[3,31] Λα'.
Ἀντιπαρεξετάσωμεν οὖν ταύτῃ Δημοσθένους λαβόντες λέξιν ἐκ τοῦ ὑπὲρ
Κτησιφῶντος λόγου. Ἔστι δ´ οὐ παράκλησις Ἀθηναίων ἐπὶ τὸ καλὸν καὶ τὴν ἀρετήν,
ὥσπερ παρὰ τῷ Πλάτωνι, ἀλλ´ ἐγκώμιον τῆς πόλεως ὅτι πάντα ἡγεῖται τἆλλα ἐλάττω τιμῆς
καὶ δόξης, ἧς φέρουσι καλαὶ πράξεις, κἂν εἰ μή τις αὐτὰς μέλλοι κατορθοῦν. Ἔστι δ´ ἡ
λέξις ἥδε·
« Ἐπειδὴ δὲ πολὺς τοῖς συμβεβηκόσιν ἔγκειται, βούλομαί τι καὶ παράδοξον εἰπεῖν, καί
μου, πρὸς Διὸς καὶ θεῶν, μηδεὶς τὴν ὑπερβολὴν θαυμάσῃ, ἀλλὰ μετ´ εὐνοίας ἃ λέγω,
θεωρησάτω. Eἰ γὰρ ἦν ἅπασι πρόδηλα τὰ μέλλοντα γενήσεσθαι, καὶ προῄδεσαν ἅπαντες,
καὶ σὺ προὔλεγες, Αἰσχίνη, καὶ διεμαρτύρου, βοῶν καὶ κεκραγώς· ὃς οὐδ´ ἐφθέγξω· οὐδ´
οὕτως ἀποστατέον τῇ πόλει τούτων ἦν, εἴπερ ἢ δόξης ἢ προγόνων ἢ τοῦ μέλλοντος αἰῶνος
εἶχε λόγον. Νῦν μέν γε ἀποτυχεῖν δοκεῖ τῶν πραγμάτων· ὃ πᾶσι κοινόν ἐστιν ἀνθρώποις,
ὅταν τῷ Θεῷ ταῦτα δοκῇ· τότε δ´ ἀξιοῦσα προεστάναι τῶν Ἑλλήνων, εἶτα ἀποστᾶσα
τούτου, Φιλίππῳ προδεδωκέναι πάντως ἂν ἔσχεν αἰτίαν. Εἰ γὰρ ταῦτα προεῖτο ἀκονιτὶ περὶ
ὧν οὐθένα κίνδυνον ὁντινοῦν οὐχ ὑπέμειναν οἱ πρόγονοι, τίς οὐχὶ κατέπτυσεν ἄν σου; μὴ
γὰρ τῆς πόλεώς γε, μηδ´ ἐμοῦ. Τίσι δ´ ὀφθαλμοῖς, πρὸς Διός, ἑωρῶμεν ἂν τοὺς εἰς τὴν
πόλιν ἀνθρώπους ἀφικνουμένους, εἰ τὰ μὲν πράγματα εἰς ὅπερ νυνὶ περιέστη, ἡγεμὼν δὲ
καὶ κύριος ᾑρέθη Φίλιππος ἁπάντων· τὸν δ´ ὑπὲρ τοῦ μὴ γενέσθαι ταῦτα ἀγῶνα, ἕτεροί
τινες χωρὶς ἡμῶν ἦσαν πεποιημένοι; καὶ ταῦτα μηδεπώποτε τῆς πόλεως ἐν τοῖς πρόσθε
χρόνοις ἀσφάλειαν ἄδοξον μᾶλλον ἢ τὸν ὑπὲρ τῶν καλῶν κίνδυνον ᾑρημένης. Τίς γὰρ οὐκ
οἶδεν Ἑλλήνων, τίς δὲ βαρβάρων, ὅτι καὶ παρὰ Θηβαίων καὶ παρὰ τῶν τούτων ἔτι πρότερον
ἰσχυρῶν γενομένων Λακεδαιμονίων, καὶ παρὰ τοῦ Περσῶν βασιλέως, μετὰ πολλῆς χάριτος
τοῦτ´ ἂν ἀσμένως ἐδόθη τῇ πόλει, ὅ τι βούλεται λαβούσῃ, καὶ τὰ ἑαυτῆς ἐχούσῃ, τὸ
κελευόμενον ποιεῖν, καὶ ἐᾶν ἕτερον τῶν Ἑλλήνων προεστάναι; Ἀλλ´ οὐκ ἦν, ὡς ἔοικε,
ταῦτα τοῖς τότε Ἀθηναίοις πάτρια, οὐδ´ ἀνεκτὰ, οὐδ´ ἔμφυτα· οὐδ´ ἐδυνήθη πώποτε τὴν
πόλιν οὐδεὶς ἐκ παντὸς τοῦ χρόνου πεῖσαι τοῖς ἰσχύουσι μὲν, μὴ δίκαια δὲ πράττουσι,
προστιθεμένην ἀσφαλῶς δουλεύειν· ἀλλ´ ἀγωνιζομένη περὶ πρωτείων καὶ τιμῆς καὶ δόξης,
κινδυνεύουσα πάντα τὸν αἰῶνα διετέλεσε. Καὶ ταῦθ´ οὕτως σεμνὰ καὶ καλὰ καὶ
προσήκοντα τοῖς ὑμετέροις ἤθεσιν ὑμεῖς ὑπολαμβάνετε εἶναι, ὥστε καὶ τῶν προγόνων τοὺς
