicomaque, livre IX

Page 1167

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[9,1167] οἷον καὶ περὶ τοὺς ἀγωνιστὰς συμβαίνει· (1167a) εὖνοι γὰρ αὐτοῖς γίνονται καὶ συνθέλουσιν, συμπράξαιεν δ' ἂν οὐδέν· ὅπερ γὰρ εἴπομεν, προσπαίως εὖνοι γίνονται καὶ ἐπιπολαίως στέργουσιν. Ἔοικε δὴ ἀρχὴ φιλίας εἶναι, ὥσπερ τοῦ ἐρᾶν διὰ τῆς ὄψεως ἡδονή· μὴ γὰρ προησθεὶς τῇ ἰδέᾳ οὐδεὶς ἐρᾷ, δὲ χαίρων τῷ εἴδει οὐδὲν μᾶλλον ἐρᾷ, ἀλλ' ὅταν καὶ ἀπόντα ποθῇ καὶ τῆς παρουσίας ἐπιθυμῇ· οὕτω δὴ καὶ φίλους οὐχ οἷόν τ' εἶναι μὴ εὔνους γενομένους, οἱ δ' εὖνοι οὐδὲν μᾶλλον φιλοῦσιν· βούλονται γὰρ μόνον τἀγαθὰ οἷς εἰσὶν εὖνοι, συμπράξαιεν δ' ἂν οὐδέν, οὐδ' ὀχληθεῖεν ὑπὲρ αὐτῶν. Διὸ μεταφέρων φαίη τις ἂν αὐτὴν ἀργὴν εἶναι φιλίαν, χρονιζομένην δὲ καὶ εἰς συνήθειαν ἀφικνουμένην γίνεσθαι φιλίαν, οὐ τὴν διὰ τὸ χρήσιμον οὐδὲ τὴν διὰ τὸ ἡδύ· οὐδὲ γὰρ εὔνοια ἐπὶ τούτοις γίνεται. μὲν γὰρ εὐεργετηθεὶς ἀνθ' ὧν πέπονθεν ἀπονέμει τὴν εὔνοιαν, τὰ δίκαια δρῶν· δὲ βουλόμενός τιν' εὐπραγεῖν, ἐλπίδα ἔχων εὐπορίας δι' ἐκείνου, οὐκ ἔοικ' εὔνους ἐκείνῳ εἶναι, ἀλλὰ μᾶλλον ἑαυτῷ, καθάπερ οὐδὲ φίλος, εἰ θεραπεύει αὐτὸν διά τινα χρῆσιν. Ὅλως δ' εὔνοια δι' ἀρετὴν καὶ ἐπιείκειάν τινα γίνεται, ὅταν τῳ φανῇ καλός τις ἀνδρεῖος τι τοιοῦτον, καθάπερ καὶ ἐπὶ τῶν ἀγωνιστῶν εἴπομεν. VI. Φιλικὸν δὲ καὶ ὁμόνοια φαίνεται. Διόπερ οὐκ ἔστιν ὁμοδοξία· τοῦτο μὲν γὰρ καὶ ἀγνοοῦσιν ἀλλήλους ὑπάρξειεν ἄν· οὐδὲ τοὺς περὶ ὁτουοῦν ὁμογνωμονοῦντας ὁμονοεῖν φασίν, οἷον τοὺς περὶ τῶν οὐρανίων (οὐ γὰρ φιλικὸν τὸ περὶ τούτων ὁμονοεῖν), ἀλλὰ τὰς πόλεις ὁμονοεῖν φασίν, ὅταν περὶ τῶν συμφερόντων ὁμογνωμονῶσι καὶ ταὐτὰ προαιρῶνται καὶ πράττωσι τὰ κοινῇ δόξαντα. Περὶ τὰ πρακτὰ δὴ ὁμονοοῦσιν, καὶ τούτων περὶ τὰ ἐν μεγέθει καὶ ἐνδεχόμενα ἀμφοῖν ὑπάρχειν πᾶσιν, οἷον αἱ πόλεις, ὅταν πᾶσι δοκῇ τὰς ἀρχὰς αἱρετὰς εἶναι, συμμαχεῖν Λακεδαιμονίοις, ἄρχειν Πιττακὸν ὅτε καὶ αὐτὸς ἤθελεν. Ὅταν δ' ἑκάτερος ἑαυτὸν βούληται, ὥσπερ οἱ ἐν ταῖς Φοινίσσαις, στασιάζουσιν· οὐ γάρ ἐστιν ὁμονοεῖν τὸ αὐτὸ ἑκάτερον ἐννοεῖν ὁδήποτε, ἀλλὰ τὸ ἐν τῷ αὐτῷ, οἷον ὅταν καὶ δῆμος (1167b) καὶ οἱ ἐπιεικεῖς τοὺς ἀρίστους ἄρχειν· οὕτω γὰρ πᾶσι γίνεται οὗ ἐφίενται. Πολιτικὴ δὴ φιλία φαίνεται ὁμόνοια, καθάπερ καὶ λέγεται· περὶ τὰ συμφέροντα γάρ ἐστι καὶ τὰ εἰς τὸν βίον ἥκοντα. Ἔστι δ' τοιαύτη ὁμόνοια ἐν τοῖς ἐπιεικέσιν· οὗτοι γὰρ καὶ ἑαυτοῖς ὁμονοοῦσι καὶ ἀλλήλοις, ἐπὶ τῶν αὐτῶν ὄντες ὡς εἰπεῖν ντῶν τοιούτων γὰρ μένει τὰ βουλήματα καὶ οὐ μεταρρεῖ ὥσπερ εὔριποσσ, βούλονταί τε τὰ δίκαια καὶ τὰ συμφέροντα, τούτων δὲ καὶ κοινῇ ἐφίενται. Τοὺς δὲ φαύλους οὐχ οἷόν τε ὁμονοεῖν πλὴν ἐπὶ μικρόν, καθάπερ καὶ φίλους εἶναι, πλεονεξίας ἐφιεμένους ἐν τοῖς ὠφελίμοις, ἐν δὲ τοῖς πόνοις καὶ ταῖς λειτουργίαις ἐλλείποντας· ἑαυτῷ δ' ἕκαστος βουλόμενος ταῦτα τὸν πέλας ἐξετάζει καὶ κωλύει· μὴ γὰρ τηρούντων τὸ κοινὸν ἀπόλλυται. Συμβαίνει οὖν αὐτοῖς