[9,1166] IV. (1166a) Τὰ φιλικὰ δὲ τὰ πρὸς τοὺς πέλας, καὶ οἷς αἱ φιλίαι ὁρίζονται,
ἔοικεν ἐκ τῶν πρὸς ἑαυτὸν ἐληλυθέναι. Τιθέασι γὰρ φίλον τὸν βουλόμενον καὶ
πράττοντα τἀγαθὰ ἢ τὰ φαινόμενα ἐκείνου ἕνεκα, ἢ τὸν βουλόμενον εἶναι καὶ
ζῆν τὸν φίλον αὐτοῦ χάριν· ὅπερ αἱ μητέρες πρὸς τὰ τέκνα πεπόνθασι, καὶ
τῶν φίλων οἱ προσκεκρουκότες. Οἳ δὲ τὸν συνδιάγοντα καὶ ταὐτὰ αἱρούμενον,
ἢ τὸν συναλγοῦντα καὶ συγχαίροντα τῷ φίλῳ· μάλιστα δὲ καὶ τοῦτο περὶ τὰς
μητέρας συμβαίνει. Τούτων δέ τινι καὶ τὴν φιλίαν ὁρίζονται.
Πρὸς ἑαυτὸν δὲ τούτων ἕκαστον τῷ ἐπιεικεῖ ὑπάρχει τοῖς δὲ λοιποῖς, ᾗ
τοιοῦτοι ὑπολαμβάνουσιν εἶναι· ἔοικε δέ, καθάπερ εἴρηται, μέτρον ἑκάστων ἡ
ἀρετὴ καὶ ὁ σπουδαῖος εἶναἰ· οὗτος γὰρ ὁμογνωμονεῖ ἑαυτῷ, καὶ τῶν αὐτῶν
ὀρέγεται κατὰ πᾶσαν τὴν ψυχήν· καὶ βούλεται δὴ ἑαυτῷ τἀγαθὰ καὶ τὰ
φαινόμενα καὶ πράττει (τοῦ γὰρ ἀγαθοῦ τἀγαθὸν διαπονεῖν) καὶ ἑαυτοῦ ἕνεκα
(τοῦ γὰρ διανοητικοῦ χάριν, ὅπερ ἕκαστος εἶναι δοκεῖ)· καὶ ζῆν δὲ βούλεται
ἑαυτὸν καὶ σῴζεσθαι, καὶ μάλιστα τοῦτο ᾧ φρονεῖ.
Ἀγαθὸν γὰρ τῷ σπουδαίῳ τὸ εἶναι, ἕκαστος δ' ἑαυτῷ βούλεται τἀγαθά,
γενόμενος δ' ἄλλος αἱρεῖται οὐδεὶς πάντ' ἔχειν ἐκεῖνο τὸ γενόμενον (ἔχει
γὰρ καὶ νῦν ὁ θεὸς τἀγαθόν) ἀλλ' ὢν ὅ τι ποτ' ἐστίν· δόξειε δ' ἂν τὸ νοοῦν
ἕκαστος εἶναι ἢ μάλιστα. Συνδιάγειν τε ὁ τοιοῦτος ἑαυτῷ βούλεται· ἡδέως
γὰρ αὐτὸ ποιεῖ· τῶν τε γὰρ πεπραγμένων ἐπιτερπεῖς αἱ μνῆμαι, καὶ τῶν
μελλόντων ἐλπίδες ἀγαθαί, αἱ τοιαῦται δ' ἡδεῖαι. Καὶ θεωρημάτων δ' εὐπορεῖ
τῇ διανοίᾳ. Συναλγεῖ τε καὶ συνήδεται μάλισθ' ἑαυτῷ· πάντοτε γάρ ἐστι τὸ
αὐτὸ λυπηρόν τε καὶ ἡδύ, καὶ οὐκ ἄλλοτ' ἄλλο· ἀμεταμέλητος γὰρ ὡς εἰπεῖν.