ταῦτα πράξαντας μάλιστα ἐπαινεῖν τε. Εἰκότως. Τίς γὰρ οὐκ ἂν ἀγάσαιτο τῶν ἀνδρῶν
ἐκείνων τῆς ἀρετῆς; οἳ καὶ τὴν χώραν καὶ τὴν πόλιν ἐκλιπεῖν ὑπέμειναν, εἰς τὰς τριήρεις
ἐμβάντες, ὑπὲρ τοῦ μὴ τὸ κελευόμενον ποιῆσαι· τὸν μὲν ταῦτα συμβουλεύσαντα
Θεμιστοκλέα στρατηγὸν ἑλόμενοι, τὴν δ´ ὑπακούειν ἀποφηνάμενον τοῖς ἐπιταττομένοις
Κυρσίλον καταλιθώσαντες, οὐ μόνον αὐτόν, ἀλλὰ καὶ αἱ γυναῖκες αἱ ὑμέτεραι τὴν γυναῖκα
αὐτοῦ. Οὐ γὰρ ἐζήτουν οἱ τότ' Ἀθηναῖοι οὔτε ῥήτορα οὔτε στρατηγόν, δι´ ὅτου
δουλεύσουσιν εὐτυχῶς· ἀλλ´ οὐδὲ ζῆν ἠξίουν εἰ μὴ μετ´ ἐλευθερίας ἐξέσται τοῦτο ποιεῖν.
Ἡγεῖτο γὰρ αὐτῶν ἕκαστος, οὐχὶ τῷ πατρὶ καὶ τῇ μητρὶ μόνον γεγενῆσθαι, ἀλλὰ καὶ τῇ
πατρίδι. Διαφέρει δὲ τί; ὅτι ὁ μὲν τοῖς γονεῦσι μόνον γεγενῆσθαι νομίζων, τὸν τῆς
εἱμαρμένης καὶ τὸν αὐτόματον θάνατον περιμένει· ὁ δὲ καὶ τῇ πατρίδι, ὑπὲρ τοῦ μὴ ταύτην
ἐπιδεῖν δουλεύουσαν, ἀποθνῄσκειν ἐθελήσει, καὶ φοβερωτέρας ἡγήσεται τοῦ θανάτου τὰς
ὕβρεις καὶ τὰς ἀτιμίας, ἃς ἐν δουλευούσῃ τῇ πόλει φέρειν ἀνάγκη. Εἰ μὲν τοίνυν τοῦτ´
ἐπεχείρησα νῦν λέγειν ὡς ἐγὼ προήγαγον ὑμᾶς ἄξια τῶν προγόνων φρονεῖν, τίς οὐκ ἂν
εἰκότως ἐπετίμησέ μοι; νῦν δ´ ἐγὼ μὲν ὑμετέρας τὰς τοιαύτας προαιρέσεις ἀποφαίνω, καὶ
δείκνυμι, ὅτι καὶ πρὸ ἐμοῦ τοῦτ´ εἶχε τὸ φρόνημα ἡ πόλις· τῆς μέντοι διακονίας τῆς ἐφ´
ἑκάστοις τῶν πεπραγμένων, καὶ ἐμαυτῷ μετεῖναί φημι. Οὗτος δὲ ὁ τῶν ὅλων κατηγορῶν,
καὶ κελεύων ὑμᾶς ἐμοὶ πικρῶς ἔχειν, ὡς φόβων καὶ κινδύνων αἰτίῳ τῇ πόλει γεγένημένῳ,
τῆς μὲν εἰς τὸ παρὸν τιμῆς ἐμὲ ἀποστερῆσαι γλίχεται, τὰ δ´ εἰς ἅπαντα τὸν χρόνον ἐγκώμια
ὑμῶν ἀφαιρεῖται. Εἰ γὰρ ὡς οὐ τὰ βέλτιστα ἐμοῦ πολιτευσαμένου καταψηφιεῖσθε,
διημαρτηκέναι δόξετε, οὐ τῇ τῆς τύχης ἀγνωμοσύνῃ τὰ συμβάντα παθεῖν. Ἀλλ´ οὐκ ἔστιν
ὅπως ἡμάρτετε, ἄνδρες Ἀθηναῖοι, οἱ τὸν ὑπὲρ τῆς ἁπάντων ἐλευθερίας καὶ σωτηρίας
κίνδυνον ἀράμενοι· οὐ μὰ τοὺς ἐν Μαραθῶνι προκινδυνεύσαντας τῶν προγόνων, καὶ τοὺς
ἐν Πλαταιαῖς παραταξαμένους. Καὶ τοὺς ἐν Σαλαμῖνι ναυμαχήσαντας, καὶ τοὺς ἐπ´
Ἀρτεμισίῳ, καὶ πολλοὺς ἑτέρους τοὺς ἐν τοῖς δημοσίοις μνήμασι κειμένους ἀγαθοὺς
ἄνδρας· οὓς ἅπαντας ὁμοίως ἡ πόλις τῆς αὐτῆς ἀξιώσασα τιμῆς ἔθαψεν, Αἰσχίνη, οὐχὶ τοὺς
κρατήσαντας αὐτῶν, οὐδὲ τοὺς κατορθώσαντας μόνους· δικαίως. ὃ μὲν γὰρ ἦν ἀγαθῶν
ἀνδρῶν ἔργον, ἅπασι πέπρακται· τῇ τύχῃ δέ, ἣν ὁ δαίμων ἔνειμεν ἑκάστοις, ταύτῃ
κέχρηνται. »
| [3,31] XXXI. Comparons à ce morceau un exemple de Démosthène, tiré du discours pour