στασιάζειν, ἀλλήλους μὲν ἐπαναγκάζοντας, αὐτοὺς δὲ μὴ βουλομένους τὰ δίκαια ποιεῖν. VII. Οἱ δ' εὐεργέται τοὺς εὐεργετηθέντας δοκοῦσι μᾶλλον φιλεῖν οἱ εὖ παθόντες τοὺς δράσαντας, καὶ ὡς παρὰ λόγον γινόμενον ἐπιζητεῖται. Τοῖς μὲν οὖν πλείστοις φαίνεται ὅτι οἳ μὲν ὀφείλουσι τοῖς δὲ ὀφείλεται· καθάπερ οὖν ἐπὶ τῶν δανείων οἱ μὲν ὀφείλοντες βούλονται μὴ εἶναι οἷς ὀφείλουσιν, οἱ δὲ δανείσαντες καὶ ἐπιμελοῦνται τῆς τῶν ὀφειλόντων σωτηρίας, οὕτω καὶ τοὺς εὐεργετήσαντας βούλεσθαι εἶναι τοὺς παθόντας ὡς κομιουμένους τὰς χάριτας, τοῖς δ' οὐκ εἶναι ἐπιμελὲς τὸ ἀνταποδοῦναι. Ἐπίχαρμος μὲν οὖν τάχ' ἂν φαίη ταῦτα λέγειν αὐτοὺς ἐκ πονηροῦ θεωμένους, ἔοικε δ' ἀνθρωπικῷ· ἀμνήμονες γὰρ οἱ πολλοί, καὶ μᾶλλον εὖ πάσχειν ποιεῖν ἐφίενται. Δόξειε δ' ἂν φυσικώτερον εἶναι τὸ αἴτιον, καὶ οὐδ' ὅμοιον τὸ περὶ τοὺς δανείσαντας· οὐ γάρ ἐστι φίλησις περὶ ἐκείνους, ἀλλὰ τοῦ σῴζεσθαι βούλησις τῆς κομιδῆς ἕνεκα· οἱ δ' εὖ πεποιηκότες φιλοῦσι καὶ ἀγαπῶσι τοὺς πεπονθότας κἂν μηδὲν ὦσι χρήσιμοι μηδ' εἰς ὕστερον γένοιντ' ἄν. Ὅπερ καὶ ἐπὶ τῶν τεχνιτῶν συμβέβηκεν· πᾶς γὰρ τὸ οἰκεῖον ἔργον ἀγαπᾷ μᾶλλον ἀγαπηθείη ἂν ὑπὸ τοῦ ἔργου ἐμψύχου γενομένου· [9,1167] comme il arrive au sujet de ceux qu'on voit combattre dans l'arène : (1167a) car les spectateurs prennent quelquefois de la bienveillance pour eux; ils s'associent à leurs vœux, quoiqu'ils ne voulussent nullement se joindre à leurs efforts, parce que, comme on vient de le dire, c'est un sentiment subit, instantané, et une affection d'ailleurs très légère. Au reste, le principe de l'amitié, comme celui de l'amour, paraît être le plaisir qui nous vient de la vue de la personne aimée ; car on n'aime pas ordinairement une personne, si l'on n'a trouvé d'abord quelque satisfaction à contempler ses traits. Mais cette circonstance même ne fait pas qu'on aime, ce sentiment n'existe que lorsque l'absence cause des regrets, lorsqu'on désire la présence de celui qui en est l'objet. Ainsi donc il n'est pas possible d'être ami, sans être d'abord bienveillant : mais la bienveillance ne fait pas que l'on soit ami; seulement elle fait qu'on souhaite du bien à ceux pour qui on l'éprouve, quoiqu'on ne soit encore disposé à rien faire, ni à prendre aucune peine pour eux. On pourrait donc l'appeler, par métaphore, une amitié inerte, mais qui, transformée avec le temps en habitude, peut devenir une véritable amitié, laquelle n'a d'ailleurs pour motif ni l'utilité ni l'agrément; car ce ne sont pas là les fondements de la bienveillance. En effet, celui à qui on a rendu d'importants services, et qui y répond par de la bienveillance, ne remplit qu'un devoir de justice : et, d'un autre côté, souhaiter qu'un homme réussisse dans son entreprise, parce qu'on espère qu'il vous enrichira, ce n'est pas, à ce qu'il semble, avoir