Τῷ δὴ πρὸς αὑτὸν ἕκαστα τούτων ὑπάρχειν τῷ ἐπιεικεῖ, πρὸς δὲ τὸν φίλον
ἔχειν ὥσπερ πρὸς αὑτόν (ἔστι γὰρ ὁ φίλος ἄλλος αὐτός), καὶ ἡ φιλία τούτων
εἶναί τι δοκεῖ, καὶ φίλοι οἷς ταῦθ' ὑπάρχει. Πρὸς αὑτὸν δὲ πότερον ἔστιν ἢ
οὐκ ἔστι φιλία, ἀφείσθω ἐπὶ τοῦ παρόντος· δόξειε δ' ἂν ταύτῃ εἶναι φιλία,
ᾗ ἐστὶ δύο ἢ πλείω, ἐκ τῶν εἰρημένων, (1166b) καὶ ὅτι ἡ ὑπερβολὴ τῆς
φιλίας τῇ πρὸς αὑτὸν ὁμοιοῦται. Φαίνεται δὲ τὰ εἰρημένα καὶ τοῖς πολλοῖς
ὑπάρχειν, καίπερ οὖσι φαύλοις. Ἆρ' οὖν ᾗ τ' ἀρέσκουσιν ἑαυτοῖς καὶ
ὑπολαμβάνουσιν ἐπιεικεῖς εἶναι, ταύτῃ μετέχουσιν αὐτῶν; Ἐπεὶ τῶν γε κομιδῇ
φαύλων καὶ ἀνοσιουργῶν οὐδενὶ ταῦθ' ὑπάρχει, ἀλλ' οὐδὲ φαίνεται. Σχεδὸν δὲ
οὐδὲ τοῖς φαύλοις· διαφέρονται γὰρ ἑαυτοῖς, καὶ ἑτέρων μὲν ἐπιθυμοῦσιν
ἄλλα δὲ βούλονται, οἷον οἱ ἀκρατεῖς· αἱροῦνται γὰρ ἀντὶ τῶν δοκούντων
ἑαυτοῖς ἀγαθῶν εἶναι τὰ ἡδέα βλαβερὰ ὄντα· οἳ δ' αὖ διὰ δειλίαν καὶ ἀργίαν
ἀφίστανται τοῦ πράττειν ἃ οἴονται ἑαυτοῖς βέλτιστα εἶναι. Οἷς δὲ πολλὰ καὶ
δεινὰ πέπρακται καὶ διὰ τὴν μοχθηρίαν μισοῦνται, καὶ φεύγουσι τὸ ζῆν καὶ
ἀναιροῦσιν ἑαυτούς. Ζητοῦσί τε οἱ μοχθηροὶ μεθ' ὧν συνημερεύσουσιν,
ἑαυτοὺς δὲ φεύγουσιν· ἀναμιμνήσκονται γὰρ πολλῶν καὶ δυσχερῶν, καὶ τοιαῦθ'
ἕτερα ἐλπίζουσι, καθ' ἑαυτοὺς ὄντες, μεθ' ἑτέρων δ' ὄντες ἐπιλανθάνονται.
Οὐδέν τε φιλητὸν ἔχοντες οὐδὲν φιλικὸν πάσχουσι πρὸς ἑαυτούς. Οὐδὲ δὴ
συγχαίρουσιν οὐδὲ συναλγοῦσιν οἱ τοιοῦτοι ἑαυτοῖς· στασιάζει γὰρ αὐτῶν ἡ
ψυχή, καὶ τὸ μὲν διὰ μοχθηρίαν ἀλγεῖ ἀπεχόμενόν τινων, τὸ δ' ἥδεται, καὶ
τὸ μὲν δεῦρο τὸ δ' ἐκεῖσε ἕλκει ὥσπερ διασπῶντα. Εἰ δὲ μὴ οἷόν τε ἅμα
λυπεῖσθαι καὶ ἥδεσθαι, ἀλλὰ μετὰ μικρόν γε λυπεῖται ὅτι ἥσθη, καὶ οὐκ ἂν
ἐβούλετο ἡδέα ταῦτα γενέσθαι αὑτῷ· μεταμελείας γὰρ οἱ φαῦλοι γέμουσιν. Οὐ
δὴ φαίνεται ὁ φαῦλος οὐδὲ πρὸς ἑαυτὸν φιλικῶς διακεῖσθαι διὰ τὸ μηδὲν
ἔχειν φιλητόν. Εἰ δὴ τὸ οὕτως ἔχειν λίαν ἐστὶν ἄθλιον, φευκτέον τὴν
μοχθηρίαν διατεταμένως καὶ πειρατέον ἐπιεικῆ εἶναι· οὕτω γὰρ καὶ πρὸς
ἑαυτὸν φιλικῶς ἂν ἔχοι καὶ ἑτέρῳ φίλος γένοιτο.
