[6] Εἰδέναι χρή, φίλτατε, διότι, καθάπερ κἀν τῷ κοινῷ βίῳ οὐδὲν
ὑπάρχει μέγα οὗ τὸ καταφρονεῖν ἐστι μέγα, οἷον πλοῦτοι τιμαὶ
δόξαι τυραννίδες καὶ ὅσα δὴ ἄλλα ἔχει πολὺ τὸ ἔξωθεν
προστραγῳδούμενον οὐκ ἂν τῷ γε φρονίμῳ δόξειεν ἀγαθὰ
ὑπερβάλλοντα ὧν αὐτὸ τὸ περιφρονεῖν ἀγαθὸν οὐ μέτριον -
θαυμάζουσι γοῦν τῶν ἐχόντων αὐτὰ μᾶλλον τοὺς δυναμένους ἔχειν
καὶ διὰ μεγαλοψυχίαν ὑπερορῶντας -
τῇδέ που καὶ ἐπὶ τῶν διηρμένων ἐν ποιήμασι καὶ
λόγοις ἐπισκεπτέον, μή τινα μεγέθους φαντασίαν ἔχοι τοιαύτην,
ᾗ πολὺ πρόσκειται τὸ εἰκῇ προσαναπλαττόμενον, ἀναπτυττόμενα
δὲ ἄλλως εὑρίσκοιτο χαῦνα, ὧν τοῦ θαυμάζειν τὸ περιφρονεῖν
εὐγενέστερον. φύσει γάρ πως ὑπὸ τἀληθοῦς ὕψους ἐπαίρεταί τε
ἡμῶν ἡ ψυχὴ καὶ γαῦρόν τι ἀνάστημα λαμβάνουσα πληροῦται
χαρᾶς καὶ μεγαλαυχίας, ὡς αὐτὴ γεννήσασα ὅπερ ἤκουσεν.
ὅταν οὖν ὑπ´ ἀνδρὸς ἔμφρονος καὶ ἐμπείρου λόγων πολλάκις
ἀκουόμενόν τι πρὸς μεγαλοφροσύνην τὴν ψυχὴν μὴ συνδιατιθῇ
μηδ´ ἐγκαταλείπῃ τῇ διανοίᾳ πλεῖον τοῦ λεγομένου τὸ ἀναθεωρούμενον,
πίπτῃ δέ, ἂν αὐτὸ συνεχὲς ἐπισκοπῇς, εἰς ἀπαύξησιν, οὐκ ἂν ἔτ´
ἀληθὲς ὕψος εἴη μέχρι μόνης τῆς ἀκοῆς σῳζόμενον. τοῦτο γὰρ
τῷ ὄντι μέγα, οὗ πολλὴ μὲν ἡ ἀναθεώρησις, δύσκολος δὲ μᾶλλον
δ´ ἀδύνατος ἡ κατεξανάστασις, ἰσχυρὰ δὲ ἡ μνήμη καὶ
δυσεξάλειπτος. ὅλως δὲ καλὰ νόμιζε ὕψη καὶ ἀληθινὰ τὰ διὰ
παντὸς ἀρέσκοντα καὶ πᾶσιν. ὅταν γὰρ τοῖς ἀπὸ διαφόρων ἐπιτηδευμάτων
βίων ζήλων ἡλικιῶν λόγων ἕν τι καὶ ταὐτὸν ἅμα περὶ τῶν αὐτῶν
ἅπασι δοκῇ, τόθ´ ἡ ἐξ ἀσυμφώνων ὡς κρίσις καὶ συγκατάθεσις τὴν
ἐπὶ τῷ θαυμαζομένῳ πίστιν ἰσχυρὰν λαμβάνει καὶ ἀναμφίλεκτον.
| [6] CHAPITRE VI. Des moyens en général pour connaître le sublime.
Il faut savoir, mon cher Terentianus, que dans la vie ordinaire on ne peut
point dire qu'une chose ait rien de grand, quand le mépris qu'on fait de
cette chose tient lui-même du grand. Telles sont les richesses, les
dignités, les honneurs, les empires et tous ces autres biens en apparence
qui n'ont qu’un certain faite au dehors, et qui ne passeront jamais pour de
véritables biens dans l'esprit d'un sage : puisqu'au contraire ce n'est
pas un petit avantage que de les pouvoir mépriser. D'où vient aussi qu'on
admire beaucoup moins ceux qui les possèdent, que ceux qui les pouvant
posséder, les rejettent par une pure grandeur d’âme.
Nous devons faire le même jugement à l'égard des ouvrages des poètes et des
orateurs. Je veux dire, qu'il faut bien se donner de garde d'y prendre
pour sublime une certaine apparence de grandeur bâtie ordinairement sur de
grands mots assemblés au hasard, et qui n’est, à la bien examiner, qu’une
vaine enflure de paroles plus digne en effet de mépris que d'admiration.
Car tout ce qui est véritablement sublime a cela de propre, quand on
l'écoute, qu'il élève l’âme, et lui fait concevoir une plus haute opinion
d’elle-même, la remplissant de joie et de je ne sais quel noble orgueil,
comme si c'était elle qui eût produit les choses qu'elle vient simplement d'entendre.
Quand donc un homme de bon sens et habile en ces matières entendra réciter
un ouvrage, si après l’avoir ouï plusieurs fois, il ne sent point qu'il
lui élève l'âme, et lui laisse dans l’esprit une idée qui soit même au
dessus de ses paroles : mais si au contraire, en le regardant avec
attention, il trouve qu'il tombe et ne se soutienne pas, il n'y a point là
de grand : puisque enfin ce n'est qu'un son de paroles qui frappe
simplement l'oreille, et dont il ne demeure rien dans l'esprit. La marque
infaillible du sublime, c'est quand nous sentons qu'un discours nous
laisse beaucoup à penser, fait d'abord un effet sur nous auquel il est
bien difficile, pour ne pas dire impossible de résister, et qu'ensuite le
souvenir nous en dure, et ne s'efface qu'avec peine. En un mot :
figurez-vous qu'une chose est véritablement sublime, quand vous voyez
qu'elle plaît universellement et dans toutes ses parties. Car lorsqu'en un
grand nombre de personnes différentes de profession et d’âge, et qui n'ont
aucun rapport ni d'humeurs ni d'inclinations, tout le monde vient à être
frappé également de quelque endroit d'un discours ; ce jugement et cette
approbation uniforme de tant d'esprits si discordants d'ailleurs, est une
preuve certaine et indubitable qu'il y a là du merveilleux et du grand.
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