de la bienveillance pour lui, mais plutôt pour soi-même; comme on n'est pas l'ami d'un homme, si on ne lui prodigue des soins ou des attentions que par un motif d'utilité personnelle. En général, c'est la vertu et quelques qualités estimables qui font naître la bienveillance, lorsqu'un homme nous semble beau, ou courageux, ou posséder quelque avantage de ce genre, comme nous avons dit qu'on s'intéresse aux athlètes qui disputent le prix dans l'arène. VI. La conformité des sentiments est aussi un des caractères de l'amitié, mais non pas la conformité des opinions; car celle-ci pourrait exister entre des personnes qui ne se connaîtraient pas les unes les autres. On ne dit pas de ceux qui ont des opinions semblables sur un sujet (par exemple, à l'égard des mouvements des corps célestes), qu'il y a entre eux accord de pensées et de sentiments; car être d'accord sur ces choses-là n'est pas une cause d'amitié réciproque. Mais on dit qu'il y a conformité de sentiments, dans les cités ou dans les sociétés politiques, lorsque les citoyens y pensent de la même manière sur des objets d'intérêt général; lorsqu'ils préfèrent les mêmes institutions, et qu'on y exécute les résolutions qu'on a prises en commun. Ce n'est donc que lorsqu'il est question d'entreprendre quelque action, et même une action de quelque importance, que cette conformité de sentiments a lieu ; et elle peut se rencontrer ou entre deux amis, ou entre tous les citoyens; par exemple, dans une république, quand tout le monde est d'avis que les magistratures soient électives, ou que l'un fasse un traité d'alliance avec les Lacédémoniens, ou quand tout le monde, à Mitylène, consentait que l'on déférât l'autorité suprême à Pittacus, lorsque lui-même voulait l'exercer. Mais, si chacun de son côté prétend s'en emparer, comme les deux princes thébains dans les Phéniciennes d'Euripide, alors il y a dissension. Car ce n'est pas être unis de sentiments que de prétendre, chacun de son côté, à une même chose, quelle qu'elle soit; mais il faut être d'accord sur un même objet. C'est ce qui a lieu, par exemple, lorsque le peuple (1167b) et les notables, dans un état, consentent à laisser l'autorité entre les mains des meilleurs citoyens; car, de cette manière, tous obtiennent ce qu'ils désirent. L'accord des sentiments entre citoyens, semble être, et s'appelle, en effet, amitié civile ou politique; car elle a lieu au sujet des intérêts communs, et des choses qui se rapportent aux besoins de la vie. Au reste, un pareil accord existe ordinairement entre les gens de bien ; car ceux-là surtout s'accordent avec eux-mêmes, et les uns avec les autres, ayant, pour ainsi dire, les mêmes objets en vue. Leurs volontés sont constantes et fermes, et ne sont pas agitées par un