Ctésiphon. Ce n'est point, comme dans Platon, une exhortation adressée aux Athéniens pour
les animer à l'honneur et à la vertu; mais un éloge de leur république, où rien ne paraissait
au-dessus de la gloire et des honneurs attachés aux grandes entreprises, lors même qu'elles
n'aboutissaient; point à un heureux résultat. L'orateur s'exprime en ces termes :
« Puisque mon adversaire insiste sur l'événement, je vais dire une chose qui peu
paraître étrange; mais je vous en conjure, au nom de Jupiter et des dieux, que personne ne
s'étonne de mon langage ! écoutez-moi plutôt avec bienveillance. Oui, quand même l'avenir
se fût montré sans voile à nos yeux ; quand même tout le monde l'eût prévu; quand même
vous l'auriez révélé à grands cris, ô Eschine, vous qui n'avez pas ouvert la bouche, la
république ne devait pas renoncer à cette entreprise, pour peu qu'elle respectât la gloire de
nos ancêtres et le jugement de la postérité. Nos efforts ont été malheureux ! Tous les
hommes ne sont-ils pas sujets à de semblables revers, lorsque les dieux l'ordonnent? Mais si
après avoir été jugée digne de dominer sur la Grèce, Athènes se fût dessaisie de la
suprématie, ne l'aurait-t-on accusée de livrer la Grèce à Philippe. Si elle eût renoncé, sans
combat, à des prérogatives que nos ancêtres ont conquises au prix des plus grands dangers,
quel citoyen ne vous aurait pas accablé de mépris, Eschine? car le mépris n'aurait atteint ni
la patrie, ni ma personne. Au nom de Jupiter, de quel oeil verrions-nous tous les Grecs
accourir dans notre ville, si dans l'état où nos affaires sont réduites, et lorsque Philippe est
devenu notre chef et le maître de tout, nous n'avions pris aucune part aux efforts des autres
peuples, pour détourner un tel malheur; surtout, dans une ville qui, jusqu'à présent, n'a
jamais préféré une sécurité honteuse à de glorieux dangers ? Quel peuple de la Grèce, quelle
nation barbare ignore que les Thébains et les Lacédémoniens, qui furent puissants longtemps
avant eux, et même le roi des Perses, auraient permis volontiers à notre patrie de garder sous
sa domination toutes les terres qu'elle aurait voulu, et de conserver ses propres possessions,
pourvu qu'elle se fût soumise à recevoir la loi et à laisser la suprématie à un autre peuple.
