[28] Φέρε δή, λάβωμεν τῷ ὄντι καθαρόν τινα συγγραφέα καὶ
ἀνέγκλητον. ἆρ´ οὐκ ἄξιόν ἐστι διαπορῆσαι περὶ αὐτοῦ τούτου
καθολικῶς, πότερόν ποτε κρεῖττον ἐν ποιήμασι καὶ λόγοις μέγεθος
ἐν ἐνίοις διημαρτημένον ἢ τὸ σύμμετρον μὲν ἐν τοῖς κατορθώμασιν
ὑγιὲς δὲ πάντη καὶ ἀδιάπτωτον; καὶ ἔτι νὴ Δία πότερόν ποτε αἱ
πλείους ἀρεταὶ τὸ πρωτεῖον ἐν λόγοις ἢ αἱ μείζους δικαίως ἂν
φέροιντο; ἔστι γὰρ ταῦτ´ οἰκεῖα τοῖς περὶ ὕψους σκέμματα, καὶ
ἐπικρίσεως ἐξ ἅπαντος δεόμενα. ἐγὼ δ´ οἶδα μὲν ὡς αἱ
ὑπερμεγέθεις φύσεις ἥκιστα καθαραί· τὸ γὰρ ἐν παντὶ ἀκριβὲς
κίνδυνος μικρότητος, ἐν δὲ τοῖς μεγέθεσιν, ὥσπερ ἐν τοῖς ἄγαν
πλούτοις, εἶναί τι χρὴ καὶ παρολιγωρούμενον· μήποτε δὲ τοῦτο
καὶ ἀναγκαῖον ᾖ, τὸ τὰς μὲν ταπεινὰς καὶ μέσας φύσεις διὰ τὸ
μηδαμῆ παρακινδυνεύειν μηδὲ ἐφίεσθαι τῶν ἄκρων ἀναμαρτήτους
ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ καὶ ἀσφαλεστέρας διαμένειν, τὰ δὲ μεγάλα
ἐπισφαλῆ δι´ αὐτὸ γίνεσθαι τὸ μέγεθος. ἀλλὰ μὴν οὐδὲ ἐκεῖνο
ἀγνοῶ τὸ δεύτερον, ὅτι φύσει πάντα τὰ ἀνθρώπεια ἀπὸ τοῦ
χείρονος ἀεὶ μᾶλλον ἐπιγινώσκεται καὶ τῶν μὲν ἁμαρτημάτων
ἀνεξάλειπτος ἡ μνήμη παραμένει, τῶν καλῶν δὲ ταχέως ἀπορρεῖ.
παρατεθειμένος δ´ οὐκ ὀλίγα καὶ αὐτὸς ἁμαρτήματα καὶ Ὁμήρου
καὶ τῶν ἄλλων ὅσοι μέγιστοι, καὶ ἥκιστα τοῖς πταίσμασιν
ἀρεσκόμενος, ὅμως δὲ οὐχ ἁμαρτήματα μᾶλλον αὐτὰ ἑκούσια
καλῶν ἢ παροράματα δι´ ἀμέλειαν εἰκῆ που καὶ ὡς ἔτυχεν ὑπὸ
μεγαλοφυΐας ἀνεπιστάτως παρενηνεγμένα, οὐδὲν ἧττον οἶμαι τὰς
μείζονας ἀρετάς, εἰ καὶ μὴ ἐν πᾶσι διομαλίζοιεν, τὴν τοῦ πρωτείου
ψῆφον μᾶλλον ἀεὶ φέρεσθαι, κἂν εἰ μηδενὸς ἑτέρου, τῆς
μεγαλοφροσύνης αὐτῆς ἕνεκα· ἐπείτοιγε καὶ ἄπτωτος ὁ Ἀπολλώνιος
ἐν τοῖς Ἀργοναύταις ποιητής, κἀν τοῖς βουκολικοῖς πλὴν ὀλίγων
τῶν ἔξωθεν ὁ Θεόκριτος ἐπιτυχέστατος· ἆρ´ οὖν Ὅμηρος ἂν
μᾶλλον ἢ Ἀπολλώνιος ἐθέλοις γενέσθαι; τί δέ; Ἐρατοσθένης ἐν
τῇ Ἠριγόνῃ (διὰ πάντων γὰρ ἀμώμητον τὸ ποιημάτιον) Ἀρχιλόχου
πολλὰ καὶ ἀνοικονόμητα παρασύροντος, κἀκείνης τῆς
ἐκβολῆς τοῦ δαιμονίου πνεύματος ἣν ὑπὸ νόμον τάξαι δύσκολον,
ἆρα δὴ μείζων ποιητής; τί δέ; ἐν μέλεσι μᾶλλον ἂν εἶναι
Βακχυλίδης ἕλοιο ἢ Πίνδαρος, καὶ ἐν τραγῳδίᾳ Ἴων ὁ Χῖος ἢ νὴ Δία
Σοφοκλῆς; ἐπειδὴ οἱ μὲν ἀδιάπτωτοι καὶ ἐν τῷ γλαφυρῷ πάντη
κεκαλλιγραφημένοι, ὁ δὲ Πίνδαρος καὶ ὁ Σοφοκλῆς ὁτὲ μὲν οἷον
πάντα ἐπιφλέγουσι τῇ φορᾷ, σβέννυνται δ´ ἀλόγως πολλάκις καὶ
πίπτουσιν ἀτυχέστατα. ἦ οὐδεὶς ἂν εὖ φρονῶν ἑνὸς δράματος, τοῦ
Οἰδίποδος, εἰς ταὐτὸ συνθεὶς τὰ Ἴωνος πάντ´ ἀντιτιμήσαιτο ἑξῆς.