V. Ἡ δ' εὔνοια φιλικῷ μὲν ἔοικεν, οὐ μὴν ἔστι γε φιλία· γίνεται γὰρ εὔνοια
καὶ πρὸς ἀγνῶτας καὶ λανθάνουσα, φιλία δ' οὔ. Καὶ πρότερον δὲ ταῦτ'
εἴρηται. Ἀλλ' οὐδὲ φίλησίς ἐστιν. Οὐ γὰρ ἔχει διάτασιν οὐδ' ὄρεξιν, τῇ
φιλήσει δὲ ταῦτ' ἀκολουθεῖ· καὶ ἡ μὲν φίλησις μετὰ συνηθείας, ἡ δ' εὔνοια
καὶ ἐκ προσπαίου,
| [9,1166] IV. (1166a) Les sentiments de bienveillance, et qui constituent les
liaisons d'amitié, semblent avoir leur principe dans ceux qu'on a pour
soi-même : car on appelle ami celui qui veut ou qui fait du bien, ou, au
moins, ce (qu'il croit tel) et qui en a l'apparence, uniquement à cause de
la personne qu'il aime, ou qui veut que son ami vive et se conserve pour
son seul avantage ; et c'est précisément ce que les mères éprouvent pour
leurs enfants, ou bien, ce qu'on ressent pour ses amis, lors même qu'on a
eu avec eux quelque sujet de brouillerie. Se plaire à vivre avec celui
qu'on aime, partager ses goûts, ses peines, ses plaisirs, c'est encore ce
qu'éprouvent surtout les mères, et c'est également ce qui caractérise l'amitié.
Or, c'est aussi ce que ressent pour soi-même tout homme digne d'estime, et
ce que les autres pensent et sentent, en tant qu'ils se regardent
eux-mêmes comme tels ; car la vertu et l'honnête homme semblent être, sous
ce rapport, la mesure d'après laquelle on apprécie chaque individu, comme
nous l'avons déjà dit. C'est ainsi, en effet, qu'on est toujours
d'accord avec soi-même; que l'âme tout entière affectionne toujours
les mêmes objets; et que, par conséquent, on désire et l'on pratique pour
soi-même le bien, ou ce qui paraît tel. Car le devoir de l'honnête homme
est de s'appliquer avec ardeur à son propre bien, c'est-à-dire, pour
l'avantage de cette partie de lui-même qui est capable de raison, et qui
semble être l'essence de chaque individu : aussi aspire-t-il à vivre, à se
conserver lui-même, et surtout cette partie de son être par laquelle il
juge et pense; car vivre est déjà un bien pour celui qui est sage et appliqué.
Au reste, chacun désire pour soi-même ce qui est bon; et, en supposant
qu'un homme pût devenir autre qu'il n'est, personne ne souhaiterait à
cette créature, devenue ainsi (autre que lui-même), les mêmes avantages
qu'il possède. Dieu possède actuellement le bien dont il a la jouissance
éternelle, quelle que soit d'ailleurs la nature de cet être si différent
(de l'homme) ; et c'est l'intelligence surtout qui constitue
essentiellement la nature de chaque individu. Or, un être doué
d'intelligence veut vivre avec lui-même, et y trouve du plaisir; les
souvenirs de ce qu'il a fait ont des charmes pour lui ; l'avenir ne lui
offre que de flatteuses espérances; sa pensée est féconde en sujets de
contemplation; et c'est surtout avec ses propres plaisirs, avec ses
propres peines qu'il se plaît à sympathiser: car il trouve toujours
plaisir ou peine dans les mêmes objets, et jamais ses sentiments ne
varient. Aussi est-il, s'il le faut ainsi dire, incapable de
repentir; et, puisque tels sont les caractères qui se rencontrent dans
l'homme de bien, et qu'il est envers un ami dans les mêmes dispositions où
il est pour lui-même (car un ami est un autre nous-mêmes), il s'ensuit que
l'amitié est quelqu'une des choses que nous venons de dire, et qu'elles se
trouvent dans les amis. Mais laissons, quant à présent, la question de
savoir s'il y a, ou s'il n'y a pas véritablement un amour de soi :
toujours est-il que l'amitié pourrait se reconnaître à deux ou plusieurs
des caractères que nous avons indiqués, (1166b) et que, quand elle
est portée à l'excès, elle ressemble à l'amour de soi.