continuel flux et reflux : la justice, l'intérêt général, voilà l'objet commun de leurs désirs. Au lieu qu'il n'est pas possible que les méchants soient unis de sentiments, du moins pour longtemps. Ainsi, il ne saurait y avoir amitié entre des hommes ambitieux et avides de tous les emplois lucratifs, et toujours prêts à se refuser à ceux qui exposent à des fatigues, ou qui obligent à de grandes dépenses. Dans l'empressement où est chacun d'obtenir ce qui lui est avantageux, il épie son concurrent, et cherche à lui susciter des obstacles. L'intérêt général, dont personne ne s'occupe, est ainsi sacrifié; et il en résulte des dissensions continuelles, parce que chacun veut forcer les autres à observer la justice, et ne saurait se résoudre à l'observer lui-même. VII. Il semble que les bienfaiteurs ont plus d'affection pour ceux qu'ils ont obligés, que ceux-ci n'en ont pour les auteurs des bienfaits qu'ils ont reçus; et comme ce fait parait étrange (et, pour ainsi dire, contre nature), on en cherche la cause. La plupart donc s'imaginent que cela vient de ce que les uns sont, en quelque sorte, des débiteurs, tandis que les autres sont comme des créanciers. Or, de même que, dans le cas des dettes contractées, les débiteurs souhaiteraient que leurs créanciers n'existassent point, au lieu que ceux qui ont prêté s'intéressent à la conservation de leurs débiteurs; ainsi (dit-on) ceux qui ont rendu à d'autres d'importants services, désirent la conservation de leurs obligés, comme pouvant un jour leur en témoigner de la reconnaissance ; taudis que ceux-ci ne mettent pas autant d'intérêt à rendre le bien qu'on leur a fait. Cependant, c'est peut-être d'une telle opinion qu'Épicharme aurait dit que c'est là le langage de gens qui sont mal placés pour voir la chose. Elle semble tenir simplement à une faiblesse de l'humanité; car la plupart des hommes sont sujets à oublier, et désirent plus communément qu'on leur fasse du bien, que d'en faire eux-mêmes. La cause du fait que nous examinons paraît pouvoir s'expliquer plus naturellement, et la comparaison des créanciers n'est pas exacte. Car ceux-ci n'ont pas de l'attachement pour leurs débiteurs; mais ils souhaitent leur conservation, pour pouvoir en être payés. Au contraire, ceux qui ont rendu un bon office aiment et chérissent les personnes à qui ils ont fait du bien, quand même ceux-ci ne pourraient leur être d'aucune utilité, ni actuellement ni à l'avenir. C'est aussi le sentiment qu'éprouvent les artistes; car il n'y en a aucun qui n'aime l'ouvrage sorti de ses mains, plus qu'il n'en serait aimé lui-même, en supposant que ce produit de l'art vint à recevoir le sentiment et la vie.


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Dernière mise à jour : 29/05/2008