| [28] CHAPITRE XXVIII. Si l’on doit préférer le médiocre parfait au sublime
qui a quelques défauts.
Peut-être ne sera-t-il pas hors de propos d'examiner ici cette question en
général, savoir lequel vaut mieux, soit dans la prose, soit dans la
poésie, d'un sublime qui a quelques défauts, ou d'une médiocrité parfaite
et saine en toutes ses parties, qui ne tombe et ne se dément point : et
ensuite lequel, à juger équitablement des choses, doit emporter le prix de
deux ouvrages, dont l'un a un plus grand nombre de beautés, mais l'autre
va plus au grand et au sublime. Car ces questions étant naturelles à notre
sujet, il faut nécessairement les résoudre. Premièrement donc, je tiens
pour moi qu'une grandeur au dessus de l'ordinaire n'a point naturellement
la pureté du médiocre. En effet dans un discours si poli et si limé il faut
craindre la bassesse : et il en est de même du sublime que d'une richesse
immense, où l’on ne peut pas prendre garde à tout de si prés, et où il
faut, malgré qu'on en ait, négliger quelque chose. Au contraire il est
presque impossible, pour l'ordinaire, qu'un esprit bas et médiocre fasse
des fautes : car comme il ne se hasarde et ne s'élève jamais, il demeure
toujours en sûreté, au lieu que le grand de soi-même, et par sa propre
grandeur, est glissant et dangereux. Je n'ignore pas pourtant ce qu'on me
peut objecter d'ailleurs, que naturellement nous jugeons des ouvrages des
hommes parce qu'ils ont de pire, et que le souvenir des fautes qu'on y
remarque dure toujours, et ne s'efface jamais : au lieu que ce qui est beau
passe vite, et s'écoule bientôt de notre esprit. Mais bien que j'aie
remarqué plusieurs fautes dans Homère, et dans tous les plus célèbres
auteurs, et que je sois peut-être l'homme du monde à qui elles plaisent le
moins; j'estime après tout, que ce sont des fautes dont ils ne se sont pas
souciés, et qu'on ne peut appeler proprement fautes, mais qu'on doit
finalement regarder comme des méprises et de petites négligences qui leur
sont échappées : parce que leur esprit qui ne s’étudiait qu'au grand, ne
pouvait pas s'arrêter aux petites choses. En un mot, je maintiens que le
sublime, bien qu'il ne se soutienne pas également partout, quand ce ne
serait qu'à cause de sa grandeur, l'emporte sur tout le reste. Qu’ainsi ne
soit, Apollonius, celui qui a composé le poème des Argonautes ne tombe
jamais, et dans Théocrite, ôté quelques ouvrages qui ne sont pas de lui :
il n'y a rien qui ne soit heureusement imaginé. Cependant aimerez-vous
mieux être Apollonius ou Théocrite qu'Homère? L'Erigone d'Ératosthène est
un poème où il n'y a rien à reprendre. Direz-vous pour cela qu'Ératosthène
est plus grand poète qu'Archiloque, qui se brouille à la vérité, et manque
d'ordre et d'économie en plusieurs endroits de ses écrits : mais qui ne
tombe dans ce défaut qu’à cause de cet esprit divin, dont il est entraîné,
et qu’il ne saurait régler comme il veut? Et même pour le lyrique,
choisiriez-vous plutôt d'être Bacchylide, que Pindare ? ou pour la
tragédie, Ion ce poète de Chio, que Sophocle ? En effet ceux-là ne font
jamais de faux pas, et n'ont rien qui ne soit écrit avec beaucoup
d'élégance et d'agrément. Il n'en est pas ainsi de Pindare et de Sophocle :
car au milieu de leur plus grande violence, durant qu'ils tonnent et
foudroient, pour ainsi dire, souvent leur ardeur vient mal à propos à
s'éteindre, et ils tombent malheureusement. Et toutefois y a-t-il un homme
de bon sens qui daignât comparer tous les ouvrages d’Ion ensemble, au seul
Oedipe de Sophocle?
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