Toutefois ces mêmes caractères semblent se rencontrer dans un grand nombre
d'individus, qui, d'ailleurs, sont peu dignes d'estime ; serait-ce donc
qu'ils y participent, en effet, par les qualités qui font qu'ils se
plaisent à eux-mêmes, et qu'ils se croient des hommes estimables?
puisque, d'ailleurs, jamais ces marques ne se trouvent en ceux qui sont
tout-à-fait dépravés ou criminels, et qu'il n'y en a pas même l'apparence.
Que dis-je? c'est à peine si on les reconnaît dans les hommes sans
probité; car ils sont peu d'accord avec eux-mêmes, ils désirent certaines
choses, et ils en veulent d'autres, comme les intempérants; préférant les
plaisirs qui leur sont nuisibles, aux biens véritables, et qu'ils jugent
tels. D'autres, par faiblesse ou par indolence, négligent de faire ce
qu'ils croient être le plus avantageux pour eux; d'autres, après avoir
commis un grand nombre d'actions criminelles, victimes de leur propre
perversité, finissent par prendre la vie en horreur, et par se donner la
mort.
Les méchants aussi s'empressent à chercher avec qui passer leur temps; car
ils se fuient eux-mêmes. C'est que leur mémoire leur rappelle incessamment
des choses fâcheuses, et ce supplice se renouvelle pour eux tant qu'ils
sont seuls; au lieu que, quand ils sont avec d'autres, ces images funestes
se dissipent. En un mot, ils n'ont rien d'aimable, rien qui les porte à
s'aimer eux-mêmes : aussi ne sympathisent-ils nullement avec leurs propres
plaisirs, ni avec leurs propres afflictions; leur âme est, pour ainsi
dire, un théâtre de dissensions : d'un côté, en proie à des sentiments de
tristesse, parce que (malgré leurs coupables désirs) ils se voient forcés
de s'abstenir de certaines choses; et, de l'autre, éprouvant de la joie :
déchirée et comme tiraillée, tantôt par ici, et tantôt par là, parce qu'en
effet, il est impossible d'avoir à la fois du plaisir et de la peine; que
bientôt elle s'afflige de ce qui lui avait causé de l'enivrement, et
qu'elle voudrait que ces sujets de joie n'eussent jamais existé pour elle.
Car les méchants sont sans cesse en proie au repentir.
L'homme de ce caractère semble donc bien peu disposé à s'aimer lui-même,
parce qu'il n'a rien qui soit propre à inspirer un pareil sentiment; et,
si cet état est ce qu'il y a de plus misérable, il s'ensuit qu'on doit
fuir de toutes ses forces le vice et la perversité, et s'appliquer à être
homme de bien; car c'est ainsi qu'on parviendra à pouvoir s'aimer
véritablement soi-même, et qu'on se rendra digne d'avoir un ami.
V. Quant à la bienveillance, elle ressemble sans doute à l'amitié,
mais ce n'est pas tout-à-fait l'amitié : car on éprouve de la
bienveillance, même pour des inconnus, et sans presque s'en apercevoir; ce
qui n'a pas lieu pour l'amitié, comme on l'a déjà remarqué. Elle n'est pas
même de l'attachement; car elle n'est accompagnée ni de désir, ni d'une
sorte d'empressement et d'inclination, caractères ordinaires de
l'attachement. Celui-ci suppose quelques habitudes d'une liaison
antérieure; au lieu que la bienveillance naît d'une rencontre fortuite,
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