Mais les Athéniens, à cette époque, trouvaient une telle dépendance indigne de leur pays;
elle leur parut insupportable et contraire à leurs moeurs. Personne jamais n'a pu déterminer
notre république à devenir l'alliée d'un peuple puissant, mais injuste, pour jouir d'un paisible
esclavage; jamais elle n'a cessé de combattre pour la suprématie, et de braver tous les
dangers pour l'honneur et pour la gloire. Ces sentiments vous paraissent si nobles, si élevés,
si conformes à votre caractère, que parmi vos ancêtres, vous louez surtout ceux qui ne s'en
écartèrent point dans leur conduite; et c'est avec raison. Qui pourrait, en effet, ne pas
admirer la vertu de ces citoyens qui eurent le courage d'abandonner leur patrie et leur
territoire, et de se réfugier sur des galères, plutôt que de subir les conditions dictées par
l'étranger; qui prirent pour chef Thémistocle, principal auteur de cette détermination, et
lapidèrent Cyrsile qui les avait engagés à se soumettre. Leur haine ne tomba pas seulement
sur lui : son épouse même fut massacrée par les femmes d'Athènes. Dans ce siècle, les
Athéniens ne cherchaient point un orateur ou un général capable de leur assurer un heureux
esclavage : ils n'auraient pas même voulu vivre, s'ils n'avaient pu conserver la liberté avec la
vie. Chacun se croyait né non seulement pour son père et pour sa mère, mais surtout pour sa
patrie. Quelle influence un tel sentiment peut-il avoir sur la conduite ? Je vais vous
l'apprendre. L'homme qui ne se croit né que pour ses parents, attend que l'ordre des destins
s'accomplisse et que la mort vienne le frapper; tandis que celui qui se sent né pour la patrie,
court volontiers au trépas, pour la sauver de l'esclavage. A ses yeux, la mort est moins
terrible que l'ignominie qu'il faut dévorer dans un état enchaîné sous le joug de la servitude.
Si j'osais prétendre que je vous ai inspiré des sentiments dignes de vos ancêtres, qui de vous
n'aurait pas le droit de m'adresser des reproches? Mais je soutiens que tels ont toujours été
vos principes; et qu'avant moi, ils furent l'âme de notre république : seulement, je demande
aussi ma part dans les services que chacun de nous a rendus à la patrie. Eschine attaque
toute ma conduite, il cherche à vous aigrir contre moi, il m'accuse d'être l'auteur de toutes les
alarmes et de tous les périls qui ont assiégé l'état : en s'efforçant de me ravir la gloire que je
viens d'acquérir, il vous prive vous-mêmes des louanges de la postérité. Si vous condamnez
Ctésiphon, parce que je n'ai pas bien administré la république, on pourra dire que vous avez
failli; et vos malheurs ne seront plus imputés à la malignité de la fortune. Mais non, vous
n'avez point failli, Athéniens, en affrontant les plus grands dangers pour la liberté et le salut
de la Grèce ! Non, vous n'avez point failli, j'en atteste les mânes de nos ancêtres qui périrent
à Marathon, à Platée, à Salamine, à Artémise, et tant de braves citoyens qui reposent dans
les tombeaux publics. La patrie, Eschine, leur a décerné à tous les mêmes honneurs; oui, à
tous, et non pas seulement à ceux dont les efforts furent couronnés par la victoire. Elle a
pourvu elle-même aux frais de leurs funérailles, et c'est avec justice ; car ils ont tous rempli
le devoir de bons citoyens, mais chacun d'eux a subi le sort qui lui était réservé. »
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